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lundi, 15 septembre 2014
Si ce monde vous déplaît... [Méditations]
Vous devriez en voir quelques autres
Extrait de la Conférence de Philip K. Dick
Metz, Septembre 1977
Comme dit la maxime soufi : " L'ouvrier est invisible dans son atelier"., où l'atelier c'est l'univers et l'ouvrier c'est Dieu. Mais cette idée exprime encore la notion théiste d'un univers crée par Dieu; pour ma part je dis : peut-être est-ce que Dieu n'a rien crée du tout, mais existe simplement. Et nous passons nos vie à l'intérieur de lui, ou d'elle, ou de "lui" s'il n'a pas de sexe que nous puissions définir, à nous demander constamment où nous pourrions le trouver.
J'ai pris plaisir à suivre ces chemins de pensée pendant plusieurs années. Dieu est aussi proche de nous que les saletés qui jonchent la poubelle - pour parler plus précisément, Dieu est la saleté dans la poubelle. Mais un jour une pensée malfaisante entra dans mon esprit - elle était malfaisante parce qu'elle minait mon merveilleux monisme panthéiste dont j'étais si fier. Et si - vous allez voir comment cet écrivain de science-fiction particulier trouve ses histoires - et s'il existait une pluralité d'univers arrangée le long d'une sorte d'axe latéral à angles droits par rapport au flot linéaire du temps ? Je dois avouer que je m'aperçus bientôt avoir conjuré une énorme absurdité : dix mille corps de Dieu disposés comme autant de vêtements à pendre dans un énorme cagibi, avec Dieu qui les porterait soit tous en même temps, soit dans un ordre quelconque, se murmurant à lui-même : "Je crois qu'aujourd'hui je porterai celui où l'Allemagne et le Japon ont gagné la Seconde Guerre mondiale", ajoutant ensuite : "Demain, je porterai celui qui est si beau, dans lequel Napoléon a battu les Anglais; un de mes meilleurs."
Cela paraît absurde et l'idée qui lui est sous-jacente semble insensée. Mais supposons maintenant que nous travaillions l'hypothèse et que nous disions : "Et si Dieu essayait un habit et puis, pour une raison personnelle, change d'avis ? " Qu'il décide, pour utiliser toujours la métaphore, que l'habit qu'il porte n'est pas celui qu'il veut...
Alors le cagibi rempli de vêtements devient une sorte de séquence progressive de mondes pris, utilisés un moment et puis jetés en faveur d'un meilleur ? Arrivés à ce point, nous pouvons demander : "Comment l'habit soudain rejeté, comment l'univers abandonné se sentirait-il ? Qu'éprouverait-il ? " Et encore, c'est très important pour nous, quel changement, s'il y en a un, ressentiraient les formes de vie de cet univers ? Car j'ai le pressentiment secret que c'est exactement ce qui arrive; et j'ai aussi l'intuition que les milliards de formes de vie impliquées auraient l'impression - fausse - que rien ne s'est passé, que rien n'a changé. Faisant partie maintenant d'un nouveau vêtement, elles imagineraient qu'elles ont toujours été portées - qu'elles ont toujours été semblables, avec leur batterie complète de souvenirs qui prouvent l'exactitude de leurs impressions subjectives.
Nous sommes habitués à penser que tout changement prend place dans l'axe linéaire du temps : du passé au présent au futur. Le présent émerge du passé et lui est différent. Le futur coulera du présent et lui non plus ne sera pas le même. Il est difficile d'imaginer qu'il puisse exister un temps orthogonal, un domaine latéral où prend place le changement - des processus qui existeraient à côté de la réalité. Comment pourrions-nous percevoir le changement latéral ? Que ressentirions-nous ? Si nous essayions de tester cette bizarre théorie, quelle sorte de preuve devrions-nous chercher ? En d'autres mots, comment peut-il y avoir changement en dehors du temps linéaire ?
Eh bien, considérons maintenant un des sujets favoris des penseurs chrétiens : l'Eternité.
Du point de vue historique, ce concept a été une des grandes idées nouvelles apportées par la chrétienté. Nous sommes à peu près sûrs que l'Eternité existe - que le mot "Eternité" réfère à quelque chose d'actuel, en contraste par exemple avec le mot "ange". L'Eternité est simplement un état dans lequel vous êtes libres, hors du temps et au-dessus de lui. Il n'y a pas de passé, de présent et de futur, il y a juste une pure existence ontologique. L'Eternité n'est pas un mot dénotant simplement un temps très long; elle est essentiellement atemporelle. Alors je pose la question : le changement existe-t-il dans ce lieu hors du temps ? Car si vous dites : "Oui, l'Eternité n'est pas statique, des évènements s'y déroulent", alors je prends mon sourire assuré et je vous montre que vous avez encore une fois réintroduit le temps. Le concept de "temps" pose simplement une condition, un état ou un lieu dans lequel opère le changement. Pas de temps, pas de changement. L'Eternité est statique. Mais si elle est statique, elle ne l'est pas dans le sens d'une longue durée; elle l'est plus comme un point géométrique dont une infinité tiendrait sur une droite. Je peux ainsi défendre ma théorie du changement orthogonal ou latéral en disant : "Au moins c'est une idée qui est intellectuellement moins insensée que le concept d'Eternité. "Et tout le monde parle de l'Eternité.
Une nouvelle que m'a inspiré la théorie du temps orthogonal :
Critiques de films adaptés des oeuvres de Philip K. Dick :
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