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dimanche, 08 novembre 2015

Fallout 4 [Jeux Vidéo/Aperçus]

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Dernière ligne droite pour Fallout 4 qui va débarquer dans les rayons le 11 novembre et qui nous régale à cette occasion d'un ultime trailer :

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L'ambiance de cette image me rappelle pas mal une course-poursuite dans ma fanfic

Il n'y aura peut-être pas de véhicule terrestre, mais on pourra voyager en vertiptère (de manière scriptée ou libre, la question reste encore ouverte) et même voler puisque l'armure de la Confrérie de l'Acier inclura un jet-pack !!! Une bonne idée en guise de compromis.

La conférence de Bethesda a eu lieu cette nuit aux environs de 4h du mat' avec en prime plusieurs vidéos de gameplay (non traduites) que je vous laisse le soin de (re)découvrir. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'éditeur présente déjà un contenu effarant, propre à combler les fans de la série et les nouveaux-venus amateurs de liberté. En tout cas, ça donne furieusement envie d'être déjà au 15 novembre de cette année, date de sortie du jeu (sauf report).

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Vous trouvez pas que l'enquêteur a un air de ressemblance avec Todd Howard, producteur et game designer attitré de Bethesda ?

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vendredi, 23 octobre 2015

Retour vers le Futur : 30 ans ! [Cinéma/Hommages]

Dans Retour vers le Futur 2, Marty et Doc se propulsaient dans le futur, plus précisément le 21 octobre 2015. Nom de Zeus, voilà une occasion en or de fêter cette trilogie culte de Robert Zemeckis (Flight) produite par Spielberg (E.T., Jurassic Park) et ça c'est le pied ! Spéciale dédicace à Nico, fan absolu !

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Le thème mémorable de la trilogie avec son compositeur, Alan Silvestri (Predator), aux commandes de l'orchestre.

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Vision futuriste de la fameuse Delorean.

 

En Lien :

The Lexus Hoverboard

Le Voyage dans le Temps

Mon Top 5 Caisses de Cinoche

 

 

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vendredi, 09 octobre 2015

Red Faction Guérilla [Jeux Vidéo/Critiques]

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 TU TE CASSES SUR MARS !

Vous incarnez Alex Mason, un mineur fraîchement débarqué sur Mars qui va se retrouver malgré lui à la tête d'une révolte contre la dictature en place incarnée par l'EDF (non rien à voir avec notre électricité).

On pourrait en toute logique penser que son concept de destruction massive et permanente (tout est destructible et de manière définitive) est le seul argument de Red Faction Guerilla, mais le fait est que ce n'est pas la vérité.

Outre un monde ouvert convainquant et un gameplay très agréable, le jeu de Volition met également en avant un système de Moral. Vos actions en faveur de la population et donc contre l'EDF rallieront de plus en plus de citoyens à votre cause, ce qui vous octroiera différents avantages comme plus de caisses de munitions, d'avantages de Métaux comme récompenses aux missions et donc plus de renforts lors des escarmouches.

Mais le système marche aussi dans l'autre sens et c'est cela qui le rend très intéressant. Ainsi, si vous tuez des civils, si vous perdez trop d'hommes ou si vous mourrez, votre Moral baissera proportionnellement.

Sachant que les missions principales se débloquent selon un certain niveau de Moral, à l'image du Respect dans les Saints Row et du Chaos dans les Just Cause, on comprend vite l'intérêt de bien faire les choses pour pouvoir progresser.

Les Actions de Guérilla, certaines missions annexes uniques (les missions avec Jenkins) d'autres rejouables (défis de démolition) vous permettront de renforcer également le Moral, de réduire le contrôle de l'EDF et/ou de gagner du Métal. Egalement des évènements aléatoires qui donnent une certaine dynamique. Elles sont totalement optionnelles et les ignorer n'entraîne aucun malus un peu comme celles de Far Cry 4.

Le Métal est donc la monnaie du jeu. Vous l'obtenez en détruisant des édifices, en réussissant des missions, des défis annexes. Il vous permet d'acheter des items spéciaux (jet-pack, déplacement rapide,...), de nouvelles armes, de les améliorer et d'augmenter leurs munitions. Les armes sont plutôt variées, cela va de divers explosifs à des mitraillettes plus classiques en passant par le fusil à nanites (qui désintègre la matière), le broyeur (un lance-disques) et les armes de corps à corps (le marteau, la lance des maraudeurs). Dès que l'on ramasse une nouvelle arme, elle est automatiquement enregistrée dans notre stock, donc pas besoin de toutes les acheter. On apprécie.

Le monde ouvert est réussi, peu vivant comparé à ce qui se fait maintenant, mais cela reste suffisant.

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Si un jeu encourage bien la destruction de l'environnement, c'est bien celui-ci !

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Si Mars peut se résumer à des plaines désertiques et des montagnes, l'ambiance est très réussie, on se croirait vraiment sur la planète rouge. Les différents secteurs ont chacun des couleurs spécifiques qui changent d'ailleurs radicalement dès que l'on passe de l'un à l'autre. La topographie accidentée permet en outre des cascades assez fun. Les véhicules sont d'ailleurs taillées pour ce type de terrain. Assez variés et plutôt originaux, avec une mention spéciale pour les véhicules des maraudeurs qui nous donnent la sensation d'être en plein Mad Max.

Peu d'intérêt à l'exploration en dehors des dépôts de minerais à extraire, des enregistrement audio à trouver et en lien les bombes Ultor à détruire. Ultor qu'on retrouve dans Saints Row 2, normal c'est Volition qui a également développé cette série.

Pas mal de griefs à retenir qui nuisent à l'ensemble et qui en font donc un jeu très fun, mais à court terme seulement :

Scénario bateau fort de quelques séquences intéressantes, mais qui manque de belles occasions de réellement nous passionner. A ce titre la rencontre avec les maraudeurs aurait pu être beaucoup mieux exploitée.

Beaucoup d'allers-retours inutiles qui plombent le rythme.

L'on ne peut sauvegarder que si l'alerte est verte.

Certains véhicules ne peuvent accueillir plus d'un passager et les otages délivrés étant incapables de conduire eux-mêmes, on se retrouve à les attendre tandis que l'ennemi nous mitraille.

On sort parfois de la zone de mission sans y prendre garde et on en est averti que lorsqu'il est trop tard.

On veut faire une activité annexe de démolition, mais on s'aperçoit qu'on a pas l'arme requise et le jeu ne le prenant pas en compte ne nous la donne pas et le chrono défile comme si de rien n'était.

Contrairement aux armes, il est impossible de stocker les véhicules que l'on trouve au gré de notre exploration. Si bien que pour avoir le plaisir de les piloter il faudra noter les emplacements précis où les trouver dans certains cas (véhicules des maraudeurs, robots) ou provoquer les conditions requises pour les voir apparaître (véhicules militaires de l'EDF).

Une fois reconquise, les zones n'offrent plus trop d'intérêt puisque l'EDF s'en est allée. C'est logique et en même temps un monde ouvert implique qu'on y joue sur le long terme.

Et enfin une difficulté exacerbée qui même en mode Facile vous verra mourir de nombreuse fois à cause du nombre très important d'ennemis et de l'agressivité de l'IA.

 

 

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dimanche, 02 août 2015

Spring, Automata, Faults [Cinéma/Critiques]

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Un jeune californien perd en peu de temps tout ce qui pouvait le raccrocher à son existence. Sur les conseils de ses proches il décide de refaire sa vie en Italie. Là-bas, il va faire la connaissance d'une mystérieuse et troublante autochtone qui va lui faire oublier définitivement son infortune.

Dès la première scène (et quelle scène !) le film nous prend aux tripes. Le destin du héros nous bouleverse instantanément et l'on s'attache à lui, espérant qu'il trouvera le bonheur qu'il est en droit de mériter malgré un penchant pour l'alcool et les mauvaises fréquentations.

Ce petit caïd des banlieues va progressivement se métamorphoser sous nos yeux au contact des beautés de l'Italie et en particulier d'une. On assiste alors à la naissance d'une belle love-story qu'on suit avec intérêt grâce au charme de ce couple inattendu.

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Très crédible grâce à une narration fluide et une interprétation très naturelle, Spring est le type de film dont il est difficile de cerner les intentions si on ne sait rien à son sujet sans pour autant nous lasser ou nous ennuyer et c'est là l'une de ses grandes qualités.

Aussi lorsque l'ambiance s'altère quelque peu, l'aspect intimiste a tellement bien été retranscrit qu'on accepte d'emblée l'intrusion du surnaturel. On accepte d'autant mieux le fantastique lorsque le cadre dans lequel il apparait est hyper-réaliste. C'est vraiment le cas ici. Mais malheureusement un malaise survient lorsque c'est le surnaturel qui prend clairement le dessus, revoyant les ambitions des réalisateurs brutalement à la hausse, mais plombant le crédit de l'histoire et des personnages.

Ce n'est pas visuellement que cela pose problème puisque les effets spéciaux sont bien dosés et de qualité, mais c'est bien à cause de la révélation et du devenir du couple que naît une incrédulité croissante. Le concept est fort attrayant, mais on passe du coq à l'âne et au même titre que les personnages on nous demande d'y croire dur comme fer en quelques instants. Un peu trop grosses à avaler ces couleuvres d'autant que la fin se termine en queue de poisson (oui il est question d'animalité, mais je ne vous en dirai pas plus).

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Les premières minutes plantent immédiatement le décor : une mégalopole pluvieuse, des hologrammes géants, un homme armé vêtu d'un imperméable transparent brandit son arme vers un androïde... Les amateurs de SF sont en terrain connu, l'ombre de Blade Runner plane sur ce film. Hommage appuyé ? Certainement. Ambition de faire aussi bien ? Mieux ? On attend de voir, car le sujet a déjà été maintes fois abordé et même très récemment (Ex-Machina) et cela a donné lieu à quelques chefs d'oeuvre et de bonnes exploitations.

Qui dit robot, dit Asimov ? Pas forcément, pourtant l'auteur culte se voit régulièrement associé au septième art directement ou non. Les fameuses lois de la robotique, c'est lui et c'est un peu devenu la bible en matière d'interaction homme/humanoïde en témoignent les adaptations de I, Robot et de L'Homme Bicentenaire.

 

Dans Automata, elles sont citées d'une certaine façon et constituent le point de départ de l'intrigue. Un robot commet un acte qui remet en question les directives auxquelles il est censé être soumis. A partir de là, un simple agent d'assurance va se transformer en détective privé afin d'éclaircir ce mystère qui, bien entendu, va prendre des proportions croissantes au fur et à mesure de son enquête avec son lot de menaces et de révélations.

Oui ça rappelle énormément le pitch de I, Robot. Mais pas que. Le film renvoie également à Intelligence Artificielle. Ca aurait pu n'être qu'anecdotique, sauf que Automata, après nous avoir bien émoustillé, finit par nous mettre le doute sur sa capacité à s'inscrire dignement parmi toutes les références précitées. Et puis après c'est carrément l'autoroute pour l'ennui.

En fait la traversée du désert que subit littéralement Antonio Banderas pendant un très long moment, le spectateur la vit aussi d'un point de vue émotionnel. Car rien ne se passe. Exceptés une phrase ou deux et des envolées poétiques rapidement avortées, le film passe à côté de son potentiel, tourne en rond, pour nous offrir un final abracadabrant qui finit de nous convaincre que tout a été dit avant et beaucoup mieux. Banderas s'implique totalement (mais en vain) et c'est ce qu'on retiendra le plus. (ah et il partage quelques scènes avec sa femme Melanie Griffith).

Et les robots dans tout ça ? Un design intéressant car atypique, mais pourquoi les avoir rendus aussi impotents physiquement alors qu'ils sont censés pouvoir défendre un humain lors d'un affrontement ? D'ailleurs ils n'y parviennent pas. La script devait être en congé maladie, de même que les techniciens...

En même temps quand je vois à quel point j'ai changé d'avis sur Looper, je préfère annoncer que cette critique n'est peut-être pas définitive. C'est ça qui est bien avec le cinéma.

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Leland Orser fait partie depuis des années des éternels seconds rôles que chérit Hollywood. Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous l'avez certainement déjà vu, pas longtemps, mais à chaque fois dans des prestations mémorables : l'infortuné porteur du godemichet de Se7en ? C'était lui.  La bombe à retardement de Alien Resurrection ? Lui à nouveau. Le pote de Liam Neeson dans la trilogie Taken ? Encore lui !

Le genre d'acteur qui aligne les bons points, mais qui squatte pourtant désespérément le fond de la classe. Heureusement la roue tourne.

Dans Faults, il a le premier rôle et c'est pour lui l'occasion rêvée de montrer tout ce qu'il a et il ne s'en prive pas. Le film prend ainsi des allures tragi-comiques malgré son sujet ô combien délicat. Le sujet du film ? La mission de Leland : déconditionner une jeune femme suite à son séjour dans une secte, à la demande de ses parents. Et résoudre en parallèle un problème financier avec son agent littéraire.

La performance de l'acteur suffirait à rendre Faults indispensable, mais il y a encore deux arguments de poids pour vous convaincre de vous jeter sur cette pépite majoritairement en huit-clos (à vos risques et périls, on en sort pas indemne).

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Mary Elizabeth Winstead est bien connue elle aussi (Die Hard 4, Boulevard de la Mort, Scott Pilgrim) comme l'éternelle fiancée idéale dira-t-on. Adorable, mais d'un tempérament de feu. Dans Faults (dont elle est également productrice, oui elle est intelligente en plus !) elle incarne Claire, victime donc d'une secte qui lui a implanté un paquet d'idée bien débiles. La manière dont elle y croit fait froid dans le dos et l'actrice de nous bluffer elle aussi par un contre-emploi qu'on ne pouvait que lui souhaiter.

Troisième argument : le rebondissement et le message du film qui du coup peut difficilement être plus percutant. Là je me tais, car ça se mérite pas autrement qu'en les découvrant soi-même. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Moi j'en ai encore la nausée.

A noter la présence de Beth Grant dans le rôle de la mère de Claire connue des cinéphiles pour avoir incarné la directrice d'école de Donnie Darko ainsi que Lance Reddick connu des amateurs de séries grâce à son rôle de Broyles (le patron d'Olivia) dans Fringe, ici dans la peau d'un homme de main dissuasif.

 

 

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jeudi, 18 juin 2015

Half Life 2 [Jeux Vidéo/Critiques]

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Le visage de Gordon Freeman, le héros, qu'on ne verra jamais dans le jeu (Vue subjective oblige) et Alyx, partenaire sur qui il pourra compter aux moments décisifs.

A l'heure où Microsoft vient d'annoncer une rétrocompatibilité des jeux entre 360 et One (c'est pas dommage !), une bonne occasion de revenir sur un titre majeur rétrocompatible entre Xbox et 360.

Half Life 2 a une place très particulière dans mon coeur de gamer puisqu'il s'agit sans doute du premier jeu qui a su véritablement m'immerger dans un univers et m'impressionner par sa dimension cinématographique.

A ce titre, les première minutes demeurent encore pour moi aujourd'hui un modèle d'introduction que je refais à chaque fois avec le même plaisir.

On arrive en train dans la cité 17 comme un anonyme voyageur et les premiers pas dans cette ville suintant le totalitarisme sont aussi frappants que notre capacité à interagir avec les PNJ et les objets dans un jeu qui se présente tout d'abord comme un simple FPS.
Valve annonce très tôt ses ambitions et ce n'est bien entendu qu'un apéritif.

Notre progression est linéaire, puisque le chemin est balisé, mais l'impression de liberté est très présente et les scripts que l'on déclenche ont le don de nous convaincre que les scènes dramatiques auxquelles on assiste ne sont que le fruit du hasard. Tout ceci renforcé par un système de sauvegarde manuel et souple qui permet de reprendre précisément où l'on sest arrêté. Ou l'art de créer subtilement l'illusion d'un monde ouvert...

Il faut dire que ce second épisode a un ingrédient de taille, un directeur artistique de génie en la personne de Viktor Antonov (Dishnored). Les ambiances se suivent sans jamais se ressembler, renouvelant constamment l'intérêt. On a ainsi le sentiment de passer d'un jeu à un autre, d'un FPS nerveux à un Horror Survival  en passant par un jeu de course, ou encore un jeu d'exploration et d'énigmes à la Tomb Raider.

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On peut faire difficilement plus emblématique comme image : le gravity gun couplé à une lame de scie circulaire. Un plaisir jamais épuisé !

Et bien sûr, grâce à l'exploitation remarquable du gameplay et de la physique (révolutionnaire pour l'époque), on expérimente sans cesse les interactions avec les objets et le décor, ce qui annihile complètement l'aspect linéaire de certains niveaux.

La narration est très mise en avant et la mise en scène attractive sans pour autant envahir le jeu (pas comme aujourd'hui). On salue la performance qui a permis d'obtenir un rendu des visages très réaliste. Même aujourd'hui Half Life 2 n'a pas à rougir.

Mais comme aucun jeu n'est parfait, il faut signaler la rigidité des déplacements et des chargements fréquents qui cassent le rythme.

 

 Bonus :

Alyx et le gravity gun en action et en live

 

 

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samedi, 30 mai 2015

Kung Fury [Vidéos/Court-métrages]

Une fois n'est pas coutume, le travail d'une équipe de passionnés explose le cinéma d'Hollywood dans tous les sens du terme.  Dialogues, musique et mise en scène, rien n'est laissé au hasard, ça déborde d'humour et d'imagination. Totalement jouissif !!!

En Lien

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A l'époque de Far Cry 3, Ubisoft nous avait déjà offert un pastiche en jeu vidéo bien délire dans le même esprit  et qui a marqué les nôtres. La guest n'était pas David Hasselhoff, mais Michael Biehn (Terminator, Aliens) qui prête sa voix au héros.

 

 

 

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mardi, 26 mai 2015

Mad Max : Fury Road [Cinéma/Critiques]

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La bonne nouvelle : Charlize Theron est dans le film et elle crève l'écran. La mauvaise : ce n'est pas elle Max. Une petite crête de punk lui aurait été comme un gant !

Moteur bridé, pneus crevés  !!!

Le film commence par une voix off de Max qui d'emblée ne colle pas avec le personnage. Puis des visions au cours de son évasion pour introduire le spectateur dans son esprit torturé. Sauf que ça ne fonctionne pas. Un petit avant-goût de la suite ?

En voyant le poids lourd caparaçonné prendre le large rapidement assailli par un essaim de fous furieux du volant, on pense immédiatement à la course-poursuite qui clôturait de manière spectaculaire le 2ème opus de la saga. Mais l'hommage prend une tournure plus discutable lorsqu'on réalise que la première moitié du film n'est ni plus ni moins qu'une resucée de la séquence finale de Mad Max 2, une sorte de version longue.

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Le masque en jette, on en dira hélas pas autant du reste de Immortan Joe.

Malheureusement il n'y a pas que ça qui dérange. Puisque George Miller nous ressert la même sauce pour la dernière demi-heure avec entre les deux quasiment rien à se mettre sous la dent.

Le méchant qu'on espérait aussi charismatique que son masque n'est pas la hauteur et Tom Hardy quant à lui est vite relégué à un simple faire-valoir, transparent, insipide pour ne pas dire carrément inutile. Pas de quoi faire de l'ombre à Mel Gibson, loin de là.

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Tom Hardy (Inception) se prendrait-il  encore pour Bane (The Dark Knight Rises) ? En tout cas, il plombe toujours autant l'intérêt et ce n'est pas le canon scié qui change la donne. Faudrait pas que ça devienne une habitude !

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Y a comme une parenté entre Imperator Furioza et la Helen Ripley de Alien 3. Même physique, même combativité, même fragilité. Après Aeon Flux et Prometheus, Charlize Theron poursuit sa carrière au rayon SF. De plus en plus incontournable !

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On en dira pas autant de Imperator Furiosa, campée par une Charlize Theron (Blanche-Neige et le Chasseur) très à son aise. En la voyant se battre comme une lionne contre les hommes et les éléments, une évidence nous frappe et on a dès lors qu'une seule question en tête qui ne nous quittera plus : Pourquoi Miller n'en a-t-il pas fait sa seule véritable héroïne, un Mad Max au féminin ? Parce que la plus grande folie c'est bien elle qui la commet et ce, dès le début, en privant Immortan Joe de la crème de son harem, ses plus belles reproductrices destinées à lui donner l'héritier parfait, sain de corps et d'esprit.

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Encore une tête de zombie pour Nicholas !

Le clan des Warboys est intéressant avec ses castes et ses codes, et voir Nicholas Hoult (X-Men : Le Commencement, Warm Bodies) jouer les albinos cinglés est sans aucun doute l'une des (trop rares) bonnes surprises du film.

Autre coup de génie : les véhicules qui ont fait l'objet d'un soin particulier. Leur design inspiré, croisement parfois improbable de plusieurs modèles, impressionne constamment, que ce soit par leur taille ou leur visuel défiant l'imagination; De véritables monstres, des personnages à part entière qu'on a grand plaisir à voir évoluer dans ce désert sans fin où la poussière et les flammes jaillissent comme pour lui donner vie. Pour autant l'action et la violence attendues demeurent désespérément sages à l'exception de quelques cascades audacieuses et plans décoiffants. Car dès que la mise en scène semble enfin prendre son envol, elle retombe aussi sec, comme si Miller n'avait jamais eu le cran d'enclencher la vitesse supérieure. On attend fébrile, on espère un revirement, mais il faut se rendre à l'évidence : la folie promise n'est pas au rendez-vous. 

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L'une des cascades les plus mémorables du film. George Miller affirme avoir eu très peu recours aux effets numériques, privilégiant l'action en live avec un max de sécurité.

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Le Joker se tape l'incruste :-)

On se consolera comme on pourra en revisionnant (une énième fois) Mad Max 2 (décidément indétrônable) et en attendant l'adaptation vidéo-ludique concoctée par les créateurs de Just Cause 1 & 2. Ou bien en revoyant ce trailer qui s'impose comme une bien meilleure alternative aussi courte soit-elle, sublimé par le Dies Irae de Verdi :

Avec aussi Zöe Kravitz (Good Kill, X-Men : Le Commencement).

Marrant ça fait un moment que je me dis justement qu'une extension post-apo pour GTA V serait vraiment géniale !

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Je verrais assez bien Pink aussi en guerrière du futur, elle qui avait incarné une gladiatrice dans un spot pour Pepsi et qui, curieusement, n'a pas encore été associée à un film de genre digne de ce nom. Pour l'anecdote, elle a prêté sa voix à un personnage de Happy feet 2 (Gloria), un film d'animation réalisé par...George Miller ! Tout est possible donc !

 

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

Mad Max 2  WaterworldDoomsday

pas d'image pas d'image Brütal Legend

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samedi, 11 avril 2015

The Giver [Cinéma/Critiques]

the giver

Le pouvoir de Jonas est des plus fascinants : il puise sa volonté dans des souvenirs qui ne lui appartiennent pas, il évolue grâce à des émotions que ni lui, ni ses semblables ne connaissent. Difficile de résister à l'envie de les partager.

Dans une société où tout est contrôlé afin de ne pas reproduire les erreurs du passé, chacun reçoit sa fonction en accord avec ses aptitudes. Alors que Jonas semble être le grand oublié de la cérémonie, la Doyenne le confie aux bon soins du Passeur afin de lui fournir une formation très  spéciale qui va élargir violemment sa perception de la réalité.

A sa sortie, j'ai délibérément ignoré ce film sentant à plein nez le parfait produit ciblé pour ados comme on en voit se multiplier depuis quelques années. Adapté lui aussi d'un livre à succès, mettant en scène de jeunes et beaux héros, victimes d'une société idéale et aliénante dont ils vont vouloir forcément se libérer avec en filigrane une gentille petite love story. Bah oui, dit comme ça, on a qu'une envie, c'est de passer son chemin, tellement ça sent le réchauffé.

Sauf que The Giver réserve des surprises et des bonnes.

A commencer par le parti pris de sa mise en scène. De par ce choix esthétique évolutif et l'histoire centrée sur l'abolition des émotions et leur découverte, on pense malgré cette originalité apparente à deux films mémorables : Pleasantville et Equilibrium. Dans un premier temps, on craint donc légitimement que The Giver se retrouve pris en tenaille entre ces deux références et ne parvienne pas à tirer son épingle du jeu.

Mais heureusement ce n'est pas le cas. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la transmission des souvenirs se fait de manière très progressive et c'est elle qui fait véritablement la force du film, réservant de grands moments d'émotion. Certains souvenirs renvoient directement à des évènements emblématiques, de notre histoire, symboles d'espoir ou de noirceur et il faut dire que l'actualité aidant, on se sent impliqué d'une manière ou d'une autre.

Encadrés par les deux vétérans que sont Meryl Streep et Jeff Bridges (également producteur) et secondés par une Katie Holmes très austère, les jeunes acteurs (dont Brendon Thwaites vu dans Son of a Gun) sont convaincants et on suit leurs tribulations avec intérêt. La relation entre Jonas et Fiona aurait mérité, cependant, une construction plus progressive.

Il y a une réflexion intéressante sur les émotions et leurs conséquences qui aurait sans doute, elle aussi, gagné à être plus approfondie plutôt que de servir de simple justification.

Philip Noyce (à qui l'on doit déjà l'excellent Salt) tourne peu ces dernières années, mais semble toujours se passionner pour des sujets percutants. Dommage que la fin soit aussi expédiée et ne bénéficie pas de la même attention que le reste du film, créant un déséquilibre et frustrant le spectateur : on a le sentiment que le film a été amputé de son épilogue.

Malgré ce défaut, The Giver demeure une oeuvre captivante et intelligente qui trouve une place de choix au rayon anticipation.

 

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

Pleasantville Equilibrium Bienvenue à Gattaca

 

 

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The Island [Cinéma/Critiques]

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Etant un détracteur du cinéma de Michael Bay, j'aurais pu aisément choisir n'importe quel produit de sa filmo et tirer dessus à boulets rouges. Mais je trouve plus intéressant de mettre en avant l'un des deux seuls films qui trouve grâce à mes yeux, l'autre étant Pearl Harbor.

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Scarlett Johansson (Her, Avengers, Iron Man 2, Lucy, Captain America 2) et Ewan McGregor (Star Wars, Une Vie moins Ordinaire, Son of a Gun) incarnent des jeunes gens innocents, à priori destinés au bonheur (et à la routine). Sauf que l'intimité est proscrite et que la sélection pour rejoindre l'Ile est pour le moins aléatoire. Le personnage d'Ewan commencera à se poser des questions de plus en plus pressantes qui finiront par sceller leur destin à tous les deux. L'actrice s'est investie dans ce film à gros budget après s'être fait remarquer sur des films plus indépendants. Depuis elle alterne très régulièrement entre les deux. On la retrouvera bientôt dans Avengers 2 toujours en tant que Veuve Noire et dans deux ans en cyborg dans le Ghost in The Shell de Rupert Sanders (Blanche-Neige et le Chasseur).

The Island fait donc pour moi figure d'exception grâce à un scénario passionnant et solide qui permet au cinéaste d'exprimer enfin des idées qu'on aurait jamais pensé lui associer. Pour autant c'est bel et bien un blockbuster, il ne s'en cache pas : le montage est hyper nerveux dès qu'il y a de l'action, les course-poursuites ont toujours tendance à partir dans la démesure pyrotechnique, quitte à sacrifier le minimum de réalisme requis, sans oublier les nombreux placements de produits made in Hollywood.

Mais même ces abus ne parviennent pas à plomber la narration et le charme du tandem dont on suit les aventures avec un intérêt croissant, mêlant humour et drame de manière efficace.

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Sean Bean (Le Seigneur des Anneaux, Game of Thrones) interprète le directeur du centre. Le parfait salaud qui croit que la science peut avoir raison sur tout. Hélas, ce n'est pas que de la science-fiction.

La première partie du film et d'une manière générale toutes les séquences se déroulant sur l'Ile sont très réussies. On oublie que Bay est derrière la caméra tant la mise en scène s'attache aux personnages et au concept. Le film prend son temps pour installer l'ambiance et l'histoire et c'est justement ce qu'il fallait.

On sourit en découvrant les règles de ce microcosme qui cache une réalité pas belle du tout. Et lorsque vient le moment des révélations, on est aussi écoeuré que les héros. La scène de l'accouchement en est un bon exemple.

L'aspect visuel est aussi pour beaucoup dans la réussite de The Island. Hormis quelques incrustations nettement datées lors de la course en moto-jets, c'est propre et souvent bourré de détails percutants et de bonnes idées.

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Après Armageddon, Steve Buscemi incarnait à nouveau le clown de service, mais cette fois moins dans la démesure ce qui lui permettait de mieux prouver son utilité.

Une fois en ville, le style est nettement différent et le caractère d'anticipation beaucoup plus en retrait. A ce moment là, on retrouve davantage Bay dans son élément familier. Hormis quelques véhicules et une verticalité plus prononcée l'espace de quelques plans, le caractère futuriste de la ville est plutôt discret.

On notera également pour finir littéralement sur une note positive que la musique offre de bons moments elle aussi comme sur le final où le thème principal et les plans larges dans le désert font merveille.

On regrette juste que Bay n'ait pas poursuivi sur la même voie par la suite et que son association avec Spielberg n'ait pas plus lorgné du côté de ce cinéma-là alors que c'était clairement ce qu'on pouvait en attendre.

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Djimon Hounsou (Amistad, Blood Diamond, Constantine) est chargé de retrouver les deux fugitifs. Sa particularité à lui et son équipe : pouvoir en un éclair se faire passer pour n'importe quel service et ainsi justifier leur intervention : Police, SWAT, FBI,...  Si sa résolution est sans faille, son passé et les méthodes de son commanditaire vont changer quelque peu sa perception.

Le détail qui tue : The Island est plus que jamais à voir cette année puisque l'année 2015 est placée dans une réplique. Ca fait son petit effet.

 

 

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dimanche, 28 décembre 2014

Interstellar [Cinéma/Critiques]

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L'Humanité est née sur Terre. Rien ne l'oblige à y mourir.

Alors que l'Humanité subit les effets d'une Terre mourante, Cooper (Matthew McConaughey) et trois autres astronautes sont envoyés dans l'espace dans l'espoir de découvrir un nouveau foyer pour leur espèce.

On se rappelle que dans Contact (de Robert Zemeckis), Matthew McConaughey (Dallas Buyers Club) se résignait à voir Jodie Foster quitter la Terre pour tenter d'établir un contact du troisième type via un trou de ver, ne sachant si elle reviendrait et si oui, dans combien de temps, la fameuse relativité d'Einstein menaçant leurs retrouvailles.

Dans Interstellar, Matthew semble prendre sa revanche, puisque c'est lui qui part, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons. Et de ce fait, il laisse derrière lui des personnes qu'il aime et qui l'aiment en particulier sa fille, Murphy. Leur lien n'étant pas sans rappeler la relation fusionnelle de Ellie Arroway/Jodie Foster avec son propre père dans Contact.

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Il n'y a pas que la ferme et le champs de maïs qui rappellent furieusement Signs de Shyamalan. Cette histoire de fantôme au début du film et cette possible intervention des aliens dans l'apparition du trou noir aussi. Cela aurait dû me mettre sur la voie...

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Pour sauver sa famille, il doit l'abandonner...

Si vous êtes un cinéphile qui mangez au râtelier SF depuis des années des références comme celles-ci vous en trouverez légion dans Interstellar. Quelles ne soient pas délibérées n'empêche hélas nullement de les remarquer. 2001, Mission to Mars, Solaris, Abyss, Signs et donc Contact, c'est toute la SF empreinte de métaphysique de ces quarante dernières années que Nolan semble avoir convié ici comme si le trou noir qu'il met en scène les avait toutes aspiré et régurgité. Pour autant est-ce une raison de bouder la nouvelle pépite de Nolan ? Bien sûr que non.

Il y a évidemment beaucoup à dire sur cette oeuvre ambitieuse et de ce point de vue, l'on ne peut être déçu. La thématique est riche et l'audace bien présente de même que l'originalité. Nolan parvient à réunir des sujets très emblématiques qu'on associerait pas forcément faisant de cette odyssée en apparence simple une réflexion majeure sur le pouvoir de l'esprit et des sentiments humains.

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Anne Hathaway (la Catwoman de The Dark Knight Rises) incarne Brand, la fille du professeur Brand (ci-dessous), leur guide pour la NASA sur cette mission capitale. Pour les deux explorateurs, le plus dur sera sans doute d'entendre les décisions de l'autre aux moments les plus cruciaux, malgré leurs convictions respectives.

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Michael Caine (Inception, The Dark Knight, Le prestige, Insaisissables), fidèle de Nolan joue à nouveau les vieux sages, aussi peu avare de conseils que de secrets.

De base il y a tout pour émouvoir, surprendre, et transporter. Las, Nolan n'y parvient qu'à moitié à chaque fois. Pourquoi ? Parce que comme craignant de ne pouvoir insuffler naturellement l'émotion au spectateur, il rend ses personnages beaucoup trop bavards, une tendance très nette chez lui qu'on a déjà lourdement regretté dans The Dark Knight Rises. Sous couvert de faire part de leurs états d'âme, les héros annoncent systématiquement des scènes clés du film à venir, l'un des plus gros artifices du cinéma hollywoodien qui sied mal à un film de cette trempe. Paradoxalement, cela ne vous empêchera peut-être pas d'être surpris (tout comme moi) par des retournements de situation fort appréciables, il faut en convenir.

Les séquences s'enchaînent aussi trop vite et nuisent au crédit et à l'implication. Cooper a par ailleurs la manie de comprendre tout très rapidement et même si le personnage est indéniablement fort et attachant, on ne fait pas corps avec lui autant qu'on le voudrait dans ses diverses péripéties, au contraire d'une Ellie Harroway dans Contact lors notamment du final mémorable où son humanité prenait clairement l'ascendant sur son esprit scientifique.

Cela dit, on ne voit pas les trois heures passées, le film est prenant de bout en bout, l'histoire se suivant sur deux fronts intimement liés. Nolan a la bonne idée de nous épargner un interminable départ de navette, mais piétine inutilement sur une séquence dite à suspens.

C'est d'ailleurs le principal reproche qu'on peut faire au cinéaste sur ce film. Il sabote, désamorce continuellement ce qu'il parvient à mettre en place. Il ne trouve pas l'équilibre entre démonstration et sous-entendu. Le film est complexe et subtil, mais pas toujours aux bons moments et du coup on comprend la grandeur du sujet sans en ressentir tous les effets.

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Interstellar n'est pas noyé sous un déluge d'effets spéciaux, cela ne l'empêche pas d'être étonnant visuellement comme ici avec cet océan où les héros ont pied.

Visuellement, c'est propre, c'est modérément spectaculaire et c'est là l'une des qualités propres de Nolan (cf Inception).

Niveau sonore, c'est tout aussi soigné avec des silences efficaces et respectueux des lois spatiales (Gravity est passé par là) ainsi que des compositions remarquables de Hans Zimmer (Inception, Man of Steel) qui font parfois écho aux motifs spécifiques des films de John Carpenter, apportant beaucoup à l'ambiance.

Le film mérite indubitablement plusieurs visions car une fois n'est pas coutume les interprétations peuvent être nombreuses et de ce fait la compréhension du film et le ressenti du spectateur seront amenés à évoluer de concert.

Si Nolan réussit encore une fois à titiller notre imaginaire et notre réflexion, il faut aussi avouer qu'il commence à souffrir du syndrome qui a touché Shyamalan il y a déjà quelques années et qui l'a condamné depuis, victime de son propre système narratif (cf aussi Tarantino sur Django Unchained). La malédiction des grands cinéastes semble-t-il lorsqu'ils ne cèdent pas carrément sous le poids du dictat hollywoodien (Alex Proyas et Andrew Niccol pour ne citer qu'eux).

 Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

2001 : l'odyssée de l'espace  Solaris Contact

A l'instar d'Interstellar, tous ces films ont en commun de mettre en scène une grande aventure humaine à l'issue de laquelle la perception de l'Homme sur lui-même et sur l'univers s'en trouvera à jamais changée.

Mission to MarsAbyss Sphere

 

 

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vendredi, 05 décembre 2014

Le Cycle de Tschaï [Livres/SF]

Couverture de Cycle de Tschaï 2 - Le Wankh

Couverture de Cycle de Tschaï 3 - Le Dirdir

La lune rose Az et la bleue Braz, iconiques du cycle tout comme le soleil 4269 de La Carène, trois astres qui créeront des ambiances uniques au long des jours passés sur Tschaï.

Peu de grandes oeuvres de SF ont échappé à une adaptation cinématographique. Mais s'il y en a bien une qui a résisté malgré elle à la machine hollywoodienne c'est bien le Cycle de Tschaï de Jack Vance (Cugel Saga).

Un bien étrange paradoxe étant donné son univers foisonnant digne de Starwars, sa réflexion sur la condition humaine le rapprochant de La Planète des Singes et sa crédibilité qui n'est pas sans rappeler l'authenticité d'un Seigneur des Anneaux, sans parler des complots et manoeuvres liant les grandes races de la planète à l'instar des familles de Dune.

Peut-être justement sont-ce ces liens indirects avec ces différentes références qui ont plongé Le Cycle de Tschaï dans un anonymat dont il peine encore aujourd'hui à sortir malgré une adaptation BD - qui l'a sans doute plus desservi qu'autre chose - et sa nette prédisposition à susciter le plus vif engouement auprès des amateurs de mondes imaginaires, grâce à sa forme autant que son fond.

Le Chasch est à ce titre un monument, sans doute le meilleur des quatre volumes. Comme tous les premiers épisodes, il a comme qualité de nous faire découvrir le héros, l'univers dans lequel il va évoluer et les enjeux qui vont créer l'immersion la plus immédiate. Le rythme est soutenu - excepté un passage un peu longuet lors de la fuite de Dadiche - l'écriture est précise sans jamais être alourdie de détails superflus, donnant juste ce qu'il faut au lecteur pour le guider et nourrir sa propre imagination. En cela le style de Vance est idéal et contribue énormément à la magie de l'oeuvre. Et dès lors il est aisé de visualiser le film qui pourrait en découler tant les ambiances et les personnages nous apparaissent avec une netteté qui ne cesse de nous étonner. Tant et si bien qu'on pourrait penser que Vance a écrit une version romancée d'un scénario hollywoodien préexistant.

Et puis à l'instar d'Hemingway, Vance s'attache à l'aspect sensitif, en précisant les couleurs, les odeurs, les sons et les saveurs, ce qui renforce la crédibilité de Tschaï qui apparaît de plus en plus au lecteur comme une planète réelle faisant du cycle moins une simple fiction qu'un véritable récit de voyage doublé d'une étude géo-politique.

Il faut enfin souligner la densité, la richesse du Chasch, son aspect roboratif dans son action, sa dynamique et son discours, sans jamais nous perdre, ni nous noyer alors que pourtant à l'instar du héros, on a tout à apprendre de Tschaï. Mais tout est question d'équilibre et force est de reconnaître que dans Le Chasch, Vance parvient à doser tous les ingrédients avec une maîtrise exemplaire.

Couverture de Cycle de Tschaï 2 - Le Wankh

En comparaison le Wankh est presque son opposé. Si la croisière est l'occasion d'une discussion intéressante (quoiqu'un peu longue) et d'un événement tragique (assez prévisible) endeuillant l'équipée, le rythme est désespérément lent, l'intérêt demeurant en surface. Hormis la rencontre avec quelques nouveaux personnages d'envergure (Dordolio, Zarfo le Lokhar, Esse), on suit avec un détachement croissant les péripéties d'Adam Reith et de ses amis qui se résument à marcher, voyager, parlementer et ainsi de suite, sans offrir de saveur et de tension dignes de la précédente aventure. Seule compensation, la découverte de la langue des Wankh, passionnante puisque basée sur l'émission d'harmoniques. L'écriture des Wankh se présente elle-même sous la forme de symboles cunéiformes - dont l'interprétation n'est pas sans rappeler les idéogrammes asiatiques - qui lues par les Wankh leur apparaissent naturellement sous forme d'images mentales, chacune associée à un son spécifique. A ce niveau, Vance et Tolkien peuvent se serrer la main pour ce qui est de savoir imaginer un langage à la fois crédible et novateur.

Heureusement Le Dirdir va redonner un coup de fouet à la narration avec la mythique zone des Carabas où les sequins - la monnaie de Tschaï - peuvent être ramassés en abondance pour peu qu'on ait de la chance et surtout le courage d'affronter les Dirdir, véritables prédateurs doté d'un instinct de chasse primitif parfaitement aiguisé.

Une fois encore, Reith trouvera une stratégie payante pour non seulement neutraliser ses adversaires, mais également se rapprocher de son but : fabriquer un vaisseau de toutes pièces à l'abri des regards indiscrets. Heureux hasard - ou intelligence de l'auteur - c'est au moment précis où l'on se dit, blasé, que décidément rien ne résiste à l'éclaireur, que celui-ci se trouvera enfin un adversaire digne de lui en la personne d'Aïla Woudiver. Si Jabba le Hutt se réincarnait en homme, il aurait probablement les traits d'Aïla. Adipeux, intelligent, pervers, et sans pitié, il incarne à merveille la némésis d'Adam Reith et à ce titre il mettra ses nerfs à rude épreuve, le forçant à la compromission comme personne avant lui. Pour la première fois depuis son arrivée sur Tschaï, le terrien va apprendre à mettre de l'eau dans son vin. Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle. Reith et ses amis n'ont jamais été aussi près de quitter la planète. Mais bien entendu, tout ne se passera pas comme prévu, pour le plus grand plaisir du lecteur qui fera ainsi connaissance avec la quatrième et dernière grande race de Tschaï.

 

Dans une première partie, Adam Reith va faire connaissance avec les Pnume et leurs moeurs d'une manière plutôt originale. Peuple souterrain pour le moins mystérieux dont la discrétion confine au sacré, les Pnume vont avoir le mérite de surprendre plus d'une fois le terrien. Reith va (enfin) se sentir vraiment en insécurité dans ces galeries où la lumière et l'espoir de rejoindre la surface sont aussi faibles. Sa rencontre avec une jeune Pnumekin du nom de Zap 210 va heureusement changer ses perspectives d'avenir...mais comme d'habitude pas que les siennes. Le lien qui va s'établir entre les deux êtres que tout semble opposer va être le principal intérêt de ce périple tout en tension, puisque Reith devra à la fois convaincre sa partenaire de coopérer en dépit - une fois n'est pas coutume - des convenances et de la menace constante d'être découvert.

Une fois revenu à la surface, les principales préoccupations du terrien seront de se constituer un petit pécule suffisant pour regagner Sivishe ainsi que de familiariser Zap 210 aux moeurs des habitants de la surface qui n'ont évidemment rien à voir avec celles qu'elle a toujours connues. Dans le même temps leur intimité va croître en dépit des troubles de la jeune Pnumekin de constater à quel point la pudeur est une notion très secondaire à la surface. Reith sera pour le coup l'enseignant, l'éducateur, lui qui est, pourtant, à la base, le parfait étranger. Un paradoxe savoureux.

On peut reprocher à la fin de ce volume et donc du cycle entier un déroulement un peu précipité allant trop dans le sens des objectifs du héros ce qui l'amène à résoudre de manière expéditive une situation complexe qui aurait pu une nouvelle fois remettre en question son départ voire sa survie. On sent que son statut d'ennemi publique n°1 finit paradoxalement par être son plus gros atout. Une manière peut-être de dire qu'Adam Reith est devenu malgré lui le prophète dont les Pnume ainsi que toutes les races attendaient en secret la venue. On peut dire que de ce point de vue ils n'ont pas été déçus. Le lecteur non plus. Même si comme vous l'aurez compris l'intérêt est inégal, le travail sur l'univers et la capacité d'imagination de Vance en revanche sont inattaquables.

Adam Reith, Héros Ultime ?

Si chaque volume est consacré à une race en particulier, Vance ne fait pas l'erreur de compartimenter les informations au sujet de chacune d'elles. Il les dilue tout au long de cette véritable odyssée, complétant progressivement une encyclopédie qui - si elle laissera énormément de lacunes et de doutes - saura combler le lecteur avide de satisfaire sa curiosité.

Adam Reith est une sorte de demi-dieu moderne. En apparence simple humain, il défie des créatures qui lui sont à priori supérieures que ce soit en nombre ou en moyens. Etranger, paria, fugitif, suspect, ennemi publique, il ne cessera de se mettre à dos les peuples dominants, provoquant leur fureur puisque retournant contre eux leurs us et coutumes sans oublier de remettre en question l'ordre et les lois établis, non sans user de la violence. Mais Adam Reith sait aussi faire naître des révoltes par son seul raisonnement et c'est sans doute ce qui le rend encore plus dangereux aux yeux des autochtones. C'est ainsi que captif et privé de toute arme, il parvient à semer le trouble dans les esprits des Wankh.

Si au départ son objectif est simple (retrouver son vaisseau pour rejoindre la Terre) constater à quel point les hommes sont soumis et conditionnés par la mentalité de leurs maîtres extraterrestres nourrira son âme rebelle, le proclamant malgré lui comme leader, berger, un libérateur que personne n'espérait, mais que tous attendaient.

Et ce n'est sûrement pas un hasard si Traz l'homme-emblème et Anacho l'homme-dirdir, ses deux inséparables acolytes, le suivront contre vents et marées alors qu'ils différent tant de lui et comprennent rarement ses motivations. Car il est un fait que parce que Adam Reith n'a aucune raison de se comporter autrement que comme lui-même, comme un terrien, comme un homme, conquérant et insoumis, il redonnera l'espoir d'un renouveau, d'un changement jusque-là pétrifié par la peur d'une guerre couvant entre les grandes puissances de Tschaï.

De là à dire que la Terre elle-même aurait besoin d'un Adam Reith afin de sortir de sa léthargie et de ses convictions...

Car Adam Reith est l'archétype absolu du héros de fiction : c'est un aventurier, fait plus que tout autre pour explorer et s'adapter à toute situation. Et le moins que l'on puisse dire c'est que cette faculté va lui servir en permanence, jusqu'à le repousser dans ses retranchements. Il sait se battre, argumenter, séduire, planifier, patienter, improviser. Pour lui rien d'impossible, il faut seulement trouver la bonne méthode, celle dont le résultat sera toujours à la hauteur des efforts placés en elle. Et c'est à la fois la force et la faiblesse de l'histoire. On admire, mais en même temps on regrette que les obstacles posés sur le chemin d'Adam Reith n'apparaissent que comme des occasions de prouver une énième fois sa force et son audace, ridiculisant des menaces dont la simple évocation suffisait à nous faire dresser les cheveux sur la tête. On réalise alors que c'est la difficulté qu'il associe à une entreprise, le danger qu'il associe à un ennemi qui détermine l'importance de ceux-ci. Adam Reith est un véritable prisme dans lequel va finir par se refléter la planète tout entière. Il est un moteur vivant, un être constamment en mouvement. Même lorsqu'il est acculé, il est vivace, peut-être même plus encore. Car son si corps est parfois entravé, son esprit, lui, est toujours libre et actif. Il incarne à merveille l'esprit de survie et avec lui une dignité mâtinée d'un égo souverain. Peut-être tout simplement parce que Adam Reith se sait être le seul véritable être humain digne de ce nom sur Tschaï, pour le meilleur et pour le pire. Il est malgré lui le représentant de tout un peuple. Il va donc se faire le devoir de montrer de quoi est capable un être humain, érigeant ses actes en exemple comme s'il devait réparer toutes les injustices commises sur Terre. Et de ce fait s'il ploie ou s'il périt, c'est l'humanité entière qui viendra à disparaître de la surface de Tschaï. Une sacrée responsabilité vue sous cet angle. On comprend alors mieux pourquoi notre héros va remuer ciel et et terre pour parvenir à ses fins.

Peut-être ce qui manque au récit pour le rendre complet d'un point de vue émotionnel est une forme de flaschback ou de révélation qui aurait expliqué de manière plus intime ce formidable esprit guerrier qui anime Adam Reith, lacune qu'on perçoit encore plus dans le film Avatar. Il est assez évident qu'Adam Reith et Jake Sully  partagent pas mal de points communs.

Dans le cas de Jake, on sent dès le début que l'introduction ne colle pas avec les ambitions générales du film et le talent de scénariste reconnu de James Cameron. Une séquence où on l'aurait vu oeuvrer en tant que soldat et perdre ses jambes par exemple n'aurait pas été superflue. Elle aurait eu le mérite de surcroît de peut-être mieux nous faire accepter sa témérité parfois excessive.

                   En lien :

John Carter

Avatar

 

Spéciale dédicace à ma Grand-mère très perspicace grâce à qui j'ai découvert cette oeuvre majeure !

 

 

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vendredi, 12 avril 2013

Real Humans [Cinéma/Séries]

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Après deux épisodes intéressants, mais plutôt mous qui servaient essentiellement à planter le décor et présenter les personnages, la série s'intensifie avec les épisodes 3 et 4. Les personnages évoluent - Humains et Hubots même secondaires - les différentes intrigues s'enrichissent et se connectent et les réflexions apportées deviennent passionnantes. Les défauts de la série - univers futuriste manquant de cohérence, personnages d'intérêt inégal - disparaissent au profit d'une évidence : Real Humans a l'étoffe d'une grande série. Les épisodes suivants sauront-ils conserver cette qualité ? On l'espère de tout coeur !

 

Laquelle est l'androïde, laquelle est l'humaine ? Peu à peu les frontières s'effacent. La mère de famille avocate qui de pro-humains va devenir pro-hubots, en ne faisant que convertir ses valeurs personnelles, est l'un des nombreux points forts du scénario en cours. 

 

 

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mercredi, 10 avril 2013

Oblivion [Cinéma/Critiques]

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Après un Tron Legacy pour le moins inégal, Joseph Konsiski revient avec un autre film de grande envergure mettant en vedette l'invincible Tom Cruise (Jack Reacher, Mission Impossible IV, Edge of Tomorrow). Si Tron legacy bénéficiait d'un design et d'une BO somptueuse, le film souffrait d'un manque cruel d'émotions dû à des personnages trop caricaturaux et à un scénario intéressant, mais rendu insipide. Le cinéaste a-t-il appris de ses erreurs ?

La réponse est hélas négative. 

Oblivion avait pourtant tout ou presque pour être un grand film d'anticipation. Là encore, le travail de mise en images est remarquable. Entre design futuriste épuré et panoramas post-apocalyptiques démesurés, on en prend plein les yeux et l'immersion est immédiate. Visuellement bluffante, la première partie est aussi intéressante d'un point de vue narratif, puisque sous des dehors innocents, on sent progressivement un mystère intrigant se développer autour des tâches quotidiennes effectuées par le binôme pour permettre la récupération des dernières sources d'énergie d'une Terre à l'agonie, suite à une attaque extraterrestre massive. Cette mécanique si bien huilée finit par dérailler, mais malheureusement le film entier avec. Car c'est au moment précis où l'histoire prend une tournure radicale, que les défauts surgissent comme des diables de leur boîte.

A commencer par les révélations sur la vraie nature des évènements, paradoxalement simples. Mais les explications fournies sont tellement mal présentées, que ce soit dans la forme ou dans la chronologie du film que le spectateur se retrouve totalement égaré au moment même où il est censé s'émouvoir de ce qu'il apprend. Un comble !

Et c'est ainsi pendant un (trop) long moment et la résolution du problème - ridicule compte tenu des possibilités - ne parvient pas à rectifier le tir.

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L'aspect visuel éveillera sans doute des souvenirs aux gamers familiers des univers de Fallout 3 ou de la trilogie Mass Effect. D'un point de vue général, l'action est d'ailleurs positivement très proche d'un jeu vidéo en terme de ressenti.

En fait, tout comme Tron Legacy, le matériau de base est des plus passionnants, mais les choix de son développement le ruinent, lui, ainsi que toutes les bonnes idées qu'il contenait, car il y en a et c'est ça le plus regrettable. L'une d'elles se devine d'ailleurs un peu trop tôt et nous renvoie un peu trop fort à un autre film d'anticipation.

Le duo séduisant du film ne fonctionne pas et l'héroïne de Konsinski - une fois encore après Olivia Wilde - n'a aucune consistance face à un Tom Cruise qui fait tout ce qu'il peut pour sauver les meubles, mais qui nous rappelle, malgré ses louables efforts, qu'il nous a offert de meilleures prestations.

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La présence de Morgan Freeman (Wanted, Lucy) ne change malheureusement pas la donne.

Au final on se retrouve avec un beau gâchis, une sorte de grand puzzle prometteur, mais très mal assemblé.

Oblivion se place donc en digne héritier de Tron Legacy, mais pour les mauvaises raisons, puisque même la musique, très agréable au demeurant, fait écho plus d'une fois, par ses sonorités électroniques, à la suite du classique de Disney.



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jeudi, 14 mars 2013

Cloud Atlas [Cinéma/Critiques]

Une oeuvre majeure qui tutoie le firmament !

Adapté du best-seller de David Mitchell "Cartographie des Nuages", le film Cloud Atlas raconte à travers plusieurs intrigues et époques connectées, les combats de différents personnages pour libérer le monde des oppressions qu'il subit et par extension devenir des êtres meilleurs...ou pas.

Casse-tête scénaristique s'il en est, cette oeuvre, portée au grand écran par les Wachowski (Matrix) et Tom Tykwer (Le Parfum), sentait tout de même très bon au vu du CV des cinéastes, de la bande-annonce et du casting.  Une histoire aussi ambitieuse et rare a déjà le mérite d'exister, qui plus est, à l'échelle internationale. Il n'en demeure pas moins vrai que cela constitue un exercice risqué financièrement et artistiquement à l'heure où les blockbusters les plus décérébrés se hissent encore et toujours au sommet du box-office. (Le film a fait un flop aux USA, il devrait trouver son salut en Europe, connue pour avoir un public plus "cérébral".)

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Hugo Weaving (Matrix, V pour Vendetta) fidèle aux Wachowski, incarne à l'instar de tous les acteurs plusieurs personnages (dont une femme). Ici il campe à la perfection la mauvaise conscience de Tom Hanks à l'époque la plus futuriste. Il fait partie de ceux qui de vie en vie ne parviendront pas à positiver leur karma. Bien au contraire.

Si vous êtes intéressé par ce film, intrigué par la richesse de sa thématique, mais que vous craignez d'être totalement désorienté par la complexité de sa narration et de son contenu, j'ai deux conseils à vous donner.

Le premier : n'hésitez pas à visionner avant des oeuvres telles que The Fountain, Mr Nobody ou encore Revolver pour vous familiariser avec ce genre et savoir si vous n'y êtes pas totalement allergique.

Deuxième conseil - qui peut rendre le premier optionnel : dites-vous que Cloud Atlas est de ces films qu'on regarde avant tout avec le coeur et l'âme. Tant pis si vous ne comprenez pas tout tout de suite, cela ne fera qu'augmenter l'intérêt de le revoir et d'en parler avec d'autres qui l'ont vu. Et puis, avouons que la confusion fait partie intégrante de la magie de cet exercice. La richesse de ce genre de films vient autant du film lui-même que des débats et discussions qu'ils suscite après coup. Et rappelez-vous que votre appréciation dépendra moins de votre capacité à reconstituer le puzzle que de votre sensibilité et votre expérience de la vie. Un film qui nous rappelle à quoi tend le cinéma et l'art dans l'idéal : nous éloigner de notre quotidien tout en nous inspirant les moyens de mieux le comprendre pour l'améliorer. A ce titre, il est indéniablement indispensable et fait un bien fou. Et de voir à travers les premières images du générique de fin combien les stars du film se sont impliqués dans le projet risque de vous surprendre au point de vous émouvoir, tant cela apporte de la profondeur aux thèmes de la réincarnation et du karma. L'inspiration est également un thème majeur, car elle suppose toujours l'influence des autres - à divers degrés de conscience - au coeur de nos existences rythmées par des choix moraux aux répercussions incommensurables.

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Ben Wishaw (Le Parfum, Bright Star, Skyfall) est un musicien maudit dont l'inspiration  sera pourtant reconnue grâce à la notion d'héritage qui unit les différentes époques et par extension les différents héros.

Il est notoire que les acteurs principaux (Tom Hanks - incroyable caméléon humain - et Halle Berry en tête) apparaissent grimés selon les intrigues/époques au point parfois d'être méconnaissables. Un des nombreux ingrédients délectables de Cloud Atlas et qui constitue tout au long du film un sympathique jeu du Qui est Qui ? dont les réponses ne viendront donc qu'à la fin. Autant vous dire que même si vous êtes physionomiste, il y a de fortes chances que plus d'un personnage échappe à votre acuité visuelle. Autre élément ludique : traduire le patois primitif utilisé par Tom Hanks et Halle Berry pour communiquer dans un futur lointain, aussi amusant que touchant.

Tout est connecté comme l'annonce si bien l'accroche de l'affiche. Les protagonistes, leurs combats pour la liberté et la vérité. Mais c'est aussi vrai d'un point de vue technique et artistique : interprétation, scénario, décors, maquillages, effets spéciaux. Aucun de ces éléments n'est mis plus en avant que les autres tout en étant très bien exploité. Dans Cloud Atlas, c'est l'histoire avant tout qui est privilégiée, une histoire dont la structure particulière ne diminue en rien la puissance, bien au contraire, le montage étant un modèle de fluidité. Le budget conséquent alloué aux trois réalisateurs est ici intelligemment mis au service du sujet. Les six intrigues n'auront sans doute pas le même intérêt pour chaque spectateur, chacune possédant sa propre dynamique et certaines étant naturellement plus immersives. De même que certains maquillages - trop poussifs - ne feront pas l'unanimité. Mais voir s'entrecroiser l'espace de près de trois heures (qu'on ne voit guère passer) un polar politique des 70's, une fresque historique, une chronique dramatique, un film de S-F, une fable post-apocalyptique et une comédie loufoque est un pur fantasme de cinéphile qu'il serait fou de vouloir bouder surtout quand chaque genre est transcendé et donne du sens à tous les autres.

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L'époque la plus futuriste est aussi l'une des plus passionnantes grâce à l'univers à la fois primitif et hyper-technologique, au tandem d'acteurs et au langage utilisé par le peuple de Tom Hanks.

Si vous avez perdu la foi et l'espoir dans votre lutte personnelle pour vous changer et/ou changer le monde, allez d'urgence voir ce film. Si vous vous sentez assez fort pour déplacer des montagnes, allez le voir quand même, vos convictions n'en seront de toutes façons que plus inébranlables.

Pour paraphraser une réplique majeure du film, Cloud Atlas n'est peut-être qu'une "petite" éclaircie dans le ciel pas toujours bleu du 7ème art. Mais après tout, un beau ciel bleu est fait d'une multitude d'éclaircies, non ?

Pour la petite histoire, c'est de Natalie Portman qu'est née en quelque sorte l'idée de cette adaptation. Elle lisait le roman sur le tournage de V pour Vendetta dont les Wachowski étaient producteurs. Il n'a pas fallu longtemps pour qu'ils découvrent à leur tour son contenu et en tombent amoureux. La force de l'inspiration et de l'influence où quand la réalité rejoint la fiction. Vous ne serez donc pas/plus étonnés de retrouver dans les remerciements du générique le nom de l'actrice malgré son absence dans le film.

Si vous avez aimé Cloud Atlas, peut-être aimerez-vous plus particulièrement deux de mes histoires. La première, L'Eternité contre le Néant, m'a été inspirée directement par les passionnantes théories de Philip K. Dick.

La seconde, Le Combat du Papillon, est un miroir de ma spiritualité, l'oeuvre que je place naturellement au-dessus de toutes mes autres par sa portée et sa thématique et je ne vois pas de hasard dans le fait que par leur contenu et/ou leur construction, ces deux récits soient fortement parentés à Cloud Atlas. Vous comprendrez alors vous-mêmes plus facilement mon admiration pour ce film unique en son genre.

 

 

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mardi, 03 juillet 2012

John Carter [Cinéma/Critiques]

Il y a des films qu'on attend pas et qui connaissent un succès retentissant - mérité ou non - et d'autres qui connaissent un échec cuisant pour le moins cruel. John Carter of Mars fait partie de la dernière catégorie.

Après nous avoir ébloui avec son inoubliable Wall-E, Andrew Stanton réalise un vieux rêve à savoir l'adaptation d'une histoire originale de Edgar Rice Burroughs, le papa de Tarzan.

Le film de par son ton général et son mélange de genres (Space-Opera, Heroic Fantasy, Western) rappelle l'ambiance à la fois légère et épique des films de série des années 80 comme Flash Gordon ou Krull. Une princesse promise à un mariage forcé, des guerres ancestrales entre plusieurs clans humains et extraterrestres, des êtres mystiques aux pouvoirs divins supervisant le destin de la planète et au milieu de tout cela le dénommé John Carter, ancien héros de guerre, rebelle jusqu'au bout des ongles et qui trouvera, en atterrissant sur la planète rouge, ce qu'il avait toujours fui : une cause à la mesure de sa bravoure !

Le budget alloué à cette superproduction se vérifie très vite : décors fastueux, action gorgée de séquences spectaculaires avec en leitmotiv les sauts démesurés -mais justifiés- de John Carter alias Taylor Kitsh (décidément incontournable) très à l'aise dans ce rôle de héros vaillant au coeur pur. Après Wolverine Origins, il retrouve à ses côtés la belle Lynn Collins qui semble avoir pris grand plaisir à incarner la Princesse Dejah Thoris, une femme d'envergure à la fois forte et sensible. Les Tarks - les créatures dont Carter sera tour à tour l'ennemi, l'allié et le leader - sont très crédibles sur les plans du visuel et de l'interprétation et même attachantes, mais le film est parfois noyé par la surenchère d'effets digitaux employés pour restituer la richesse de l'univers.

Si le coeur de l'histoire qui nous est contée est d'un classicisme indéniable, il est tout aussi évident que l'origine et le dessein du héros réservent de bonnes surprises et un intérêt constant. Même si elle n'est pas répartie de la même façon, on peut affirmer que l'addition Western-SF fonctionne bien mieux que dans Cowboys & Envahisseurs.

Sans être un chef-d'oeuvre, le film demeure un divertissement de qualité, bien plus honorable en tout cas que beaucoup de blockbusters qui se frayent injustement un chemin aux premières places du box-office. Il a le mérite - en outre - de nous faire entrevoir ce que pourrait donner l'adaptation du Cycle de Tschaï de Jack Vance avec lequel il partage la même ambition. En espérant, si elle devait voir le jour, qu'elle connaisse évidemment un meilleur sort.

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Sans Edgar Rice Burroughs, le Tarzan de Disney n'aurait jamais existé. Mais sans Disney, le John Carter de Burroughs n'aurait point vu le jour. La boucle est bouclée.

 

 

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vendredi, 29 juin 2012

Source Code de Duncan Jones

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Après Moon, son premier film acclamé, Duncan Jones revient aux commandes d'un film à priori plus ambitieux, mélangeant habilement thriller et anticipation.

Dans Source Code, Jake Gyllenhaal (Prisoners) doit retrouver dans un train l'auteur d'un attentat afin d'en empêcher un second beaucoup plus important. La mauvaise nouvelle : il n'a que 8 minutes. La bonne : ces 8 minutes sont... renouvelables. On en dira pas plus pour ne pas gâcher les surprises qui, malheureusement, nous sont un peu trop épargnées. Si vous avez vu la bande-annonce, vous en savez déjà presque trop.

Le concept introduit est assez original et la trame est agréable à suivre, rappelant des classiques comme Un Jour sans Fin ou la série Code Quantum. L'idée de la double enquête est excellente, mais on regrette beaucoup que le scénario nous mâche autant le travail, réduisant l'intensité du sujet. Quant au thème abordé, il a déjà connu plusieurs heureuses adaptations telles que Déjà-Vu, Next ou encore The Jacket. Il aurait donc fallu quelques ingrédiens supplémentaires pour parvenir à nous scotcher réellement et réinventer le genre.

On sent que le réal est sur la bonne voie pour nous offrir un film à la mesure de ses intentions. Gageons que le troisième soit enfin le bon !

 

Pour connaître d'autres films sur le même thème : Le Voyage dans le Temps

 

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mercredi, 03 août 2011

Super 8 [Cinéma/Critiques]

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J.J. Abrams le dit clairement : malgré les (nombreuses) apparences, Super 8 n'est pas un hommage au cinéma de Spielberg (producteur du film), mais bel et bien à sa propre enfance. Au vu de la sensibilité de l'histoire et de ses héros (les enfants en tête), il apparaît que les deux cinéates ont eu la même. Ils étaient donc faits pour se rencontrer et ce, pour notre plus grand plaisir de spectateur.

Le résultat est ce qu'on pouvait attendre de ce duo fantasmé : on rit, on pleure, on frémit et on en prend plein les yeux, un peu comme si les deux hommes avaient fusionné le meilleur de leur filmo respective. De E.T. on passe à Cloverfield sans oublier Rencontres du 3ème Type ou encore Les Goonies. Il y a pire comme ingrédients !

Les cinéphiles avertis se feront d'ailleurs une joie de repérer toutes les références, similitudes et autres analogies avec le cinéma de Spielberg des années 70-80. Si vous êtes nostalgique de cette époque, allez voir Super 8 les yeux fermés. Si vous avez en plus gardé votre âme d'enfant, l'émotion - déjà très présente - n'en sera que plus grande pour vous.

Le film brasse avec bonheur Drame, SF, Thriller, Fantastique, avec parfois quelques incohérences, mais sans jamais perdre de vue ce qui fait et fera toujours le coeur d'une bonne histoire : les personnages !

[Re] Bienvenue dans un cinéma qu'on croyait disparu et qui revient, plus puissant que jamais !

 

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mercredi, 23 septembre 2009

District 9

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Neil Blomkamp (à qui l'on doit des spots du jeu Halo et les pubs de la Citroën Transformer) et Peter Jackson (Le Seigneur des Anneaux, King Kong) devaient nous pondre l'adapation du populaire jeu vidéo Halo. Le projet étant tombé à l'eau (sans mauvais jeu de mot), les deux artistes frustrés s'empressèrent néanmoins de rebondir sur un autre concept pouvant réunir leur créativité.
Ce concept, c'est District 9, un film qui peut aussi bien se dépeindre comme une remarquable satire sociale que comme un spectaculaire film de SF.
Le scénario promet une évolution jouissive des personnages et des évènements et nous renvoie à des classiques du Fantastique tels que La Mouche ou Robocop.
Pour son premier essai, Neil Blomkamp réalise un coup de maître.
Nul doute que Peter Jackson - qui officie ici en tant que producteur - a pu insuffler au sujet un peu de son imagination. En tout cas, le résultat à l'écran est bluffant :
visuellement très maîtrisé, District 9 contente le spectateur amateur de scènes d'action explosives autant que le féru de réflexion. Sans compter que l'émotion est également au rendez-vous. Alors un conseil : soyez-le également, vous ne le regretterez pas !!!

 


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samedi, 01 août 2009

CRIMinalité INtensive [Nouvelles/Anticipations]

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 Prologue

 

Jimmy prit le temps de s'interroger une dernière fois sur l'utilité de son geste.

C'était vraiment tentant, un peu comme donner un bon coup de pied dans la fourmilière et regarder les dégâts se propager. Et puis, il avait pris ses précautions. Personne ne saurait que c'était lui. Il n'en était pas à son coup d'essai. Mais cette fois, ça risquait de foutre une belle pagaille. Tant mieux. Il avait toujours été un peu rancunier, alors forcément de se voir interdire l'accès au forum pour propos injurieux, il n'avait pas pu le digérer. Après tout, il n'avait fait que dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.

Il appuya sur la touche, scellant le destin de beaucoup de personnes.

Un sourire s'étira sur son visage d'ado boutonneux.

- A vous de jouer, les gars !

 

CHAPITRE 1

  

John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu'il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d'annoncer plus sérieusement 6:00.

John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.

En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d'une épaule et d'une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l'inviter davantage à s'y attarder.

- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.

John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C'était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:

- Je ralentis ou j'accélère ?

Il l'entendit sourire à son tour.

- Je te laisse deviner.

Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d'avoir ouvert les yeux  de si bonne heure. Il l'embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L'explosion fut si violente qu'elle ébranla l'appartement.

John bondit du lit :

- Putain, qu'est-ce que c'était ?

Linda s'alarma.

- J'espère que ce n'est pas la bibliothèque. J'ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.

John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l'entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.

John ouvrit la porte. N'eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu'il s'agissait en fait d'un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu'il distingua à peine le vieil homme qui s'époumonait en traversant la rue à vélo :

- C'est la bibliothèque ! Ils ont détruit la bibliothèque, ces petits fumiers !

John s'avança aussi loin que le lui permit la main ferme de Linda.

- Je crois que c'est Henry Swift.

John plaça ses mains en porte-voix, exhibant sans le vouloir le pistolet qu'il tenait dans sa main droite :

- Henry ? C'est John et Linda. On est là !

Ils entendirent les vieilles roues métalliques grincer indiquant que le vieil homme avait entendu leur appel et ralentissait.

- Vous avez vu ce foutoir ?

N'eut été la catastrophe,  John se serait laissé gagner par la joie de revoir leur voisin préféré.

Un moteur de deux roues pétaradant couvrit sa réplique.

John s'avança un peu plus. La fumée semblait se dissiper légèrement grâce à la brise matinale.

Henry était bien là, sur son vieux machin rouillé qu'il appelait affectueusement « son poney ».

Il portait son affreuse chemise à carreaux qui semblait ne jamais le quitter, qu'il vente ou qu'il neige.

John lui sourit. Henry ouvrit la bouche, mais ses mots furent engloutis par le bruit du moteur qui se rapprochait rapidement. John vit Henry se tourner en direction des arrivants. Des voix de pré-pubères crièrent par-dessus le vacarme de l'engin :

- Eh papy, t'as oublié de prendre tes suppos !

Le staccato d'une arme automatique résonna affreusement. Il  ne s'était pas interrompu que Henry Swift gisait déjà au sol, son vélo couché sur la route et sa fidèle chemise à carreaux poissée de sang. A la vue de son corps sans vie, les yeux de John s'agrandirent et son visage se tordit.

Il pointa son arme vers la moto, mais la main prompte de Linda fit avorter son geste.

Le bruit du moteur s'éloigna et la moto disparut dans un concert d'éclats de  rire.

John se tourna vers Linda. Les yeux bleus de la jeune femme jetaient des éclairs.

- Tu veux leur ressembler ? Tu veux devenir comme eux, à distribuer la mort comme on distribue des journaux ?

- On ne peut pas les laisser continuer à foutre cette ville en l'air, merde ! Henry vient d'y passer sous nos yeux. Après, ce sera le tour de qui ? Toi, moi ?

- On n'a qu'à partir ! Qu'est-ce qui nous en empêche ? Il y a bien un endroit en sécurité !

- En sécurité? Tu lis les journaux comme moi. C'est partout pareil. Tout le monde est devenu fou et ceux qui ont encore leur tête finissent comme Henry.

Sur ces mots, John alla s'agenouiller auprès du vieil homme dont il ne put que constater le décès.

Linda s'approcha avec peine.

- John, ne reste pas là. Ils pourraient revenir !

- Qu'ils reviennent, ces petits salauds. Je les attends !

 

Heureusement ils ne revinrent pas. Une ambulance miraculeusement épargnée emporta le cadavre de Henry Swift. La police ne vint pas recueillir leur déposition. Il y a longtemps que la police ne venait plus pour ce genre de choses. Dehors c'était la guerre et les flics étaient depuis longtemps en première ligne.

 

John et Linda s'étaient consolés du drame du mieux qu'ils avaient pu. Ils avaient beaucoup discuté. Ils avaient chacun élevé la voix. Mais ils avaient fini par tomber d'accord. Ce meurtre gratuit avait été la goutte d'eau pour eux. Ils partiraient vers une île perdue dès le lendemain. Le temps de régler quelques affaires courantes, de faire leurs bagages et ils monteraient dans un petit avion loué à un ami qui habitait en dehors de la ville.

- Tu as raison, avait dit John. Si je reste ici encore quelques jours, je finirai par ne plus pouvoir répondre de mes actes.

 

Le soir, Linda était allée faire des courses pendant que John terminait de remplir sa voiture. Tandis qu'il vérifiait le contenu du coffre, la lumière du jour déclina brusquement et levant la tête, il vit la lune monter brusquement dans le ciel comme tirée par un fil invisible. Il secoua la tête. Il était vraiment fatigué. Il était temps que cette journée se termine.

 

Linda abandonna sa voiture sur le parking du supermarché. Elle avait vu peu de gens. Elle n'avait pas osé leur annoncer son départ. De peur sans doute qu'on lui rétorque que sa tentative était vaine.

Elle essaya de chasser ses sombres pensées. Le soir était étrangement calme et l'air vivifiant. Elle trouvait que c'était une bonne idée de rentrer à pieds pour goûter une dernière fois l'atmosphère de cette ville dans laquelle ils avaient séjourné depuis tant de temps.

Elle regarda les sacs qu'elle portait. Elle avait presque envie de se convaincre que c'était un soir comme ceux d'avant, du temps où rien ne perturbait le quotidien, où rien ne menaçait le bonheur cousu au fil des ans avec l'homme de sa vie. Les sacs étaient lourds. John la sermonnerait sûrement d'avoir laissé sa voiture. Mais cela la fit sourire. Un nouveau départ les attendait quelque part. Incertain. Mais ils étaient ensemble. Le reste importait peu en regard de cela.  Elle n'était plus très loin. Elle pouvait même apercevoir la silhouette de John arc-bouté sur la voiture éclairée par le réverbère. La lune était pleine et brillait au-dessus  de la rue.

Elle songeait à l'avertir de son arrivée lorsqu'elle perçut une présence à ses côtés.

 

Le cri déchira le silence comme un éclair peut déchirer la nuit. John se redressa violemment. Il ne pouvait se méprendre sur le son de la voix.

- Linda !

Il courut dans la rue comme un fou. La vision de Henry Swift sans vie revint le hanter. Il la chassa rapidement. Il n'eut pas à courir longtemps. Il trouva le corps allongé sur la route au milieu des aliments et des objets épars. La tête reposait à même le trottoir. Le poignard avait frappé à plusieurs endroits avec la même effroyable indifférence. Un autre tueur fou était en liberté et Linda venait d'en payer le prix. Ses paroles du matin résonnaient maintenant de manière prophétique à son esprit pourtant assoiffé de rationalisme. Ses poings frappèrent le bitume sans qu'il en prenne conscience, y laissant deux inquiétantes cavités.

John ancra son regard sur le visage blafard de la femme de sa vie. Il évita d'attarder son attention sur les blessures profondes à l'image d'un équilibriste qui se désintéresse du vide pour mieux accomplir sa progression.

- Pourquoi tu n'as pas pris ta voiture, pourquoi ?

Une larme coula sur la joue de Linda.

- Il faisait si bon, John. Il faisait si bon.

John saisit son portable - qu'il ne se rappelait pourtant pas avoir emmené - et composa le numéro des urgences.

- Comment il était ? Dis-moi comment il était ce fils de pute !

- Il était jeune. Si jeune. Un enfant avec des yeux bleus. Magnifiques. Tu sais, j'ai cru qu'il voulait m'aider à porter mes courses. Comment je peux être encore aussi naïve après...

John plaça un index sur ses lèvres.

- Ne parle plus, chérie. Economise tes forces. L'ambulance va arriver.

John entendit la voix d'un opérateur. Il essaya de parler calmement.

- Ma femme a été agressée. Elle est grièvement blessée. Elle s'appelle Linda Carson. Oui, je suis avec elle. Très bien. Nous sommes à ...

John ne sentait plus le pouls de Linda. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais ils le fixaient sans ciller en un regard désespéré qui lui figea le sang.

- Elle est partie, murmura-t-il sans y croire.

L'opérateur le bombardait de questions, mais John lâcha le téléphone, incapable d'écouter autre chose que le silence de mort qui venait de recouvrir sa femme comme un linceul.

- Linda.

Il la prit dans ses bras et ce fut pire encore. John enfouit son visage dans ses boucles blondes. Pour la dernière fois.

Le bruit d'une moto l'arracha à son cérémonial. Le deux-roues venait dans sa direction. C'était celui de ce matin, il en était persuadé. Sa vengeance n'aurait pas le temps de refroidir. Il ramassa instinctivement l'objet le plus proche de sa main sans regarder si cela pouvait faire office d'arme et le jeta sur le pilote de toutes ses forces :

- De la part d'Henry !

Le pilote se baissa et le passager reçut le projectile en pleine figure. Sous l'impact, ses dents se brisèrent et son nez implosa comme une bombonne. Celui-là allait regretter de ne pas avoir mis de casque. Il tomba inanimé sur la route et tandis que le pilote s'emparait d'un Uzi et faisait feu sur lui, John observa avec fascination l'orange qu'il avait projeté roulait sur elle-même dans une flaque de sang. On aurait dit un astre effectuant sa rotation en une danse macabre. Belle métaphore, se dit-il avant de s'apercevoir qu'il aurait dû être mort. La moto disparut à l'autre bout de la rue. John adressa un dernier regard à Linda. Il l'embrassa et se releva, le regard aussi noir que celui d'un serpent. Il écrasa une pomme sous son talon et s'élança à la poursuite du deux-roues.

 

Il le retrouva facilement sous un porche pourtant mal éclairé. John avait le sentiment d'être dans la peau de quelqu'un d'autre. Comme s'il était entré dans une parenthèse de sa vie. Il avait une mission, un but qui excluait toute idée de pardon, de compassion. John n'avait guère eut le temps de dévisager les criminels, mais il sut qu'ils ne devaient pas avoir trente ans à eux deux.

Ils connaissaient sûrement l'assassin de Linda. Ils se connaissaient tous. Il en était convaincu.

John s'approcha à tâtons. Le jeune fouillait dans un buisson. Et il jurait tant qu'il pouvait.

- Fais chier, il est où ce fusil ? Je l'avais laissé là, bordel ! Ils font chier ces cons à piquer les flingues des autres !

- Tu devrais pas être au lit à cette heure là ?

Le jeune se retourna. Il portait une cagoule, un débardeur blanc, un treillis et des bottes cloutées. Mais John n'avait d'yeux que pour les siens. Ils brillaient comme des saphirs. Des yeux  bleus. Magnifiques.

- Qu'est-ce que tu fous là, toi ? Je t'ai buté !

John s'avança. Il n'avait pas peur. Mais l'autre non plus. Comme si tout ceci n'était vraiment qu'un jeu pour lui. John lui sourit. Un sourire de requin.

- Tu devrais changer de job, alors. Parce que tu t'es loupé en beauté.

Le jeune pointa son Uzi.

- Dégage où je te massacre, enfoiré !

- Pour ça, il faudrait que tu aies des balles. Tu n'en as plus et c'est sans doute pour ça que tu cherches ton fusil.

Les yeux bleus s'agrandirent de stupéfaction.

- Comment tu... c'est toi qui me l'a piqué, enfoiré ! Putain, mais tu te prends pour qui ? Tu pouvais pas rester chez toi ? Je vais te massacrer !

Il lança le pistolet-mitrailleur en espérant sans doute atteindre John au visage. Mais John rattrapa l'arme aussi adroitement que possible. Son index caressa la détente avec un plaisir sadique :

- Dis-moi pourquoi tu as fait ça ? Je ne prétends pas t'épargner, mais cela satisfera ma curiosité.

Le jeune produisit un couteau de chasse presque aussi long que son bras.

- T'es con ou tu le fais exprès. Tu l'as dit toi-même : le chargeur est vide !

Le regard de John se vissa sur la lame. Elle brillait, elle était propre. Ce fumier avait eut le temps de la nettoyer, dieu sait comment. Le visage de Linda traversa son esprit. Comme en réponse, son doigt pressa la détente. Le bruit de l'arme ne le surprit même pas. Elle s'accordait à sa volonté. Le jeune tomba, l'épaule gauche trouée de 9 mm.

John se rapprocha de lui. Le garçon ne semblait pas souffrir de sa blessure. Mais plutôt du fait que le chargeur aurait dû être vide. John voulut lui retirer sa cagoule, mais il craignit que de voir son visage l'empêchât d'accomplir sa besogne.

Le garçon dut comprendre son intention, car il l'implora malgré tout :

- Putain, faites pas ça ! Vous voyez bien que je suis qu'un gosse. J'ai que quinze ans. Faites pas ça, je vous dis. Je suis qu'un gamin !

John hésita. Il voulait venger la mort de Linda. Tout en lui réclamait cette finalité. Mais les paroles mêmes de sa femme s'opposaient à cet acte. Ces paroles qui le désigneraient comme un criminel au même titre que celui qu'il avait sous les yeux. En tirant, n'allait-il pas devenir ce qu'il condamnait ? Le regard sans vie de Linda lui apparut, abrutissant sa lucidité. Elle était partie. Pour toujours. Il n'avait donc rien à espérer. Rien à faire. Rien d'autre qu'honorer sa mémoire. Et cela exigeait un sacrifice.

John mit le garçon en joue. Ses yeux de serpent jetèrent des éclairs.

- Non, tu n'es pas qu'un gamin. Tu es l'assassin de ma femme.

Le bruit de l'arme ponctua sa funeste sentence.

 

- Putain, c'est quoi ce bordel !

Eric gesticulait sur sa chaise comme si elle était électrique.

Son frère Jérôme l'entendit depuis les toilettes. Il tira la chasse d'eau et le rejoignit :

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as encore perdu ?

- Ouais, y a un connard qui m'a shooté avec mon Uzi. Il avait l'air balèze alors j'ai pris l'option reddition et il m'a quand même buté !

-  Qu'est-ce que tu veux. Y a des joueurs qui respectent rien.

- C'était pas un joueur, c'était l'IA du jeu ! J'ai buté une femme avec mon couteau et apparemment c'était la sienne. C'est un truc de malade !

Jérôme sourit. Il n'avait pas la même passion que son frère, mais cela l'amusait toujours de l'entendre râler à ce sujet.

- Ca prouve que c'est bien fait. Il y a une vraie cohérence. C'est pour ça que le jeu marche aussi bien, non ?

- Ouais, mais j'arrive plus à me connecter avec mon avatar.

- T'as qu'à en changer ?

- T'es ouf, toi ! J'avais débloqué trop de trucs avec Tunk15.

Les magnifiques yeux bleus d'Eric brillaient. Il était au bord des larmes.

- Je suis dégoûté. En plus j'avais réussi à refaire mon visage. J'ai passé des heures sur ce perso !

Eric quittait son rôle de gangster pour redevenir un simple adolescent. Emotif. Vulnérable.

Il se leva de son siège, balança son micro-casque et quitta la chambre, non sans renverser quelques étagères au passage.

Jérôme le regarda s'éloigner avec un sourire. Il savait qu'il allait noyer son chagrin dans un pot de crème au chocolat ou en regardant un épisode de Vyvychibi, son manga préféré. Il prit sa place devant l'ordinateur et détailla les menus de l'écran avec le sentiment d'ouvrir la boîte de Pandore.

Il regarda la jaquette du jeu posé sur le bureau. L'affiche représentait un fusil-mitrailleur sur lequel venait se greffer les mots Criminalité Intensive.

En dehors de cela, le rendu graphique était d'une étonnante sobriété, loin du réalisme et de l'image spectaculaire véhiculés par le jeu. Mais en bas de l'affiche, comme pour les rappeler, s'étalait le slogan connu dans le monde entier : « Maintenant on ne joue plus ! »

 

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2. Succès Déverrouillé : Premières Armes 

                     

Pour John Carson, plus rien ne pouvait avoir de sens.

Il venait de perdre Linda, l'être le plus cher à ses yeux. Et en donnant la mort, il venait aussi de perdre son bien le plus précieux : sa vertu. Sa vengeance assouvie, du moins l'espérait-il, sa conscience faisait de nouveau son boulot. Et elle venait de le mettre sur le banc des accusés.

Il jeta le pistolet-mitrailleur et se recroquevilla comme un enfant. Ce faisant, il ne vit pas le corps du jeune garçon disparaître subitement sans laisser de trace.

John attendit que la police vienne l'arrêter. Car sur l'instant, c'était bien son seul souhait. Il avait commis la chose la plus monstrueuse à ses yeux et aussi à ceux de Linda. Il avait alimenté la violence qui ravageait la société et contre laquelle il s'était indigné.

Et il l'avait fait de la pire des façons.

Il ne sait pas combien de temps il attendit. La nuit était sans doute bien avancée lorsque la pluie s'abattit sur la ville sans crier gare. Peut-être une manière de nettoyer le sang qui avait coulé et de le laver de ses crimes. Mais là, il savait qu'il en faudrait beaucoup plus.

Il se leva et se dirigea vers la moto du gamin. Il fallait qu'il bouge. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais il ne devait pas rester là. Les flics n'étaient pas venus, alors son destin n'était pas encore scellé. Et puis, il repensa au corps de Linda allongé dans la rue. Comment avait-il fait pour ne pas y penser plus tôt ? Etait-il réellement devenu un monstre, lui aussi ? Peut-être que lorsqu'on avait tué quelqu'un, les pulsions éveillées empêchaient-elles de revenir vers une nature plus humaine.

John enfourcha la bécane. C'était un engin fait pour les sauts et les acrobaties sur des terrains accidentés, du motocross ou du trial, il ne s'y connaissait guère. Tout en la faisant démarrer sans la moindre anicroche, il se demanda si le jeune qui la pilotait naguère avait l'âge requis pour monter dessus. Il repensa à l'Uzi entre ses doigts frêles et il se mit à rire. L'instant d'après, il s'élançait vers sa maison dans un bruit de moteur pétaradant.

 

Il ne retrouva pas le corps de Linda à l'endroit où il l'avait laissé. Ni même à un autre. Il ratissa tout le quartier. Rien. Pas une trace de sang, pas un indice. Le jeune qui avait reçu l'orange en plaine figure s'était volatilisé lui aussi. Il eut la sensation d'être victime d'un complot avant de comprendre qu'il venait simplement de grossir la liste des victimes de la barbarie qui gangrenait la planète depuis quelques mois. Sa colère explosa.

- Bande de salauds ! Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi ?

Comme pour lui répondre, une explosion abîma la nuit au loin dans une fulgurance de jaune et de rouge. Un autre bâtiment important sans nul doute.

John s'écroula au beau milieu de la route et se recroquevilla comme un fœtus. La mort de Linda creusa en lui un sillon de douleur indicible.

Lorsqu'il put retrouver quelque force, les premières lueurs du jour éclairaient la ville, peignant les toits des maisons de couleurs chaudes propres à le réconforter un peu. Tout n'était pas complètement mort. Indifférente au sort des hommes, à leur folie, la nature continuait de produire ses chefs-d'œuvre.

John retourna près de sa voiture. Elle était pleine à craquer. Prête à partir. Il regarda la maison. Et détourna rapidement la tête. Y entrer n'était pas envisageable. Il se sentait bien trop fragile. Sa conscience lui certifiait que la meilleure chose à faire dans l'état actuel des choses était de quitter la ville comme prévu et de se rendre en avion sur une île épargnée par cette montée de violence. Mais une autre voix, une voix qu'il commençait tout juste à apprivoiser, lui assurait que la seule chose désormais qui pouvait donner un sens à sa vie était de devenir la parfaite némésis de ce mal incurable et ravageur. Il savait que cela allait le plonger davantage dans l'obscurité. Mais il ne pouvait se défaire de l'idée que c'était la seule chose véritablement sensée à faire. A quoi lui servirait de fuir ? Il se retrouverait seul, irrémédiablement. Pire que seul. Il ne serait plus avec Linda. Et cette souffrance là, il ne voulait pas la vivre. Rien ne pouvait l'obliger à le faire. S'il devait souffrir, alors il choisirait une autre façon. Et il comptait bien ne pas être le seul à souffrir. Il allait s'en assurer.

Il voulut récupérer son pistolet dans sa table de chevet, mais cela impliquait de retourner dans la maison. Une épreuve qu'il refusait en bloc. Il se prit la tête à deux mains et ce faisant, réalisa qu'il avait le pistolet dans sa main droite. Il l'observa, incapable d'expliquer sa présence. Depuis qu'il avait tué ce gamin, la réalité ne semblait plus tout à fait la même. En fait depuis qu'il avait perdu Linda, l'univers entier semblait lui montrer un autre visage. Comment aurait-il pu en être autrement puisqu'elle incarnait pour lui la vie au sens le plus noble ?

A moins qu'il fut lui-même la source de tous ces changements. L'idée d'être dans un rêve lui traversa l'esprit et il se dit que si tel était le cas, alors il se ferait un devoir d'en faire un cauchemar pour certains. En fait, la réponse lui importait peu, pour le moment.

S'il bénéficiait de ressources supplémentaires pour mener à bien sa mission, alors il n'y avait plus de doute à avoir, plus d'hésitation possible. Sa voie était toute tracée.

Il regarda sa main gauche et la seconde d'après, elle tenait un pistolet identique à celui qu'il possédait déjà. Maintenant que Linda n'était plus là pour agir sur lui comme inhibiteur, il allait pouvoir s'abandonner à ses pulsions les plus refoulées.

Il sourit.

La chasse pouvait commencer.

 

CHAPITRE 3 : L'Avènement de CRIM'IN

 

Dave Matheson était programmeur.

Il avait rejoint l'équipe de Blue Pill trois ans auparavant. Les projets sur lesquels il avait travaillé (souvent au détriment de sa vie privée) ne lui avaient valu que peu de considération et des émoluments pour le moins aléatoires.

Ils n'étaient qu'une dizaine dans l'équipe et les projets - bien que novateurs et attendus - étaient constamment remis en question par la direction, si bien qu'ils avaient l'impression de travailler pour rien. Jusqu'au jour où le studio fut racheté par la société DIEU [Divertissements Informatiques Educatifs Universels] qui après avoir inondé le marché de logiciels révolutionnaires sur la forme, décida d'exploiter l'univers du jeu vidéo et plus particulièrement du jeu en réseau.

Le directeur de DIEU, Donald Buff, était devenu rapidement l'idole de tous. Les adolescents l'adulaient. Les adultes l'adoraient. Lorsqu'il créa TotaLink TM  - un réseau qui rendit possible l'accès à toute une gamme de jeux depuis un PC ou une console - le nom même de sa société lui fut attribué. Il avait réussi, en quelque sorte, à enterrer la hache de guerre, réunissant deux supports jusque-là profondément antagonistes. Un véritable tour de force technologique qui lui avait valu de nombreuses récompenses lors des salons de jeux et des critiques dithyrambiques de la plupart des grandes revues spécialisées comme ZéroOne ou Screenshot.

Ce véritable pont avait alors fait naître dans l'esprit des concepteurs des idées nouvelles.

Car il faut dire qu'à cette époque, cela remontait à presque cinq ans, si les jeux en réseau pullulaient sur le net, il n'en était pas moins vrai qu'un seul d'entre eux monopolisait l'attention et entretenait l'attente des joueurs, tous profils confondus : le monde fantastique de Wind Of Reign (WOR pour les intimes et rebaptisé rapidement WHORE par ses détracteurs et il y en avait).

Rarement un jeu avait développé un tel esprit communautaire. Mais parallèlement à cet engouement massif, il divisait aussi beaucoup. On lui reprochait la médiocrité de ses graphismes, son univers hermétique, sa terminologie et ses règles d'évolution complexes. Quant au système de magie, il était régulièrement décrié à cause de la fâcheuse tendance qu'avaient les sorts à ne pas toujours produire les mêmes effets. La goutte d'eau avait été l'annulation de Devils & Devouts, une extension espérée par tous les joueurs et la médiocre adaptation ciné qui avait suivi.

Des erreurs, des défauts qui avaient fini par en dégoûter beaucoup, par en lasser d'autres.

Au fur et à mesure, la brèche s'agrandit, permettant à une nouvelle attente des joueurs de naître. Instinctivement, tous les regards convergèrent vers Donald Buff, le dieu de DIEU.

Et Donald Buff ne déçut personne.

Le lancement de CRIMinalité INtensive (qui allait rapidement devenir CRIM'IN dans la bouche et le cœur de millions de fans) fit l'effet d'une bombe.

La campagne de marketing envahit les médias. Tel un conquérant, Buff se rendit maître de tous les espaces publicitaires possibles et imaginables. Et ceux qui n'existaient pas, il les créa de toutes pièces. En seulement deux semaines, trois mois avant sa sortie officielle, CRIM'IN fut sur toutes les lèvres et devint la poule aux œufs d'or faisant de DIEU le nouvel El Dorado des Jeux Vidéos. Relayé par un formidable bouche à oreille, la promotion du futur hit n'épargna rien, ni personne. Et progressivement les éléments le constituant furent portés à la connaissance du public, gonflant un peu plus une popularité déjà phénoménale : un monde hyperréaliste, contemporain (à l'opposé de celui de WOR en quelque sorte), une surface de jeu immense sous la forme de plusieurs états imitant les Etats-Unis, une personnalisation extrêmement poussée de l'avatar, un sentiment de liberté total, des possibilités d'action innombrables, un gameplay intuitif, un nombre de caméras jamais vu...Bref, tout concourait à en faire le Saint-Graal des divertissements, l'idéal vidéoludique fantasmé par des générations de joueurs dans le monde entier.

Ceux qui s'étaient détournés des loisirs électroniques se surprirent à contempler les affiches et les couvertures des magazines avec une avidité presque coupable.

Le débat était lancé : Crim'In allait-il être le chef-d'œuvre annoncé, le digne successeur de WOR - désormais à bout de souffle - et satisfaire un public en mal de sensations fortes?

Ou bien Donald Buff n'avait-il fait qu'attiser l'intérêt général pour redorer un blason qui n'en avait guère besoin ? On le soupçonnait bien un peu d'être mégalomane, milliardaire et donc un peu mythomane. Mais quand même. Ses réussites passées jouaient indéniablement en sa faveur.

Lorsque Crim'In débarqua en grandes pompes dans le commerce - un 14 juillet ensoleillé à souhait - la question n'eut plus lieu d'être. Les magasins explosèrent leur chiffre, les serveurs furent saturés. En l'espace d'une semaine, DIEU remboursa le coût de sa campagne promotionnelle. En à peine un mois, les frais liés au développement même du jeu furent eux aussi remboursés et la société toucha des bénéfices substantiels, aidé en cela par un redoutable merchandising.

Non seulement, Crim'In trouva immédiatement son public, mais l'euphorie qu'il suscita fit passer l'intérêt de WOR pour une simple lubie.

La machine commerciale s'emballa. Tout se passa très vite. Trop vite au dire de certains.

Avant même que l'on devine toutes les implications liées à la vente de ce produit, Crim'In était devenu LA référence dans tous les domaines. Sa Bande Originale se vendait comme des petits pains. Les hommages des joueurs fleurissaient un peu partout sur le net sous forme de vidéos amateurs, de fics. Le jeu avait même son émission télé présentée par une star du journalisme. Chaque jour, elle interviewait une vedette américaine chez elle, en train de jouer et qui vendait Crim'In avec autant de conviction que s'il s'agissait d'un candidat à la Maison Blanche.

Celui qui ne connaissait pas Crim'In était traité d'ermite. Celui qui n'y avait jamais joué était considéré comme un autiste.

En raison de sa violence et de son langage cru - le système TotaLinkTM autorisait les joueurs à transmettre intégralement leurs paroles à leur avatar - le jeu était interdit aux moins de 18 ans. Mais sa popularité avait eu rapidement raison de la législation et les parents, dépassés par l'ampleur des évènements, avaient bien du mal à s'assurer que leurs enfants n'étaient pas trop exposés.

Il y eut bien une levée de boucliers de certains syndicats, d'associations familiales et de personnalités qui jugeaient Crim'In comme un catalyseur de perversion pour une jeunesse déjà en manque de repères.

Donald Buff garda longtemps le silence avant de s'exprimer sur cette polémique face aux caméras lors d'une soirée de bienfaisance. Ses mots furent choisis avec le soin dont il était coutumier et devaient rester longtemps en mémoire. Il annonça des chiffres bientôt repris par les médias du monde entier. Pas les chiffres de vente du soft, ni le nombre de connexions par jour. Il annonça que depuis la sortie de Crim'In, le taux de criminalité avait baissé de 30 % dans les grandes villes.  Nouvelle bombe !

L'enquête fut approfondie et l'on fut rapidement en mesure d'affirmer que ce pourcentage était en deçà de la réalité. La vente d'armes avait aussi baissé de manière sensible, et dans le même temps on nota une réduction des guérillas urbaines et de la violence dans les écoles qui avait justement atteint un stade critique.  Même les conflits domestiques se raréfièrent.

La nature propre de l'homme semblait sur le point de connaître un changement et pas des moindres.

Au début, on ne put clairement certifier que cette évolution des mœurs était directement liée au succès de Crim'In ni même si elle avait fait partie des ambitions de Donald « DIEU » Buff.

Mais le temps finit par dissiper toute hésitation à ce sujet. Les ventes continuaient de grimper et la seule chose qui explosait désormais était le chiffre d'audience des émissions qui avaient pour thème le jeu aux mille records.

On en profita pour montrer du doigt ceux qui avaient crié au scandale.

La même année, lorsqu'on voulut décerner une récompense importante à Donald Buff, celui-ci la refusa poliment en se contentant de dire :

« Je suis président des Divertissements Informatiques Educatifs Universels. Et j'aime mon métier ».

 

4. Succès déverrouillé : Grand Theft Auto



John repéra une Dodge Viper accidentée qui avait dû servir de rempart lors d’une fusillade à en juger par les innombrables impacts de balle qui grêlaient sa carrosserie. John ne renonça pas à l’utiliser pour autant. Il avisa plusieurs autres voitures dans le même état et sentit une violente décharge électrique le parcourir des pieds à la tête. Ses yeux s’illuminèrent d’un feu surnaturel et brandissant ses mains, il commença à les faire danser devant lui tel un marionnettiste. Les épaves qui jonchaient la route se désassemblèrent violemment et il comprit qu’il était en mesure de manipuler les débris résultant de cette opération. Il créa avec un plaisir manifeste un ballet surréaliste de portières, de calandres, de capots et de pare-chocs avant d’orienter les pièces détachées sur la Viper. Sous l’emprise d’un nouveau et stupéfiant pouvoir, il les positionna et les souda habilement, confectionnant en un temps record un blindage du plus bel effet. Encore sous le choc de sa réussite, il monta dans la voiture qui avait maintenant des airs de forteresse. Il ne trouva pas les clés et s’en moqua bien. Le simple fait de poser ses mains sur le volant fit vrombir le moteur. Le bruit eut le don d’agrandir encore son sourire.
Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur intérieur et grimaça en voyant ses cheveux châtains et bouclés qui ne lui avaient jamais vraiment plu. Son regard s’intensifia et sitôt après il vit avec ravissement sa chevelure noircir et retomber sur ses épaules avec un léger éclat bleuté. Il en profita aussi pour transformer un peu son visage qu’il affina et dota d’une cicatrice esthétique sous l’œil droit. Mû par une vive inspiration, il saisit le lobe de son oreille droite entre deux doigts afin d’y incruster un piercing scintillant. Ses vêtements anodins avaient eux aussi besoin d’une petite retouche. Il inspira à fond et lorsqu’il expira, son corps se muscla avant de se couvrir de cuir noir comme une deuxième peau. Maintenant que son apparence physique s’accordait parfaitement à sa psychologie, il était prêt à œuvrer en toute quiétude.
Des vestiges du visage et de la voix de Linda menacèrent un instant de briser sa nouvelle personnalité, mais c’était sans compter sa volonté farouche de refuser l’état de martyre.
Et à ce jeu là, il était en train de passer maître.
Il démarra en trombe. Comme un signal adressé à son intention, l’horizon vomit une nouvelle explosion.

 

CHAPITRE 5 : Chasse à l’homme



Lorsque Eric revint prendre place devant son PC, son frère Jérôme n’était plus là. Mais il trouva un mot de sa part scotché sur l’écran :

Une petite surprise t’attend dans ton jeu préféré.

Intrigué, Eric accéda à l’interface de Crim’In. Il ouvrit démesurément ses beaux yeux bleus en découvrant qu’il avait un nouvel avatar. Il répondait au nom de Dielsel45 et était un sosie plutôt fidèle de son acteur préféré : Vin Diesel. Il poussa un cri de joie. Eric lui avait fait un énorme cadeau qu’il n’était pas prêt d’oublier, d’autant plus qu’il le savait plutôt réfractaire à ce genre de jeu. Désireux au plus vite de tester son personnage, il se connecta, un sourire fendant son visage d’ange heureux. Il fit le tour des différentes maps fréquentées. Avant d’en sélectionner une, il prit le soin de déposer dans chaque état de nombreux avis de recherche ainsi libellés :

IA RECHERCHé : JOHN CARSON
TRES DANGEREU-REDITION IMPOSSIBLE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45



En dessous du message figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.

 

6. Succès déverrouillé : Œil de Lynx



Les trois policiers en uniforme attendaient d’hypothétiques renforts avec un espoir qui forçait l’admiration. Le déluge de feu qui s’abattait sur eux depuis dix minutes ne semblait en rien entamer leur moral au contraire de la voiture de patrouille qui leur servait de gilet pare-balles et qui prenait de sérieuses allures de passoire.
De l’autre côté de la rue, derrière une barricade faite d’un conglomérat de débris, deux gangsters rivalisaient d’acharnement. Le premier était un sosie de Al Pacino. Il portait une chemise hawaïenne et vidait son fusil-mitrailleur sur les flics avec exultation.
Le second portait une combinaison noire et un masque de paint-ball. Son expression était invisible mais les deux Uzis qu’il pointait devant lui étaient un excellent reflet de la hargne qui le possédait. Tandis que son complice harcelait les agents, lui s’amusait à tirer près d’un quatrième policier au sol que ses collègues hésitaient à secourir.
Le tireur masqué cessa brusquement de faire feu. Les policiers comprirent qu’il venait de vider ses chargeurs. Encouragé par ses partenaires qui se mirent à le couvrir du mieux qu’ils purent, l’un d’eux s’élança vers le blessé. Il l’empoigna par un bras et commença à le traîner vers la voiture qui menaçait pourtant d’exploser à tout moment. La casquette du flic inconscient tomba, dévoilant un chignon noir. Le secouriste serra les dents, sachant combien le temps lui était compté. La balle d’un sniper lui traversa le crâne et il tomba à son tour.
- Putain je lai eu ! s’écria Eric. Trop fort !
Jérôme revint sur ces entrefaites.
- Ca y est, tu es reparti pour une nuit blanche !
- Merci pour Vin, t’as trop assuré, franchement ! Je te revaudrais ça !
Jérôme sourit à l’idée de ce qu’il allait lui demander.
- Et si en échange, tu me promettais de te coucher avant qu’il fasse jour.
- Tu me crées un super perso et tu veux que je m’arrêtes ?
Le sourire de Jérôme pâlit.
- Effectivement, c’est un peu dur, mais ça me plairait de savoir que tu as dormi. Les parents rentrent pas avant demain soir. Je dois m’assurer que tu fasses pas que jouer. Tiens j’ai apporté une pizza. Faut que tu manges aussi.
Mais Eric l’avait à peine entendu.
- Regarde bien. Je vais m’en faire un autre ! Y vont rien voir, ces cons ! Regarde !
Les deux policiers jetaient des regards affolés vers les deux victimes. Ils essayèrent de repérer la position du sniper dans l’immeuble dévasté en face d’eux et tirèrent au jugé.
- Merde, lâcha Eric. Ils vont m’avoir !
A l’idée qu’ils pourraient perdre définitivement cet avatar comme le précédent, il décida de s’adresser aux deux fous furieux en bas de l’immeuble qui canardaient à tout va. Le gamertag des joueurs qui les manoeuvraient apparaissait clairement au-dessus de leur tête.
- Scarefaith et Jazz-on, couvrez-moi, je suis au-dessus de vous, les mecs. Je vais les allumer !
Les deux intéressés levèrent le nez et éclatèrent de rire en voyant un colosse chauve leur faire signe.
- Eh, Diesel45, la prochaine fois, télécharge un mod vocal. Parce que Vin Diesel avec une voix de fillette, franchement ça le fait pas !

Eric comprit qu’il n’était pas forcément le bienvenu et que ça allait être du chacun pour soi. Il s’en fichait. Il allait montrer à ces crétins ce dont il était capable.
Il enclencha le zoom de son fusil et explorant la voiture des flics, repéra le symbole de tête de mort qui indiquait des chances de destruction maximales. Avec un peu de chances, les deux autres guignols en prendraient plein les yeux. Littéralement. Il pressa la détente : l’explosion qui en résulta le fit frissonner de plaisir. Il déchanta subitement lorsqu’il vit la boule de feu se figer sans avoir pu causer le moindre dommage aux flics.
- Non, putain de bug de merde !
Scarefaith et Jazz-on se désintéressèrent de leurs cibles lorsqu’ils remarquèrent un personnage aux cheveux longs, entièrement vêtu de cuir noir s’avancer dans leur direction. Il était descendu d’une voiture de sport déguisée en char d’assaut, ce qui était la moindre des raisons de s’intéresser à lui.
Max et Shane se dévisagèrent. Ils jouaient côte à côte, le premier sur un PC dernier cri, l’autre sur une console next-gen. Ils étaient potes, dans la vie comme dans le virtuel.
- Si c’est pas un joueur, il est mort ! dit Shane. De le tuer, ça doit débloquer quelque chose, à tous les coups.
- Si c’est un joueur, dit Max on lui demande comment il a eu le code pour faire ça !
Ils rapprochèrent la caméra de l’arrivant pour repérer s’il avait un gamertag. Mais tandis qu’il avançait d’une démarche souple, rien n’était visible au-dessus de sa tête. La fumée rémanente n’aidait en rien l’observation. Alors que l’homme entrait dans la zone de la fusillade, quelque chose se matérialisa au-dessus de sa tête. Ce n’était pas un gamertag. Juste trois mots.
VOUS ETES MORTS !
Jazz-on reçut une flopée de balles dans la tête et dans la poitrine. Son masque de paint-ball ne lui fut d’aucun secours. Les flics en avaient profité pour reprendre leurs esprits et maintenant ils jouaient les cow-boys. Le tueur tomba avant de disparaître.
- Merde ! s’écria Shane. Les enfoirés !
Max ne quittait pas son écran des yeux.
- Vite, reconnecte-toi ! On va tous se les faire à deux, comme d’hab.
Ils échangèrent rapidement une poignée de main secrète et hurlèrent leur cri de guerre :
- Crim’In, pas de panique ! Crim’In, on vous nique !
Shane était entré dans les menus de l’interface, et progressivement son visage trahit un sentiment de panique.
- Je le crois pas !
- Dépêche-toi, les flics me font chier, là !
Le visage de Shane était livide.
- Je peux plus me connecter ! Mon profil est corrompu. J’ai tout perdu, putain !
- Bâtards !
Scarefaith ne prit même pas la peine de viser. Il actionna le lance-grenades dont était muni son fusil-mitrailleur. L’explosion aurait dû tuer les deux flics. Mais une fois encore, l’image de la déflagration fut stoppée dans son animation et dans ses effets.
Scarefaith bondit par-dessus la barricade et fit face à John Carson.
- C’est toi qu’es mort !
Il tira.
John esquiva la grenade d’une simple torsion du coup. Le projectile rebondit au sol avant de s’immobiliser sous la Viper. L’explosion souleva le véhicule dans les airs comme un jouet. La voiture effectua une magnifique série de soleils avant de faire mine de s’abattre sur John. Ne sentant visiblement pas la menace approcher, il dégaina l’un de ses pistolets.
- Pauvre naze, dit Max, tu sais pas à qui t’as affaire.
- Il va falloir qu’ils améliorent encore l’IA, souligna Shane.
Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu. John pointa son arme vers le ciel et la calandre de la Viper se vissa dessus comme sur un aimant.
C’est à peine si sous le poids son coude plia.
Eric suivait la scène, abasourdi.
- C’est quoi ce mec encore!
- Tire dans le réservoir ! s’exclama Shane. Explose-le !
Scarefaith allait s’exécuter, mais rapide comme l’éclair, John dégaina son deuxième pistolet et lui explosa la tête.
- A moi de jouer, fit Eric.
Il effectua un zoom sur la Viper et remarqua le symbole caractéristique en forme de crâne. Il allait tirer, mais se ravisa. Cela ne servait à rien. Le gars était capable d’arrêter les explosions. Il baissa alors le canon de son fusil et ajusta la tête de John. Ce dernier baissa son bras. Son pistolet et la Viper accompagnèrent le mouvement comme une extension de lui.
C’est alors que Eric aperçut quelque chose se matérialiser au-dessus de la tête de sa cible. Pas un gamertag. Juste deux mots.
ENCAISSE CA !
La détonation retentit et la Viper fila à la vitesse d’une balle, s’encastrant violemment dans le bâtiment où le sniper s’était retranché. L’édifice – qui était déjà mal en point – s’écroula complètement dans un volumineux nuage de poussière.
John rejoint les deux policiers qui tentaient de réanimer leur partenaire.
- Merci, dit l’un d’eux. Sans vous…
- Mais comment vous avez fait ce truc avec la voiture ?
John afficha un sourire las.
- Faites comme moi. Ne cherchez pas à comprendre.
Les flics essayèrent le massage cardiaque, le bouche à bouche, sans succès.
John s’agenouilla auprès de la jeune femme inconscience. Il se surprit à la trouver jolie.
Il lui suffit de placer une main au-dessus de son visage pour qu’elle ouvre les yeux.
Les flics observèrent la scène bouche bée.
- Comment vous…commença l’un d’eux avant de se rappeler le conseil de John.
- Elle va bien, mais elle est encore très fragile. Je vais l’emmener vers un lieu sûr.
- Un lieu sûr ? Mais il n’y plus aucun lieu sûr depuis longtemps. Ici, à Slaughterfalls, comme partout ailleurs, c'est le chaos total, l'anarchie !
John se releva, la femme dans ses bras.
- Alors elle restera à mes côtés. Je ne connais pas d’endroit plus sûr.
Il émit un bref sifflement. Dans un grand envol de gravats, la Viper jaillit des décombres de l’immeuble et retomba sur ses roues. John installa la femme sur le siège du passager.
Les deux flics dévisagèrent John, comme attendant qu’il s’occupe aussi d’eux.
Et c’est ce qu’il fit.
Il tendit une main vers la voiture de patrouille et elle fut comme neuve. Il s’approcha ensuite des deux flics et posa une main sur une de leurs épaules.
- Ainsi SWAT-ils !
Le temps d’un clin d’œil, il se retrouva assis au volant de la Viper et démarra en trombe.
Les deux flics assistèrent à son départ, muets comme des carpes, avant de réaliser qu’ils portaient des uniformes d’élite et des armes de gros calibre.
- Ce mec est un dieu ! déclara l’un d’eux.
Ils montèrent dans leur voiture et quittèrent les lieux à leur tour.

La jeune femme remua sur son siège et jeta des regards affolés autour d’elle.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui êtes-vous ?
John sourit. Il était ravi d’avoir un peu de compagnie.
- Vous avez été attaquée par des voyous. Vous êtes en sécurité, maintenant. Je m’appelle…
Il hésita. Il voulait s’éloigner encore un peu plus de l’homme qu’il avait incarné jadis. Il avait changé d’état d’esprit, d’apparence. Il était capable de faire des choses hors du commun sans même y penser. Il avait en quelque sorte enfanté une autre version de lui. Une version infiniment supérieure. Il ignorait comment, il ignorait pourquoi. Pour l’instant, il se contentait de l’accepter et ça lui réussissait plutôt bien.
Il était donc tout naturel qu’il change aussi de nom.
- Appelez-moi John...son.
La femme sourit avec chaleur.
- Merci d’être venu à mon secours, Johnson. Moi je m’appelle…
- Rachel Evans, dit Johnson avec une extraordinaire assurance.
La femme ouvrit de grands yeux, ne pouvant cacher sa consternation.
- Mais comment…
Johnson se mordit la lèvre inférieure. Ses pouvoirs commençaient à le mettre dans l’embarras.
- C’est écrit au-dessus de votre tête.
- Quoi ?
Puis elle éclata de rire.
- Vous avez failli me faire marcher, vous savez.
Elle posa alors une main près de l’insigne cousu sur son uniforme où était écrit :
Rachel Evans – Pour vous Protéger et vous Servir

Une silhouette massive jaillit des vestiges de l’immeuble, les vêtements déchirés, le corps ensanglanté. Diesel45 s’avança en traînant les pieds jusqu’à l’endroit où les deux explosions étaient encore inertes. Son crâne glabre était maculé de sang et de poussière. Mais ses yeux jetaient des éclairs.
- J’ai pas dit mon dernier mot, fit la voix juvénile de Eric.

Rachel allait ajouter un mot, mais Johnson leva un index.
- Un instant. J’ai quelque chose à terminer.
Il fit claquer ses doigts.
Les deux explosions achevèrent bruyamment leur œuvre, catapultant Dielsel45 plus de dix mètres au-dessus du sol et l’envoyant heurter un panneau d’affichage arborant la célèbre jaquette de Crim’In et son non moins illustre slogan : On ne joue plus !

 

CHAPITRE 7. Lettre à D.I.E.U.

 

Les yeux rougis pas les larmes, Eric tentait vainement de calmer sa rage en envoyant à travers sa chambre tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Il venait de reperdre un avatar qu’il chérissait, que son frère avait pris la peine et le temps de lui créer. Et voilà qu’à nouveau ce bug qui l’empêchait de se reconnecter. Pour la bonne raison que Dielsel45 était introuvable.
Il s’apprêtait à lancer le clavier à travers l’écran de son PC lorsque Jérôme arriva, les cheveux en bataille, portant simplement un caleçon. Il attrapa le clavier à temps et adressa un regard de grand frère responsable et contrarié à Eric, tremblant comme un épileptique :
- Calme-toi, Eric. Assis-toi et calme-toi !
Eric obtempéra, non sans jurer entre ses dents. Jérôme s’assit sur le lit, à côté de lui :
- Tu es fatigué, vas dormir. Tu joueras mieux demain.
Jérôme tendit une main pour éteindre l’ordinateur, mais Eric l’arrêta :
- Pas encore, geignit-il.
Jérôme lui jeta un regard noir. Eric s’empressa alors d’ajouter :
- Je jouerai pas, je te jure. Je veux juste envoyer un mail à Buff. C’est pas normal que l’IA débloque comme ça. Je suis dégoûté, je viens de perdre Diesel45. Tu venais juste de le faire.
Jerôme sourit. Il n’arrivait pas lui en vouloir. Il ne supportait pas ses gamineries, mais Eric était un frère plutôt sympa en dehors de ça.
- C’est pas grave. Je t’en referai un encore mieux. Jason Statham, tu l’aimes bien aussi, je crois ?
Eric opina avec un grand sourire.
- Ok, on verra ça demain. Envoie ton mail si tu veux, mais après dodo, d’accord ?
Eric acquiesça de nouveau.

 

CHAPITRE 8 : Dans les coulisses



Tout comme Donald Buff, Dave Matheson aimait lui aussi son travail. Et il l’aimait chaque jour un peu plus depuis qu’il oeuvrait sur les fondations mêmes de Crim’In.
Assis devant son PC dernière – et même prochaine – génération, il s’appliquait présentement à résoudre les bugs de toutes sortes détectés par les programmes, les autres techniciens ou encore les joueurs eux-mêmes via quelques mails parfois virulents. Mais la plupart des messages que le studio Dead Zone recevait était plutôt sympathique.
Les joueurs remerciaient régulièrement les concepteurs d’avoir « crée un jeu aussi génial » et ils s’imaginaient souvent grâce à quelques compliments bien appuyés pouvoir accéder aux coulisses de fabrication du soft. Mais un tel privilège n’était pas encore à l’ordre du jour. Le studio Dead Zone – filiale de D.I.E.U. – était devenu l’un des endroits les mieux gardés des Etats-Unis. Et forcément aussi, l’un des plus recherchés.
On l’avait localisé à une centaine d’endroits d’après des sources sûres.
Bien entendu, tous s’étaient avérés faux.
La carte de Crim’In était découpée en 13 états de taille et de forme variables. Sous sa forme quadrillée, elle représentait 26 carrés de large – notés de A à Z – et 30 carrés de haut – évidemment notés de 1 à 30. En tout, 180 carrés comme autant de zones à surveiller, chacune d’elles étant placée sous la responsabilité d’un programmeur attitré. Selon le planning, les responsabilités pouvaient permuter. Et le planning était plutôt souple.
En ce jour, Dave Matheson avait la charge de la zone L-17 autrement dit la bourgade de Slaughterfalls. Et il apparaissait que cette contrée - d’ordinaire si dépourvue d’anomalies techniques – était devenue depuis peu un formidable aimant à bugs. Les joueurs depuis plusieurs heures inondaient la boite mail d’infos à ce sujet et bien souvent dans un langage peu châtié. Dave avait conscience que les concepteurs comme lui étaient des stars aux yeux des gamers, mais dès lors que les problèmes survenaient, ils devenaient rapidement la lie de l’humanité.
Dave inspecta toutes les données compilées. Il arrivait régulièrement que des bugs apparaissent en quantité dès que le nombre de membres connectés atteignait un certain niveau. Mais en consultant les archives, il s’aperçut qu’aux heures où les anomalies avaient été signalées, le nombre de connexions était relativement faible. C’était donc un souci lié au moteur graphique du jeu. Un moteur révolutionnaire baptisé Golgotha dont Dead Zone était l’inventeur et l’unique détenteur. Encore expérimental, il pouvait néanmoins afficher un nombre record d’éléments sans aucun ralentissement. Les mises à jour étaient fréquentes, mais il était encore largement perfectible. D’autant que les extensions – produites plus ou moins à la hâte pour satisfaire les attentes – repoussaient à chaque fois un peu plus les limites de ses capacités.


Dave était une sorte de nettoyeur et c’est d’ailleurs ainsi que les joueurs surnommaient affectueusement les techniciens comme lui. Ce n’était pas une tache ingrate. Bien au contraire. Dave avait connu bien pire du temps de Blue Pill et puis, maintenant, il avait la reconnaissance. A commencer par celle de son supérieur direct.

Lorsque Harvey Wizard entrait dans les bureaux de Dead Zone – qui ne méritait pas leur nom vu le nombre d’employés et l’agitation qu’ils généraient – il avait l’impression d’être un responsable de la NASA. En observant les programmeurs, les designers et tous les artistes concentrés sur leurs travaux respectifs, il voyait moins en eux les bâtisseurs du loisir le plus coté au monde que des techniciens chargés de maintenir une navette dans les airs le plus longtemps possible. Une navette avec beaucoup de gens dedans. Oui, la navette Crim’In. C’est ainsi qu’ils avaient tous baptisé le jeu qui avait ni plus ni moins sauvé la face du monde.
Ils soignaient le mal par le mal. Un mal réel par un mal virtuel. Mais plus qu’un mal nécessaire, Crim’In était devenu le super antidote, une boule anti-stress manipulée par des millions de personnes. Qu’importait si ce remède consistait à massacrer des ersatz d’humains. Dans les rues, les cités, le calme avait repris ses droits. On réglait les conflits manette en main. Le clavier et la souris avaient remplacé le fusil et la grenade. Le son des balles déchirant les chairs en THX avait fini par être plus séduisant que le bruit des vraies détonations. La mort était devenue trop esthétique sur les écrans HD. On pouvait régler la couleur du sang, tuner ses armes comme des voitures de course, enregistrer ses faits d’armes, les revoir sous des angles cinématographiques avec des ralentissements à rendre jaloux John Woo en personne.
Ce jour-là, lorsque Harvey Wizard entra dans les locaux de Dead Zone, il eut ce frisson qu’il ressentait à chaque fois. Il pensait aux innombrables joueurs connectés qui prenaient un immense plaisir à arpenter le monde de Crim’in, improvisant des alliances, des compétitions, des défis et des objectifs. Il s’imaginait à la place des vétérans, fins stratèges ou bulldozers, éliminant leurs rivaux avec une efficacité admirable, maîtrisant à la perfection les combinaisons de touches et connaissant la map sur le bout des doigts, faisant exploser les records tous les quarts d’heure. Il s’imaginait à la place des novices dont la première partie à Crim’In faisait figure de dépucelage, avec comme récompenses, une montée sensationnelle d’adrénaline et une jouissance à la même mesure qu’elle soit synonyme de victoire ou d’échec.
Il sourit en pensant à eux avant de s’adresser à ses troupes :
- Salut tout le monde. Comment va Crim’In, aujourd’hui ?


C’était une simple formule d’usage, car tout en disant cela, Harvey contempla le tableau holographique affichant la map entière de Crim’In, les zones et le nom du programmeur associé à chacune d’elle ainsi que le nombre de connexions et les gamertags des joueurs en activité. Il effleura une icône et consulta les derniers mails reçus. L’un d’eux retint particulièrement son intention. Il était adressé à Donald Buff, mais Harvey avait l’habitude de cette maladresse et il avait appris à l’accepter. Cela le faisait même sourire.
Maintenant que D.I.E.U. rentrait largement dans ses frais, que le studio se portait bien et que la mécanique était bien huilée, Buff chapeautait toujours le projet, mais de manière de plus en plus distante et ponctuelle. Il appelait régulièrement Harry et ils déjeunaient ensemble de temps en temps dans sa villa en se congratulant des résultats, mais leurs rapports devenaient purement anecdotiques. Harvey soupçonnait même Buff de travailler sur un nouveau projet. Ce qui aurait été tout à fait digne de lui.
Le mail avait été envoyé par un garçon de 15 ans originaire d’Orléans en France. Il était rédigé ainsi :

Monsieur Donald Buff,

Je m’apelle Eric, j’ai 15 ans et je vous écri car j’adore CRIMIN et que je j’y joue tout les jours. Mais en ce moment ya des petit problème qui m’énerve un peut. Il ya des pnj qui sont trop cheatés et qui ont tué mes deus derniés avatars et je peux plus jouer avec. C’est pas normal. Je vous envoi les images car j’ai acheté le mod DIRECTOR que je trouve super pour enregistré les actions et les envoyé aux potes. J’espère que ça vous aidera a réparé ce qui va pas. Merci pour tout ce que vous faisez sur le jeu. J’espère que la prochaine extension va biento sortir.

Avec tout le respé que je vous doit,

Eric



Harvey se dit que cela valait peut-être la peine de jeter un coup d’œil à l’enregistrement en question. Il arrivait souvent que les joueurs envoient les vidéos de leurs exploits afin d’épater les développeurs et peut-être Buff lui-même pour obtenir une hypothétique rencontre avec le directeur de D.I.E.U. en personne. Certains avaient même poussé le vice en créant un avatar à l’image de Buff. Ce qui, évidemment, n’était pas forcément de très bon goût. Mais Harvey savait que les mails étaient en général filtrés au préalable par des opérateurs bien attentionnés avant qu’il prenne la peine d’y accéder. Une sorte d’accord tacite.
Lorsqu’il visionna les images, il ne regretta pas sa décision et contacta sitôt après Dave Matheson avec qui, par ailleurs il entretenait d’excellents rapports. Il se réjouissait presque de devoir résoudre ce problème avec lui. Il pressa son lobe gauche :
- Salut Dave, tu vas bien ? Bon, écoute, je viens de consulter les mails et l’un d’eux s’est avéré fort pertinent. Tu es sur la zone sensible, c’est pour ça que je m’adresse à toi.
- Je m’attendais à votre appel. J’ai regardé la vidéo. Effectivement, un gros problème d’IA défaillante. J’avais encore jamais vu ça. Je suis en train d’essayer de localiser le sujet.
- Comment il s’appelle ?
- Le premier qu’on voit c’est John Carson. Le second, je ne sais pas. Il n’apparaît pas dans la mémoire et ce n’est pas un avatar de joueur. Très étrange.
- Ok, je te laisse chercher, je viens te voir dans un quart d’heure.
Ce qui implicitement voulait dire « tu as un quart d’heure pour démêler ce nœud avant que je ne vienne t’aider en faisant les gros yeux ».
Harvey allait couper la communication, mais il crut bon d’ajouter :
- Pendant que tu y es, recherche le nom du programmeur qui a crée ce gars-là. Avec un peu de chance, avant midi, tout sera rentré dans l’ordre.
Evidemment, Harvey Wizard ne pouvait pas savoir qu’avant midi, la face du monde allait de nouveau être bouleversée.

 

9. Succès déverrouillé : Corps d’Acier



Johnson ne savait pas trop pourquoi, mais de se retrouver aux côtés d’une femme, même très différente de Linda, lui ôtait toute envie de se confronter à nouveau à la violence et encore moins de la nourrir.
En fait, il eut subitement envie de reprendre le cours de son ancienne vie. Il voulait quitter la ville, fuir les combats, prendre cet avion et aller sur cette île dans le fol espoir de trouver la paix, la sérénité et un nouveau sens à sa vie.
Rachel s’alarma en voyant un panneau annoncer une prochaine sortie.
- Où nous emmenez-vous ?
- Loin de tout ça, loin de slaughterfalls. Je connais quelqu’un qui possède un petit avion. Je sais piloter.
- Mais je ne peux partir comme ça…avec vous, se sentit-elle obligée de rajouter pour le convaincre de son ineptie. J’ai une vie, ici, un travail !
De son côté, Johnson se sentit plus qu’obligé de rétorquer :
- Une vie ? Un travail ? Vous voulez rire ! Vous faites simplement comme tout le monde. Vous essayez seulement de survivre.
La remarque était cinglante, mais Rachel ne comptait pas s’en contenter.
- On ne se connaît pas. Je ne sais pas qui vous êtes.
- Moi non plus je ne sais plus qui je suis.
Johnson poussa un soupir qui en disait long, mais pas assez à son goût. Alors il comprit qu’il était légitime de se confier un peu à Rachel :
- J’ai perdu ma femme cette nuit. Un gosse l’a poignardée.
Il préféra ignorer l’expression d’épouvante de la jeune femme et poursuivit du même ton :
- Je l’ai retrouvé et je l’ai abattu à mon tour. De sang-froid. Et puis à partir de là, tout s’est accéléré. Je me suis mis à faire des choses, à voir des choses.
Il s’interrompit pour regarder ses mains posées sur le volant.
- jusqu’à maintenant, j’ai préféré tout ignoré et me laissé emporter par cette formidable force qui m’a envahi et qui grandit en moi un peu plus à chaque seconde. Ce n’est pas juste la colère et la vengeance qui m’habitent. C’est autre chose. C’est plus compliqué. Car il n’y a pas que ça.
Il se tourna vers Rachel, le temps pour lui de s’assurer qu’il avait toute son attention. Et il ne fut pas déçu.
- Il se passe des choses autour de moi, autour de nous dont nous ne sommes absolument pas responsables. Des choses inexplicables. Et je ne parle pas de la violence et des gangs. Les corps des morts disparaissent. Des mots apparaissent au-dessus des gens. Comme des noms de code. Vous voyez quelque chose au-dessus de ma tête ?
Rachel hésita avant de secouer la tête. Elle le scrutait comme si elle avait affaire à un fou.
Johnson s’en rendait bien compte.
- Et maintenant ?
Trois mots lumineux s’inscrivirent devant son visage.
FAITES-MOI CONFIANCE !
Rachel hoqueta de surprise.
- Comment vous faites ça ?
- Vous le faites aussi. C’est comme ça que j’ai su comment vous vous appeliez. En fait, tout le monde le fait, mais apparemment, je suis le seul pour le moment à le comprendre et à le contrôler.
A son tour, Rachel poussa un soupir lourd de sous-entendus.
- A mon niveau, j’ai entendu pas mal de choses inquiétantes. C’est peut-être une méthode de surveillance créée par le gouvernement.
- Tiens, parlons de lui. Où est-il ? Que fait-il ? Les autorités sont aux abonnés absents depuis un moment maintenant. Ils nous laissent dans notre merde. Ils se foutent bien de ce qui peut nous arriver. Et vous savez pourquoi ?
- Ils sont complices.
- Exact. Et ce chaos n’est ni plus ni moins devenu une sorte de contrôle pour eux. Pendant que nous essayons désespérément de nous protéger, les politiques peuvent s’adonner à leurs plus basses besognes en toute impunité. Dans ces conditions, pourquoi interviendraient-ils ?
Rachel se recroquevilla un peu sur son siège.
- Ca fait peur. C’est donc la fin ?
- Je ne sais pas. Il faut que je sache pourquoi je suis ce que je suis. Et il faut que je sache si je suis le seul.

Johnson freina sans crier gare et s’arrêta sur le trottoir. Il tendit un bras et décolla une affiche sur le mur couvert de graffitis provocateurs. Le message qu’il put lire était ainsi libellé :


IA RECHERCHé : JOHN CARSON
TRES DANGEREU-REDITION INéFICASSE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45



En dessous du texte figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.
- Vous le connaissez ? interrogea Rachel.
Johnson ressentit à nouveau cette sensation étouffante d’être la victime d’un complot à grande échelle. Il répondit sans vraiment y penser :
- Oui, c’était moi.
- Quoi ?
La détonation n’avait pas fini de retentir que la Viper traversait violemment le mur dans une explosion de briques et de débris métalliques.
De l’autre côté de la route, un char d’assaut pointa son canon entra deux maisons - qu’il démolit allègrement sur son passage – avant de s’arrêter près d’une borne à incendie.
La trappe d’accès s’ouvrit et un ado de dix-neuf ans apparut. Il était torse nu. Il portait un bermuda version camouflage et un casque de GI sur lequel était inscrit son gamertag : BORNKILLER. Une cigarette était rivée au coin de sa bouche. Il exhiba un fusil à canon scié recouvert de logos et tira dans la borne à incendie, libérant un puissant geyser d’eau. Il appuya son dos contre la trappe, allongea ses jambes et laissa l’averse le rafraîchir.
La voix du pilote – qui répondait au nom de DWAYNE et qui avait tout d’un catcheur – se fit entendre :
- T’es sûr que c’était la bonne caisse ?
L’autre observait le soleil à son zénith sans même cligner des yeux :
- Absolument. La description sur le forum était très détaillée. Le joueur a dit qu’il l’avait vue d’assez près.
- Pourquoi il vient pas nous rejoindre ?
- Il a dit qu’il avait des problèmes de connexion et qu’il devait se refaire un avatar. Et d’après lui c’est à cause du mec qu’on vient d’exploser.
- Jamais entendu parler d’un truc pareil. Comme si l’IA pouvait interférer avec le réseau. N’importe quoi !
- En tout cas, reprit BORNKILLER, on va attendre un peu ici. Je lui envoie notre position. Il nous rejoindra dès que possible.
- Tu crois que c’était un boss caché ?
- Non. On aurait remporté des points bonus et là c’est pas le cas.
- Tu crois qu’on l’a eu ?
BORNKILLER tapota la surface du char comme s’il se fut agi d’un animal de compagnie :
- Tu parles qu’on l’a eu. Rien ne peut résister à Texas.
Il avait baptisé le char ainsi en hommage à son labrador, mort quelques jours auparavant.
Il n’avait pas plus tôt dit cela que quelque chose s’élevait des ruines encore fumantes devant eux. BORNKILLER n’en crut pas ses yeux lorsqu’il vit une silhouette humaine se découper sur le disque jaune du soleil. Il se redressa.
- Merde, c’est lui là-haut ! On va lui envoyer un Baby Jaw !
Johnson tenait Rachel dans ses bras. Et il flottait dans le ciel sans le moindre effort à faire. Mais c’était là la dernière de ses préoccupations. Il contempla le visage de la jeune femme en essayant vainement de ne pas penser à celui de Linda juste avant qu’elle ne meure dans ses bras. Les lèvres de Rachel remuèrent. Elle eut comme un sursaut, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut une giclée de sang. Johnson sut qu’elle venait de le quitter. Et comme pour chasser le doute à ce sujet, son corps disparut. Comme tous les autres. La surprise de Johnson fut de courte durée. Sa fureur beaucoup moins.
- T’es sûr que c’est lui ? s’enquit DWAYNE. Il a l’air différent de la description.
Johnson était maintenant un colosse chauve au torse nu exhibant une pléthore de cicatrices et de tatouages tribaux qui à eux seuls auraient pu faire fuir une armée. Une cape noire déchirée se soulevait dans son dos de manière surnaturelle, s’agitant nerveusement comme la queue d’un félin contrarié.
- Feu !
Le canon du char cracha un obus titanesque doté d’un aileron sur lequel était dessiné un bébé à la mâchoire de requin. Johnson gonfla son biceps et lança son poing droit devant lui. Le choc de la collision brouilla l’image sur l’écran HD. L’étudiant et l’ouvrier assis au comptoir du Mike’s Bar échangèrent un bref regard avant de river de nouveau leur attention sur la télé, imités par une trentaine de clients, spectateurs assidus du jeu. C’est Mike, le patron, qui avait eu l’idée d’organiser ces séances publiques. Cela amenait pas mal de monde, les strip-teaseuses ne faisant plus vraiment recette.
Lorsque le nuage de poussière se dissipa, les deux joueurs et l'assistance derrière eux eurent une vision qui les laissa momentanément sans voix.
Johnson s’était fait un gantelet de l’obus destiné à l’anéantir.

Au-dessus de sa tête des lettres lumineuses apparurent, formant rapidement quelques mots à l’attention des assassins de Rachel :
J’IGNORE SI DIEU EXISTE MAIS VOUS VENEZ DE CREER LE DIABLE !
- Qu’est-ce que c’est que ce délire ? fit Mike les yeux rivés sur l’écran, essuyant distraitement un verre.
- T’es sûr que c’est pas un boss ? demanda l’ouvrier à son partenaire.
Mais au lieu de lui répondre l’étudiant hurla :
- Feu !
Johnson venait de projeter le Baby Jaw en direction du char, usant de son bras armé comme d’un lance-missiles.
DWAYNE s’exécuta aussi rapidement que possible et le canon cracha un nouvel obus.
Les deux projectiles se heurtèrent avec une violence inouïe. Un éclair envahit l’écran et aveugla momentanément toutes les personnes présentes dans le bar. L’écran s’éteignit une seconde avant de se rallumer, occasionnant une indicible frayeur chez les spectateurs.
Johnson poussa un râle en voyant qu’il avait échoué. Mais le regain de rage qu’il ressentit juste après lui fit oublier sa déveine. Il se recula un peu comme pour se préparer à fondre sur le char. Un missile l’atteignit de plein fouet. Il fut projeté à plusieurs mètres. Sa colère connut un nouvel essor. Il lança un regard lourd d’un funeste présage en direction de la menace. Car ce n’est pas le char qui venait de tirer. Un hélicoptère de type gazelle venait de se profiler. A l’intérieur un clone de l’acteur Jason Statham vêtu d’un smoking. Au-dessus des pales en mouvement apparaissait le gamertag du joueur : HITMAN.
- Salut les mecs ! fit Eric. On dirait que j’arrive à temps !

Jerôme entra dans la cuisine. Il était presque 11h00. Il se gratta la tête. Il avait fait un drôle de rêve. Dans son rêve, Eric était prisonnier du jeu Crim’In. Il frappait contre l’écran pour esssyer d’en sortir et surtout pour l’avertir. Mais lui, ne comprenant rien, continuait de lui tirer dessus avec son avatar. Plus tard leurs parents rentraient et se mettaient à jouer eux aussi avec un enthousiasme malsain.
Eric finissait criblé de balles, massacré par sa propre famille.
Jérôme secoua la tête. Il fallait qu’il oublie cette horrible vision sinon il allait passer une très mauvaise journée. Les parents rentraient le soir. Cela le réconfortait un peu. S’occuper d’Eric ne lui avait jamais posé de problèmes. Bien au contraire. Mais en ce moment, il avait ses propres soucis. Des problèmes de cœur (au sens métaphorique) et une certaine incertitude quand à son devenir professionnel.
- Eric, tu as mangé ?
Il devait être sur son PC. Mais au moins avait-il dormi un peu. Aujourd’hui ils iraient faire un peu de skate. Jérôme regarda par la fenêtre de la cuisine. Le quartier était calme, comme d’habitude. Il faisait beau.
Ca pouvait être une bonne journée, en fait.

BORNKILLER regarda l’hélicoptère qui filait en direction du colosse tout en l’arrosant copieusement de projectiles assassins. Il tira en l’air avec son fusil à canon scié comme pour l’encourager puis s’adressant à son comparse :
- Balance un autre Baby Jaw !
- J’en ai plus, fit DWAYNE de sa grosse voix.
- Fais le code que je t’ai donné.
La peau de Johnson se couvrit progressivement d’éclats métalliques tels des implants, lui conférant une image encore plus menaçante. Ses yeux jetaient littéralement des éclairs.
Eric jubilait de voir son ennemi ainsi harcelé. Mais il déchanta lorsqu’il s’aperçut qu’il n’avait plus de munitions.
L’ouvrier se tourna vers l’étudiant :
- C’est quoi le code déjà ?
La cape noire de Johnson prit soudain vie et le recouvrit. La seconde d’après, il réapparaissait, les muscles bandés à l’extrême. Les fragments de missiles dont son corps était criblé s’abattirent sur l’hélicoptère et Eric eut tout le mal du monde à le maîtriser. Il était touché, désarmé. Il ne voyait plus qu’une option.
- Le code ? Je te l’ai donné tout à l’heure. Je sais plus, moi. C’était pourtant facile à retenir !
Eric déséquilibra l’appareil, orientant les pales vers le bas.
- Eric, tu viens manger ?
- S’il est si facile ce code, pourquoi tu peux pas me le redonner ?

Eric était maintenant suffisamment près. Il allait découper son ennemi comme un vulgaire morceau de viande. Le regard acéré de Johnson plongea à travers le pare-brise. Mais ce n’est pas Jason Statham qu’il vit assis à l’intérieur du cockpit. NON. Il vit un gamin de quinze ans à l’air innocent et aux magnifiques yeux bleus. Le visage de Johnson se tordit :
- TOI !
Son bras se détendit à la vitesse de l’éclair et sa main se referma sur une des pâles destinées à le déchiqueter. Instantanément elles cessèrent de tourner et l’appareil se figea.
- C’était à toi de le retenir ! C’est toi le tireur !
- Eric ! Lâche le jeu, ça va refroidir ! J’ai fait du pain grillé comme t’aimes !

Le corps de Johnson commença à produire des éclairs tout autour de lui comme s’il se prenait tout à coup pour une centrale électrique. Il rapprocha l’appareil de lui et colla son visage haineux contre la vitre :
- Tu m’as crée. Tu as fait de moi ce que je suis. Je te dois la vie. Mais je te dois aussi la mort.
La mort de Linda, ma femme. Et la mort de John Carson, celui que j’étais.
Johnson ne se rendit pas compte qu’il pleurait. Eric le regardait, terrifié. Ce n’était pas une simple Intelligence Artificielle. Ce regard, cette expression de douleur et de colère mêlées.
Ce n’était pas possible.
D’un simple mouvement, Johnson balança l’hélicoptère vers le sol. A la vitesse d’un missile, l’appareil s’écrasa sur le char prénommé Texas. L’explosion qui s’ensuivit eut un certain nombre de conséquences. Elle rasa les habitations alentours. L’écran HD de Mike explosa, répandant des débris sur les joueurs et les spectateurs. Harvey Wizard venait de rejoindre Dave Matheson lorsque les écrans et les lumières du studio Dead Zone s’éteignirent quelques secondes avant de se rallumer.
Jérôme entra dans la chambre d’Eric. Ce dernier était bien assis devant son PC, immobile, hypnotisé par l’action dont il était l’acteur et le témoin privilégiés.
- Tu devrais jouer sans le casque de temps en temps. Tu vas finir par te bousiller les tympans.
Jérôme retira les écouteurs. Du sang coula des oreilles d’Eric. Il regarda son visage. Ses magnifiques yeux bleus étaient désespérément grand ouverts.
Lorsqu’il lui prit le pouls, il réalisa que son coeur ne battait plus.

 

CHAPITRE 10 : Naissance d’un remède



12h29 France Orléans

Eric était entre la vie et la mort. Jérôme essayait de ne pas se sentir trop coupable, mais quand ses parents le rejoignirent en catastrophe à l’hôpital – écourtant un important séminaire – ce fut peine perdue.
- On t’avait pourtant dit de ne pas le laisser toute la journée devant son écran !
- Ces jeux sont dangereux ! C’est une vraie drogue et ton frère vient de faire une overdose !

Quand ils rentrèrent à la maison - après avoir eu la garantie des médecins qu’ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour tirer Eric de son coma – les parents de Jérôme continuèrent à le sermonner. Mais face à son silence désespéré, ils ne trouvèrent rien de mieux à faire que s’invectiver l’un l’autre :
- Je t’avais dit que nous n’avions pas besoin d’être deux là-bas !
- Ca c’est certain ! Tu as passé ton temps à te maquiller !
Jérôme soupira avant de trouver refuge dans la chambre d’Eric.

Johnson filait dans le ciel à la vitesse du son. Il atteignit l’île en moins d’une minute. A peine posé sur la plage de sable fin, il tomba à genoux. Son corps de guerrier invincible se flétrit et il redevint provisoirement John Carson, un simple être humain, rongé par la perte de la femme aimée, de sa moitié.
Il n’avait pas pu retrouver son corps, mais il lui devait toujours une sépulture digne de ce nom. Le visage de Linda revint danser dans son esprit. Et avec lui, tout un cortège de souvenirs à l’ineffable beauté. Il se rappela leurs dernières vacances. Un voyage exceptionnel au Tibet grâce à des années d’économie. Un voyage et une seconde Lune de Miel.
Il contempla ses mains à travers le rideau de ses larmes. Ses pouvoirs allaient peut-être enfin lui servir à autre chose qu’à tuer et à détruire. Ses mâchoires se crispèrent et il plongea ses bras jusqu’aux coudes dans le sable. Des éclairs jaillirent à nouveau de son corps. Il redressa la tête et regarda la montagne s’élever devant lui.

Jérôme regarda autour de lui. Chaque objet de la pièce avait une histoire qu’il connaissait. Il se rappela chacune d’elle avec une émotion plus vive qu’il ne l’eut souhaité.
Ici, un poster glané à un concert de rock. Là, une planche de skateboard offerte à son anniversaire : le fruit de plusieurs années d’économie. C’était un modèle unique. Il avait fait gravé le nom de son frère et celui de son idole dans cette discipline.
Des idoles, Eric en avait des tas. Mais Jérôme avait toujours tout fait pour être en haut de la liste.
Il prit place devant le PC et se mit à pleurer doucement, sans un bruit. Et puis son regard tomba sur la jaquette de Crim’In dédicacée par Donald Buff en personne :

Pour Eric, un joueur plein d’avenir.

D.B
.


Ses larmes séchèrent instantanément. Il pianota sur le clavier pour s’inscrire sur le forum officiel du jeu.


03h32 Los Angeles - Studio Dead Zone

- Il est au Tibet.
- Quoi ?
- John Blossom, le créateur de John Carson. Il est en vacances au Tibet. Et il en a encore pour une semaine. Je crois qu’on peut faire une croix sur lui.
Harvey eut un regard de dieu courroucé.
- Foutu alpiniste !
Puis il fixa Dave avec toute la sympathie dont il était capable dans sa situation.
- Donne-moi une bonne nouvelle. Tu as localisé cet emmerdeur ?
- J’ai consulté les vidéos et les témoignages les plus récents des joueurs. Il a été vu pour la dernière fois à la sortie de Slaughterfalls. Là même où habitait John Carson. Il apparaît de plus en plus probable que ce bug est apparu au moment même où ce John Carson a disparu des effectifs de l’IA.
Harvey ne fit aucun effort pour cacher son inquiétude.
- Tu es en train de parler d’évolution ?
Dave se contenta d’un simple haussement d’épaules. Harvey renonça à s’emporter. La panique était la dernière des options.
- A moins de trois mois de la sortie de la prochaine extension, on ne peut pas se permettre ce genre d’anicroche. Les joueurs parlent entre eux. Les forums sont faits pour ça. S’il y a un élément qui fait obstacle à leur plaisir de joueur, la réputation de Crim’In est menacée.
- On peut mettre tout le monde sur le coup. On peut en faire notre nouvelle priorité.
Harvey caressa son menton rasé de près.
- Non. Il est hors de question de changer nos plans. Et puis Donald ne doit rien savoir. Il y a sûrement un moyen de préserver notre intégrité et nos enjeux premiers.
Après quelques secondes le visage de Dave s’illumina.
- Tournons la situation à notre avantage.
Les sourcils d’Harvey lui intimèrent de s’expliquer.
- Faisons croire que ce bug est sous notre contrôle, qu’il est un choix délibéré de notre part. Ici, nous avons quasiment les mains liées. Mais pas certains joueurs. Organisons un concours. Celui qui parviendra à éliminer John Carson – ou plutôt ce qu’il est devenu – se verra offrir un séjour tous frais payés dans les locaux de Dead Zone avec en prime le privilège d’assister au développement de la prochaine extension. Imaginez la réaction. Le rêve pour des millions de fans. Une telle offre, une telle récompense ! Qui voudrait passer à côté ?

Sur les forums et dans les conversations en général, la tension commençait sérieusement à monter et la liste des doléances des joueurs grossissait de minute en minute. L’existence d’un mystérieux personnage capable de neutraliser les joueurs les plus aguerris était maintenant connue de tous. Il avait eu droit à bien des surnoms depuis ses premiers exploits, mais tout le monde s’était finalement accordé pour l’appeler Big Bug. Un nom plutôt justifié à défaut d’être réellement inspiré. En quelques heures Big Bug avait considérablement éclairci le nombre de joueurs connectés sur le réseau. Et c’était une raison suffisante pour faire de lui le scoop le plus important du moment au même titre que la sortie de Fire From Ashes, la prochaine extension de Crim’In. Quand il fut avéré que les deux étaient intimement liés par un défi lancé aux joueurs du monde entier par Dead Zone, ceux qui se trouvaient dans l’incapacité d’y participer virent leur frustration monter d’un cran. Les autres discutaient déjà stratégie et graissaient virtuellement leurs armes. Crim’In n’en finissait pas de monopoliser l’attention. Question d’habitude. Mais cette fois la situation exigeait des joueurs un investissement tout a fait inédit.
Des affiches improvisées fleurirent dans les différents états du jeu. On pouvait y voir les différents visages connus de l’ennemi virtuel numéro un, accompagnés du message suivant : "Avez-vous vu ce type ?" et d'une adresse internet.

Mais cette chasse à l’homme - aussi séduisante était-elle – ne faisait malgré tout pas l’unanimité parmi les joueurs. Si la plupart voyaient en Big Bug une poule aux œufs d’or, d’autres l’avaient élevé au rang d’icône intouchable et de ce fait voyaient d’un très mauvais œil cette campagne destinée à l’anéantir sans autre forme de procès. Pour eux, ce n’était ni une anomalie, ni une carotte pour amadouer les geeks. Mais bien l’avènement d’une ère nouvelle ou l’IA avait enfin son mot à dire. Cette croyance devint très vite une croisade et ses sympathisants eurent tôt fait de se trouver un leader à la mesure de la tâche. C’était une jeune femme de 21 ans prénommée Iko, originaire du Japon. Elle baptisa son groupe les Protecteurs et déclara rapidement la guerre aux Chasseurs qui trouvèrent également un chef digne d’eux.

 

11. Succès déverrouillé : Wargames



Iko pilotait sa fidèle Manta verte et rose estampillée 52, le tout dernier modèle de moto de course de Kawasaki. Il n’était même pas encore sorti chez les concessionnaires. Crim’In était devenu la parfaite vitrine virtuelle pour toutes les grandes entreprises. C’est aussi grâce à ce stratagème que Donald Buff avait engrangé un maximum d’argent. Suite au succès fulgurant du jeu, les fabricants de tous horizons avaient fait la queue devant D.I.E.U. pour signer un contrat exclusif de partenariat. Crim’In générait plus de publicité qu’un bouquet de chaînes satellites.
Iko progressait sur le toit des immeubles, bondissant comme un fauve. En contrebas, un convoi mêlant jeeps, camionnettes et 4x4 remontait l’avenue. A sa tête, une rutilante Ferrari noire qui abritait sans nul doute le chef des Chasseurs.
Iko jeta un bref coup d’œil au convoi avant de s’adresser à ses troupes encore invisibles :
- Ils ont localisé Big Bug un peu plus loin, à MicroSouth. L’info vient d’être confirmée. Ils ne soupçonnent pas que nous le savons.
Sur un autre toit, un Protecteur mettait le défilé en joue avec son fusil de sniper.
- Qui est la taupe ?
- Peu importe, répondit sèchement Iko. A vous de jouer !
Ces mots à peine achevés, des explosions tonitruantes vinrent décimer la petite armée. Deux motos jaillirent de nulle part et se rabattirent sur les flancs de la Ferrari qui accéléra de plus belle. Le passager d’un des pilotes braqua un lance-roquettes sur le bolide. Et jubila.
- Tu vas t’envoler, T-Hawk !
Au moment où son doigt allait presser la détente, le toit de la voiture s’éjecta. Les quatre Protecteurs furent stupéfaits en voyant qu’il n’y avait ni pilote, ni passager.
- C’est un piège ! Foutons le camp !
La Ferrari devait être truffée de C4, car l’explosion qui s’ensuivit rasa pratiquement tout le quartier.
La Manta s’arrêta au bord d’un toit. Iko ôta son casque et ce faisant, son gamertag se modifia et devint T-Hawk. Quant à son visage, ce n’était pas celui d’une jeune japonaise. C’était celui d’un jeune français aux traits durcis, au regard de braise. Il s’appelait Jérôme.
Lui qui n’avait connu le jeu que par les exploits de son frère s’était métamorphosé en machine de guerre virtuelle en un temps record. Les astuces, les codes, les mods, tout ce qui permettait à un joueur de supplanter les autres et de dominer le jeu, Jérôme les avait traqués. Il n’avait pas l’expérience, ni le temps et la patience de l’obtenir. Alors il avait utilisé d’autres moyens.
Détruire Big Bug ne lui garantirait aucunement la survie d’Eric. Mais il était convaincu que cela pencherait dans la balance. Et à partir de là, tout ce qui se ferait obstacle à sa quête serait une menace pour son frère. Et un ennemi pour lui.
Des tirs de gros calibre l’arrachèrent à ses réflexions. Un avion de chasse venait de le prendre pour cible. Le Harrier Miller41 était encore au stade de prototype dans les usines réelles, mais qu’importait, dans le ciel de Crim’In il évoluait déjà avec une aisance stupéfiante pour un appareil de son envergure. Avant que la poursuite ne s’engage, Jérôme eut le temps de voir une inscription sur le fuselage :
IKO Guide des Protecteurs de BIG BUG
Contrairement à lui, elle ne se cachait pas.
Aux commandes, la belle asiatique affichait autant de détermination que son ennemi. Et les rafales de mitrailleuse qu’elle lui adressa constituaient déjà de sérieux avertissements.
Jérôme avait triché avec son image, retournant la situation à son avantage. Cette manipulation faisait de lui un génie pour certains. Pour Iko, cela ne faisait qu’accroître la haine qu’il lui inspirait.
La Manta franchit le vide la séparant de la route et tandis qu’elle s’éjectait du toit, l’immeuble derrière elle disparut dans une explosion dantesque. Le lance-missiles du Miller41 n’était pas encore breveté qu’il faisait déjà des prouesses.
La moto bondit par-dessus les décombres. Sur elle planait l’ombre du Harrier, tel un oiseau de proie futuriste. Iko renversa son appareil à la verticale, le nez pointé vers le sol. Grâce à ses tuyères orientables, le Harrier pouvait s’affranchir un maximum de la gravité. Iko ouvrit le toit du cockpit et après avoir évalué les risques, elle enclencha l’éjection et se retrouva derrière Jérôme.

Dans le cybercafé le plus populaire d’Hiroshima, les cris des spectateurs saluèrent son exploit. Tous les joueurs sans exception s’étaient détournés de leur propre partie en réseau pour venir assister au spectacle. Dans la rue, c’était la cohue et des journalistes avaient même fait le déplacement pour couvrir l’évènement. Le quotidien de Crim’In devenait facilement une exclu alors quand les chefs des deux factions les plus importantes s’affrontaient, les chaînes se déchaînaient pour avoir la primeur de l’évènement. Les paris étaient lancés. L’affaire était forcément juteuse.


Chez Dead Zone, on se frottait les mains. L’agitation atteignait aussi son paroxysme. Harvey Wizard crut sage d’user de son autorité afin de restaurer le calme et un professionnalisme plus que salutaire.
- Que les joueurs ne se contrôlent pas, c’est dans l’ordre des choses. C’est ce qui fait vivre Crim’In. Que vous les imitiez, non.
Lorsque l’équipe technique reprit son activité, Dave leva le nez de son écran pour s’adresser à son supérieur :
- Devons-nous intervenir ?
- Pourquoi le devrions-nous ?
- A votre avis qu’en pense Donald ?
Harvey repensa à l’image de la navette Crim’In. Fallait-il songer au crash ? Non. Harvey s’interdisait de le penser.
- Je l’appellerais quand je le jugerais nécessaire.
Dave tressaillit en regardant son écran. Harvey l’imita.
- Que se passe-t-il encore ?
- Un pic d’activité sur l’île sans nom, au large du continent.
- Activité des joueurs ?
- Non.
- Activité de L’IA ?
- Je ne sais pas. La signature est inconnue.
- Alors c’est sûrement lui. Que fait-il ?
- Il est en train de modifier le relief. On dirait qu’il … Il est en train de façonner une montagne.
Harvey quitta l’écran des yeux et s’abîma dans ses réflexions. Il ne savait pas pourquoi Donald Buff n’était pas encore au courant de la situation. Avec les médias, qui pouvait l’ignorer. Peut-être l’ignorait-il délibérément. Peut-être était-ce une forme de test. Et si ce bug était ni plus moins la dernière œuvre de Buff afin d’asseoir sa réputation ? Il était assez fondu pour ça. Mais encore une fois, Harvey refusa d’aller où son imagination l’entraînait.
C’était juste un problème. Et il fallait le résoudre.
- Transmettez sa position aux joueurs.
- Un joueur est à l’hôpital. Des incidents ont été signalés un peu partout. A commencer par ici. Vous le savez. Si on fait ça, il y aura peut-être des morts, Harvey ! Nous naviguons en terre inconnue, désormais.
Dave dévisagea son supérieur avec une gravité inaccoutumée. Harvey soutint son regard avec une assurance qui en disait long sur son propre jugement.
- Dois-je t’en tenir responsable ?
Dave se recroquevilla sur sa chaise. Harvey croisa ses bras sur sa poitrine.
- Lâchons les chiens. Que la curée commence.

Iko dégaina le sabre ornant son dos pour décapiter Jérôme. Ce dernier la prit de vitesse. Il s’appuya sur les poignée de la moto et se soulevant, lança une furieuse ruade. Frappée de plein fouet, Iko fut catapultée en arrière pour réintégrer malgré elle le cockpit du Harrier qui l’avait sagement suivi. Elle lança une bordée d’injures dans sa langue natale. Reprenant le manche, elle redressa le nez de l’appareil tandis que la Manta filait plein gaz vers l’entrée d’un immeuble vitré d’une vingtaine d’étages.

- Jérôme, tu viens manger ?
Il n’était pas loin de 14h. Jérôme savait qu’il était contre-nature de faire ce qu’il faisait alors que la vie de son frère ne tenait qu’à un fil. Il devrait être en train de prier, de se recueillir avec ses parents, d’éplucher les albums de photos, n’importe quoi qui puisse témoigner de l’amour qu’il lui avait toujours porté. Mais il savait aussi que ce qu’il était en train de faire était paradoxalement la meilleure preuve d’amour qu’il puisse lui témoigner. Il reprenait son flambeau, il marchait sur ses traces. Il devenait le personnage que son frère avait toujours voulu incarner. Si Eric s’éveillait et apprenait son ascension dans Crim’In, il serait fier de lui comme jamais. Fier d’être son frère. Et cette perspective valait à elle seule l’entreprise désespérée dans laquelle il s’était embarqué si précipitamment.
- Ne m’attendez pas. Je n’ai pas faim.
Aussi il avait faim. Faim de victoire, de succès. Faim de suprématie. Lui qui était en quête de son avenir venait enfin d’en trouver un qui le comblait.

L’avion mitrailla la façade du bâtiment alors que la moto plongeait à l’intérieur.
Iko enclencha le détecteur de chaleur. Le signal était perturbé par des émissions diverses provenant des canalisations et des appareils électriques.
Le jeu était parfois si réaliste que cela faisait froid dans le dos.
Elle stabilisa l’appareil. Au 21ème étage, le détecteur repéra une source de chaleur extrêmement véloce. Elle allait presser la commande du lance-missiles, puis se ravisa. C’était un peu trop facile. Elle attendit. Lancée à plein régime la Manta traversa une fenêtre et s’élança vers l’avion inerte. Iko écarquilla les yeux de stupeur. Le pilote n’était pas sur la moto. Elle le repéra du coin de l’œil, suspendu à la façade au moyen d’un grappin. Dans son autre main, il tenait un détonateur. Et il jubilait.
- Envole-toi, Iko !
Iko enclencha derechef l’éjection. La moto transformée en bombe percuta le Harrier, le réduisant à un amas de métal carbonisé. Jérôme produisit une grenade qu’il lança avec adresse. L’explosion déchira le parachute de son adversaire. Iko regarda le sol se rapprocher. Elle était beaucoup trop haute. La chute allait la tuer. Si son avatar mourrait, elle n’était pas certaine de pouvoir se reconnecter. BIG BUG semblait avoir bloqué toutes les entrées depuis peu.
Il lui fallait des ailes dans le dos.

Un joueur qui se trouvait tout près d’elle lui murmura quelque chose à l’oreille. Elle le dévisagea un instant avant de l’embrasser sur la bouche, provoquant une mini émeute dans le cybercafé.

Elle entra le code et sitôt après son avatar fut nanti d’un jet pack qui le propulsa vers son adversaire abasourdi.
Jérôme reprit rapidement ses esprits. D’un mouvement souple, il se balança à l’intérieur du bâtiment. A peine atterri, Iko le projeta violemment au sol. Jérôme lança sa jambe en avant, mais se retournant habilement, Iko se servit de son propulseur comme d’un bouclier efficace. Jérôme se jeta sur elle. Ils improvisèrent une danse avant de basculer à travers une vitre. Iko enclencha son jet-pack, leur épargnant une chute mortelle, et d’un coup de tête se dégagea de l’étreinte de Jérôme. Ce dernier perdit la seule prise qu’il avait et tomba vers le sol.

Iko poussa un soupir repris par ses admirateurs.

Jérôme en profita pour lui mettre littéralement le grappin dessus. Ecoeurée, l’asiatique contempla son ennemi relié à elle et qui s’efforçait visiblement de l’entraîner vers le bas. Elle dégaina alors son sabre. D’un coup de lame, elle trancha comme un fruit mûr la grenade que venait de lui lancer Jérôme avant de couper le câble du grappin qui lui mordait la cuisse.
Jérôme regarda son avatar se rapprocher dangereusement du sol. Sans trop s’inquiéter. Et pour cause. Lorsqu’il heurta le bitume crevassé de la route, son corps ricocha comme une balle. Iko ne put rien faire pour l’arrêter. Il la percuta avec une brutalité qui fit frémir les fans de la joueuse experte. Il y eut une sorte d’éclair et la seconde d’après, Iko était précipitée vers le sol. Epouvantée, elle regarda son ennemi ajuster le jet-pack sur son dos. Elle comprit qu’il avait toutes les cartes en main. Elle comprit qu’il avait tous les atouts. Tous ? Non, il lui en restait un : le sabre explosif ! Elle tâtonna dans son dos à la recherche de son arme avant de l’apercevoir dans la main de Jérôme. Et il jubilait.
- C’est sûrement ça que tu cherches !
La seconde d’après, il balançait le sabre vers elle. Lorsque la lame transperça la poitrine de la belle asiatique, l’explosion qui résultat de l’impact mit fin aux espoirs d’un très grand nombre.
Un homme creva péniblement la foule de curieux avant de pouvoir approcher une Iko en piteux état. Il s’inclina respectueusement avant de déclarer :
- Je sais où est BIG BUG !
Iko le toisa avec sévérité.
- C’est de source sûre ?
- Oui. Une fuite du studio.
Cette annonce ne fit qu’attiser la douleur de la jeune femme. Elle remercia l’informateur avant d’essayer de se reconnecter. Bien entendu, elle n’y parvint pas. Pas plus que les autres joueurs présents dans l’établissement. Elle renifla pour s’empêcher de pleurer. L’homme qu’elle rêvait de rencontrer, qu’elle avait tout fait pour protéger l’empêchait involontairement de l’aider.
Elle se tourna vers l’informateur :
- Les chasseurs sont au courant ?

- C’est de source sûre ? demanda Jérôme à son informateur. Celui-ci n’était autre qu'un joueur connu sous le pseudo de AZERTY.
- Oui. C’est une annonce non officielle. Une fuite de Dead Zone.
Suspendu entre ciel et terre au moyen du jet-pack, Jérôme semblait consulter l’horizon comme pour y trouver la solution à un épineux problème.
- S’il est là-bas, je le trouverai et je le détruirai. Fais passer le mot aux autres.
Jérôme allait couper la communication, mais il ajouta :
- Tu m’as bien aidé depuis le début. Je te donnerai le prix du concours quand je l’aurai gagné.
AZERTY sourit tellement que cela s’entendit presque.
- Mais si Dead Zone fait des histoires ?
- Ils n’en feront pas. Ils n’en font jamais. Les histoires c’est les joueurs qui les font.
- J’espère vraiment que ton frère va s’en sortir.
- Je l’espère aussi. Sinon c’est Donald Buff qui va en subir les frais. Et ce sera pas virtuel, cette fois.


- Ils ont tous mordu à l’appât, fit Dave en réfrénant maladroitement sa fierté.
Harvey posa une main sur son épaule. Ce qui était évidemment plus qu’un simple geste de reconnaissance.
- Bien joué le coup de la fuite, Dave. Au terme de cette mésaventure, tu pourrais devenir un bon chef de projet. Chez Blue Pill, apparemment, il leur manque un mec inspiré et réactif. Tu ferais parfaitement l’affaire. En plus, tu as déjà travaillé chez eux.
Dave allait rétorquer qu’il se trouvait très bien à Dead Zone et que la perspective de retourner chez son ancien employeur ne l’enchantait pas particulièrement, mais quelque chose lui dit que ce n’était pas la réponse qu’attendait Harvey. Peut-être était-ce dû à la pression sensible de sa main sur son épaule.
- Ce serait un honneur, Harvey.
- Bien, bien. D’autres bonnes idées ?
Harvey avait raison. Dave se sentait vraiment inspiré.
- On pourrait reprogrammer l’IA pour donner des alliés aux Chasseurs.
Le regard et la main de Harvey se firent moins tendres.
- Allons, Dave. Tu viens à peine de gagner des points que tu en perds déjà. Si c’est l’IA qui supprime BIG BUG, à qui je remettrai le prix ?

La montagne était achevée. Sa cime se perdait dans les nuages. A son sommet, il avait édifié un temple semblable à celui qu’ils avaient visité durant leur séjour au Tibet. Et dans la montagne même, creusant la roche de ses mains nues, il avait sculpté le visage de Linda à la manière des figures des présidents américains taillés sur le mont Rushmore.
Cette nouvelle merveille du monde ne manquerait pas d’attirer l’attention sur lui. Il s’en moquait. Rien n’était trop beau pour Linda. Cette montagne était comme une pyramide, le tombeau d’une reine. Suspendu entre ciel et terre par des moyens dont il ignorait toujours la provenance, John semblait consulter l’horizon comme s’il y était inscrit la solution à un épineux problème. C’est comme ça qu’il vit les hélicoptères de combat et les avions de chasse approcher. Ils venaient pour lui. Il le savait. Tout comme il savait qu’ils ne feraient pas le poids face à lui. Il contempla une dernière fois son œuvre avant de fermer les poings et de s’élancer vers l’armée venue l’anéantir.

Bien qu’étant incapable d’œuvrer directement dans le jeu, Iko n’en était pas impotente pour autant. Via une web-cam, elle organisa un briefing avec ses troupes. Elle savait que les Chasseurs allaient choisir la voie aérienne pour se rendre sur l’île. Alors elle ordonna aux Protecteurs de prendre la mer.

- Harvey, on vient de recevoir un message du frère du jeune joueur français qui est à l’hôpital.
Harvey grimaça.
- On s’est excusé, non ?
- Il veut plus.
La grimace de Harvey aurait fait rire Dave dans d’autres circonstances.
- Non, pas d’argent, le rassura Dave. Il veut juste des codes.
- Des codes ?
- Oui. Il dit qu’il en a récupéré pas mal, mais que les meilleurs sont sans doute encore chez nous. Il veut qu’on les lui donne. Il n’y a qu’à cette condition qu’il pourra être certain de vaincre BIG BUG. Inutile de vous rappeler que ça arrangerait tout le monde qu’il réussisse.
- S’il réussit, il gagnera le concours et nous devrons l’accueillir ici à bras ouverts. Et à dire vrai, cela ne m’enchante pas. Il nous tient en grande partie responsable de ce qui est arrivé à son frère, même s’il est resté plutôt discret sur le sujet. Je sais lire entre les lignes. Sitôt qu’il aura fait sa fête à Superman, je me dis qu’il aurait bien l’intention de venir foutre la merde ici.
- S’il avait dû le faire, vous ne croyez pas qu’il l’aurait fait depuis longtemps.
Harvey expira bruyamment.
- Qui sait ce qui peut passer par la tête d’un français ?
Il mit ses mains derrière le dos et commença à arpenter nerveusement la pièce. L’image de la navette Crim’In revint alors le hanter.
- Donne lui les codes. Même ceux de la prochaine extension.
Dave ne put s’empêcher de sourire. La bataille qui s’annonçait resterait à coup sûr dans les mémoires.

 

12. Succès déverrouillé : God of War



L’océan fourmillait de navires en tout genre. Pour leur baroud d’honneur, les Protecteurs avaient mis le paquet.
Certains Protecteurs étaient des joueurs parmi les plus expérimentés aussi la flotte entière bénéficiait-elle de leur savoir-faire. Les porte-avions et torpilleurs progressaient de concert avec des catamarans, des yachts et des scooters de mer, tous armés et transformés en conséquence. Sous la surface plusieurs sous-marins. Dans l’un d’eux – le Normandie – un joueur connu sous le nom de Freeman dirigeait cette opération de grande envergure. Il tenait ses ordres de Iko. Durant les derniers mois, ils avaient régulièrement joué en COOPération. Ils avaient donc partagé un certain nombre de victoires. Maintenant qu’il était seul, il comptait bien ne pas la décevoir.
Quand Jérôme arriva en vue de l’hétéroclite armada, il se dit que ce serait l’occasion idéale de tester ses tous nouveaux pouvoirs avant d’en découdre avec BIG BUG.
Il ôta le jet-pack de ses épaules et le regarda tomber vers l’océan s’étendant sous lui. Il sourit jusqu’aux oreilles en voyant qu’il demeurait en totale apesanteur. Les codes que lui avait fourni Dead Zone fonctionnaient à merveille. Il avait désormais le pouvoir de voler et il n’allait pas s’en priver.
- On vient de repérer BIG BUG. Il est juste au-dessus de nous !
Freeman scanna le ciel à l’aide des drones caméras survolant la flotte et obtint une image de la cible.
- Non, ce n’est pas BIG BUG. Mais c’est quand même un ennemi. C’est T-Hawk, le chef des Chasseurs. C’est lui qui nous a privé d’ Iko. Ne lui faisons aucun cadeau.
Dans les secondes qui suivirent, le ciel se moucheta de noir. Jérôme se retrouva pris dans un concert de tirs et de déflagrations. Il vit la barre d’énergie de son avatar diminuer sensiblement malgré les codes d’immunité fournis par le studio. Il prit conscience que tout comme lui les Protecteurs devaient bénéficier d’un certain nombre de ressources exclusives acquises grâce à leur expérience commune du jeu. Mais c’était loin d’être suffisant pour le ralentir.
Il tomba en piqué vers l’océan. Les projectiles – d’où qu’ils venaient – ricochèrent sur lui en produisant de vives étincelles. Le porte-avions qui accueillit sa chute se brisa littéralement en deux, précipitant dans l’eau les appareils qu’il transportait. Jérôme poursuivit sa trajectoire sous l’océan. Il sourit en apercevant la silhouette furtive d’un sous-marin. Son sourire s’élargit lorsqu’il repéra l’avatar se tenant à l’intérieur.
A bord du Normandie, Freeman s’inquiétait de ne plus voir leur adversaire. Et puis il s’aperçut que le submersible se rapprochait inexplicablement de la surface. Sans qu’il en ait donné l’ordre.
- Qui est-ce qui…
Le sous-marin creva la surface de l’océan dans un puissant geyser d’eau et monta dans le ciel, au-dessus de la flotte, tel un dirigeable. Jérôme le soulevait à bout de bras. Il souriait. Il était comme un enfant s'amusant avec ses jouets dans son bain.
- Torpille droit devant !
Il balança le sous-marin vers les bâtiments de guerre les plus redoutables. La collision fut inévitable.

Tandis qu’il privait un chasseur de ses ailes, Johnson aperçut l’explosion. Apparemment il n’y avait pas qu’un champ de bataille. Il ignorait ce que cela impliquait, mais cela ne le tracassait pas. Il le saurait bien assez tôt. Et puis, il avait d’autres chats à fouetter. Ou plutôt d’autres oiseaux.
Le pilote d’un hélicoptère lourdement armé le verrouilla. Le joueur qui était aux commandes ne put se retenir de le faire savoir.
- Je l’ai dans ma ligne de mire !
Seulement Johnson l’entendit. Une seconde plus tard, l’hélicoptère coupé en deux se crashait dans l’océan.
Une escouade de chasseurs lança une vague de missiles à tête chercheuse sur la cible. Mais les projectiles sitôt arrivés à proximité de Johnson se détournèrent de lui et retournèrent à l’envoyeur. Avec infiniment plus de résultat.
- Utilisez vos boucliers ! hurla un joueur.
La situation n’était pas réjouissante. Johnson avait déjà réduit l’escadrille de moitié en quelques mouvements. Mais le plus inquiétant restait à venir.
Johnson s’enferma dans une sphère translucide imperméable aux tirs adverses. Son diamètre augmenta rapidement, tant et si bien qu’elle engloutit bientôt la totalité des Chasseurs, les attirant à elle comme un aimant. Une fois à l’intérieur, les avatars des joueurs étaient incontrôlables.
Johnson ferma les yeux.
- Rendez-moi Linda. Rendez-moi ma femme.
Sa voix claire et tonnante fut entendue par tous les joueurs.
- Rendez-la moi ou vous mourrez tous.
La menace n’était pas à prendre à la légère. Grâce à de nombreux témoignages – dont celui de Jérôme - tout le monde le savait. Mais aucun des joueurs n’était en mesure de répondre favorablement à sa requête.
- Pourquoi vous l’avez tué ? Pourquoi vous voulez ma peau ? Qu’est-ce que je représente pour vous ? Dites-moi qui je suis ?
Ses yeux s’étaient rouverts. Ses pupilles étaient devenues des feux follets.
Après un silence interminable, un joueur osa prendre la parole :
- Demande à D.I.E.U.
Johnson secoua la tête comme pour refuser la réponse.
- Dieu ?
Ou une idée plus terrible encore.
- Alors qu’il me pardonne.
L’instant d’après, la sphère éblouissait l’écran de chaque joueur susceptible de la voir.
Et pour un certain nombre, ce fut la dernière chose qu’ils virent.

 

Chapitre 13 : Criminalité Intensive



- C’est une catastrophe !
Harvey Wizard, Dave Matheson ainsi que tout l’équipe du studio regardaient les images des journaux télévisés. Partout les mêmes scènes de violence surréaliste. Des affrontements qu’on n’avait pas vu depuis des années. Depuis l’avènement de Crim’In, en fait.
Les Chasseurs et les Protecteurs poursuivaient leur guerre dans la réalité. Mais les conséquences n’étaient plus les mêmes. Et quand ils ne se battaient pas, c’était le studio Dead Zone qu’ils pointaient du doigt. Des joueurs avaient été grièvement blessés suite à la dernière attaque de BIG BUG. D’autres avaient eu moins de chance. Les avocats du studio étaient déjà en pleine plaidoirie. Ca sentait vraiment le roussi. Le vandalisme était revenu lui aussi au goût du jour. Les affiches du jeu en avaient fait les frais. On pouvait lire :

CRIM’INels !!!



Ou encore :

DEAD ZONE IS DEAD



Mais d’autres messages étaient moins aimables.
Harvey et Dave se dévisagèrent. Ils avaient le sentiment de partager la responsabilité de ce chaos. Et ce n’était pas qu’un sentiment.
La voix d’un employé se fit entendre dans l’oreillette du responsable.
- Oui, Ed. Ok, passe-le moi !
Dave dévisagea son supérieur. La crainte le disputait à l’espoir.
Après avoir coupé l’appel, Harvey s’assit. Il paraissait avoir le souffle coupé.
- C’était un dénommé Jimmy Bottleweek. Il prétend être la cause de toute cette pagaille.
Dave l’invita à poursuivre.
- Il a été banni du forum du jeu pour avoir tenu des propos diffamatoires sur D.I.E.U. et Buff. Pour se venger, il a crée un virus dont il ignorait les effets exacts. Il est convaincu que c’est ce qui a donné naissance à BIG BUG. Il ne voulait pas que ça aille aussi loin. Il assume complètement ses actes, mais avant de payer son crime, il tient à réparer les dégâts. C’est pour ça qu’il a appelé.
Dave prit quelques instants pour digérer l’information.
- Il a donné une solution ?
Harvey soupira.
- J’ai envoyé quelqu’un le chercher. Il sera bientôt là. On a de la chance, il habite l’état.
Dave reporta son attention sur son écran.
- Il ne reste plus qu’un joueur pour affronter BIG BUG. C’est le frère d’Eric.
Harvey secoua la tête.
- Envoie-lui l’info. En espérant que cela suffise à le faire renoncer.
Mais aucun des deux hommes n’en était convaincu.

 

14. Succès déverrouillé : Duel



Il ne restait donc que Jérôme et BIG BUG. Chacun de son côté avait œuvré pour en arriver là.
Chacun avait décimé une armée en usant de pouvoirs propres à le faire passer pour un dieu.
La nouvelle de leur affrontement imminent eut tôt fait d’être colporté sur Internet, de forums en forums et de sites en sites. Rapidement des écrans géants furent installés un peu partout, principalement dans les grandes villes et les capitales. Los Angeles, New York, Washington, Miami, Paris, Tours, Orléans, Marseille, Madrid, Londres, Berlin, Rome, Moscou, Athènes, Sydney, Tokyo et Hiroshima furent bientôt les témoins du duel de pixels le plus mémorable de toute l’histoire vidéoludique. Ce qui pour eut effet d’éteindre momentanément le brasier de haine qui avait soufflé sur le monde. Les émeutiers déposèrent les armes et les yeux rivés sur l’écran le plus proche, ils découvrirent la scène suivante :

Johnson se posa près de sa maison. Sa voiture était toujours là, remplie de leurs affaires, prête au départ. Cette vision lui causa un véritable choc. Il se rappela cette sensation d’entrer dans une sorte de parenthèse de sa vie juste avant qu’il ne devienne à son tour un assassin. Elle n’était toujours pas fermée, il en était toujours prisonnier. Tant qu’il ne reverrait pas Linda, il ne pourrait en être autrement.
Il poussa la porte de la maison et se rendit dans la chambre sans s’arrêter. Il ouvrit sa commode et fouilla les tiroirs. Il crut pendant un moment que Linda avait fini par le jeter à son insu. Elle l’avait toujours détesté. Et puis il le trouva enfin. Il déplia le T-Shirt. Il y avait une série de logos dessus et les mots suivants :

D.I.E.U. et Dead Zone sont fiers de vous présenter :

CRIMINALITE INTENSIVE

Maintenant, on ne joue plus !


Ce message l’avait toujours intrigué sans qu’il ait pu véritablement savoir pourquoi. Aujourd’hui, ce simple vêtement imprimé lui apparaissait sous un nouveau jour, comme détenteur d’une vérité suprême.
« Demande à Dieu. » avait dit l’un des pilotes.
Oui. A présent, cela était évident. Seul Dieu pouvait avoir les réponses à ses questions.
Mike avait fermé son bar, mais ses fidèles clients l’avaient accompagné jusqu’à la place où étaient diffusées les images du jeu. A côté de lui, l’ouvrier et l’étudiant s’interrogeaient sur le devenir de BIG BUG. Etait-il en train de comprendre qui il était ? En était-il capable ? Les programmeurs avaient vraiment de l’imagination. Le scénario était du jamais vu dans l’histoire des jeux vidéos. Un oscar a la clé pour Dead Zone ?
Iko était littéralement hypnotisée par les images de son idole. Elle priait comme elle n’avait jamais prié. Elle aurait tellement voulu être là pour le réconforter. Elle voyait moins en lui un dieu courroucé qu’un enfant perdu et incompris. Elle aurait tellement voulu le réconforter. Au lieu de cela, sa tête était mise à prix. Comme un vulgaire criminel. Ses yeux se posèrent sur une affiche du concours accrochée à la hâte sur un mur. Elle la fusilla des yeux avant de cracher dessus.
John entendit un bruit venant du dehors. Il reposa le T-Shirt et sortit de la maison.
Un jeune homme était dans la rue. Il était revêtu d’une combinaison de moto. Il le dévisageait intensément. Son regard en disait long sur ses intentions. Au-dessus de sa tête flottait son nom : T-Hawk. Il serra les poings. Le nom disparut.
- A cause de toi, mon frère va peut-être mourir !
John le scruta à son tour.
- J’ai tué beaucoup de gens. Je ne l’ai pas voulu. Celui qui a tué ma femme a tout déclenché. C’est lui le véritable meurtrier.
Voyant que cela ne calmait pas le visiteur, John demanda :
- Comment était ton frère ?
Jérôme avait les larmes aux yeux. Il repensa à la dernière fois qu’il avait vu Eric, à la dernière fois qu’il lui avait parlé.
- Tu n’as pas pu l’oublier. Il n’avait que quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
- Des yeux magnifiques, compléta Johnson.
Les deux adversaires se jaugèrent.
Tout discours ou débat était désormais superflu. Seuls leurs pouvoirs pourraient parler en leur nom.
- Pas ici, décréta Johnson.
Puis il disparut. Il réapparut sur un parking. Jérôme était là lui aussi. Il plongea le bras à travers le pare-brise d’une limousine et empoignant le volant, souleva la voiture dans les airs. Johnson enfonça son bras droit dans la calandre d’un semi-remorque et brandit le véhicule avec un air de défi. Jérôme afficha sa contrariété. Il reposa la limousine. Il regarda autour de lui et son visage s’éclaira à la vue d’un bus scolaire. A son tour, il enfonça son bras droit dans la calandre et souleva le véhicule dans les airs. D’un mouvement défiant le regard, il porta un coup dévastateur devant lui. Le camion s’écrasa au sol dans une pluie de débris métalliques. Aucune trace de son adversaire.
Jérôme poussa un cri de rage mêlée de contentement. En portant son attention vers son arme improvisée, il frémit à la vue de son ennemi courant sur le flanc du bus. Johnson disparut subitement et la seconde d’après son pied droit percutait la mâchoire de Jérôme. Le garçon fut projeté dans les airs et son arme lui échappa. Il passa à travers un immeuble, percuta la route et son corps s’immobilisa contre une devanture de magasin qu’il fractura. Sur l’une des vitres figurait le portrait de Johnson, l'adresse d'un site internet et entre les deux, le message suivant :


Avez-vous vu ce type ?
 
 

Johnson effectua un bond démesuré pour le rejoindre, mais ce faisant, il vit la nuit tomber en un clin d’oeil. Il comprit que son adversaire avait le pouvoir de plier la réalité comme lui. Il n’était donc pas seul. Ils étaient pareils. Alors pourquoi se battaient-ils ?
Johnson atterrit sur le capot d’un coupé sport qu’il enfonça sans difficulté. Ses yeux fouillèrent la nuit à la recherche d’un signe de vie. Il en profita pour renouer un dialogue qui ne lui paraissait pas si vain que cela :
- Toi et moi, nous avons le même pouvoir. Pourquoi nous entretuer ? Nous sommes des jouets, manipulés par des forces qui nous dépassent. Faisons un meilleur choix que celui que l’on veut nous imposer.
Johnson s’écarta à temps pour éviter de se faire broyer sous un bulldozer. Il se concentra un instant et son corps exsuda une aura aveuglante qui illumina le quartier. Ses yeux désormais dépourvus de pupille furent en mesure de voir à travers les bâtiments et les différents obstacles présents autour de lui et susceptibles de dissimuler sa cible. Il inspecta minutieusement l’environnement. Il cru discerner un mouvement près d’un arrêt de bus, puis s’aperçut que ce n’était que le vent qui faisait voler un journal abandonné. Néanmoins cela lui donna une idée. Il se concentra à nouveau et le vent se mit à souffler plus fort. Les débris les plus légers commencèrent à voler à travers la rue, puis la cime des arbres se coucha. Les vitres tremblèrent, les antennes télé ployèrent. Johnson poussa un hurlement comme pour donner plus de force encore au phénomène. Et l’effet fut immédiat. Les poteaux électriques furent pliés par le souffle dévastateur, les voitures s’envolèrent comme des feuilles mortes. Tout cela dans un silence absolu qui donnait à la scène une allure surréaliste de fin du monde.
Les bâtiments s’effondrèrent un par un, répandant des monceaux de pierre, de verre et de métal sur le sol fendu. Un cri résonna à peu de distance suivit de la chute d’un corps.
Une silhouette auparavant intégralement camouflée dans le paysage urbain se matérialisa.
Jérôme était couché, le dos appuyé contre un monticule de gravats anciennement magasin d’alimentation. Le cataclysme cessa instantanément. Le jeune garçon toisa son ennemi d’un regard plus noir encore que la nuit qu’il avait fait s’abattre sur la ville.
- Je ne sais pas qui tu es. Certains te prennent pour un dieu, d’autres pour une simple erreur technique qui a dégénéré. Ceux qui t’on crée affirment de leur côté que tu n’es que l’homme à abattre pour accéder au prix d’un concours qu’ils ont organisé. Le gros lot d’une fête foraine virtuelle. Personnellement je me fous de tout ça. Tout ce que je vois devant moi, c’est le meurtrier de mon frère. J’ai les moyens de t’empêcher de nuire et je ne vais pas m’en priver.
Les épaules de Johnson s’affaissèrent, indiquant sa consternation. Il ne comprenait rien. A l’entendre ils ne faisaient pas partie du même monde. Comme si une frontière invisible les séparait. Il s’approcha de Jérôme.
- Mais d’où viens-tu ?
Jérôme durcit davantage son regard.
- De la réalité, mon vieux. Tu crois être vivant, peut-être ?
A ces mots, Jérôme produisit un fusil à pompe. Il tira plusieurs fois. Alors que son adversaire reculait à peine, un fusil-mitrailleur apparut dans ses mains. Il vida plusieurs chargeurs et sans attendre épaula un lance-roquettes.
Johnson secoua la tête.
- Si je ne suis pas vivant, comment pourrais-je mourir ?
La roquette fusa, mais à mi-parcours elle fut stoppée net dans sa course par un éclair. Johnson contempla le projectile auquel il venait de se relier.
- Suis-je réel ? Si je ne le suis pas, qu’est-ce qu’il l’est ?
La roquette se mit à tournoyer comme une toupie.
Jérôme restait allongé. Malgré la surpuissance de BIG BUG, il ne se sentait pas menacé. Peut-être justement parce que contrairement à lui, BIG BUG n’avait pas la possibilité de se réfugier dans une autre réalité que la sienne. Evidemment, en pensant cela, il oubliait ce qui était arrivé à Eric.
Johnson semblait avoir perdu toute hargne. Il regardait la roquette effectuait un véritable ballet aérien à sa seule demande.
- Mais peut-être suis-je déjà mort ? Prisonnier d’un rêve éternel, luttant dans un cauchemar sans fin, affrontant mes peurs les plus intimes. Enfer.
- Il philosophe. Il est capable de philosopher.
Iko ne se rendit pas compte qu’elle pleurait.
Elle posa une main sur l’écran, sur le visage de Johnson.
- Il ne faut pas que tu meures.
Le visage de Johnson s’assombrit. Un rictus déforma ses traits. Il regarda Jérôme.
- Je tuerai mille hommes pour la revoir ne serait-ce qu’une seconde. Si Dieu ne comprend pas ça, comment lui expliquer autrement ?
La roquette arrêta de tournoyer et se figea brutalement, cerclée d’électricité.
L’explosion qui s’ensuivit éblouit tous les spectateurs.
Dans la ville d’Orléans, pratiquement au même moment, les parents de Jérôme trouvèrent son corps inanimé dans la chambre de son frère, Eric, assis devant les restes calcinés d’un ordinateur. Et pratiquement au même moment, dans une chambre d’hôpital, Eric ouvrit ses magnifiques yeux bleus.

Harvey Wizard se tenait la tête à deux mains. Plusieurs ordinateurs du studio venaient de rendre l’âme suite au coup de grâce donné par BIG BUG à son ultime adversaire.
Mais évidemment, ce n’était pas ça qui le mettait dans tous ses états. Il regarda l’écran géant sur lequel lui et l’ensemble de l’équipe avaient suivi toute l’action. Ils avaient tout enregistré. En sachant désormais que ces images joueraient un rôle posthume pour le jeune Jérôme.
Dave Matheson se leva. Les mots lui manquaient. Le standard était saturé d’appels, la boîte mail débordait de messages : des menaces de mort autant que d’éloges. En tous les cas, personne n’était indifférent à la situation. Les chaînes avaient relayé l’info et diffusaient déjà en boucle le combat homérique. Dans les villes, les rues étaient encombrées de véhicules. Les conducteurs au même titre que les passants avaient assisté au duel sur l’écran le plus proche, ce qui avait occasionné des embouteillages monstrueux un peu partout.
Tout le monde allait reprendre le cours de sa vie lorsque Johnson apparut de nouveau à l’image. Il était désormais seul au monde et aucun de ces pouvoirs ne pourraient changer cela. Son visage exprima suffisamment bien cet état de fait pour que la plupart des spectateurs soient émus par son sort.
- Vous allez pas chialer, fit un homme à ses voisins. C’est même pas un film !
Si Crim’In n’était effectivement pas un film, ces derniers temps il en avait pourtant restituer toute la saveur, toute l’émotion. Personne ou presque ne s’y était trompé. Un chef d’œuvre. Un chef d’œuvre qui avait coûté des millions et hélas plusieurs vies.
Les parents de Jérôme et d’Eric pleuraient leur fils disparu autant que celui qui venait de revenir. Et Eric aurait tout le loisir de maudire son retour à la vie lorsqu’il apprendrait la mort de son frère. Cruelle ironie du sort.
Tout cela, évidemment, John Carson était loin de le deviner. Mais comment aurait-il pu ?
Il n’ y avait qu’une seule personne capable d’arrêter ce tourment. Une seule. En quatre lettres.
- Rends-la moi, hurla Johnson s’adressant à la lune, au ciel, aux étoiles.
- Réponds-moi ou je te jure que je trouverai le moyen de te rejoindre et tu devras répondre de tes propres crimes !
John tomba à genoux. Il n’était plus le titan invincible. Il était l’homme désespéré. Pourtant son pouvoir ne le quittait pas. Bien au contraire. Les écrans se brouillaient par intermittence et une tension presque palpable régnait dans le studio comme dans les avenues surchargées des mégalopoles.
C’était comme un compte à rebours avant l’explosion finale. Invisible, mais terriblement perceptible.
- Vous le sentez comme moi, fit Dave. Il peut tous nous tuer, maintenant. Sans même s’en rendre compte. Nous n’avons plus besoin d’être connectées pour constituer des cibles de choix. Oui, il peut tous nous tuer, en un éclair. Il en est capable.
Harvey soupira. Il n’était plus le chef de projet intuitif et optimiste. Il était l’homme désespéré. Et son pouvoir l’avait complètement quitté.
- Qu’est-ce que nous pouvons faire ?
Dave produisit un sourire mi-figue mi-raisin.
- Je crois que c’est le bon moment pour l’appeler.



15. Succès déverrouillé : Origines



Donald Buff se redressa dans son lit. Sa femme dormait toujours à poings fermés quelque soit le bruit. Lui devait toujours mettre des boules quiès de peur de s’éveiller au moindre grincement. Il devait tenir ça de son père. Il les ôta. Il n’avait pourtant rien entendu grâce à elles, mais ce cauchemar lui avait paru si réel que son cerveau avait préféré prendre la tangente. Les dernières bribes de souvenir de son rêve fuyaient déjà. Lorsque le téléphone sonna, il l’oublia totalement. Le jour se levait à peine. Qui pouvait bien l’appeler à cette heure-là ? Il décrocha sans grand entrain.
- Oui ?
- Donald, c’est Harvey. Désolé de vous dérangé si tôt, mais on a actuellement un sacré bug sur Crim’In.
- Allons, Harvey, des bugs, il y en a toujours eu.
- Pas des comme ça, je vous assure.
Donald posa le combiné sur ses genoux, jeta un coup d’œil à sa femme avant de demander :
- De quel genre de bug s’agit-il ?
Il y eut un silence qui ne présageait rien de bon. Puis Harvey finit par répondre :
- Le bug veut vous parler.
 

Lorsque Donald pénétra dans le studio, Harvey et Dave n’eurent pas besoin de le briefer. Sur le trajet, le président de D.I.E.U. avait eu toutes les informations nécessaires en écoutant la radio et en visionnant les principaux enregistrements. Il n’avait pas encore tout assimilé, mais son esprit était encore vif et il avait retenu l’essentiel. Le temps était compté.
Les trois hommes se postèrent devant l’écran géant et étudièrent les images comme s’il s’agissait d’un documentaire.
John Carson était agenouillé devant la montagne et le temple qu’il avait crée à la mémoire de Linda. On aurait dit qu’il méditait.
- On dirait qu’il essaye de la faire revenir, commenta Dave.
- Apparemment, il en est incapable, observa Donald en nettoyant ses lunettes.
Il donnait l’image d’un homme totalement détaché des évènements. Mais c’était sa manière d’y faire face. Et cela lui avait plutôt bien réussi jusqu’à maintenant.
- D’après ce que j’ai pu voir, c’est d’ailleurs la seule chose qu’il lui soit interdite.
Harvey essayait de se faire tout petit. Rien de tel pour se faire remarquer.
Donald le toisa sans animosité.
- Ce jeune qui a avoué être l’auteur du bug…
- Jimmy Bottleweek ! Il arrive d’une minute à l’autre.
- Vous ne trouvez pas ça extraordinaire, fit Dave en observant le héros de Crim’In. Il pleure sa femme. Si seulement John Blossom pouvait voi…
Il s’interrompit lorsque son regard croisa celui de Donald.
- Dave, dois-je vous rappeler que plusieurs morts sont à déplorer. Certains joueurs sont encore dans un état critique. C’est loin d’être la politique de la maison. Mon avatar est prêt ?
Dave opina du chef avant d’inviter les deux hommes à rejoindre son poste. Il désigna alors son écran.
- Voilà. J’ai fait comme vous m’avez dit. Il vous ressemble beaucoup. Pour la tenue, j’ai choisi quelque chose de simple. Je me suis dit que c’était important.
D’une simple moue, Donald lui signifia qu’il avait eu raison.
- Bon, déclara-t-il, on ne va pas tergiverser. Il représente une menace. Il l’a suffisamment prouvé. Dans d’autres circonstances, j’aurais loué ce qu’il représente, d’autant plus qu’il n’est pas de notre fabrication. Mais bon, Dieu en a décidé autrement.
- Dieu, c’est vous désormais, nota Dave.
Il tourna son regard vers l’écran géant.
- En tout cas pour lui.
- Comment va-t-on vous faire entrer ? s’enquit Harvey qui essayait de justifier sa présence comme il pouvait. Il a bloqué tous les accès au réseau TotaLink. On ne peut même plus ajouté d’IA. Il s’est construit une véritable tour d’ivoire.
- Il me laissera entrer, dit Donald avec un calme olympien. Il réclame une entrevue. Il l’a clairement exprimé. Il a besoin de parler, de se confier. Il ne veut plus se battre. Il va localiser le signal que nous lui enverrons et il l’interprètera comme la venue de celui qu’il attend. Je crois qu’il commence à comprendre que son monde n’est pas réel. Le problème c’est que tout comme lui, son amour a dépassé très largement le cadre d’un simple programme.
Il se mit à sourire.
- J’ai fait un cauchemar cette nuit. Mais je crois que je n’en ai pas fini avec lui.

John poussait son esprit dans ses derniers retranchements. Il ne savait s’il priait ou s’il invoquait des forces en lui encore insoupçonnées. Il capta le signal émis par Dead Zone. Il se persuada que c’était la réponse qu’il l’attendait. Pourquoi pas Linda ? Il déverrouilla mentalement l’accès au monde déserté de Crim’In comme on laisserait une idée s’épanouir dans notre tête. Il avait les yeux fermés. Il les ouvrit lorsqu’il entendit une voix près de lui.
- Je suis là.
Il se redressa et fit face à Donald Buff. Le président de D.I.E.U. – Dieu tout court pour l’occasion – portait un pantalon de toile blanche et une chemise hawaïenne. Ses cheveux presque blancs et ses lunettes lui conféraient l’image d’un savant déluré. Mais pour John Carson, il représentait les réponses à toutes ses questions et peut-être le terme de son agonie.
Son regard alla successivement de son visiteur à l’océan s’étendant à perte de vue tout près d’eux.
- Où sommes-nous exactement ?
Donald entendit la voix d’Harvey.
- Vous ne devriez pas lui dire la vérité. S’il pète les plombs, notre compte est bon !
Donald leva une main et Harvey comprit qu’il n’avait pas intérêt à jouer les entremetteurs.
- Cet endroit est le monde qui t’a vu naître, ni plus, ni moins. Que tu en sois devenu le maître, n’y change rien.
John l’étudia longuement.
- Le maître de ce monde, c’est plutôt vous, n’est-ce pas ? Pourquoi n’êtres-vous pas venu plus tôt ? Pourquoi avoir laissé ce chaos s’installer ? Pourquoi avoir permis tant d’injustice ?
A ces mots, John ne put s’empêcher de tourner son regard vers la montagne arborant le visage adoré de Linda. Ses poings se fermèrent sans qu’il en prenne conscience. Des éclairs commencèrent à zébrer l’espace des deux côtés de l’écran.
Harvey arrêta de respirer. Dave resta suspendu aux lèvres de Donald. Il le connaissait beaucoup moins qu’Harvey, mais il avait une totale confiance en lui. Après tout, c’était lui, le véritable architecte de Crim’In.
Donald essuya ses lunettes.
- Si pour toi, il n’existe qu’une seule réalité, pour moi c’est une toute autre affaire. Pour te donner une image plus parlante, ton monde n’est peut-être pour moi qu’un rêve dans lequel éclosent des éléments de mon inconscient que je contrôle donc plus ou moins bien. Ces éléments viennent naturellement à se transformer et certains le font de manière si radicale qu’ils ont vite fait de changer le rêve en cauchemar.
- Il est dingue, chuchota Harvey à l’oreille de Dave. Il se prend vraiment pour Dieu !
Dave sourit.
- Qui ne le ferait pas à sa place. Il n’est pas dingue. Il est inspiré comme jamais. Je crois qu’il est en train de pondre son nouveau chef-d’œuvre.
 

John observa le mouvement des vagues. Elles se déplaçaient constamment, se fondant les unes dans les autres, reproduisant un même phénomène à l’infini. Etait-ce cela qu’on essayait de lui dire ? Le monde était un océan et lui une simple vague. Plus grande, plus puissante, mais une vague quand même, avec un rôle précis, inscrit dans un schéma à plus grande échelle, au-delà de sa perception. Une vague avait-elle conscience d’être une vague ? Et quand bien même, pouvait-elle savoir que malgré ses efforts et ses intentions, elle ne faisait que participer à un rythme séculaire sans autre finalité que le prolonger encore et encore.
John se perdait dans ses pensées. Il ne devait pas perdre le fil.
- Ces gens qui sont morts, ces gens que j’ai tué, ne sont-ils alors que des créations de votre esprit tourmenté ? Suis-je aussi l’une de vos créations ?
Les yeux de Harvey menaçaient de sortir de leur orbite.
- Terrain glissant !
La porte de la salle s’ouvrit. Deux hommes en costume entrèrent dans la pièce. Ils encadraient un garçon qui aurait pu être séduisant si son visage n’avait pas été la proie de l’acnée.
- C’est Jimmy Bottleweek ! annonça l’un des employés.
Les deux représentants de Dead Zone s’animèrent brusquement.
- On peut dire que tu arrives à temps, fit remarquer Harvey avec soulagement.
Ils l’installèrent devant l’écran de Dave ce qui ne manqua pas de le stupéfier.
- Ouhaou ! Si j’avais su que j’atterrirai ici ! Ca valait presque le coup de le balancer, ce virus.
Deux paires d’yeux hostiles le firent sérieusement réfléchir à ce qu’il venait de dire.
- Au fait, si je détruis BIG BUG, je gagne le concours, non ? L’avantage c’est que je suis déjà sur place pour la visite !
Dave ne put s’empêcher de sourire.
- Et bien on peut dire que tu perds pas le nord, toi !
Harvey était beaucoup moins sensible à l’humour de l’ado.
- Dis-donc, le geek, fais ton boulot, après on en reparlera, tu veux ! Tu sais comment faire, au moins ?
Jimmy fit craquer ses doigts.
- Oui, y a juste un souci, c’est que…
Il détailla pour la première fois l’homme debout devant l’écran géant.
- Eh, mais c’est Donald Buff !
Harvey posa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence.
- Tu n’as pas besoin de ta bouche pour travailler ! Mais si c’est trop dur pour toi, on peut te donner un coup de main!
Jimmy comprit très bien l’allusion.
- Ok, ok !
- Alors exécution !
Tout en raccordant un appareil au PC de Dave – sous l’œil soupçonneux de Harvey – Jimmy murmura :
- Vous savez tous ces trucs que j’ai balancés sur Buff et sa société. En fait je les pensais pas. Je suis super fan de Crim’In. Je voulais juste faire chier certains mecs du forum.
Dave le dévisagea avec un peu moins de tendresse.
- Et ce virus, c’était aussi pour faire chier certains mecs du forum ?
Harvey vint en renfort :
- La prochaine fois que t’es contrarié, fais une partie de jeu vidéo pour te calmer les nerfs au lieu d’essayer d’en bousiller un !
Jimmy savait qu’il n’allait pas être accueilli à bras ouverts, mais il espérait malgré tout un peu d’indulgence.
- Je vous jure que je voulais pas que ça aille aussi loin. C’est vrai, je regrette vraiment tout ce qui s’est passé et…
- Bon, coupa sèchement Harvey, tu disais qu’il y avait juste un souci.
Jimmy termina ses branchements et commença à entrer dans l’interface du jeu sous le regard vigilant de Dave.
- Oui. En fait, la solution va consister à implanter un nouveau virus dans le jeu. Un virus localisé. Le premier que j’ai balancé s’est placé un peu au hasard. Il aurait pu causer d’autres dégâts s’il avait pas ciblé ce John Carson. Mais bon, Dieu en a décidé autrement. Ce coup-ci je vais cibler délibérément John Carson. Mais étant donné sa puissance, non seulement, il risque de le repérer, mais en plus il peut être assez fort pour le neutraliser voire de s’en servir comme une source de pouvoir supplémentaire.
Harvey le toisa avec un air de pit-bull enragé :
- T’avais dit que t’avais la solution.
Jimmy sourit nerveusement.
- Oui. Il me faut juste un véhicule pour mon virus. De préférence au-dessus de tout soupçon.
 

Donald parlait peu et lentement. La dernière question de John restait toujours en suspens. Donald savait que John était devenu un être très évolué. Il pensait énormément. Et de ce fait, il élaborait les propres réponses à ses questions à partir d’éléments succincts. Oui, en d’autres circonstances, il aurait vraiment apprécié son existence et tout ce quelle impliquait.
Le regard de John changea. Son visage s’éclaira. Donald comprit qu’il venait de comprendre quelque chose d’essentiel.
- Si nous sommes tous issus de votre imaginaire, vous avez pouvoir de vie et de mort sur chacun d’entre nous. Vous pouvez nous détruire, mais vous pouvez nous créer.
A nouveau, son regard se tourna vers la montagne.
- Et même nous faire renaître !
Il dévisagea Donald réellement comme un démiurge, capable des plus grands miracles.
- Je ne peux pas la faire revenir, mais vous, vous le pouvez, n’est-ce pas ? Vous l’avez dit, ce monde est votre rêve. Tout est donc possible. Il n’y a pas de limite !
Donald le gratifia d’un sourire.
- Pour ça, je dois m’en aller, John.
Il tendit sa main droite.
- Je suis content de t’avoir rencontré.
John hésita un instant, puis il lui sembla inconcevable de ne pas saisir cette chance qui s’offrait à lui. Il lui serra la main et le vit disparaître dans un éclair.
Il regarda la montagne et le visage de Linda. Son cœur ne pourrait pas attendre longtemps. Il fallait qu’elle revienne très vite. Pour transformer ce cauchemar en rêve, cet enfer en paradis. Elle en avait le pouvoir.
Quelque chose troubla son esprit. Quelqu’un venait à sa rencontre. Il était bien trop en confiance pour lui refuser l’accès. Même si ce n’était qu’à nouveau son divin visiteur, il s’en ferait une joie. Leur conversation l’avait éclairé comme jamais sur la nature des choses. Il se sentait privilégié d’un tel savoir. Le partager avec quelqu’un d’autre serait un bonheur incommensurable. Seul c’était un terrible fardeau.
Il porta son attention sur l’océan, sur les vagues. Une silhouette avançait sur la surface de l’eau, se découpant en ombre chinoise sur l’éclat du soleil couchant. Il plissa les yeux en oubliant qu’il avait le pouvoir de voir même à travers la pierre. Il était John Carson et il ne voulait être personne d’autre. Lorsqu’il reconnut la silhouette s’approchant de lui, il fut plus que jamais John Carson. Car ce n’était autre que Linda qui le rejoignait ainsi, défiant elle aussi les lois les plus élémentaires. Elle rayonnait littéralement. Les boucles blondes de ses cheveux étincelaient comme de l’or. Ses yeux bleus semblaient extraits des eaux mêmes qu’elle dominait de son allure altière. Elle portait la chemise de nuit qu’il affectionnait. Son visage souriait. Ses pieds nus, délicats, se posèrent sur le sable. On aurait dit un ange.
John était bouleversé par cette apparition. Il avait l’impression qu’il ne s’arrêterait jamais de pleurer.
- Merci, murmura-t-il. Merci, mon Dieu !
Lorsqu’ils s’enlacèrent, son cœur lui offrit une symphonie.
 
Les spectateurs n’étaient pas en reste et avaient bien du mal à ne pas se laisser submerger par l’émotion des retrouvailles. Iko, elle, ne refusa aucune larme. Ce moment était trop précieux pour être vécu à demi.
Le couple à nouveau réuni retrouva en un instant le confort de sa chambre à coucher. Le lit conjugal accueillit bientôt leurs étreintes effrénées.
John plongea son visage dans les boucles blondes de Linda :
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
John oublia tout : le gamin aux yeux bleus magnifiques, son frère, les gens qu’il avait tué, les gens qu’il avait vu mourir. Il ne se rendit sensible qu’à cet intense moment d’extase partagé.

- On devrait peut-être afficher une interdiction aux mineurs, proposa Harvey.
- Vous savez, dit Jimmy, j’ai déjà vu pire que ça sur Internet !
Donald essuya ses lunettes.
- Ca va marcher ?
Jimmy tentait de suivre la progression des ébats malgré la silhouette imposante de Harvey.
- Ca me paraît en bonne voie.


16. Succès déverrouillé : Le Repos du Guerrier


La nouvelle fit le tour du monde. On en oublia presque le sort des victimes de la colère de BIG BUG. En début d’après-midi, certains américains purent à nouveau se connecter au réseau TotaLink et sillonner à nouveau le monde de Crim’In avec un avatar flambant neuf.
Dead Zone avait visiblement trouvé le remède adéquat. Le volcan s’était rendormi et avec lui la crainte d’être foudroyé.

John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu’il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d’annoncer plus sérieusement 6:00.
John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.
En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d’une épaule et d’une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l’inviter davantage à s’y attarder.
- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.
John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C’était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d’avoir ouvert les yeux de si bonne heure. Il l’embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L’explosion fut si violente qu’elle ébranla l’appartement.
John bondit du lit :
- Putain, qu’est-ce que c’était ?
Linda s’alarma.
- J’espère que ce n’est pas la bibliothèque. J’ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.
John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l’entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.
John ouvrit la porte. N’eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu’il s’agissait en fait d’un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu’il distingua à peine le garçon sur les marches du perron.
Il ne devait pas avoir plus de quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
Des yeux bleus magnifiques.
- De la part de Jérôme !
Il produisit un fusil à pompe SPAS 12 et tira deux coups consécutifs.
John et Linda s’écroulèrent violemment dans l’entrée, le visage éclaboussé par leur propre sang. Eric regarda leurs corps avec intensité comme dans l’attente d’un miracle. Et le miracle se produisit bel et bien. Les deux corps disparurent.
Il leva alors les bras en signe de victoire et hurla comme un fou.
Derrière lui, un groupe de Chasseurs l’imita.
 
Sur l’île sans nom, les Protecteurs oeuvrèrent aussi. A leur manière. Dans la montagne créée par John Carson ils ajoutèrent son visage aux côtés de celui de sa bien-aimée, réunis pour toujours. En tous cas dans la mémoire des joueurs. Leur travail consistait désormais à préserver cette œuvre des attaques de joueurs mal intentionnés qui ne souhaitaient qu’une chose : la détruire entièrement. Et parmi ces vandales, les Chasseurs figuraient bien entendu en bonne place.
Il ne se passa d’ailleurs guère de temps avant que certains ne parviennent à s’infiltrer sur l’île à la barbe des Protecteurs dont l’attention était parfois savamment détournée par leurs ennemis jurés.
Eric contempla le monument accompagné de quatre camarades : Scarefaith, Jazz-on, Dwayne et Bornkiller. Il avait été facile de les rallier à sa cause.
- Placez les explosifs sur la montagne, je m’occupe du temple.
Eric déploya son jet-pack et s’éleva dans le ciel. Arrivé à la hauteur des deux visages, il cracha sur celui de John :
- Personne se souviendra de toi. Personne !
En disant cela, Eric occultait volontairement que depuis sa disparition, John Carson, alias BIG BUG, faisait l’objet d’un véritable culte. Des objets et des figurines à son effigie inondaient le marché. Ce qui faisait fureur depuis peu, c’était les vêtements arborant ses répliques cultes. Des phrases d’anthologie telles que :
 
VOUS ETES MORTS !
 
ENCAISSE CA !
 
Et la plus cotée :
 
J’IGNORE SI DIEU EXISTE,
MAIS VOUS VENEZ DE CREER LE DIABLE !
 
Eric continua son ascension. Il atteignit le sommet de la montagne. Mais une surprise de taille l’attendait en haut. Un sabre lui transperça la poitrine avant qu’il ait pu flairer la menace.
Sur la plage, un groupe de Protecteurs jaillit du sable et fondit sur les Chasseurs.
Freeman était à leur tête. Le combat était inégal.
Iko regarda Eric droit dans les yeux. Il y eut comme un éclair et le jet-pack se retrouva dans le dos de la belle asiatique qui enfourchait présentement sa fidèle Manta vert et rose.
- John Carson vivra. Et tu ne pourras rien n’y changer.
Eric tomba comme une pierre avant d’exploser en pleine chute. Ses alliés connurent un sort similaire. Iko enclencha le propulseur et sa moto prit les airs.
En contrebas, les Protecteurs saluèrent leur leader victorieux.

- C’est fini, déclara Harvey.
Il termina son café et s’en resservit un aussitôt.
- Maintenant leur petite guéguerre c’est du pipi de chat à côté. On a plus à s’en soucier.
Jimmy s’était endormi dans un coin.
Dave donnait des directives à des collègues et Donald songeait qu’il était grand temps de finir sa nuit.
- Je vais vous laisser, messieurs. Je n’ai plus votre âge et ma femme m’attend.
Il salua ceux qui étaient en mesure de le voir partir.
- Harvey, on se téléphone plus tard, hein ?
L’interpellé renversa sa tasse.
- Mais, euh…Que fait-on du gamin, Donald ?
Donald jeta un coup d’œil à la silhouette fluette recroquevillée sur un fauteuil.
- Vous n’avez qu’à l’engager, Harvey.
Puis il franchit la porte.
Harvey se tourna alors vers Dave. Ce denier paraissait soucieux. Il avait du boulot, certes, mais Harvey sentait qu’il était profondément affecté par la tournure des choses.
- Qu’est-ce qu’il y a, Dave ? dit-il en en lui tapotant amicalement le dos. On dirait que tu es déçu qu’il soit mort !
Dave observa pensivement une affiche du concours BIG BUG et plus particulièrement les différents visages connus de John Carson.
- Ce n’est pas ça. C’est juste que…C’était une première dans l’histoire. Il y a eu des conséquences très lourdes. Mais il reste que cela été une aventure unique et exceptionnelle. Nous en avons été les témoins privilégiés. Oui, c’était vraiment une première.
Harvey n’avait bien évidemment pas tout à fait la même vision des choses.
- Ouais, bah, espérons que ce soit aussi la dernière.
Il dévisagea Dave avec une expression hilare inédite :
- On va dire que c’est juste le bug du millénaire qui est arrivé avec un peu de retard.
Il attendit une réaction de Dave qui ne vint jamais et s’autorisa enfin à exploser de rire.

Donald Buff sortit des studios. C’était une belle journée, ensoleillée à souhait. Il grimpa dans sa décapotable. Il y avait encore beaucoup à faire pour rétablir une certaine sérénité surtout depuis que BIG BUG avait grossi la rubrique nécrologique et donnait raison aux détracteurs de Crim’In. Malgré tout il se sentait en confiance. Le meilleur avocat du jeu finalement c’était le jeu lui-même. Tout système était perfectible. Il fallait simplement le reconnaître. Quelques heures de perturbation ne pouvaient rivaliser avec l’incroyable équilibre social qu’avait engendré la mise en place de Crim’In dans les foyers.
Donald démarra sur les chapeaux de roue et s’élança sur la route de campagne baignée d’une lumière printanière.
 
 
Epilogue 2ème version
 
 
Le joueur répondant au nom de Full-Gore venait de récupérer la M-60 de Sylvester Stallone dans Rambo II et il comptait bien faire un carton histoire de rentabiliser son achat.
Il avisa la vitrine d'un supermarché. Son avatar afficha un sourire avant de commencer à tirer. Les clients et les caissières poussèrent des cris et tombèrent les uns après les autres. Mais cela ne suffit pas. Full-Gore entra dans le magasin et continua à faire feu sans répit, réduisant les corps en charpie et le mobilier et les articles en miettes sans distinction.
Après plusieurs minutes de fusillade ininterrompue, il se figea brusquement en embrassant du regard la VHS extrêmement rare d'un film fantastique qu'il recherchait depuis des années.
Il pouvait l'avoir à condition d'allonger la monnaie, encore une fois avec de vrais dollars. Mais contrairement au flingue de Rambo, la VHS lui serait livrée dans la réalité. Et ça, ça valait bien de flinguer son compte épargne.
Il en était encore à baver sur le monstre de la jaquette lorsqu'il entendit du verre crisser sous des pieds. Il se retourna vivement et sa mâchoire inférieure faillit tomber à la vue des clients et des caissières qui se tenaient devant lui, armés jusqu'aux dents.
La dernière chose qu'entendit Ernest Cunningham, 42 ans, père de 2 enfants avant de mourir fut cette phrase déclamée comme d'une seule voix par tous les PNJ :
- De la part de John Carson !
 
 
 
Epilogue 1ère version


John Blossom venait d’atteindre le sommet de la montagne. Seul, sans aide, sans sherpa. A la seule force des poignets et des chevilles. Un exploit digne des meilleurs alpinistes, lui qui n’était qu’un amateur chevronné. Il fut rempli d’un sentiment de fierté et de plénitude qui l’enivra totalement. Loin de l’agitation du monde moderne, loin de son boulot, de Dead Zone et du phénomène Crim’In, il s’éveillait à d’autres envies, à d’autres besoins qu’il estimait tellement plus essentiels.
Il fallait absolument qu’il prenne des photos. Linda n’avait pas pu l’accompagner cette fois, mais il comptait bien partager cette expérience avec elle. Car tout comme lui, elle aimait particulièrement cette région du Tibet. Le panorama était fantastique. C’était comme d’être dans un autre monde, sur une autre planète. La sérénité et la majesté que dégageaient ces pics enneigés étaient surnaturelles. Et puis c’était un pays mythique pour plus d’une raison.
John avait le souffle court. L’ascension lui avait pratiquement ôté toutes ses forces. Il commençait à en prendre conscience. Il but une longue gorgée d’eau et fouilla dans son sac à dos à la recherche de son appareil numérique. C’est ainsi qu’il observa un phénomène étrange. Pour une raison qui lui échappait totalement, son ombre semblait clignoter sur le sol enneigé. Il se rappela les effets néfastes du manque d’oxygène en hauteur et comprit qu’il avait sans soute une hallucination. Lorsqu’il se retourna pour prendre une photo, il faillit lâcher l’appareil. Pendant un instant, il aurait juré que le soleil avait disparu avant de réapparaître aussitôt. Il n’ y avait pourtant aucun nuage.
John secoua la tête et prit une série de clichés.



 

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mercredi, 25 février 2009

Space Squad [Romans/SF]

Chapitre I - BAD DAYZ 4 BAD BOYZ - Mauvaises Journées pour Mauvais Garçons

Part 1 : HIGHWAY TO HELL - Autoroute pour l'Enfer

 

L'homme écrasa sa cigarette sous le talon de sa botte et releva le col de son imperméable aussi gris que le ciel surplombant New York. Sans doute dans l'espoir de dissimuler une figure aussi menaçante que la ville elle-même. Il vérifia le contenu de sa poche droite en la palpant d'une main, puis se remit en marche.

Il poussa la porte du drugstore en apparence déserté par les clients, puis se dirigea vers le comptoir d'un pas résolu. Le gérant ne l'aurait sans doute pas remarqué - tant il était occupé à détailler une forme postée à la limite de son champs de vision - si le visiteur n'avait brusquement exhibé un pistolet d'un calibre inquiétant.

Le gérant avait dû assister à des centaines d'attaques à mains armées à la télé et il en avait vraisemblablement subi une dizaine, c'est sans doute pourquoi il s'exécuta sans broncher.  de toutes façons, les yeux du braqueur parlaient pour lui et son regard savamment étudié remplissait presque entièrement le rôle qu'on réseve d'ordinaire à une arme à feu.

Comme le commerçant finissait de réunir le contenu de la caisse dans un sac en papier et que son destinataire se voyait déjà très loin en possession de sa petite fortune, un déclic caractéristique se fit entendre, brisant le silence et le cheminement de pensées des deux hommes.

Le gangster lorgna du côté d'un présentatoir de magazines à sa droite et eut la surprise de constater qu'ils n'avaient jamais été seuls.

Elle était toute vêtue de noir, des mitaines de cuir aux botillons, en passant par le pantalon très ajusté et le blouson d'aviateur.

Et détail non négligeable : elle pointait vers le criminel le canon d'un pistolet-mitrailleur Punisher dernier modèle. Sa silhouette retenait aussi bien l'attention tant elle était fournie en matière de courbes sensuelles. Avant l'incident, le gérant n'avait d'ailleurs pas manqué s'y intéresser.

Sa chevelure présentait un somptueux dégradé de rouge et lorsqu'elle leva la tête de la revue féminine qu'elle tenait d'une main, elle arbora une paire de lunettes noires métallisées et une paire de lèvres dont elle réduisait à peine la sensualité en mâchant un chewing-gum.

Le criminel ne put cacher longtemps le trouble qu'une telle apparition avait fait naître en lui. Un trouble beaucoup trop grand à son goût. Le gérant, quant à lui, était aux anges, bien qu'il préféra dissimuler cet état de fait. Non seulement il la trouvait terriblement belle, mais en plus de cela, il savait qu'elle venait le sortir de ce mauvais pas. Si jamais ils s'en sortaient vivants, sûr qu'il allait la demander en mariage sans craindre d'essuyer son refus.

 L'homme armé se mordillait nerveusement les lèvres et commençait à sentir la sueur perler à son front. Il était en train de perdre un calme qui d'ordinaire faisait sa fierté. Un calme qui lui avait toujours permis de réussir ses coups facilement, en lui épargant les complications. Mais là, c'était différent. Au contraire de lui, la belle restait de marbre.

 

Gina.jpg
 
 
 

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