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mercredi, 20 juillet 2016

L'Esprit Fantastique de Sylvester Synaptik [Nouvelles/Anticipations]

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-Je n'y arriverai jamais !
Sylvester martelait son piano depuis plusieurs heures. Sans succès.
- Viens manger, dit sa soeur d'un ton compatissant. Ca te fera du bien. Je t'ai fait ton plat préféré.
Sylvester contempla les touches comme autant d'amantes lascives, mais inaccessibles.
- Je comprends pas. Dans ma tête c'est si limpide. Mais dès que je suis en contact avec l'instrument...
Il se leva, abattu, et se jeta dans les bras de sa soeur pour se consoler.
Derrière lui, une vingtaine de modèles de pianos - droits et à queue - occupaient l'immense salon.

Le déjeuner se caractérisa par une relative froideur. Du point de vue de l'ambiance, s'entend bien, car comme à son habitude, Adèle avait mis les petits plats dans les grands et concocté un menu dont elle seule avait le secret. Pour autant, son frère restait de marbre, pétrifié par son inaptitude à transmettre ses émotions.
- Dans une semaine, c'est ton anniversaire, dit Adèle dans l'intention évidente de le détendre un peu.
Sylvester jouait distraitement avec sa fourchette, la plongeant et la replongeant mécaniquement dans le gratin végétarien.
- Tu m'offres de nouvelles mains ?
Quand il était triste, il était toujours cynique, mais Adèle avait appris à vivre avec ses sautes d'humeur. Elle savait comment y faire face.
- Mieux que cela. Mais c'est une surprise.
A défaut de remédier directement à son problème, elle parvint à éveiller sa curiosité. Ce qui, en soi, était déjà un réel exploit.
- Alors j'ai hâte.
Il se leva et se dirigea vers le salon :
- En attendant, j'ai du boulot !

Le jour de son anniversaire, Sylvester fut tiré du lit par un vacarme de chocs et de clameurs. Il se précipita à la fenêtre de sa chambre. Un camion était stationné dans la rue. Plusieurs hommes au look de déménageurs étaient en train de sortir un objet très imposant du véhicule. Sylvester poussa un cri de joie. Il devina d'un seul coup ce dont il s'agissait et la raison de sa présence à ce moment précis. Il se précipita dans l'entrée en pyjama et y trouva sa soeur occupée à signer le registre de l'un des livreurs.
- C'est mon cadeau ! s'exclama Sylvester. Tu m'a acheté un nouveau piano ?
Adèle le regarda avec un sourire amusé.
- Je ne sais pas. Ca peut être n'importe quoi.
- Allez, joue pas avec moi, je sais trè bien que c'est un piano. Ca se voit même avec l'emballage !
- Si tu le dis, répondit-elle en riant.
Il l'embrassa et la serra dans ses bras.
- Il vient d'où ?
- Du Japon, déclara-t-elle avec fierté. Il a été fabriqué sur mesure pour toi. Il est unique au monde.
- Mais...Il a dû de te coûter les yeux de la tête !
- Tu sais bien que pour nous l'argent n'est pas un problème. Il faut juste investir convenablement.
A leur mort, leurs parents leur avaient laissé une vértitable fortune qui semblait inépuisable malgré leurs dépenses astronomiques.

Quelques instants plus tard, Adèle et Sylvester étaient dans la rue, observant les employés monter prudemment l'instrument vers la fenêtre du salon. Au rythme où il achetait de nouveaux pianos, Sylvester avait dû faire aménager une baie vitrée spécialement conçue afin de pouvoir facilement les introduire dans l'appartement familial.
L'enthousiasme de Sylvester était vite retombé. Il semblait à nouveau gagné par un profond découragement.
- Mais, fit sa soeur, peinée, tu ne l'as même pas encore vu. Il est superbe et le son te plaira, tu verras.
- Ca ne change rien. Le problème n'a jamais été l'instrument. C'est moi, le problème, uniquement moi. Quand je te demandais si tu allais m'acheter de nouvelles mains, ce n'était pas complèment ironique. C'est vraiment ce qu'il me faudrait. Ou alors, un autre cerveau.
Adèle afficha une vive contrariété. Il avait beau être son frère, elle avait beau l'aimer et le comprendre, parfois, il dépassait allègrement les bornes :
- Si tu décides que tu auras toujours un problème avec ta musique, alors tu auras toujours un problème avec ta musique. Je commence à me dire que finalement cette situation te plaît, que d'être éternellement insatisfait te procure exactement l'émotion que tu veux pour te sentir inspiré en permanence.
A son tour, le visage de Sylvester subit un changement radical. Il devint rouge :
- Quoi ? C'est ça que tu penses de moi ? Après tout ce temps où tu m'a regardé m'acharner sur ces touches, c'est tout ce que tu trouves à me dire ?
Un cri coupa court à leur discorde.
Ils levèrent les yeux.
- Attention !
Le piano venait de se détacher. Sylvester poussa sa soeur sur le côté, lui épargnant une fin tragique. Il n'eut pas le temps lui-même de s'écarter complètement de la trajectoire de l'instrument qui se brisa violemment au sol.

Adèle ne quittait le chevet de son frère qu'en de très rares occasions. Elle se nourissait à peine. Les infirmières passaient plus de temps à veiller sur elle que sur le corps inanimé de Sylvester. Son coma durait depuis une semaine. Son dernier anniversaire était peut-être son dernier dans tous les sens du terme. Adèle s'en voulait. Elle s'en voulait de lui avoir acheté ce piano, elle s'en voulait d'être à l'origine de leur dispute. Un dernier souvenir loin de lui être agréable, loin d'honorer la mémoire de son frère, cet artiste au génie mort-né. S'il ne survivait pas, qui pourrait profiter de sa fantastique inspiration ?
Avec qui pourrait-il partager cette émotion vibrante qui le traversait quotidiennement comme un éclair ?
Sa vie ne pouvait pas finir ainsi. C'était trop injuste. Le monde avait trop à y perdre.
Convaincue de cela, un matin, elle rédigea une annonce qu'elle publia pas tous les moyens possibles et imaginables. Mais elle ne se fit pas trop d'illusions. Même si elle promettait une forte récompense, elle savait qu'elle attirerait en premier lieu les plus grands imposteurs de la planète.

Le monde avait peut-être en effet trop à y perdre. C'est ce que se dit Adèle quand quelques semaines plus tard, un scientifique, autrefois réputé, se présenta à elle. Elle lui avait donné rendez-vous volontairement à l'hôpital afin qu'il puisse rencontrer aussi Sylvester. L'état du jeune homme n'avait pas changé. Seules ses chances de survivre s'étaient sensiblement modifiées. Ou plutôt ses chances de se réveiller en étant toujours lui-même. Mais pour Adèle, cela revenait au même.
- Qu'avez-vous à me proposer ? demanda-t-elle vivement.
Les prétendants passés n'avaient guère répondu à ses attentes. Elle commençait à être fatiguée. Elle voulait un changement, elle voulait de l'espoir. Mais elle n'était pas auveugle au point d'en voir un où il n'y en avait pas.
- Il y a quelques années, expliqua l'homme, j'ai crée un appareil qui n'a aucun d'équivalent. C'est un véritable prototype. Seulement, il existe deux obstacles de taille pour le rendre fonctionnel : un sujet qui accepterait de probables effets secondaires indésirables au niveau cérébral et un manque considérable de moyens financiers, cela va sans dire.
Il lui tendit un dossier de quelques pages.
- Je vous ai épargné le jargon scientifique, je suis allé à l'essentiel. J'ai estimé que dans votre position, vous n'aviez vraiment pas de temps à perdre.
Il jeta un regard à sylvester.
- Votre frère, non plus, d'ailleurs.
Adèle commença à parcourir le compte-rendu.
- Et je vous en remercie.
Elle redressa rapidement la tête, les yeux embués de larmes.
- Vous avez vraiment crée ça ? Cet objet existe vraiment ? Vous me le garantissez ? Vous me le jurez ?
Le scientifique hocha la tête
- Sur ce que j'ai de plus cher.
Adèle le prit dans ses bras. Embarrassé, le chercheur l'écarta doucement de lui pour déclarer avec gravité :
- Mais je dois vous prévenir. Cela ne ramènera pas votre frère. Il restera à jamais dans le coma. Vous devez vous faire une raison.
Adèle ravala ses larmes.
Elle posa une main sur son coeur avant d'ajouter d'une voix émue :
- Vous avez l'argent. Où dois-je signer ?

C’était un lundi un peu brumeux, un peu humide. Le genre de jour qui se colle à notre humeur comme une décalcomanie. Le genre de jour où l’on préfère ruminer de sombres pensées sous la couette au lieu d’aller travailler. C’est en tout cas ce que ne pensait pas Norman Wilson assis sur son fauteuil en cuir depuis environ une heure. Il aurait dû s’inquiéter de ne pas être présent à son poste de mécanicien, peur de perdre son augmentation et peut-être plus encore. Le lundi était toujours une grosse journée. Il aurait dû aussi avoir peur que sa femme le surprenne à la maison en rentrant des courses. En fait, des craintes, il aurait dû en avoir des dizaines. Mais depuis que Sylvester Synaptik était connu du monde entier, le monde entier avait changé ses habitudes.

Au lieu d’avoir peur des remontrances de son patron, au lieu d’être démoralisé par le mauvais temps, Norman Wilson, tout comme des millions de personnes sur Terre, attendait fébrilement que le voyant de son SynaptiCom passe au vert. Trois icônes étaient visibles sur le support du casque translucide. Un oeil pour indiquer un message d’ordre visuel, une note de musique pour indiquer un message audio et la réunion des deux pour indiquer en toute logique un message audio-visuel. Ce que préférait Norman c’était les symphonies. Sylvester Synaptik était incontestablement doué pour créer et émouvoir, quel que soit le moyen employé, mais les symphonies avaient le don de le transporter et de le libérer comme aucune autre de ses créations. Elles constituaient pour lui la quintessence de son art. Avec la musique, les images venaient alors d’elles-mêmes dans l’esprit de Norman. Il devenait alors facilement à son tour créateur, artiste, poète. Et c’est aussi pour cette raison que les gens aimaient tant Sylvester. Il les faisait devenir un peu comme lui. Il créait une émulation fédératrice, une osmose de sentiments et de bien-être à laquelle l’humanité n’avait jamais pu accéder auparavant.
Les mains de Norman tremblaient. Il se retenait presque de respirer. Lorsque le voyant de connexion s’éclaira, son cœur batifola dans sa poitrine comme un chien fou lâché dans un pré. Il posa le casque sur sa tête avec une infinie délicatesse et attendit cette fois que le voyant audio s’allume.
« Une symphonie ! S’il te plaît, Sylvester, une symphonie, comme toi seul en as le secret ! »
Il écarquilla les yeux, son corps tendu vers le support de son SynatipComTM comme dans l’espoir d’influencer le destin. Les secondes s’écoulèrent en une autre interminable attente. Lorsque les aiguilles de la pendule du salon marquèrent 10h00, la note de musique s’illumina. Le cœur et l’esprit de Norman Wilson aussi.

Tout d’abord, cela commença par quelques notes de piano égrenées du bout des doigts comme une rivière paisible et chatoyante s’écoulant dans une forêt baignée de lumière.
Puis la voix légère et attendrissante d’un violon solitaire se fit entendre et un vol coloré de papillons accompagna la course du torrent. Ce dernier se fit plus sinueux et plus animé alors qu’il quittait l’ombre de la forêt pour l’immensité de la plaine.
Et c’est alors que les cuivres se mirent de la partie, montant lentement en puissance, comme le galop d’une horde de chevaux sauvages.
La virtuosité du morceau atteignit alors son paroxysme et Norman Wilson, le Nirvana.
Des larmes coulèrent sur ses joues. Il n’était plus assis dans son fauteuil de cuir. Il était assis sur un cheval sauvage lancé au galop dans une plaine immense traversée par un courant impétueux escorté d’une myriade de papillons aux ailes irisées.
C’était toujours un lundi un peu brumeux, un peu humide, mais pour les millions de gens sur Terre connectés à l’Esprit Fantastique de Sylvester Synaptik, c’était un jour ensoleillé à souhait, le plus beau jour d’un merveilleux été.

 


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lundi, 20 juin 2016

Du Sommeil du Juste [Nouvelles/Anticipations]

 

 

- Il est végétarien. Je parie que tu l’ignorais. Je suis certain que tu l’imaginais épris de viande fraîche, égorgeant lui-même poulets, canards, agneaux…

- Comment sais-tu qu’il est végétarien ? Il te l’a dit peut-être ?

Je riais presque en formulant ma question tant l’assurance de mon ami m’apparaissait contestable voire ridicule.

Il ne répondit pas. Mais le sourire qu’il produisit me glaça jusqu’au sang.

Je serrai les poings.

- Cet homme est la pire aberration que la terre ait jamais portée. Je ne permettrai pas qu’il la foule à nouveau.

A nouveau ce sourire effrayant, implacable, qui me désarmait et faisait de moi un pathétique rempart contre le mal qui siégeait en ce lieu.

Mon ami profita de mon impotence manifeste pour s’imposer :

- Si cet homme n’avait pas existé, s’il n’avait pas fait ce qu’il a fait, tout le bien qui est né pour contrer ses projets n’aurait pu de ce fait voir le jour. Cet esprit de résistance, cette bravoure, cette fraternité chez les uns et cet élan de soutien chez les autres, comment auraient-ils pu naître autrement ? Les héros sont nécessaires à ce monde. Et pour les créer, il leur faut un mal à leur mesure. Le génie de cet homme, ce n’était pas de rallier des hommes à sa cause et à sa vision. Au contraire. Son véritable talent - qu’il n’a sans doute pas eu le loisir de mesurer -  c’est d’avoir su engendrer une formidable solidarité autour de la notion de bien. Grâce à lui, tout était clair. On pouvait changer de camp, mais on ne pouvait ignorer de quel côté on était. C’est précisément ce qui manque au monde d’aujourd’hui. La frontière entre le bien et le mal est devenue floue, les repères plus complexes. Il faut à nouveau que le mal absolu se dresse sur cette terre afin que de nouveaux héros s’éveillent et luttent côte à côte. Il faut une évidence, un symbole. Il faut faire cesser ce flottement nauséabond, apathique, dans lequel nos esprits s’embourbent jour après jour. Le mal absolu est une vertu. Il rend tout si transparent, si lisible.

- Bon dieu, éructai-je. Ferme ta gueule ! Tu es aussi fou que lui !

Je ne pouvais en supporter davantage. Je sortis mon arme et la pointa sur lui. Ce geste m’apparut naturel, même si j’ignorais mes intentions précises à plus long terme.

Il ne fut pas le moins du monde intimidé. Il croisa les mains dans son dos.

- Merci de me donner raison. Tu vois. Ca a déjà commencé. Tu es maintenant un héros, toi qui, auparavant, n’étais qu’un petit flic des bas quartiers. Sa simple évocation suffit à faire naître des vocations de guerriers, même chez les individus les plus insignifiants. C’est cela son véritable pouvoir. Alors imagine s’il était à nouveau en course.

J’ôtai le cran de sûreté.

- Suis-moi. Nous allons sortir d’ici.

Mon ami se raidit.

- Je n’irai nulle part. Tu devras me tuer.

A mon tour, je lui décochai un sourire carnassier.

- Je n’aurai pas besoin d’aller jusque-là.

Je levai mon revolver pour l’assommer. Il évita mon attaque et agrippa mes poignets. Nous luttâmes sans mot dire, sans un cri, sans injures. Ce qui rendit cette lutte plus âpre encore. Et tandis que nous luttions pour la possession de mon arme, je me rappelle avoir eu la vision de ce sarcophage vitré à l’intérieur duquel dormait du sommeil du juste cet être innommable, ce mal incarné, responsable de tant d’atrocités. Cela eut un effet incroyable sur moi. Mes forces furent décuplées en un instant. Bandant mes muscles, j’envoyai violemment mon adversaire à terre. Ayant récupéré l’arme, je me jetai sur lui et l’assommai d’un coup bien ajusté.

Mon ami allait répondre de ses actes devant les autorités.

Quant à celui qui reposait, imperturbable, au milieu de la pièce, il allait bientôt trouver le seul véritable repos qu’il méritait d’avoir.

Je me dirigeai vers le sarcophage, en proie à une haine implacable. Je pointai le pistolet vers le visage du monstre. Cette mèche… Cette moustache…

Je pris conscience que j’allais pouvoir enfin accomplir une tâche dont tant d’autres avant moi avaient voulu s’acquitter. Avec la plus farouche détermination, sans l’ombre d’un doute, je pressai la détente. Il n’y eut aucun bruit, aucune détonation. Je ressentis un choc terrible en comprenant que le chargeur de mon arme était vide. Ce salaud avait la chance avec lui.

Heureusement, je repris rapidement mes esprits. Ce n’était pas une stupide négligence qui allait m’empêcher de remplir ma mission. Une mission que je devais autant à moi-même qu’à tous ceux qui avaient péri et souffert sous le règne de terreur du dictateur.

Plus jamais, me répétai-je tout en recherchant fiévreusement une arme digne de ce nom. Etrangement, je me surprenais à rejeter certains objets que je jugeais trop communs pour assassiner un homme tel que lui. C’était un monstre, mais en premier lieu une légende, aussi néfaste fut-elle. Et puis il fallait que je brise ce satané couvercle qui abritait son corps.

Son corps que je voyais respirer comme la plus suprême offense.

Finalement je m’emparai d’une chaise qui, hélas, ne répondit pas à mes attentes et se brisa sur le verre manifestement renforcé. Retournant à ma voiture, je trouvai enfin de quoi accomplir ma mission. Mais comble d’ironie, ni la clé anglaise, ni le poing américain ne purent entailler la surface du couvercle. J’étais en plein cauchemar. Je commençais à trouver la situation particulièrement grotesque. Quelques centimètres seulement me séparaient du plus grand bourreau de l’humanité et j’étais incapable de les franchir. Je pouvais sortir chercher de l’aide, téléphoner, mais j’étais entré dans un état second qui interdisait toute éventualité de laisser à quelqu’un d’autre le soin d’expédier le dictateur dans sa dernière demeure.

Et de toutes façons, qui me croirait ?

Il fallait que je trouve un moyen d’ouvrir ce diable de sarcophage puisque je ne pouvais le briser. Il datait probablement de la seconde guerre mondiale. Aussi résistant était-il, il ne pouvait être très compliqué à ouvrir. Je cherchai une commande, un bouton, un levier sur le socle. Rien. Plusieurs câbles en partaient dont je suivis des yeux les méandres. Ils conduisaient dans une pièce attenante que j’avais déjà fouillée intégralement sans rien remarquer d’intéressant. Je m’apprêtai à y retourner en désespoir de cause lorsque le son d’une voix me figea sur place. Quelqu’un venait de parler en allemand. Et en me tournant légèrement, je sus, en voyant son corps toujours inanimé, qu’il ne s’agissait pas de mon ami.

Je me retournai complètement. Le plus grand criminel de tous les temps se tenait face à moi. Il s’était assis sur le rebord du sarcophage. Il se frotta les yeux comme un enfant. Il avait l’air extrêmement fatigué. Avait-il dormi depuis la date supposée de son suicide en 1945 ? C’était complètement surréaliste. Il avait l’air affaibli, désorienté, mais il était vivant, si terriblement vivant. Savait-il à quelle époque il était ?

Ses yeux… Il me dévisagea soudain gravement, regarda autour de lui, avant de prononcer à nouveau quelques mots en allemand. Le führer s’adressait à moi. Je fis un effort considérable pour me rappeler les rudiments de cette langue acquis au cours de mes années d’étude. Mais c’était si lointain. Il répéta sa phrase. Plus fermement. J’étais tétanisé. Ce n’était pas une question. Il voulait quelque chose. C’est tout ce que je comprenais. Devant mon hébètement, il se mit à faire de grands gestes avec sa bouche comme s’il mastiquait énergiquement un aliment. Là tout devint clair. Le Führer avait faim. La surprise passée, je m’entendis lui répondre :

- Pas de viande, c’est bien ça ?

 

 

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

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Le Jour où l'Amour s'arrêta [Nouvelles/Anticipations]



1
 
Elle leva la main comme pour me toucher, espérant par ce geste ranimer un début de flamme.
Je le devinais parce que j'eus le même réflexe. Mais à l'instant où nos regards se croisèrent, l'espoir nous déserta littéralement. Nous demeurions de parfaits inconnus l'un pour l'autre. Inexorablement.
Elle baissa sa main et me tourna le dos, honteuse de sa réaction. Je n'étais pas moins gêné.
Plus tard, quand elle vint me rejoindre dans la chambre, elle me trouva occupé à remplir une valise. Elle comprit immédiatement mon intention. La même idée lui avait traversé l'esprit quelques instants plus tôt.
Lorsque j'eus terminé, je fis mine de lui dire au revoir.
- Je suis désolée, dit-elle d'un ton monocorde.
Je savais qu'en réalité elle était soulagée que je quitte la maison car j'étais moi-même soulagé de partir.
- Ce n'est pas grave, répondis-je.
Evidemment, j'étais sincère.
En me retrouvant dans la rue, je respirai enfin. Pour je ne sais quelle raison, mon regard accrocha la poubelle en plastique qui nous appartenait.
Elle débordait.
Une pensée s'imposa alors dans mon esprit, un dernier sursaut d'espoir, comme pour me convaincre que j'aurais tout essayé.
Impossible de rester si c'était pour jouer un simulacre. Il me fallait du réel, de l'authentique. Mes souvenirs ne m'aidaient en rien. Ils étaient devenus beaucoup trop glacés pour m'émouvoir. Les connexions nécessaires ne se faisaient pas.
Ecoutant cette impérieuse voix intérieure, je lâchai ma valise et commençai à fouiller dans le contenu de nos sacs poubelles. Peut-être trouverai-je un mot, un objet, quelque chose de suffisamment intime à notre couple pour me rappeler mes sentiments envers elle.
Il me fallait une étincelle. Oui, une simple étincelle.
Sans me soucier du désordre occasionné, je vidai les sacs sur le sol et mes mains avides se mirent en devoir de filtrer la masse de détritus afin d'en extraire quelque diamant ou plutôt quelque rose.
A genoux sur le trottoir, mon costume taché par les déchets alimentaires, je faisais sûrement peine à voir. Mais je n'en avais cure. Il me fallait cette preuve, cet indice que quelque chose de très fort entre nous avait existé et pouvait vivre encore.
Le temps passa sans que j'eusse trouvé quoi que ce soit de secourable. C'était peine perdue. C'était sans issue.
Je me relevai, écrasant au passage une photo d'elle rayonnante dans  la lumière de notre jardin. J'avais pourtant vu cette photo. Je l'avais même ramassé et longuement regardé comme dans l'attente d'un signe, d'un miracle. Qui n'était jamais venu.
Mon cœur était devenu imperméable.
Comme pour se rire de moi, la pluie se mit à tomber. C'est alors que je remarquai une silhouette de l'autre côté de la rue, en face de chez nous. Une femme qui m'était familière. Une voisine. A la vue du fatras indescriptible qu'elle dominait, je compris aisément qu'elle s'était lancée dans le même genre de croisade que moi. Avec le même succès, semblait-il.
Nous échangeâmes un bref regard. La pluie redoubla de violence.
Nous faisions vraiment peine à voir. Et le pire, c'est que nous en étions terriblement conscients.
Je ramassai ma valise et me mis à courir comme un fou pour échapper à mon image.
Et à la sienne.
Mais qu'étions-nous donc devenus, tous ?
Des amants maudits ? Des âmes en peine ?
J'avais trop de questions, trop de pourquoi. Il me fallait des réponses. Pas forcément les meilleures, pas forcément les bonnes, mais des réponses quand même et de quelqu'un d'extérieur. Surtout quelqu'un d'extérieur.
Je n'assumai pas du tout ce qui m'arrivait. Je me sentais atteint d'une maladie gave et contagieuse, comme si j'avais attrapé un virus extrêmement dangereux. Sauf que dans mon cas, je n'avais rien attrapé du tout. Bien au contraire. J'avais perdu quelque chose. Et quelque chose d'essentiel, de fondamental. Je me vidai de mon humanité, de ce qu'il y avait de meilleur en moi. Car sans la capacité d'aimer, qu'étais-je vraiment ? Pouvais-je encore être qualifié d'être humain ? J'avais de très gros doutes à ce sujet.
Je ne pouvais accepter cette situation sans rien faire. Alors je décidai d'aller voir quelqu'un comme on dit si bien.
Je cherchai sur mon doigt mon alliance de mariage pour m'insuffler le courage dont j'avais besoin. Je ne la trouvai pas. Et pour cause. Je l'avais jeté dans les poubelles sans même m'en rendre compte. Le temps était compté.
 

2
 

- Bonjour, fis-je en entrant dans le bureau comme dans une morgue.
Peut-être parce que je sentais bien que quelque chose en moi était mort.
Le Docteur Mc Cabb avait une quarantaine d'années, mais il faisait plus jeune à cause de ses longs cheveux et de son allure décontractée.
C'était un éminent praticien. Eminent et donc coûteux. Mais je crois que j'étais prêt à vider mon compte en banque si cela pouvait remplir mon cœur à nouveau.
- Bonjour monsieur Lawrence, asseyez-vous.
Sa voix me mit tout de suite en confiance. Mais j'imagine que cela faisait partie de sa stratégie.
Il essuya ses lunettes avant de les chausser de nouveau.
- Comment allez-vous ? dit-il en me serrant la main.
Je déglutis péniblement.
- Et bien, pas très bien. C'est pourquoi je vous ai appelé en urgence, vous vous en doutez.
- Excusez-moi, simple formule d'usage. Disons plutôt : qu'est-ce qui vous amène exactement ?
Je redoutais terriblement de passer aux aveux tant ma crainte d'être jugé était grande. Mais je craignais sans doute encore plus de devoir être condamné à ne plus rien ressentir.
- Je...C'est...Ce n'est pas facile à dire. J'ose espérer que ce ne sera pas difficile à comprendre pour vous. Je ne pouvais pas en parler à mes proches. Je ne voyais personne d'autre vers qui me tourner.
Mc Cabb se mit à sourire. Il croisa les mains sur son bureau et se pencha sensiblement vers moi.
- Vous savez, monsieur Lawrence, je ne fonde pas mes diagnostics sur la seule qualité de mes années d'étude. Je me sers aussi de mes expériences personnelles. Ce qui, vous en conviendrez, est irremplaçable. Je suis peut-être psychiatre, mais je suis avant tout un être humain, tout comme vous, avec ses doutes, ses peurs, ses faiblesses, ses problèmes. La théorie, c'est bien beau, mais rien ne vaut la pratique.
C'était un discours plutôt convaincant. Il était bien rôdé. Et comme ça devait nécessairement être vrai, j'ai commencé à me détendre un peu.
Son sourire s'élargit alors.
- Je vous écoute, monsieur Lawrence.
Je pris une profonde inspiration avant de déclarer :
- Je ne suis plus amoureux de ma femme.
- Depuis combien de temps ?
Je ressentis l'effet d'un nœud coulant autour de ma gorge.
- Depuis ce matin, articulai-je péniblement.
- Et que ressentez-vous pour elle, à présent.
- Et bien... Rien, plus rien. Je la vois comme une étrangère avec qui je n'ai plus rien en commun. Plus rien ne m'attire chez elle. En fait, c'est tout le contraire.
Mc Cabb dodelina de la tête comme s'il se souvenait d'un cas similaire.
- Vous lui en avez parlé ?
- Oui, rapidement. C'est vite devenu insoutenable.
- Et que vous a-t-elle dit ?
Je me crispai.
- C'est là que ça devient fou.
J'ai dévisagé le docteur avec anxiété. Le mot n'était peut-être pas le plus adapté. Je craignis sa réaction.  Mac Cabb devait le redouter aussi, ce mot là, mais grâce à ses années d'expérience, il avait aussi sûrement appris à l'apprivoiser et à  relativiser son emploi.
Voyant qu'il conservait la même expression de curiosité, je poursuivis :
- Elle m'a dit la même chose. Elle m'a dit qu'elle ne ressentait plus rien pour moi, comme si c'était la première fois qu'elle me voyait. Elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait avec un type comme moi. Cela n'avait aucun sens. Surréaliste, non ?
Mc Cabb éluda habilement ma question.
- Vous vous êtes disputé ?
- Non. C'est sans doute le plus curieux dans toute cette histoire. On a discuté très calmement. En fait, on était soulagé de partager la même chose.
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Je suis parti de la maison.
J'indiquai du regard la valise posée à côté de moi.
- Je ne sais pas ce qu'elle va faire de son côté et pour être tout à fait honnête, ça m'est égal.
- Vous étiez mariés depuis combien de temps ?
- Cela faisait douze ans. Vous vous rendez compte ? Et du jour au lendemain, plus rien.
Mc Cabb jeta un regard à sa montre.
- Je suis désolé, monsieur lawrence. Comme je vous ai dit au téléphone, je dois déjeuner avec mes filles. Comme tous les mercredi.
Je vis en cette déclaration la possibilité de me sentir moins seul.
- Vous êtes divorcé ?
Mc Cabb sourit. Il avait du deviner mon espoir.
- Quand je vous disais que j'étais avant tout un être humain, ce n'était pas du pipeau.
 
3
 
Je n'étais guère plus avancé. Malgré sa compréhension et sa sympathie manifestes, le docteur Mc Cabb n'a pas su me donner ce que j'attendais. Notre entretien a tourné court et j'ai négligé beaucoup de détails comme de lui parler de la voisine par exemple. Je lui ai laissé mes coordonnées, bien sûr et on a convenu de se revoir. Maigre consolation.
J'ai voulu le rappeler une fois en centre-ville, et puis j'ai eu peur qu'il ne me réponde pas.
On n'est jamais certain de l'effet qu'on fait à ceux à qui l'on parle de choses très personnelles. C'est un peu quitte ou double. Que le docteur Mc cabb soit un professionnel ne changeait pas forcément la donne.
Oui, je redevenais pessimiste.
En marchant dans la rue, ma valise à la main, j'ai regardé autour de moi, comme dans l'espoir de lire mon propre égarement sur d'autres visages que le mien. Je ne voulais pas me sentir seul dans ce cas. J'ai pensé rendre visite à la voisine qui avait probablement, elle aussi, pris rendez-vous chez un bon psy, chez Mc Cabb peut-être.
En vérité, j'étais paumé. J'avais des idées, mais aucune ne me paraissait raisonnable. Aucune ne me paraissait assez sérieuse pour me tirer d'affaire.
Mon malaise empirait de minute en minute.
Je n'étais donc pas si insensible puisque je souffrais un peu. C'était étrangement paradoxal. Ce qui n'adoucissait en rien mon tourment.
J'étais là, à ruminer sur un banc, en regardant les passants et en imaginant leur vie quand mon téléphone sonna. Mon cœur fit un bond quand je reconnus la voix suave du docteur Mc Cabb.
- Monsieur Lawrence ? Excusez-moi de vous déranger, mais il vient de m'arriver quelque chose d'incroyable. Quelque chose qui m'a instantanément rapproché de vous et de notre entretien de ce matin.
- Ah...ah bon, fis-je avec une évidente surprise.
- Oui ! poursuivit Mc Cabb d'un ton qui me paraissait pour le moins nerveux. Tout à l'heure j'étais au restaurant avec mes deux filles, comme tous les mercredi. Elles étaient là en face de moi. Et...comment vous dire ? On ne s'est pas adressé un seul mot. Je n'avais absolument rien à leur dire et visiblement elles non plus. C'est à peine si nous avons touché à notre assiette. Il y avait un malaise entre nous qui n'a fait qu'empirer. Je ne voyais pas ce que je faisais là, j'avais l'impression d'être un imposteur, de prendre la place de quelqu'un. Vous voyez ?
Bien sûr que je voyais ce qu'il voulait dire. C'était précisément ce que j'avais ressenti en présence de ma femme. Le ciel semblait m'avoir entendu et avoir répondu à ma prière d'une bien étrange manière. Mc Cabb semblait être atteint lui aussi du même mal qui m'avait été transmis. Je n'étais réellement plus seul !
- Qu'avez-vous fait ? demandai-je avec une vive curiosité.
Les rôles étaient inversés. C'est moi qui avais le savoir puisque j'avais l'expérience. A moi donc de délivrer le diagnostique. J'aurais pu rire de la situation si elle n'avait touché un sujet aussi dramatique.
- J'ai honte de le dire, répondit Mc Cabb, mais j'ai quitté les lieux. C'était trop éprouvant. J'ai abandonné mes deux filles dans le restaurant.
Je ne sus quoi ajouter. C'était terrible d'entendre cela d'un homme qui quelques heures auparavant semblait chérir ses enfants comme ses biens les plus précieux dans la vie.
Mais la question qu'il me posa juste après fut plus terrible encore. Elle enfonça le clou si fort que j'en ressentis une douleur vivace.
- Dites-moi, monsieur Lawrence, vous pensez que c'est contagieux ?
 
4
 
Nous nous retrouvâmes dans un café. Moi qui ne pensais pas revoir Mc Cabb de sitôt. L'avenir m'avait réservé une jolie surprise. Enfin, jolie...
Lorsqu'il entra dans la salle bondée, c'est à peine si je le reconnus. Je peux dire sans ambages qu'il avait pris un sacré coup de vieux. Lorsqu'il s'assit en face de moi, je pus remarquer à quel point sa récente expérience avait creusé ses traits et éclairci son teint.
Il se pencha vers moi comme pour ne pas être entendu :
- Il y a peut-être trop de monde ici.
Je repensai instinctivement à la question fatidique qu'il m'avait posé au téléphone et qui avait été par la suite à l'origine d'un profond malaise. « Etait-ce contagieux ? » La question était certainement légitime. Mais j'avais des raisons évidentes de ne pas vouloir l'entendre tant elle était synonyme d'accusations et de culpabilité.
Etait-ce à proprement parler un nouveau virus ?
Evidemment, nous en savions encore trop peu tous les deux pour nous forger une véritable opinion objective.
Je scrutai les yeux clairs du docteur à travers les verres de ses lunettes. Etait-il en proie à la panique où s'efforçait-il encore de raisonner en psychiatre ?
Un serveur nous aborda. Instinctivement, nous nous écartâmes et Mc Cabb commanda rapidement en notre nom pour se débarrasser de lui au plus vite.
Le docteur me mettait mal à l'aise. Je voyais moins en lui un allié potentiel qu'un complice, complice d'un mal sans équivalent que nous supposions être capables de transmettre malgré nous.
Je me mis alors à penser à voix haute.
- Ca peut être l'air, ça peut être le contact physique ou bien rien de tout cela. Peut-être que le simple fait que nous ayons vécu la même chose à quelques heures d'intervalle n'est dû qu'au fruit du hasard.
Mais là je sentis que Mc Cabb ne m'approuvait pas. Il ne répondit pas pour autant. Il regardait les autres clients et les serveurs qui allaient de table en table. Si l'air et le contact physique étaient les moyens pour la maladie de se propager, alors il ne lui faudrait pas longtemps pour contaminer tout le monde. J'imaginai des couples faisant l'amour - certains pour la première fois - et être condamnés suite à cela à ne plus ressentir quoi que ce soit.
Un frisson glacial me parcourut.
- Vous avez raison. Allons nous-en d'ici !
 
5
 
Nous nous mîmes à errer loin de la foule, tels des bannis ou des fantômes. Sans cœur, qu'étions-nous d'autre de toutes façons ?
Seul c'était insupportable. A deux, ça ne l'était pas forcément moins.
J'évitai de regarder Mc Cabb de peur de lire dans ses yeux  quelque chose qui aurait ressemblé à un jugement. Il devait forcément m'en vouloir de l'avoir réduit à ce que j'étais devenu, moi. Et je le comprenais. Mais le fait qu'il restait à mes côtés me soulageait un peu, je l'avoue. En vérité, avait-il le choix ?
Nous nous assîmes sur un banc dans un parc déserté. L'air s'était refroidi. Tout comme nous.
Je regardai les arbres dénudés, desséchés alors que j'aurais juré que nous étions au printemps.
Encore un frisson. Les plantes pouvaient-elles souffrir aussi de cette anémie sentimentale ?
Un chat errant jaillit d'une poubelle avant de glisser sous mes jambes.
J'en eus le souffle coupé.
Je ne savais plus où porter mon regard pas plus que mes pensées.
Fallait-il nous isoler ? Devions-nous nous livrer comme de vulgaires criminels ?
Je tournai mon regard vers Mc Cabb pour lui faire part de mes angoisses. Il n'était plus là.
J'étais de nouveau seul, le poids du monde sur mes épaules.
C'est alors que je vis un journal abandonné tout près de moi. Plus tard, je compris que Mc Cabb avait dû le lire et que ce simple geste l'avait décidé à s'enfuir.
Les articles étaient pour la plupart terriblement ordinaires et ne méritaient pas un intérêt particulier. Mais en y attardant un peu plus d'attention qu'à l'accoutumée, on pouvait justement réaliser combien ils constituaient un puzzle sinistre.
Depuis quelques jours on recensait un nombre important de divorces et de séparations inexplicables. Les avocats étaient complètement dépassés par les évènements d'autant plus qu'ils étaient pour la plupart eux-mêmes victimes d'une rupture sentimentale. Si ça ce n'était pas un signe ! Le phénomène ne datait donc pas d'aujourd'hui. Je n'étais pas le premier. Je n'avais pas su regarder autour de moi sinon j'aurais sans doute observé bien avant des symptômes de cette maladie. Quelqu'un me l'avait forcément transmis. Ma femme ? Mon patron ? La voisine, qui sait ?
Je fus soulagé. Mais rapidement, la panique et la peur reprirent leurs droits sur moi. Devais-je attendre qu'on mette un nom sur ce mal pour me déclarer malade ? Etait-ce prématuré ?
Tout dépendait de la virulence de la maladie en vérité. Si elle disparaissait aussi vite qu'elle était apparue, il n'était pas nécessaire de faire connaître ma situation. Mais comment pouvais-je être certain de cela ?
Collé sur la poubelle d'où le chat était sorti, je vis un autocollant. C'était une pub pour un numéro vert à l'attention des personnes en détresse. Il n'y avait rien de précisé quant à la nature de la détresse.
Je composai le numéro sur mon portable. Une voix de femme me répondit. Je faillis couper l'appel, mais en comprenant qu'il s'agissait d'une messagerie, je laissai la voix poursuivre.
La ligne était saturée. Je devais patienter en attendant qu'elle se libère un peu. J'écoutai à demi, distrait par la vue d'un couple attendrissant. Ils étaient jeunes, beaux et ils avaient l'air heureux. Je me disais que de voir tout cela s'éteindre à jamais était inacceptable. Et alors même que je me faisais cette réflexion je vis les deux amoureux desserrer leurs mains et se faire face. Ils se jetèrent un regard que je ne connaissais que trop bien, pour mon plus grand malheur. Mon cœur eut un spasme. Ma gorge se serra. Devant moi, la maladie venait de faire deux nouvelles victimes. Alors que le garçon et la fille s'éloignaient l'un de l'autre sans un mot, la messagerie s'interrompit et une autre voix de femme m'invita à parler.
Je coupai la communication et quittai le parc. J'étais maudit et j'étais loin d'être le seul, désormais.
 
6
 
Je rasai les murs. J'étais une ombre. Au long de ma route indécise, je captai de temps à autre quelque conversation, quelque message diffusé par les médias qui venait amplifier l'inquiétant phénomène menaçant de gagner la planète. On spéculait déjà sur d'hypothétiques signes avant-coureurs. Moi je savais pertinemment qu'il n'y en avait pas. Cela arrivait, un point c'est tout. Dans une vitrine, un mur de téléviseurs diffusait en boucle les premiers témoignages de couples venant de subir ce nouveau fléau. Je les trouvai bien courageux de se faire connaître de la sorte et j'eus un peu honte de me comporter comme un fugitif.
Je dormis à l'hôtel plusieurs jours. Je ne pus fermer l'œil. Je suivis assidûment à la télé l'évolution des évènements, moi qui m'informe si peu d'habitude. On ne cessait de donner des recommandations aux personnes qui n'étaient pas encore touchées par le virus. Je trouvai qu'on faisait peu cas des victimes. Comme si elles n'existaient pas. Ou plutôt comme si elles n'existaient plus. Oui, nous étions bel et bien des fantômes, à présent.
Entre deux émissions, les grandes chaînes diffusaient à la pelle des pubs pour des produits aphrodisiaques en tous genres. De grandes marques de cosmétiques et des grands noms de la haute-couture s'étaient déjà associés à une vaste campagne visant à promouvoir tous les secrets de la séduction. Evidemment, c'était peine perdue. Aussi vain que de chercher un diamant dans une poubelle.
Un soir, allongé sur mon lit, j'entendis des râles et des cris provenant d'une chambre voisine. Un couple faisait l'amour. Au son de leurs voix et à la durée de leurs ébats, je compris aisément qu'ils faisaient l'amour comme pour la dernière fois.
La paranoïa s'installait. On savait que le mal pouvait frapper d'une seconde à l'autre. On savait que personne n'était à l'abri.
Les scientifiques et les philosophes avaient beau se pencher sur la question, on ignorait toujours la cause de l'épidémie. Certains malades avaient été longuement étudiés par d'éminents spécialistes. Mais rien ne venait les différencier des autres si ce n'était cette incapacité à éprouver la moindre empathie.
Plusieurs jours passèrent encore. Je restais cloîtré dans ma chambre autant que possible.
Quand je sortais, le propriétaire m'observait d'un œil soupçonneux. Il m'aurait pris pour un gangster que cela m'aurait soulagé. Car je savais que sa méfiance était d'une toute autre nature. Mon temps était compté. Je savais qu'il me jetterait dehors un jour ou l'autre sous un prétexte bidon. Héberger un homme tel que moi n'était pourtant pas un crime.
Du moins, pas encore.
Les chaînes passaient les plus beaux films d'amour comme pour relancer la machine. Sur les ondes et dans les rues, on diffusait les plus grandes chansons d'amour. Un thème émouvant et fédérateur avait même été spécialement crée par des stars de la pop américaine pour soutenir les victimes et redonner de l'espoir. Il s'intitulait "We are the Love". On pouvait faire difficilement plus symbolique.
Le 14 février approchait à grands pas. Et beaucoup de gens pensaient qu'il allait signifier la fin du monde. Moi le premier.
 
7
 
L'économie commença à souffrir de cette forme de stérilité. On se rendit compte à quel point les choses du cœur faisaient vendre.
Une fois n'est pas coutume, les chaînes de télé n'eurent que peu de scrupules à s'emparer du phénomène pour le détourner à leur avantage.
Elles organisèrent des jeux lors desquels les couples candidats devaient prouver leur amour au fil d'épreuves à la difficulté croissante avec à la clé une prime substantielle.
En singeant un hypothétique remède, les médias ne faisaient qu'égarer davantage les hommes.
Le jour où un couple se brisa en direct pendant une émission, l'audimat explosa.
Le filon était tout trouvé.
Mais bien heureusement, cela ne dura pas.
De plus en plus de gens ne se laissant plus facilement émouvoir, certaines recettes ne firent pas long feu.
On chercha de nouveaux concepts. On en trouva. Sans que cela change les choses.
Moi-même je commençais à regarder tout cela avec dédain. Je ne pouvais plus aimer, mais j'appréciais de plus en plus la perspective de ne plus jamais souffrir et faire souffrir par les sentiments. Je n'étais peut-être pas si perdant. Je n'étais peut-être pas si malade. Au contraire. Cette maladie était peut-être une bénédiction, un remède inattendu contre les affres de la passion. J'avais de plus en plus de mal à voir les choses autrement.
Je quittai l'hôtel, fort de ma conviction. Pourquoi continuer à me cacher alors qu'en vérité j'avais vaincu un mal plus grand que celui qu'on me prêtait ?
Je réalisai bientôt que cette croyance se généralisait un peu partout, au point de constituer un mouvement à part entière. Je n'eus alors qu'une hâte, qu'un seul but : trouver cette nouvelle famille et l'intégrer. Mais les choses se gâtèrent à ce moment là.
Le gouvernement mit en place plusieurs mesures pour le moins drastiques.
Bien que la théorie du virus transmis par simple contact physique  n'ait jamais pu être prouvée, les autorités s'accordèrent sur cette hypothèse et à partir de là, toute victime était considérée comme potentiellement dangereuse pour la santé émotionnelle des autres.
Comme tant d'autres, je vis, impuissant, des baraquements lugubres se dresser sur les places publiques. La tension monta d'un cran.
On disait qu'une milice spécialisée avait les moyens de reconnaître les malades et les traquait sans relâche.
Une fois démasqués, les malades étaient - selon toute probabilité - parqués dans ces baraquements, mis en quarantaine en attendant qu'un remède soit trouvé.
Une forme de dictature était en train de naître sans que personne n'ait le courage de la nommer. Ce qui était encore plus terrifiant.
Mais la révolte grondait. Je le savais. Car en moi je sentais les prémices d'une colère que je ne connaissais pas.
On disait aussi que cette milice était constituée de personnes atteintes qui s'étaient engagées de gré ou de force. Des personnes comme moi, qui n'avais plus à craindre d'être en contact avec des malades et qui par conséquent étaient naturellement immunisées. Et toutes désignées pour appréhender les individus recherchés.
Bien évidemment, je ne me voyais pas faire ça. Je n'avais peut-être plus de sentiments, mais j'avais encore une morale.
J'étais en colère, mais je mourrai de peur aussi. La situation n'avait vraiment rien de réjouissant. Même les haut-parleurs avaient cessé de nous transmettre des chants d'espoir. Maintenant ne résonnaient que des directives et des avertissements annoncés d'une voix mécanique, dénuée de toute chaleur.
Je regrettai amèrement d'avoir quitté le confort et la sécurité de ma chambre d'hôtel.
Maintenant, il m'était difficile de trouver un refuge digne de ce nom.
Une nuit, alors que les arrestations se multipliaient, j'échappai de justesse à une rafle et me précipitant dans une ruelle, je tombai nez à nez avec ce bon vieux docteur Mc Cabb.
Il fut aussi surpris de me voir. Nous nous observâmes un instant, ne sachant trop comment réagir, sans doute éprouvés par nos expériences mutuelles. Puis la raison nous revint et nous nous serrâmes la main avec chaleur. L'avantage c'est que nous nous connaissions et que nous n'avions rien à craindre l'un de l'autre. Je lui parlai rapidement du mouvement dont j'avais appris l'existence et que je m'efforçais de rejoindre.
- Oui, j'en ai entendu parler, me dit-il avec enthousiasme. Je pensais justement me rendre à leur QG.
- Vous savez où il se trouve ? demandai-je avec exaltation.
- Non, répondit Mc Cabb, attristé. La seconde d'après, son visage se fendit d'un sourire.
- Mais je connais quelqu'un qui pourra nous le dire. Une de mes anciennes patientes avec qui j'avais un lien privilégié.
Je n'osai lui demander de préciser de quelle sorte de lien il s'agissait.
Nous marchâmes jusqu'au bout de la ruelle avec précaution. L'obscurité jouait en notre faveur, mais nous savions la milice très bien équipée. Des bruits de lutte et des cris de contestation nous parvinrent et nous nous immobilisâmes. Les arrestations ne se faisaient pas toujours dans de bonnes conditions.
J'eus un mouvement de recul en distinguant le corps inconscient d'un milicien appuyé contre un container.
Mc Cabb se baissa et ramassa un objet sur le sol.
- Vous savez comment ils s'y prennent pour identifier les malades ?
Je secouai la tête tout en me demandant si le docteur était lié à l'incident. Peut-être que ce garde lui était tombé dessus et qu'il n'avait pas eu le choix.
- Ne vous en faites pas, déclara-t-il comme pour me rassurer à ce sujet. Il respire encore.
Avant que j'ai pu comprendre ce qui arrivait, il m'avait glissé un bracelet d'étrange facture autour du poignet droit. Je ressentis une petite piqûre.
- Mais qu'est-ce qu...
Mc Cabb expliqua :
- Le bracelet est un appareil qui analyse le sang et envoie le diagnostic à ce récepteur.
Il produisit un autre appareil pourvu d'un écran tactile. Des chiffres et des diagrammes s'affichaient en temps réel. Pour avoir des moyens, ils avaient des moyens. Et des informations aussi qu'ils s'étaient bien gardés de partager avec les civils.
Je regardai successivement les deux objets avec une terreur bien compréhensible.
- Alors c'est grâce au sang qu'ils peuvent savoir. Depuis quand le savent-ils ?
- Je l'ignore, répondit Mc Cabb.
- J'imagine que grâce à ce système, nous sommes fichés facilement.
Mc Cabb m'adressa un regard étrange qui aurait dû m'alerter. Je n'y pris pas garde. Il savait mettre en confiance. Il avait des années d'expérience. Je ressentis une violente décharge au poignet qui remonta en un éclair jusqu'à mon cerveau. Je perdis connaissance.
 
8
 
Je repris conscience sur ce qui ressemblait à un matelas. Je me levai et m'en éloignai. Il sentait l'urine ou quelque chose d'approchant. La tête me tourna un instant. La lumière dans la pièce était faible. Je repensai à Mc Cabb, à ce traître qui m'avait livré à la milice ou plutôt qu'il avait intégrée. De gré ou de force. Je ne pouvais plus faire confiance à personne. J'étais seul, plus que jamais.
Je traînais ma silhouette voûtée par l'âpreté de ces dernières heures. Une cloison faite de verre renforcé empêchait toute escapade. Un rideau fut tiré, me dévoilant la rue noyée sous les feux de projecteurs blafards et sillonnée par la milice. Un garde casqué - nanti d'un masque sinistre - m'observa comme on observerait un poisson exotique dans son aquarium. Je le vis enfoncer du poing un bouton. Une partie du plancher de ma cellule s'escamota, révélant un plateau-repas des plus sommaires. Dans un accès de rage incontrôlable, je me mis à frapper sur la vitre comme un forcené en criant le nom de celui à qui je devais d'être là.
Plusieurs miliciens se retournèrent pour me regarder. Mc cabb était peut-être l'un d'entre eux. Je l'espérais profondément. Je voulais qu'il voie ma colère. Je voulais qu'il ait peur.
Le rideau fut refermé. D'un coup de pied je fis voler le plateau et son contenu. Je contemplai avec une fascination presque morbide les spaghettis dégoulinant de sauce tomate descendre le long du mur. J'avais la sensation d'être l'un d'entre eux et en même temps je me sentais aussi sali que le mur lui-même.
Je me laissai tomber jusqu'au sol, anéanti.
 
Je restai le plus longtemps possible éveillé. Je n'étais pas en paix. Je ne savais pas ce qu'ils mijotaient et je n'avais aucun moyen de le savoir. Je n'avais aucun échange avec les gardes. Ils se contentaient de m'observer régulièrement et de me donner à manger. Les brefs moments où ils tiraient le rideau, j'en profitais pour examiner la rue et ce qui s'y passait. Je voyais des gens jetés sans ménagement dans des baraquements par la milice. Il y en avait de plus en plus. A travers certaines vitres je voyais même plusieurs malades cohabiter dans une même cellule. La place commençait à manquer. L'espoir aussi. Je crus reconnaître ma femme parmi les prisonniers. Ouvrant mon portefeuille, je retirai la photo d'elle qui - à une époque maintenant révolue - représentait pour moi le signe incontestable de mon attachement exclusif pour elle.
Dans un moment pareil, j'aurais dû pleurer en détaillant son visage. Mais je n'étais pas en isolement pour rien. Je déchirai la photo. Plus rien n'avait de sens, désormais.
 
J'ignore combien de temps il se passa. Je ne m'en souciai plus. J'attendais, résigné, qu'ils trouvent un remède ou qu'ils nous abattent comme des chiens. Je ne sais pas quelle finalité me paraissait la plus écoeurante ou la plus enviable.
Un jour, je me réveillai après un long somme et un repas qui l'avait été beaucoup moins.
Je tressaillis en voyant une silhouette emmitouflée, assise contre l'un des murs, immobile. Ce n'était pas un garde. Je finis par comprendre que la place venant sérieusement à manquer, ils avaient fini par m'attribuer un compagnon de cellule. Charmante attention. Maintenant au lieu de devoir seulement me réconforter, il faudrait que je panse les blessures d'un autre. Je n'avais vraiment pas la tête à ça. Il faudrait qu'il se contente de ma présence.
Je n'étais pas pressé de faire connaissance, alors je conservai mes habitudes, l'air de rien.
La silhouette finit par s'animer et s'adresser à moi :
- Vous êtes bien infecté, n'est-ce pas ?
La voix était plutôt jeune et assurément féminine.
Je m'approchai un peu, piqué par la curiosité. Je m'attendais à rencontrer quelqu'un que je connaissais sans doute. Plus rien ne pouvait me surprendre. Mais là, je me trompai.
La jeune femme abaissa sa capuche, dévoilant un visage fatigué encadré de cheveux blond cendré. Ses yeux étaient vifs. Ils me fixaient, me transperçaient même au point que cela me gêna presque.
- Je m'appelle Clara, dit-elle simplement.
- Andrew, dis-je aussi simplement.
Je ne pus rien ajouter d'autre. Elle se leva un peu gauchement et se dressa face à moi. Elle était plutôt grande. Elle me saisit les poignets.
- Vous êtes bien infecté ? répéta-t-elle.
Son geste et sa question me surprenaient tout autant.
- Oui, bien sûr, tout comme vous. Nous ne serions pas ici, sinon.
Elle resserra sa prise. Ses yeux étincelèrent de plus belle. Comme si elle était sur le point de pleurer. Ce qui était impensable.
- Non, je le suis pas, ajouta-t-elle.
Je la dévisageai, abasourdi. Son expression me révéla combien elle disait vrai. Des larmes coulaient sur ses joues.
- Quoi ?
Je me dégageai violemment de son étreinte.
- Mais vous êtes complètement folle ! Je viens certainement de vous contaminer !
- Au risque de vous choquer davantage, c'est ce que je voulais.
- Je ne vous crois pas. Si vous n'étiez pas malade, vous ne seriez pas ici. Vous seriez en train de fuir, de vous cacher. Ils contrôlent tout le monde en plus. Ils auraient vu que vous n'étiez pas atteinte. Ils sont bien équipés, croyez-moi. J'ai eu tout le loisir de m'en rendre compte.
- Pourquoi chercheraient-ils à contrôler quelqu'un qui prétendrait être malade ? C'est précisément le genre de personnes qu'ils recherchent. Que l'on puisse mentir à ce sujet est au-dessus de leur raisonnement. Et du vôtre aussi, apparemment.
Je n'appréciai pas son ton. Elle semblait me rabaisser au même rang que les miliciens. Je trouvai ça très maladroit de sa part. Insultant.
- Pourquoi feriez-vous une chose pareille ? C'est stupide !
Elle reprit sa place initiale comme si elle voulait s'isoler. Cela ne fut pas pour me déplaire.
- Si je vous disais que vous veniez de me rendre un très grand service.
Je n'avais pas envie de chercher à savoir où elle voulait en venir. La patience comme l'espoir m'avait quelque peu abandonné.
- Je n'ai rien fait du tout. Vous ne savez pas ce qui vous attend. Vous êtes bien avancée d'avoir fait ça. Vraiment stupide, grommelai-je.
Il y eut un silence et je crus que la conversation s'arrêterait là. Je lui désignai le matelas pour lui indiquer qu'elle pouvait s'allonger. J'espérais surtout que l'odeur d'urine lui fasse regretter sa décision. Et c'est alors qu'elle me dit :
- Quelqu'un à qui vous teniez ?
Je plissai les yeux. Elle avait ramassé les morceaux de la photo de ma femme et s'était amusé à la recomposer. Je grimaçai.
- Moi aussi j'aimais quelqu'un, reprit-elle. Un peu trop. Même après qu'il m'ait trompé, je l'aimais toujours. Encore plus je crois. Ca fait des mois qu'on a rompu et impossible de m'en remettre. Je restais prisonnière de mes plus beaux souvenirs avec lui. Comme si une partie de moi ne voulait pas accepter ce qu'il m'avait fait. Ou plutôt comme si j'avais décidé de souffrir seulement à cause du meilleur de ce que j'avais perdu. J'imagine que la plupart des amours nourrissent une forme d'aveuglement. Ce ne serait pas de l'amour, sinon.
Cette situation m'exaspérait. Qu'elle fasse de moi son confident après avoir fait de moi son bourreau était intolérable.
- Pourquoi vous me dites tout ça ?
- Vous ne comprenez donc pas ? Quand j'ai appris l'existence de ce virus, j'ai vu enfin le bout du tunnel. Cela a été une vraie révélation. Enfin le moyen de ne plus souffrir, de ne plus penser à lui. Aller de l'avant. Repartir de zéro. C'était tellement inespéré.
Je l'entendis sangloter.
Sale petite égoïste, pensai-je. Elle s'était servie de moi, de tout le monde, en fait, pour parvenir à ses fins. Insensible au sort des autres, des vrais malades comme moi, elle n'avait pensé qu'à elle. Je fermai les poings et lui jetai un regard noir :
- Sale...
On tira le rideau et la lumière s'engouffra dans la pièce, nous éblouissant. Le garde m'observa comme à l'accoutumée. Je levai aussitôt le majeur de ma main droite à son intention. Ce n'était pas le moment de m'énerver. Il resta devant la vitre sans réagir. Puis, lentement, avec des gestes étudiés, il retira son casque. Mon cœur fit un bond lorsque je reconnus le visage du docteur Mc Cabb. Son expression était imperméable. Il m'étudiait. Je serrai les dents de rage et me jetai contre la vitre que je martelai.
- Salaud ! Enfoiré ! Pourquoi vous avez fait ça ? Pourquoi ?
Un soldat l'appela. Il se retourna et après avoir remis son casque, il s'éloigna de la vitre.
Je restai, là, espérant qu'il revienne pour lui exprimer encore ma rancœur. Mais il ne revint pas. Le rideau fut tiré et le plancher s'escamota pour nous offrir un dîner frugal.
Je vis le nez de Clara se trémousser.
- Qu'est-ce que c'est ? Du poulet ?
Je commençai à manger.
- Vous n'avez qu'à venir voir.
Elle s'approcha. Quelque chose dans sa façon de bouger m'intriguait. Une sorte d'hésitation, d'approximation. Comme si elle était handicapée.
- Je peux savoir pourquoi vous vous êtes énervé comme ça?
Je continuai à mastiquer ma viande. Je n'avais aucune envie de partager quoi que ce soit de personnel avec elle.
- Mon psy m'a envoyé ici.
Je ne me rendis compte qu'après coup que je lui avais répondu.
Je la vis sourire en piochant une cuisse de poulet. Elle semblait regarder le mur derrière moi, à l'endroit où mes spaghettis avaient laissé une trace sanglante.
- Vous devriez en changer.
Je ne m'attendais tellement pas à cette déclaration que je faillis m'étouffer. Puis la fatigue et la tension accumulée eurent raison de moi et je partis dans un éclat de rire qui mit une éternité à s'éteindre. Elle m'accompagna dans cet accès d'hilarité et nous eûmes tout le mal du monde à nous calmer. Nous nous tenions les côtes tandis que nos yeux pleuraient sans discontinuer.
J'avoue que cela me fit un bien fou. Je me rendis soudainement compte que j'avais été odieux avec elle et que malgré cela, elle ne semblait pas m'en vouloir. Peut-être que son comportement envers moi était encore intéressé. Peut-être qu'elle avait encore besoin de moi.
Ma méfiance venait de regagner ses pénates.
Après avoir éructé le plus discrètement, j'allai m'allonger sur le matelas dont j'avais appris à apprivoiser l'odeur. Je regardai le mur contre lequel j'étais couché pour ne pas la regarder, elle.
- On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Alors quand on perd la vue, vous croyez qu'on gagne sept ans de malheur ?
Je me retournai et la dévisageai pour comprendre pourquoi elle venait de dire une chose pareille. Elle fixait un point au-dessus de moi. Un emplacement où il n'y avait absolument rien. Et c'est là que je compris. Je l'avais traitée d'égoïste et pourtant, si moi-même je ne l'avais pas été autant, j'aurai remarqué qu'elle était aveugle.
Je m'assis sur le lit.
- Je suis désolé. Je n'avais pas...
Elle émit un petit rire qui eut le don de me détendre.
- Quand je parlais d'amour et d'aveuglement, ce n'était pas seulement une image, je crois.
Je me levai et me tins près d'elle. Ses yeux ne mentaient pas. Elle était effectivement aveugle. Et d'une certaine manière, je l'avais été aussi.
- Venez vous allonger. Le matelas ne sent pas très bon, mais il est plutôt confortable. Je dormirai dans un coin. Ce sera ma punition.
Elle sourit. Son sourire était désarmant. J'avais l'impression de la voir pour la première fois.
- C'est moi qui fais une bêtise et c'est vous qui êtes puni ?
- J'imagine que j'aurais fait la même chose si j'avais été dans votre situation. Vous n'avez rien fait de mal. Vous avez simplement fait un choix.
- Merci, murmura-t-elle.
Elle se dirigea vers le matelas. Instinctivement je voulus l'accompagner. Mais c'était idiot. Elle se débrouillait très bien sans aide. Elle s'assit.
- C'est vrai qu'il sent mauvais.
Je m'installais dans une encoignure de la pièce, la plus proche du matelas.
Elle tourna la tête vers moi.
- Vous pensez que ça prend combien de temps ?
- Quoi donc ?
- La transmission du virus.
- Je ne sais pas. Quelques heures. Peut-être moins. Vous vous en apercevrez quand vous ne penserez plus à lui. Ou plutôt quand vous penserez à lui sans en souffrir.
- J'ai hâte, dit-elle.
Je me sentis tout à coup apaisé et réconforté de savoir que grâce à moi elle allait pouvoir être plus heureuse.
- De toutes façons, il n'y a aucune raison pour que cela ne marche pas.
Mais une fois encore, je me trompai.
 
9
 
 Nous dormîmes ainsi. Elle sur le matelas et moi dans un coin.
Je dormis très mal. Je pensai à notre conversation, à notre parcours de vie respectif. Le fait que nous nous soyons retrouvés ensemble dans ce baraquement avait peut-être un sens. En tout cas, je ne pouvais me défaire de cette idée.  Parce que je demeurai éveillé la plus grande partie de la nuit, j'eus tout le loisir de l'entendre sangloter. Manifestement le virus n'avait pas encore agi sur elle.
Au matin, nous partageâmes un unique gobelet de café tiède. On avait l'impression d'être des prisonniers de guerre, attendant notre condamnation. Mais de savoir que je l'attendais avec Clara me réchauffait un peu le cœur.
- C'est étrange, dit-elle. J'ai la sensation que je suis immunisée. Le virus aurait déjà dû faire effet sur moi, vous ne croyez pas ?
Je ne voulais pas lui faire perdre espoir. Et je voulais moi-même y croire encore.
- Ca dépend sûrement de la personne, de son organisme. Des tonnes de paramètres doivent rentrer en jeu. Ca ne veut rien dire.
Je lui pris la main sans y réfléchir. Peut-être parce que je savais qu'elle ne pouvait pas me voir.
- Courage, Clara. Le plus dur est fait. Tu m'as supporté.
A nouveau ce sourire éclatant. J'aurais voulu qu'il dure des heures.
Sa phrase de la veille me revint en mémoire :
« On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Alors quand on perd la vue, vous croyez qu'on gagne sept ans de malheur ? »
Et c'est alors que j'eus la révélation.  Je plongeai mes yeux dans ceux de Clara. La solution était là. L'explication tant recherchée. Le virus ne se transmettait pas par le contact physique, ni par l'air. Il voyageait par les yeux, par le regard. Et c'est pour ça que Clara n'était pas infectée. Elle avait raison. Elle était immunisée. Son handicap l'avait protégée de la maladie. J'étais tellement convaincu de mon raisonnement que j'en aurais mis ma main au feu.
Ma main resserra davantage la sienne.
- Tu ne peux pas attraper cette maladie.
Son visage se crispa et je le regrettai.
- Pourquoi ?
- C'est ta phrase qui m'a tout fait comprendre. Les yeux sont le miroir de l'âme et ils réfléchissent la maladie. Tu es aveugle, tu ne crains donc rien.
Pour n'importe qui, cela aurait été la plus merveilleuse des nouvelles. Pour Clara, c'était comme si je lui annonçais la fin du monde.
Elle se mit à pleurer.
- Il n'y a pas une minute, tu disais tout le contraire. A quoi tu joues avec moi ?
Elle se raidit et me repoussa avant de se blottir dans un coin.
- Je veux sortir d'ici. Puisque je ne peux pas être malade, je n'ai aucune raison de rester ici, avec toi !
Je soupirai.
- Nous allons pouvoir sortir tous les deux.
Elle arrêta de pleurer. Ma déclaration avait fait son effet.
- Quoi ? Mais tu ne peux pas sortir. Ils ne laissent sortir aucun malade.
Je m'assis à côté d'elle.
- C'est vrai.
Quand je lui caressai les cheveux, elle comprit.
Mon cœur cognait à nouveau dans ma poitrine, libéré de l'entrave de la maladie. Il s'exprimait comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Ou plutôt comme il ne l'avait jamais fait.
Je tremblai. Une bouffée de son parfum me transporta sur une autre planète. Une mèche dans son cou me fit connaître la plus douce des ivresses.
- Tu ne peux pas être malade, Clara. Tu ne le pourras jamais.
Le rideau fut tiré. Mc Cabb se tenait derrière la vitre. Il avait son masque, mais je savais que c'était lui. Je pensai à ses filles, je pensai à ma femme, à ma voisine au-dessus de ses poubelles. Cet amour que je ressentais était différent de tous ceux que j'avais pu connaître. Il les dépassait. Et je savais qu'il n'en était qu'à ses balbutiements.
Mc Cabb tenait ses appareils d'analyse à la main, prêt à scanner notre sang pour voir l'évolution de notre état. Il n'allait pas être déçu.
Je serrai Clara contre moi.
- Tu es le remède.
En même temps que je lui disais ces mots je remarquai pour la première fois une inscription gravée sur le mur, laissée par le détenu qui nous avait précédé dans cette geôle :


Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents, les vagues, les marées et la pesanteur, nous exploiterons l'énergie de l'amour. Alors pour la seconde fois dans l'histoire du monde, l'homme aura découvert le feu.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) - Paléontologiste et philosophe français

 

lundi, 28 mars 2016

Mauvais Genre 2016 : du génie créatif français ! [Cinéma/Jeux Vidéo]

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Cette année le parrain du festival n'était autre que Thierry Frémont (inoubliable héros du film Les Démons de Jésus)

Le Festival Mauvais Genre fête ses dix ans cette année et on est très heureux pour lui. Mettant en avant le cinéma et l'art étiqueté souvent comme underground, de genre, il rassemble en vérité une créativité qui va bien au-delà de ces clichés.

Fantastique, poésie, post-apo, drame, surréalisme, S-F, horreur, il brasse large et l'occasion lui est donnée de le prouver via des courts-métrages, des longs et des conférences.

C'est justement à deux conférences que j'ai décidé d'assister qui avait en commun l'intérêt de révéler le travail titanesque d'un studio indépendant français qui parvient au départ juste par passion à atteindre un degré de maîtrise et des ambitions impressionnants qui ouvrent des perspectives enthousiasmantes pour le cinéma et le jeu vidéo en France.

Personne ne les attendait, mais tout le monde les espérait. A vous de juger.

Le studio Seth Ickerman s'était déjà fait connaître il y a six ans avec un fan movie intitulé Kaydara sur l'univers de Matrix. Les deux auteurs ont dû tout inventer et se former sur le tas niveau effets spéciaux et mise en scène. On aime ou pas, mais d'avoir eu le privilège de voir les coulisses du film permet de mesurer à quel point les deux artistes (ils ont tout fait eux-mêmes) ont mouillé la chemise et chauffé les neurones pour concevoir des plans ultra complexes qui ont demandé un travail admirable de compositing (assemblage de prises de vue réelles, détourages, incrustations, maquettes, créations numériques). A noter qu'un autre de leurs courts,  une parodie intitulée Ratrix, fait office d'introduction.

En 2014, Mauvais Genre leur commandait le teaser du festival. Bien leur en a pris, car les deux artistes nous offre une séquence qui allie à merveille délire futuriste et onirisme. Moi qui rêve d'être de nouveau ému par des effets spéciaux (en attendant de l'être par la 3D) je me plais à penser qu'ils sont sur la bonne voie pour ça.

 

Le studio avait illustré leur teaser du festival  d'une musique de Carpenter Brut. La mayonnaise ayant bien pris, c'est Carpenter Brut qui a sollicité le duo pour mettre en images l'un de ses clips. Résultat : une virée dans un univers surréaliste et sublime. Ceux-là étaient faits pour se rencontrer.

Et enfin, la cerise sur le gâteau : le trailer de leur projet le plus ambitieux : un véritable film destiné aux salles. Le script est terminé, le producteur est trouvé (un membre du studio d'effets spéciaux Buff Company !) reste encore pas mal d'étapes (trouver un acteur connu qui puisse vendre le film, tourner en anglais,...), mais c'est en bonne voie et ça, ça fait super plaisir surtout quand on sait combien il est difficile de monter un film de SF en France. Croisons les doigts et soutenons-les autant que possible, ils le méritent vraiment et nous aussi d'ailleurs !

D'avoir pu voir toutes ces vidéos projetées sur grand écran ont fait pour beaucoup dans l'effet qu'elles ont eu sur moi et il est indéniable que de les voir seulement sur internet en amoindrit énormément l'impact, je tenais à le souligner.

L'animateur aux côtés du Studio Seth Ickerman à savoir R-One Chaff et Savitri Joy Gonfard (à droite) avec lequel j'ai pu discuter de précieuses minutes.

RageQuit n'est plus seulement un terme pour désigner le fait de quitter brusquement une session jeu vidéo sous l'effet de la colère et de la frustration, c'est aussi désormais un studio indépendant français de jeux vidéo qui commence à faire parler de lui. Paul Chadeisson, directeur créatif, graphiste spécialisé dans la conception des décors, est venu nous parler de son prochain jeu et nous en a ouvert les coulisses ainsi que ceux de Remember Me via une pléthore d'illustrations faites à la palette graphique. On a ainsi pu explorer un Paris futuriste sous toutes les coutures ainsi que leur nouvel univers qui prend place dans le ciel sous forme d'un shooter nerveux en apparence simple, mais en réalité très travaillé en amont. Au passage il nous a assuré que le design du film Blade Runner l'avait énormément influencé et qu'il reste une référence pour nombre d'artistes.

Le studio a choisi le ciel plutôt que l'espace afin de se démarquer de la concurrence, et l'a peuplé de tout un tas d'objets usuels connus sur terre comme des plateformes pétrolières, des containers, des grues, ce qui donne un look très original à ce Strike Vector X. Le premier jeu de cette série en devenir s'est bien vendu sur Steam (c'était une exclu PC) on souhaite le même succès à ce nouvel opus pour consoles. Info exclusive : Paul a annoncé qu'il serait également porté sur PC prochainement !

Pour terminer j'en profite pour placer le trailer de Hardcore Henry qui était visible en avant-première au festival. Un pur film de geeks, aussi audacieux que mutant, que je compte bien voir à sa sortie.

Pour conclure : Vive les amateurs, vive les fans, vive les passionnés qui nous font rêver souvent mieux que les gros studios et leurs gros budgets !

 

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mercredi, 17 février 2016

Constantine [Cinéma/Séries/Critiques]

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Matt Ryan a prêté sa voix et ses mouvements à Edward Kenway, le héros du jeu Assassin's Creed IV : Black Flag

Le film m'avait méchamment plu grâce à son anti-héros campé par un Keanu Reeves tout en nuances et en fragilité après l'héroïsme débridé de la trilogie Matrix. Mais grâce aussi à un rythme effréné, une mise en scène très inventive et des effets spéciaux épatants.

J'aime ces histoires contemporaines ou la magie peut prendre toutes les formes à n'importe quel moment avec ses codes, ses rituels. C'est pourquoi j'ai beaucoup aimé aussi L'Apprenti Sorcier et Le Dernier Chasseur de Sorcières.

Je recherchais un autre film de cette trempe afin de cultiver ce plaisir et c'est finalement une série qui me le procure. La boucle est bouclée puisqu'il s'agit de la série Constantine.

On retrouve les mêmes ingrédients que dans le film (adapté d'un comic book) à savoir des démons, des possessions, des incantations et des procédés magiques. 

Et bien sûr et surtout un John Constantine en grande forme, encore plus séduisant grâce à l'interprétation de Matt Ryan déjà physiquement plus conforme au héros original (blond avec l'imper beige), mais aussi savoureux grâce à son humour, sa nonchalance plus prononcée et son caractère désabusé qui ne l'empêche pas d'être efficace quand les évènements le demandent.

Ayant fauté, il est prêt à tout pour se racheter, même si un ange (Harold Perrineau vu dans Roméo et Juliette et les Matrix justement) lui susurre que c'est un peu mission impossible.

Je trouve dans cette série exactement ce que je recherche (et trouve rarement) : un personnage très attachant, un bon rythme et une intrigue simple, mais qui réserve de bonne surprises que ce soit par la mise en scène ou les rebondissements avec des effets spéciaux certes sobres, mais suffisamment soignés.

L'univers fait le reste.

Pas de saison 2 de prévue faute d'audience (hormis un caméo dans l'épisode 5 de la saison 4 d'Arrow), mais personnellement je ne m'en plaindrais pas, vu que les séries qui s'étirent ont la fâcheuse tendance à me lasser.

 

 

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dimanche, 10 janvier 2016

Gothika [Cinéma/Critiques]

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Après le succès de l'adaptation des Rivières Pourpres de Jean-Christophe Grangé, Mattieu Kassovitz, en véritable touche à tout, s'offrait un blockbuster hollywoodien avec quelques stars au casting et une histoire pour le moins surprenante.

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Dans Gothika, Penelope Cruz (Vanilla Sky) se dévoile sans fard, et ce, dans tous les sens du terme. Grâce à son interprétation et son face à face intense avec Halle Berry, les premières minutes du film nous captivent et nous immergent efficacement dans l'univers psychiatrique qui sert de cadre principal au film.

Le scénario de Gothika commence très simplement. On entre dans le quotidien du Dr Miranda Grey campée avec beaucoup de conviction par une Halle Berry (Cloud Atlas) alors au faite de sa renommée. On visite du même coup l'institut psychiatrique dans lequel elle travaille consciencieusement et on fait connaissance avec le personnel et ses collègues, plus ou moins intimes.

Et puis un évènement singulier va venir bouleverser cette mécanique bien huilée et nous faire voir tous ces repères assez anodins sous un nouvel éclairage.

On s'arrêtera là pour le résumé car question rebondissements, il y a ce qu'il faut et c'est l'une des nombreuses qualités de ce film pour le moins captivant. Pas trop de gros effets, une ambiance qui progressivement et subtilement va s'épaissir tout comme l'intrigue et les personnages. Un premier gros retournement de situation va d'un seul coup nous happer et la suite ne nous fera jamais lâcher prise grâce conjointement à une mise en scène, une interprétation et une écriture très inspirées.

Le mélange des genres est également très bien équilibré ce qui laisse planer longuement le mystère sur la réelle nature des évènements et de la personnalité de l'héroïne et faisant de Gothika un film pouvant être apprécié d'un large public (à condition d'avoir l'âge requis).

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Le Dr Miranda Grey pourra compter sur le soutien de son collègue, le Dr Pete Graham. Cinq ans avant le premier  Iron Man, Robert Downey Jr (Iron Man 2, Avengers, L'Ere d'Ultron) nous faisait apprécier son jeu unique tout en décontraction, mais pas dénué d'intensité. Le comédien est connu pour improviser et le stéthoscope par exemple c'est son idée.

Pour sa première réalisation outre-atlantique, on peut dire que Kassovitz a fait très fort. Le réalisateur a su pleinement exploiter toutes les ressources mises à sa disposition pour créer un thriller angoissant à l'ambiance surnaturelle particulièrement efficace, original et donc mémorable.

Ce n'était pourtant qu'un film de commande qu'il a accepté en partie pour financer un futur projet plus personnel. Cela a donné lieu à Babylon AD, autre adaptation littéraire, cette fois avec Vin Diesel, Mélanie Thierry et Michelle Yeoh. Hélas de gros problèmes sur le tournage (bras de fer avec la production) ainsi que de mauvais choix de Kassovitz lui-même (la voix française de Vin Diesel) ont fait échoué sa seconde tentative de s'imposer à Hollywood. Quant à Halle Berry elle se fourvoyait juste après dans le Catwoman de Pitof notoirement célèbre.  On appréciera donc encore bien plus leur collaboration sur Gothika. 

 

 

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lundi, 05 octobre 2015

Pay The Ghost [Cinéma/Critiques]

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Non, je ne profiterai pas de cet article pour revenir sur la carrière de Nicolas Cage et m'étendre sur ses choix jugés majoritairement très discutables à tort ou à raison. Je me contenterais de critiquer le dernier film que j'ai vu de lui (ça faisait longtemps que je n'en avais pas vu) et d'apprécier à sa juste valeur le fait que je l'ai aimé.

Les légendes urbaines, le cinéma américain les aime, il en a d'ailleurs intitulé ainsi une série de films (Urban Legend). Entre Hollywood et Halloween c'est également une grande histoire d'amour. Les deux mots ne partagent pas seulement plusieurs lettres, ils ont fini par devenir indissociables, se mettant en valeur l'un l'autre. Je suis bien placé pour le savoir, mon costume de The Crow est déjà fin prêt pour la fin du mois ! C'est donc avec un sourire qu'on entendra le personnage principal évoquer la légende de Sleepy Hollow, elle-même adaptée avec brio sur grand écran par Tim Burton.

Habitué du cinéma fantastique sous toutes ses formes, Nicolas Cage (La Cité des Anges, Ghost Rider, l'Apprenti Sorcier, Prédictions, Le Dernier Templier) nous revient dans la peau d'un père de famille sympathique quoique un peu trop négligent vis à vis de sa famille. C'est pourtant paradoxalement au moment de se racheter auprès de sa famille que le drame va choisir de frapper. Toujours cette cruelle ironie du destin.

L'intrigue se met en place doucement et sûrement et titille assez efficacement notre curiosité. Les effets visant à nous effrayer sont dans l'ensemble réussis, équilibrés entre de vieilles ficelles qui marchent plus ou moins bien selon le spectateur et d'autres plus recherchés que j'ai particulièrement apprécié, me rappelant par moment La Prophétie des Ombres qui demeure une référence pour moi dans le genre.

Pay The Ghost n'entend pas révolutionner le genre, mais pour autant il est très recommandable car soigné et intéressant de bout en bout. L'histoire est suffisamment originale et bien amenée et le final, quoiqu'un peu trop sobre visuellement, est judicieux et clôt le film à merveille.

On peut trouver comme toujours des facilités comme le métier du héros qui correspond un peu trop avec la nature des évènements dont il est victime. Mais ça n'est en rien problématique car il ne fait pas continuellement usage de sa science et sollicitera même son entourage pour avancer dans son enquête.

Petit budget, petites ambitions, mais bonne pioche malgré tout, quelque part entre Gothika et The Secret.

 

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :

La Prophétie des ombresThe SecretThe EyeDream House

 

 

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dimanche, 02 août 2015

Spring, Automata, Faults [Cinéma/Critiques]

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Un jeune californien perd en peu de temps tout ce qui pouvait le raccrocher à son existence. Sur les conseils de ses proches il décide de refaire sa vie en Italie. Là-bas, il va faire la connaissance d'une mystérieuse et troublante autochtone qui va lui faire oublier définitivement son infortune.

Dès la première scène (et quelle scène !) le film nous prend aux tripes. Le destin du héros nous bouleverse instantanément et l'on s'attache à lui, espérant qu'il trouvera le bonheur qu'il est en droit de mériter malgré un penchant pour l'alcool et les mauvaises fréquentations.

Ce petit caïd des banlieues va progressivement se métamorphoser sous nos yeux au contact des beautés de l'Italie et en particulier d'une. On assiste alors à la naissance d'une belle love-story qu'on suit avec intérêt grâce au charme de ce couple inattendu.

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Très crédible grâce à une narration fluide et une interprétation très naturelle, Spring est le type de film dont il est difficile de cerner les intentions si on ne sait rien à son sujet sans pour autant nous lasser ou nous ennuyer et c'est là l'une de ses grandes qualités.

Aussi lorsque l'ambiance s'altère quelque peu, l'aspect intimiste a tellement bien été retranscrit qu'on accepte d'emblée l'intrusion du surnaturel. On accepte d'autant mieux le fantastique lorsque le cadre dans lequel il apparait est hyper-réaliste. C'est vraiment le cas ici. Mais malheureusement un malaise survient lorsque c'est le surnaturel qui prend clairement le dessus, revoyant les ambitions des réalisateurs brutalement à la hausse, mais plombant le crédit de l'histoire et des personnages.

Ce n'est pas visuellement que cela pose problème puisque les effets spéciaux sont bien dosés et de qualité, mais c'est bien à cause de la révélation et du devenir du couple que naît une incrédulité croissante. Le concept est fort attrayant, mais on passe du coq à l'âne et au même titre que les personnages on nous demande d'y croire dur comme fer en quelques instants. Un peu trop grosses à avaler ces couleuvres d'autant que la fin se termine en queue de poisson (oui il est question d'animalité, mais je ne vous en dirai pas plus).

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Les premières minutes plantent immédiatement le décor : une mégalopole pluvieuse, des hologrammes géants, un homme armé vêtu d'un imperméable transparent brandit son arme vers un androïde... Les amateurs de SF sont en terrain connu, l'ombre de Blade Runner plane sur ce film. Hommage appuyé ? Certainement. Ambition de faire aussi bien ? Mieux ? On attend de voir, car le sujet a déjà été maintes fois abordé et même très récemment (Ex-Machina) et cela a donné lieu à quelques chefs d'oeuvre et de bonnes exploitations.

Qui dit robot, dit Asimov ? Pas forcément, pourtant l'auteur culte se voit régulièrement associé au septième art directement ou non. Les fameuses lois de la robotique, c'est lui et c'est un peu devenu la bible en matière d'interaction homme/humanoïde en témoignent les adaptations de I, Robot et de L'Homme Bicentenaire.

 

Dans Automata, elles sont citées d'une certaine façon et constituent le point de départ de l'intrigue. Un robot commet un acte qui remet en question les directives auxquelles il est censé être soumis. A partir de là, un simple agent d'assurance va se transformer en détective privé afin d'éclaircir ce mystère qui, bien entendu, va prendre des proportions croissantes au fur et à mesure de son enquête avec son lot de menaces et de révélations.

Oui ça rappelle énormément le pitch de I, Robot. Mais pas que. Le film renvoie également à Intelligence Artificielle. Ca aurait pu n'être qu'anecdotique, sauf que Automata, après nous avoir bien émoustillé, finit par nous mettre le doute sur sa capacité à s'inscrire dignement parmi toutes les références précitées. Et puis après c'est carrément l'autoroute pour l'ennui.

En fait la traversée du désert que subit littéralement Antonio Banderas pendant un très long moment, le spectateur la vit aussi d'un point de vue émotionnel. Car rien ne se passe. Exceptés une phrase ou deux et des envolées poétiques rapidement avortées, le film passe à côté de son potentiel, tourne en rond, pour nous offrir un final abracadabrant qui finit de nous convaincre que tout a été dit avant et beaucoup mieux. Banderas s'implique totalement (mais en vain) et c'est ce qu'on retiendra le plus. (ah et il partage quelques scènes avec sa femme Melanie Griffith).

Et les robots dans tout ça ? Un design intéressant car atypique, mais pourquoi les avoir rendus aussi impotents physiquement alors qu'ils sont censés pouvoir défendre un humain lors d'un affrontement ? D'ailleurs ils n'y parviennent pas. La script devait être en congé maladie, de même que les techniciens...

En même temps quand je vois à quel point j'ai changé d'avis sur Looper, je préfère annoncer que cette critique n'est peut-être pas définitive. C'est ça qui est bien avec le cinéma.

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Leland Orser fait partie depuis des années des éternels seconds rôles que chérit Hollywood. Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous l'avez certainement déjà vu, pas longtemps, mais à chaque fois dans des prestations mémorables : l'infortuné porteur du godemichet de Se7en ? C'était lui.  La bombe à retardement de Alien Resurrection ? Lui à nouveau. Le pote de Liam Neeson dans la trilogie Taken ? Encore lui !

Le genre d'acteur qui aligne les bons points, mais qui squatte pourtant désespérément le fond de la classe. Heureusement la roue tourne.

Dans Faults, il a le premier rôle et c'est pour lui l'occasion rêvée de montrer tout ce qu'il a et il ne s'en prive pas. Le film prend ainsi des allures tragi-comiques malgré son sujet ô combien délicat. Le sujet du film ? La mission de Leland : déconditionner une jeune femme suite à son séjour dans une secte, à la demande de ses parents. Et résoudre en parallèle un problème financier avec son agent littéraire.

La performance de l'acteur suffirait à rendre Faults indispensable, mais il y a encore deux arguments de poids pour vous convaincre de vous jeter sur cette pépite majoritairement en huit-clos (à vos risques et périls, on en sort pas indemne).

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Mary Elizabeth Winstead est bien connue elle aussi (Die Hard 4, Boulevard de la Mort, Scott Pilgrim) comme l'éternelle fiancée idéale dira-t-on. Adorable, mais d'un tempérament de feu. Dans Faults (dont elle est également productrice, oui elle est intelligente en plus !) elle incarne Claire, victime donc d'une secte qui lui a implanté un paquet d'idée bien débiles. La manière dont elle y croit fait froid dans le dos et l'actrice de nous bluffer elle aussi par un contre-emploi qu'on ne pouvait que lui souhaiter.

Troisième argument : le rebondissement et le message du film qui du coup peut difficilement être plus percutant. Là je me tais, car ça se mérite pas autrement qu'en les découvrant soi-même. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Moi j'en ai encore la nausée.

A noter la présence de Beth Grant dans le rôle de la mère de Claire connue des cinéphiles pour avoir incarné la directrice d'école de Donnie Darko ainsi que Lance Reddick connu des amateurs de séries grâce à son rôle de Broyles (le patron d'Olivia) dans Fringe, ici dans la peau d'un homme de main dissuasif.

 

 

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samedi, 01 août 2015

Winter's Tale [Cinéma/Critiques]

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Je crois que ce film a agi sur moi comme une Madeleine de Proust, me ramenant à un état d'esprit que j'avais à une époque où le romantisme et le symbolisme étaient mon quotidien, où je vivais très concrètement d'Art et d'Amour. Du coup je suis rentré très facilement et avec beaucoup de plaisir dans cet univers naïf et très manichéen, comme on endosse une tenue qu'on affectionne et qu'on avait pas porté depuis longtemps.

Les personnages, bons ou mauvais, m'ont tout de suite plu, et j'ai suivi avec intérêt leurs aventures au sein d'un univers féerique très codifié, pas révolutionnaire en soi, mais très soigné et plein de bonnes intentions. Mais c'est aussi quelque part le point de faible de Winter's Tale. Car si certains éléments n'ont pas besoin de réelle explication, d'autres introduits brutalement comme coulant de source seront à l'origine d'une certaine confusion pour le spectateur peu familiarisé avec ce type de langage.

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Jennifer Connelly a cotoyé plus directement la Fantasy traditionnelle dans le film Labyrinth de Jim Henson (Le Muppet Show) aux côtés de David Bowie.

On remarque une difficulté à équilibrer explications limpides et subtilités. En début et en fin de film, la voix-off s'invite, mais en délivrant platement le message, la morale, elle alourdit le propos et casse un peu la magie à la manière de l'épilogue de Sucker Punch. Il aurait peut-être mieux valu que les images parlent d'elles-mêmes, ce qui aurait fait gagner l'histoire en émotions sans avoir forcément à passer par un final un poil trop larmoyant.

Si la première partie fonctionne très bien dans l'ensemble, une fois à notre époque, tout semble  plus balisé et téléphoné. Ainsi le personnage de Jennifer Connelly accepte un peu trop facilement le surnaturel dans sa vie et l'on ne peut s'empêcher de penser que le film est destiné à un public plus jeune. Heureusement, le concept du "Chacun porte un miracle en lui destiné à un autre" et l'importance accordée à la lumière et aux étoiles pour mieux accepter la mort sauront parler à tous les âges, une fois replacé dans la réalité d'un parcours de vie. (cf mon article Nourrir l'Espoir : notre mission à tous !). Bien sûr cela dépend aussi de ses croyances personnelles, de l'importance que l'on accorde à la destinée par exemple.

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Un cheval blanc, un prince/voleur charmant au grand coeur, une jeune et jolie damoiselle porteuse d'une malédiction. Non je ne parle pas de Raiponce, mais il est un fait que Winter's Tale rassemble tous les ingrédients classiques du conte de fée. Pour certains ce sera sans doute l'overdose. En tout cas la spontanéité et la fraîcheur de Jessica Brown est pour beaucoup dans la réussite du film. Elle n'est pas sans rappeler la rousse Rachel Hurd-Wood dans l'adaptation du Parfum. Colin Farell (Total Recall) avait quant à lui déjà joué un amant éperdu et romantique dans Le Nouveau Monde. Mais bon sang qu'est-ce que c'est que cette horrible coupe de cheveux ???

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Si vous aimez les ambiances enneigées, avec Winter's Tale (en français Un Amour d'Hiver), vous serez servi ! Quoi de plus romantique qu'une pluie de flocons et qu'un paysage à la blancheur virginale ?

Winter's Tale est adapté du best-seller de Mark Helprin.

Dans son exploitation des mythologies et d'une fantasy urbaine et contemporaine, Winter's Tale se rapproche par ailleurs pas mal de certaines histoires de Neil Gailman, auteur de Neverwhere et de Stardust lui-même adapté au cinéma et avec lequel Winter's Tale entretient une parenté certaine.

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Russell Crowe incarne un agent de Lucifer (lui-même campé par un ténébreux Will Smith), s'offrant une énième performance qui comblera les cinéphiles. Charismatique, vraiment inquiétant, il est totalement crédible dans un rôle pourtant vu et revu, ajoutant sa griffe personnelle avec une diction et un accent particuliers qui subliment le personnage. A noter que le réalisateur, Akiva Goldsman, dont c'est ici le premier film, est à l'origine un scénariste réputé à Hollywood qui lui doit les scripts de Un Homme d'Exception et De l'Ombre à la Lumière, tous deux avec Russell Crowe.

 

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 Cloud Atlas Stardust, le mystère de l'étoile Raiponce

 

 

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mercredi, 22 juillet 2015

Dream House [Cinéma/Critiques]

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Will Atenton quitte son emploi d'éditeur pour retrouver sa femme et ses deux filles dans une maison pittoresque au coeur d'une paisible bourgade. Mais la bourgade et en particulier la demeure cache un passé douloureux connu de tous qui va lentement resurgir jusqu'à bouleverser l'existence de la famille.

Ma critique sera volontairement concise afin de vous épargner le moindre spoil assassin. A ce titre, je vous déconseille, non je vous interdis de voir la bande-annonce qui vous révèle carrément l'une des plus grosses révélations du film (à ce niveau c'est un crime !).

Avec un cinéaste de renom comme Jim Sheridan  aux commandes (My Left Foot, Au Nom du Père, Brothers), connu pour son cinéma exigeant, dramatique, humain, Dream House promettait beaucoup évidemment. Malheureusement, comme c'est régulièrement le cas à Hollywood, le tournage n'a pas été une partie de plaisir (plutôt un bras de fer) et Jim de finir par jeter l'éponge face au refus des producteurs de lui laisser le champ libre. Au final, Dream House est-il un mauvais film comme on peut le lire un peu partout sur le net ? Et bien j'ose dire que non et j'irais même jusqu'à vous le recommander chaudement (non pas de bande-annonce !!!)

Tout d'abord parce que c'est l'occasion pour Daniel Craig (Cowboys et Envahisseurs, Casino Royale, Skyfall) de casser son image de héros indestructible, de nuancer davantage son jeu et d'incarner ainsi un personnage complexe, très complexe, l'une des forces de cette histoire qui je vous le dis tout de suite est à mille lieux de celle qu'elle paraît être de prime abord. (oui, mon résumé ressemble à des tas d'autres).

Si vous être cinéphile, il est vrai que Dream House vous fera sûrement penser à d'autres films, des classiques, mais qu'importe, l'angle de vue demeure très original et le sujet même ainsi mis en scène délivre une émotion très forte, rare, qui permet en outre de marier différents genres d'une manière inédite.

Il manque sans nul doute de la profondeur dans certains personnages, de la matière à différents endroits, de la richesse dans l'écriture et la mise en images, la preuve d'un projet qui a souffert du départ d'un réalisateur intègre et investi, mais Dream House a su malgré tout conserver une identité forte et si pour vous un bon film est avant tout une bonne histoire alors foncez, vous ne serez pas déçu ! (non toujours pas de bande-annonce, je vous ai à l'oeil !!!)

 

 

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dimanche, 01 mars 2015

Tribal [Nouvelles/Fantastique]

 

Pour Viking

 

 

 

Le Pigment

 

   Nul ne se souvient comment il a été trouvé, ni même par qui. Depuis longtemps, les légendes ont remplacé l’histoire, comme elles l’ont souvent fait à travers les âges.

Ce qui est certain, c’est que cette découverte a bouleversé le quotidien des hommes. Regroupés en clans dans un monde dévasté par des guerres ancestrales, ils ont cru que le Pigment était la réponse tant attendue à leurs prières. Après une cruelle période d’expérimentation, cette poudre noire a rapidement remplacé les encres classiques qui permettaient aux hommes d’élaborer leurs tatouages.

Ces tatouages, qui jusqu’alors, ne représentaient que des moyens primitifs d’exprimer leur identité.

Avec le Pigment, les dessins gravés sur les corps devinrent alors des armes mortelles d’une puissance inégalée. Combiné à un esprit suffisamment fort et aguerri, le Pigment permet à l’esprit d’incarner la forme bestiale de son choix et de profiter de toutes ses capacités.

Avant même de comprendre l’étendue d’un tel pouvoir, les hommes sont repartis en guerre.

Tandis que certains vénèrent le Pigment comme un dieu, d’autres le maudissent, lui attribuant l’émergence d’une période encore plus sombre que les précédentes.

 

C’est ici, que cette histoire commence…

 

 

Les deux hommes progressaient aussi vite que le leur permettait la crainte d’être rattrapés ainsi que l’eau marécageuse dans laquelle ils pataugeaient depuis bien dix minutes.

Témoin silencieux de leur échappée nocturne, la lune projetait sur eux les rayons de sa face blafarde... Qu’ils espéraient bien être la seule chose à redouter.

Le plus jeune des fugitifs portait sous le bras un récipient métallique, probablement à l’origine de leur course éperdue.  Il eût contenu le Saint-Graal qu’il n’aurait pas bénéficié de plus de soins de la part de son porteur.

Le vétéran s’arrêta brusquement. L’autre ouvrit de grands yeux en le voyant :

- On a pas le temps de s’arrêter ! La route est encore longue ! Personne nous a vu, mais l’esprit de  Méfisto nous a peut-être détectés !

Comme s’il n’avait rien entendu, Damas déchira sa chemise d’un geste brusque et la jeta dans l’eau. Il mit un genou au sol.

- Tu ne m’apprends rien ! C’est pourquoi je vais tâcher de te faire gagner un peu de temps. Méfisto n’est pas loin. Je peux le sentir. Il ferma les yeux.

- Et je sens encore bien mieux sa colère.

Aegern hésita à repartir. Il détailla le dos musclé de son compagnon recouvert d’un tatouage à l’effigie d’un serpent dont les écailles luisaient d’un éclat métallique. Il allait contester cette décision lorsqu’il vit les yeux du reptile prendre vie. A l’instant où son corps squameux commença à s’extraire de la peau en d’impressionnantes volutes, il comprit qu’il était trop tard pour débattre de la question. Il n’avait plus le choix.

- Bonne chance, Damas !

Aegern se remit à courir non sans ressentir une amère pointe de culpabilité. Il brisait le Rituel. Il laissait un Guerrier seul en affronter un autre voire plusieurs, sans la protection d’un Gardien. Ce qui constituait un acte extrêmement dangereux. Son esprit désormais lové au cœur du serpent géant tatoué sur son dos, le corps de Damas Slang devenait vulnérable à la moindre attaque. Il était alors facile pour un ennemi de venir se glisser jusqu’à lui et lui porter un coup fatal. Rôle précisément réservé aux hommes de la caste des Soldats. Des hommes qui combattaient de manière plus traditionnelle. Des hommes qui, pour différentes raisons, ne portaient pas de tatouages. Des hommes comme Aegern Valinas.

Le jeune homme serra plus fortement le coffret dans ses bras. S’il parvenait à l’apporter au camp, alors peut-être que leur clan prendrait un sérieux avantage. Le Pigment se faisait de plus en rare. Et par extension les Guerriers aussi. Ils avaient pris un vrai risque, Damas et lui. La paix fragile qui sévissait depuis peu allait peut-être voler en éclats. Ou bien en l’absence de l’arme ultime pour défaire ses ennemis, Méfisto allait enfin renoncer définitivement à poursuivre cette guerre qui durait depuis trop longtemps, les privant tous des bienfaits dont cette ère si sombre était déjà bien avare.

De grands cris retentirent derrière lui. Aegern s’arrêta et fut tenté de rebrousser chemin. Mais le contact froid du coffret lui rappela qu’il avait lui-même une mission à accomplir. Il reprit sa route. Il se consola en se rappelant combien Damas était un Guerrier redoutable et expérimenté. Il occulta volontairement le fait que Méfisto n’avait jamais été vaincu par un autre Guerrier que Wulfen, le chef de leur clan.

Le serpent desserra son étreinte, permettant aux corps des trois Soldats de toucher le sol.

D’autres arrivaient, leurs lames scintillant comme des feux follets sous la lune, témoin silencieux de l’affrontement surnaturel. Sous sa forme animale, Damas avait fort à faire. Il devait se préserver des coups ennemis, repérer Méfisto et empêcher toute tentative de ses adversaires d’arriver jusqu’à son enveloppe humaine, toujours agenouillée dans le marais, non loin de là.

Des flèches et des carreaux d’arbalète fusèrent. Damas incurva brusquement son corps souple et plongea jusqu’au sol, esquivant les projectiles qui se perdirent dans la nuit. Il broya un autre homme dans ses anneaux et arracha la tête d’un autre de ses puissantes mâchoires.

Méfisto était tout près. Il avait déjà dû revêtir sa forme démoniaque. Damas glissa entre des troncs d’arbres noueux. Il aperçut une silhouette prostrée, comme absorbée par une prière. L’homme était chauve et imposant.

C’était le corps de Méfisto.

Damas ralentit. C’était une chance inouïe. Il prit le temps de vérifier les alentours et poussa un sifflement de satisfaction en constatant l’absence d’un quelconque Gardien. Méfisto était réputé pour sa vaillance, mais aussi pour son arrogance. Il lui était déjà arrivé de se priver d’une escorte personnelle dans des conflits qui pourtant l’exigeaient. Apparemment, il avait cette fois encore négligé pareille précaution. Damas se jura que cette fois-ci serait la dernière. Il rampa à toute allure vers le corps immobile, sans défense. Alors qu’il ouvrait la gueule pour déchirer sa proie, celle-ci s’éveilla sans explication, redressant sa tête et son buste. Le temps d’une fraction de seconde, Damas vit plusieurs choses. Il vit le démon tatoué sur le torse de Méfisto, preuve qu’il venait de tomber bêtement dans une embuscade. Il vit les deux hallebardes démesurées que son ennemi projeta vers lui de toutes ses forces. Et enfin il vit son sourire, plus menaçant encore que tout le reste et qui lui apprit que Méfisto, aussi arrogant était-il, demeurait d’une intelligence au moins égale.

 

Quelques instants plus tard, les hommes de Méfisto rapportèrent le corps sans vie de Damas et le déposèrent aux pieds de l'intéressé.

- Ils étaient deux, précisa froidement le chef de clan.

Une série de balafres barraient son profil gauche. Son œil meurtri était effrayant lorsqu’il s’agrandissait sous le coup d’une vive émotion.

Et justement, Méfisto était furieux.

- Il ne devrait pas être loin, rassura son bras droit.

Sur ces mots, Kurgan Kotkas ôta sa pèlerine noire et découvrit un griffon majestueux dessiné sur son dos.

Méfisto le regarda s’agenouiller au sol pour entrer en léthargie. Il ajouta :

- Ne t’aventure pas trop loin. Ne franchis pas leur territoire. Que tu le retrouves ou non, j’aurais de toutes façons bientôt une entrevue avec ce cher Wulfen.

 

 

Le loup dressa ses oreilles et fixa son regard sur un point, droit devant lui, connu de lui seul. Le jour était à peine levé et il était déjà en chasse. Il devinait sa proie. Mieux que cela. Il pouvait sentir sa chair encore jeune, légèrement parfumée, son corps souple et alerte bondissant parmi les arbres et la végétation dense du sous-bois. Malgré les écharpes de brume et l’humidité, rien ne semblait être en mesure d’affecter sa remarquable perception.

La jeune fille n’avait pas dix-huit ans. Ses cheveux dorés faisaient comme une flamme vivante derrière elle lorsqu’elle courait. Elle s’immobilisa derrière un buisson en entendant un craquement. La bête était sur ses traces. Elle pensait l’avoir semée, mais une fois de plus, elle était menacée. Elle ne put réprimer un frisson. Malgré l’inconfort de sa situation, elle ne pouvait s’empêcher de sentir l’adrénaline saturer son corps. Et elle savait qu’il devait en être de même pour l’animal.

Elle en était à ce stade de ses réflexions lorsqu’un grondement dangereusement proche l’avertit du danger. Elle quitta rapidement sa cachette et s’élança en direction du camp.

Elle savait que si elle atteignait la tour de guet, elle avait gagné. Le loup ne pourrait pas s’aventurer au-delà. Trop risqué pour lui. Elle courut sans se retourner. Derrière elle, le prédateur émettait des sons menaçants, sous doute destinés à saper le sang-froid de sa proie.

Il se rapprochait. Nalen percevait maintenant le bruit de ses pattes et de son corps se glissant dans les hautes herbes. Ils avaient quitté le bosquet. La tour de gué et l’enceinte du camp étaient maintenant nettement visibles. La jeune fille accéléra l’allure. Elle était en très bonne condition physique. Ce qui était une bonne chose étant donné la détermination de son poursuivant. Le loup tenta un bond presque désespéré pour la plaquer au sol ou même la déséquilibrer. Mais l’humaine avait un  sixième sens qui n’avait rien à envier au sien. Elle fit un pas de côté, presque dansant, et évita l’attaque. Elle glissa sur l’herbe détrempée, mais se rattrapa à temps pour ne pas perdre l’avantage. Le loup se reçut prestement et profita d’un rocher pour rebondir en direction de la fugitive. Il réussit à réduire la distance les séparant, mais il ne se faisait plus d’illusions. Il avait été trop loin. Continuer présentait beaucoup trop de risques. Surtout pour un enjeu aussi futile. En voyant Nalen toucher la tour de guet, il ralentit, puis s’immobilisa. Elle venait de gagner et ne se priva pas de le lui faire savoir à grands renforts de cris et de gesticulations en tous genres.

Wulfen relativisa. C’était une jeune fille et lui un grand Guerrier, Chef de Clan de surcroît. Il fallait qu’il apprenne à mettre sa fierté de côté, de temps en temps. Et puis, ce jeu faisait tellement plaisir à Nalen qu’il avait le plus grand mal à ne pas se soustraire à ces caprices. Lui-même devait reconnaître qu’il prenait un certain plaisir dans cette chasse virtuelle. D’autant qu’il était de ce fait bien placé pour enregistrer les progrès de sa petite protégée.

Nalen avait perdu ses parents très jeunes, tout comme Teos Alaminas. Ce qui avait d’ailleurs rapproché quelque peu les deux adolescents. Wulfen se surprenait parfois à nourrir d’étranges projets pour elle.

Les Soldats commençaient à manquer. La dernière bataille contre le clan de Méfisto les avait privé de plusieurs vétérans. Nalen possédait d’étonnantes capacités qui lors d’un conflit pouvaient certainement faire la différence. Il l’imaginait déjà se faufilant parmi les hommes de son ennemi juré et venir d’un seul coup d’épée lui trancher la tête. Oui, elle ferait certainement un excellent Soldat. Il préféra arrêter là ces divagations. Quand il résonnait ainsi, d’un point de vue purement martial, ce n’était pas toujours sain. Certains le lui avaient déjà reproché dans le passé. Teos Alaminas était de ceux-là. Teos qui avait toujours refusé de se faire tatouer même à l’époque où le Pigment n’était pas une denrée aussi rare. C’était un choix délibéré pour ne pas grossir les rangs des Guerriers et surtout pour bannir autant que possible de son existence une guerre sanglante et absurde qui l’avait privé trot tôt de ses parents. Wulfen ne pouvait pas le lui reprocher, mais cela ne l’empêchait pas encore de temps de temps de lui proposer de lui tatouer quelque animal-totem. Même un tout petit.

Si Teos savait quelles pensées il lui arrivait de nourrir à propos de Nalen, il ne manquerait pas à coup sûr de le lui faire payer.

"Quand on parle du loup," songea Wulfen. Il aperçut Teos rejoindre sa protégée.

Le garçon était devenu un bel athlète. Il plaisait beaucoup aux autres jeunes filles. Mais lui n’avait d’yeux que pour Nalen, et ce, depuis longtemps déjà.

Wulfen se demandait souvent à quel moment il se déciderait à lui déclarer sa flamme ou à défaut à lui demander conseil. Mais là, il ne fallait pas rêver. Il existait trop d’amertume entre eux pour que Teos s’abaisse à de telles extrémités. Dommage pour Nalen, se dit le Guerrier. Il ressentit brusquement le regard acéré du garçon sur lui. Sa présence semblait lui déplaire. Certains jours, sa rancœur était exacerbée. Aujourd’hui devait être de ces jours. Valkya, sa compagne de toujours, vint rejoindre les deux adolescents. Elle adressa un signe à l’attention du loup indiquant un message urgent. Wulfen comprit qu’il était temps de reprendre forme humaine.

Il rebroussa chemin et courut réintégrer son corps de Guerrier.

 

- Ils sont revenus ? s'enquit Wulfen, plein d'espoir.

Il avait rejoint sa compagne sur la grand-place, mais à l'écart des autres, près d'une échoppe désertée.

Le visage de Valkya s'assombrit quelque peu.

- Aegern a le pigment.

Wulfen comprit ce qu'il était advenu de Damas. C'était un brave Guerrier et un ami fidèle. La victoire avait un goût amer.

Teos se planta soudainement devant Wulfen, les poings serrés et le défiant du regard :

- Pourquoi n'as-tu pas envoyé plus d'hommes ? Damas serait encore en vie, à l'heure qu'il est.

Wulfen soupira d'exaspération. Il aurait aimé se passer de la corvée de se justifier auprès d'un simple membre du clan, ce qu'était Teos finalement.

- Plus d'hommes aurait empêché la discrétion nécessaire à cette mission. Et en conséquence aurait sonné comme une déclaration de guerre.

- Mais c'est bien ce que tu viens de faire en décidant de les envoyer là-bas !

- Leur mission était de voler le pigment sans se faire voir, afin que les soupçons ne puissent pas se porter sur notre clan.

- Alors c'est de leur faute, c'est ça ?

- Je n'ai pas de compte à te rendre, Teos. Par contre Aegern m'en doit.

A ces mots, Wulfen s'éloigna, laissant le jeune homme se consumer de colère sur place. Valkya le prit dans ses bras pour le réconforter. Elle seule en avait le pouvoir et surtout le droit. Même si elle était la femme de Wulfen, étrangement, elle avait réussi à tisser un lien privilégié avec Teos. Sûrement parce que sa mère et elle avaient été proches à une époque, Valkya faisant parfois office de nourrice. Wulfen et elle n'avaient pas d'enfants. Un choix possible quand on était à la tête du clan.

 

Les murs d'un blanc immaculé de la Grande Salle formaient un dôme parfait percé d'une multitude de meurtrières qui laissaient passer au quotidien la lumière naturelle du soleil en un entrelacs fantastique de faisceaux.

Le jour, encore jeune, n'émettait pour l'heure que de timides rais affleurant les ouvertures et la pénombre n'était combattue que par le timide rougeoiement de quelques feux moribonds.

L'allée bordée de braseros diffusant une odeur d'encens apaisante était bondée comme à une assemblée officielle. Mais lorsque Wulfen parut à l'entrée, en un instant, elle fut désertée. Seul un homme resta assis face au Chef du clan. Il tenait un coffret argenté aux motifs complexes dans ses mains tremblantes donnant l'illusion qu'il était animé d'une vie propre. On aurait pu le croire plus aisément en connaissant la nature précise de son contenu.

Lorsque Wulfen s'immobilisa devant lui, Aegern Valinas se redressa. Son visage était empreint d'une solennité glacée. Il tendit le coffret parce que c'était la seule chose à faire, mais le poids qu'il paraissait supporter ne s'allégea pas pour autant.

- C'est fait, se contenta-t-il de dire.

La mort de Damas pesait sur les deux hommes, sur le village entier. Wulfen aurait dû ressentir de l'embarras à défaut d'une franche culpabilité. Mais fidèle à lui-même, il interrogea sans le moindre état d'âme :

- Il s'est sacrifié, n'est-ce pas ?

Aegern hocha simplement la tête.

Les traits de Wulfen se durcirent. La mort de Damas le peinait bel et bien lui aussi. Il l'exprima à sa manière :

- Il ne fallait pas qu'ils vous voient, c'était la condition. Vous le saviez tous les deux. Damas en a payé le prix et il se peut que d'autres que lui le payent dans un avenir proche.

Aegern tressaillit. Evoquait-il un châtiment ? Wulfen punissait rarement, mais quand cela se produisait, c'était une leçon qu'on retenait toute sa vie.

Comme s'il avait lu dans ses pensées, le Chef du Clan ajouta froidement :

- Si notre village est attaqué, tu seras le premier à juger votre maladresse à sa juste mesure.

Aegern aurait pu expliquer que rien que pour atteindre le coffret, ils avaient évité de nombreuses patrouilles et déjoué un nombre incalculable de pièges. Mais seul le résultat comptait. L'obtention du Pigment de Méfisto n'était plus la victoire espérée dès lors qu'elle était connue de lui. Elle avait perdu sa valeur. Le vent soufflait à nouveau sur les braises de la guerre. Wulfen pouvait presque en sentir la chaleur sur son corps. Comme pour faire écho à son trouble, son tatouage frémit un bref instant. Pour lui, c'était évidemment un mauvais présage.

La main apaisante de Valkya choisit ce moment pour étreindre son bras.

- J'ai réuni tout le monde sur la Grand-Place. Il est temps de les mettre tous dans la confidence.

Wulfen esquissa un rictus. Il aurait tellement aimé pouvoir annoncer une bonne nouvelle. Il s'était trop imaginé en sauveur de son peuple pour ne pas ressentir le cruel poison de l'humiliation. Mais personne ne lui ferait de reproches. Hormis Teos. Parfois il se disait qu'il faisait fausse route. Mais l'impression disparaissait aussi vite qu'elle naissait dans son esprit. Sans doute une question de survie pour lui.

 

Juché sur un rocher affectant la forme d'une tête de loup, Wulfen dominait l'assemblée. Il jeta plusieurs regards suspicieux vers les cieux, comme dans la crainte de voir une armée lui fondre dessus. Ce qui, compte-tenu des circonstances, n'était pas improbable.

Sa voix puissante se fit entendre, faisant taire les murmures et dominant le souffle du vent qui s'était levé :

- Damas a péri cette nuit contre notre ennemi. C'était un brave Guerrier, respecté de tous.

Les têtes s'inclinèrent. Il n'y aurait pas de cérémonie officielle. Chacun honorerait le défunt selon sa volonté. Il n'y avait plus de cérémonie depuis que la guerre les avait privé du temps nécessaire pour pratiquer les rituels mortuaires.

Après une courte pause, Wulfen reprit avec conviction :

- Je vous laisserai seuls juges pour savoir si ce que nous avons obtenu méritait cette perte.

Sans plus de préliminaires, il dévoila le coffret d'argent qu'il tenait jusqu'alors dans son dos :

- Nous avons le Pigment de Méfisto !

Sa déclaration retentit comme un cri de guerre alors qu'elle était censée tous les apaiser pour le futur du clan. Wulfen lui-même s'en rendit compte, mais cela n'empêcha pas les poings de se lever et de formidables clameurs de victoire de saluer cette annonce. Le clan était avec lui, comme toujours.

C'est alors qu'il remarqua Teos au milieu des autres, comme l'incarnation vivante de ses doutes, évidemment le seul qui ne se réjouissait pas. Il le vit le fusiller du regard, grimacer comme pour le provoquer avant de se fondre dans la foule.

Wulfen déglutit. Son devoir de Chef n'était pas terminé. Il était maintenant temps d'annoncer les mauvaises nouvelles. A quelques mètres sur sa gauche, Valkya lui sourit tendrement pour lui insuffler force et sérénité. Et cela fonctionna, comme toujours.

Suite à sa déclaration tonitruante, les langues s'étaient inévitablement déliées et les questions commençaient à fuser. Il brandit sa paume droite en avant afin de réclamer le silence.

Le vent soufflant dans les allées poussiéreuses se fit à nouveau entendre avant que la voix de stentor de Wulfen ne lui ravisse à nouveau l'attention de son auditoire, qui de toutes façons, n'avait d'yeux que pour lui en une heure aussi grave :

- Nous avons obtenu le Pigment de Méfisto, mais il est vital de reconnaître que nous avons du même coup récolté sa colère. Car il sait que nous l'avons.

Il n'adressa aucun regard à Aegern, mais ce dernier, connaissant sa faute et résolu à l'assumer, se fraya un chemin dans la foule et s'avança devant la tribune. Il fit face à la foule, et appuyant un genou au sol, la dévisagea avec une sorte de fièvre intérieure, sans mot dire, tous les muscles tendus de son visage comme offerts en sacrifice.

Satisfait, Wulfen, poursuivit :

- Vous savez ce que cela implique. Ma priorité a toujours été...

- Viens, dit Teos.

Nalen paraissait hypnotisé par le Chef du Clan. C'est à peine si elle avait conscience de la présence du jeune homme à ses côtés.

Ordinairement, Teos avait toujours du mal à obtenir son attention et de tenter d'y parvenir en de telles circonstances représentait dès lors un défi de taille. Un autre jour, il aurait peut-être abandonné immédiatement. Mais ce jour-là, son orgueil était vivace, et sa récente altercation avec Wulfen n'était sans doute pas étrangère à cela.

- Viens, son discours, on le connait par coeur. J'ai quelque chose à te montrer. C'est très important.

Nalen parlait rarement. Au point que certains la considéraient encore comme muette de naissance. Elle se contenta de brandir sa paume droite comme l'avait fait Wulfen quelques instants plus tôt sans même détourner le regard. Teos fulminait. Il lui fallait cette victoire, mais s'il n'osait pas quelque chose d'inédit, c'était peine perdue, il le savait. Alors, le coeur battant à tout rompre, les jambes flageolantes, il fit ce qu'il n'avait jamais espéré faire un jour. Il prit la main de la jeune fille et la tira vers lui, l'obligeant à plonger ses yeux dans les siens :

- Viens avec moi, Nalen !

L'intéressée ne put cacher le trouble généré par ce geste. La bouche entrouverte, ses yeux noisette écarquillés, elle dévisageait Teos dans l'attente des évènements, docile. Ce dernier sourit, aussi fière de lui que touché par l'émotion qu'il venait de faire naître entre eux.

Il se mit à courir, entraînant Nalen avec lui. Elle le suivit de bon gré, finalement enivrée par la surprise et le mystère. Elle eut bien un frémissement lorsqu'elle comprit qu'ils sortaient du village, en direction de la forêt, mais son esprit était trop avide de liberté pour s'effrayer d'aussi peu.

Wulfen était en train d’alerter le Clan sur de prévisibles représailles de la part de Méfisto lorsque Valkya se posta près de lui pour lui murmurer :
- On vient de m’informer que des Eclaireurs ont rencontré Méfisto à la Croisée des Vents.
Les yeux de Wulfen grossirent sous le coup de l’émotion et sa mâchoire se crispa. La réalité venait d’épouser ses craintes bien plus tôt qu’il ne l’aurait cru.
- Que veut-il ?
- Seulement te parler.
- Très bien, je vais le rejoindre là-bas.
- Non. Il est déjà ici.
- Quoi ?
- Il est venu en paix. Avec un présent.
Wulfen tenta de calmer son esprit tourmenté. Une réconciliation ? C’était trop beau pour être vrai.
Il observa son peuple : sa foi, son inspiration depuis toujours. La confiance aveugle qu’ils avaient tous en lui ne devait plus se payer avec le prix du sang. Il fallait qu’il accepte ce qui pouvait constituer une injure à ses yeux, voire un crime. L’avenir du Clan en dépendait.
Il expira bruyamment :
- Très bien, je vais lui parler. Mais je préfère envisager le pire. Fais en sorte que tout le monde soit prêt au combat. Fais réviser les tatouages qui en ont besoin par Fadel. Je vais retenir Méfisto aussi longtemps que possible. Il n’attaquera sûrement pas aujourd’hui, mais je préfère ne pas prendre de risque. J’en ai assez pris je crois.
Valkya acquiesça. Elle l’embrassa vivement et une seconde plus tard elle était déjà toute à sa tâche.
Wulfen dépassa le cortège de sentinelles. Il ne redoutait aucun débordement de ses hommes. Il les savait trop raisonnables. Ce qui allait lui être d’un grand secours pour tenter de calmer l’esprit échauffé de son ennemi juré qui avait lui aussi subi une perte irréparable.
Méfisto était escorté de plusieurs Guerriers et Soldats que Wulfen reconnut du premier coup d’œil. Certains d’entre eux avaient fait partie de son propre clan plusieurs années auparavant. Cela aurait pu remettre en question sa manière de diriger, mais il s’était davantage convaincu de la faiblesse de leurs esprits et du pouvoir de conviction de Méfisto.
Ce dernier arborait une tenue simple au même titre que son expression. Indéchiffrable aurait été plus juste.
- Nous savons tous les deux ce que je suis venu chercher.
- Tout comme nous savons tous les deux que je ne te le donnerai pas.
- Je ne veux pas la guerre. Tout comme toi je suis un homme de paix. Je te donne une dernière chance de l’éviter.
- Tu as tué Damas et tu viens me parler de paix !
- Il serait encore en vie s’il n’avait pas joué les cambrioleurs. Dois-je te rappeler sur les ordres de qui il agissait ?
Wulfen contint sa colère. Il savait que Méfisto cherchait à le déstabiliser et plus encore à le faire passer pour le méchant aux yeux de son Clan. C’est sans doute ainsi qu’il était parvenu à convertir des hommes à lui à sa cause.
Plus aucune chance que cela se produise désormais. Il avait bien veillé à cela.
Méfisto reprit :
- Cela dit tes hommes ont été très efficaces, d’une absolue discrétion. Sois-en persuadé. Malheureusement pour eux, et pour toi, j’ai acquis un sixième sens extraordinaire grâce à l’usage répété de notre art. Je peux faire sortir mon esprit de mon corps sans même avoir recours à mon tatouage. Pas très loin, certes, mais cela donne déjà quelque résultat.
A ces mots il produisit l’objet qu’il avait jusqu’alors tenu secret dans son dos.
La tête de Damas Slang atterrit devant les pieds de Wulfen.
Alors seulement, Méfisto fit éclater sa rage :
- Qu’est-ce qu t’en dis, Wulfen ? Ca valait le coup de t’introduire chez moi et de me voler mon bien ?
Le choc de cette vision ébranla nettement Wulfen. L’une de ses jambes ploya comme sous l’effet d’un formidable coup de masse. Méfisto ne sourit pas, mais sa satisfaction à voir son rival ainsi fragilisé fut tout aussi manifeste. Et c’est avec un air terriblement serein qu’il déclara :
- Je ne suis pas venu négocier avec toi, Wulfen. Sans Pigment, on n’a plus rien à perdre.
Il leva un bras et ses doigts s’écartèrent d’un seul coup. Des cris retentirent aussitôt dans le ciel. Une armée d’imposants oiseaux de proie portant des Soldats ennemis dans leurs serres et conduit par un griffon de la taille d’un cheval descendit en piqué sur le village. Le griffon lui-même transportait deux Guerriers.

Wulfen comprit qu’il était tombé dans une embuscade. Il aurait dû s’alarmer davantage de ne pas voir le puissant Kurgan Kotkas aux côtés de son chef. Peut-être qu’il devenait trop vieux. Mais ce n’était guère le moment de s’apitoyer. Il entendait déjà les clameurs des premiers affrontements dans le village.
Méfisto venait de disparaître derrière sa garde rapprochée.
Deux Ecorcheurs s’avancèrent armés chacun d’une paire de griffes. La fonction de ces Soldats était on ne peut plus précise : s’ils ne pouvaient tuer le Chef du Clan ennemi, ils devaient impérativement l’affaiblir, en défigurant son tatouage afin de lui faire perdre de sa puissance jusqu’à le rendre totalement inopérant dans le meilleur des cas.
Wulfen esquiva promptement la première attaque, il plongea sous le bras armé et d’un formidable uppercut terrassa le premier homme. Le second Soldat exécuta un arc de cercle dévastateur devant lui. Le Guerrier-Loup se jeta au sol et balaya les jambes de son adversaire. Ce dernier parvint à garder l’équilibre en s’appuyant sur la hampe d’un étendard fichée dans le sol, mais prenant appui sur elle, Wulfen se redressa en un tournemain et bondissant tel un fauve, il joignit ses mains au-dessus de sa tête et enfonça le nez du Soldat dans son visage avec cette massue improvisée.
De son passé de Soldat il lui restait encore quelques restes qu’il entretenait le plus souvent possible. Le plus gros risque pour un Guerrier était de ne plus savoir se battre sans user de l’inKarnation*.
Voyant un groupe d’ennemis mieux armés faire mine de s’approcher, il se retrancha dans le village, escorté de plusieurs Gardes.

Fadel Felidae était un blond gaillard à la barbe finement taillée connu pour sa jovialité. Il n’avait pas fini de « réparer » tous les tatouages qui le nécessitaient lorsque la bataille commença. A son grand regret il fut obligé d’annoncer à certains qu’ils ne pourraient pas combattre en tant que Guerrier, mais simplement comme Soldat ou Gardien.
A deux de ces infortunés, ceux qu’on avait baptisé Les Mutilés, il adressa un sourire :
- Me feriez-vous l’honneur de me pouponner durant cette bataille ?
Les deux intéressés comprirent que c’était effectivement un privilège de protéger un Guerrier de sa trempe et ils acceptèrent volontiers.
Fadel s’agenouilla, son dos face à l’entrée de la tente. Ses deux Gardiens ôtèrent son pourpoint révélant un dos orné d’un tigre à la gueule béante. Fadel fit jouer ses muscles donnant l’illusion que l’animal commençait déjà à s’animer.
Les deux Gardiens comprirent que l'InKarnation* était imminente. Ils dégainèrent chacun un coutelas. Fadel ferma les yeux, prit de grandes inspirations et comme on appelle à soi un souvenir qui nous est cher,  son esprit appela le Pigment

Un Soldat de Méfisto armé d'une lance extirpa son arme du corps d'un adversaire avant de s'approcher d'une tente qu'il soupçonnait d'abriter un Guerrier.

Tout à sa tâche de ne faire qu'un avec son animal-totem, Fadel laissait ses deux Gardiens prévenir toute menace pesant sur lui. Hélas dans ce rôle, ils étaient peu expérimentés. Le Soldat empoigna sa lance et arma son bras pour qu'elle transperce le tissu. Un museau de tigre jaillit entre les omoplates du Guerrier et un instant plus tard le félin entier bondissait de la tente et se ruait sur le Soldat qu’il mit en pièces. Il poussa un rugissement retentissant avant de courir souplement vers un autre adversaire.

La taille d'une créature inkarnée* ne dépendait pas de celle du tatouage, mais seulement de la puissance de l’esprit du Guerrier l'animant.  Si le griffon inkarné par Kurgan Kotkas était encore loin de rivaliser avec celui des âges mythologiques, il était déjà d’une stature impressionnante et figurait parmi les adversaires les plus redoutables tous clans confondus.
Et pour cause.
Sa spécialité était d’attraper ses ennemis et de les laisser tomber d’une hauteur vertigineuse, ce qui ne manquait pas de jeter l’effroi parmi l’armée adverse lorsqu’elle voyait ses corps chuter comme des pierres et s’écraser violemment au sol. Il aimait encore plus réserver ce sort aux femmes et aux enfants.
Méfisto n’avait même pas eu besoin de l’investir de cette mission. Il se faisait lui-même un plaisir d’être le parfait Exécuteur, celui qui empêchait le clan ennemi de se développer.

* Termes employés dans les Clans. Les Inkarnations sont les créatures issues des tatouages réalisés avec le Pigment et contrôlées par les Guerriers. Jeu de mot avec ink signifiant encre en anglais.

Quatre Gardiens accompagnaient Wulfen vers la Grande Salle pour permettre son Inkarnation dans les meilleures conditions, tandis que trois Soldats dirigés par Aegern couvraient leurs arrières. Ce dernier était conscient que cette bataille était pour lui l'occasion de réparer son erreur et de se libérer du sentiment de culpabilité qui l'habitait depuis la mort de Damas. Il hurla et pointa un doigt vers le ciel lorsqu'il repéra le griffon piquer sur eux après avoir laisser choir une fillette. Aegern resserra sa prise sur sa lance et ayant adapté sa vue à la mobilité de sa cible, il projeta son arme d'un geste puissant, rapidement imité par ses compagnons.
Sous sa forme animale, Kurgan profitait d’un corps robuste, qu’il avait fait gagner en souplesse au fil de ses innombrables combats. D’un battement d’ailes il évita sans mal trois des projectiles fusant vers lui, avant de plonger vers le sol sans quitter des yeux Aegern. La lance que ce dernier brandissait aurait fait sourire le monstre s’il en avait été capable, avant qu’il ne la brise dans son bec tel un vulgaire fétu de paille. L’une des puissantes serres de la créature agrippa le malheureux par la tête, tandis que Kurgan remontait d’une brusque détente. Le visage comprimé par un implacable étau d’écailles, Aegern sentit la peur s’emparer de son esprit alors qu’il se débattait en vain. Il savait que son sort était fixé.

C’est alors que Valkya apparut sur le toit de la Grande Salle, armée d’une fronde géante qu’elle faisait virevolter devant elle d’une manière experte. Lorsque Kurgan réalisa le danger, il était déjà trop tard. La pierre l’atteignit violemment en pleine face, l’éborgnant, et ce faisant, explosa en projetant un nuage de poix. La douleur lui fit lâcher prise et Aegern retomba au sol. La hauteur relative épargna à ce dernier une chute mortelle, mais le choc lui fit perdre néanmoins connaissance. Heureusement pour lui, Fadel l’avait repéré. Le Guerrier acheva un adversaire de ses formidables crocs avant de tirer le corps inerte d’Aegern jusque sous la tente où son propre corps reposait tout aussi inanimé. D’un rugissement, il ordonna aux deux Gardiens de veiller également sur le Soldat inconscient. D’un signe de tête, ils signifièrent qu’il pouvait compter sur eux.

Valkya ne s'assit pas sur ses lauriers. Fine stratège, elle savoura à peine la vision du griffon secouant vainement la tête pour se débarrasser de sa subite cécité. Elle souleva un couvercle camouflé dans le toit de l’édifice et hurla aux occupants :
- Maintenant !
Les meurtrières de la Grande Salle ne servaient pas qu’à faire entrer la lumière du jour. Un déluge de flèches et de lances jaillit des ouvertures. Kurgan eut la présence d’esprit de replier ses ailes pour se protéger, mais cela lui coûta quelques blessures handicapantes pour les combats à venir.
Valkya se laissa ensuite tomber dans la cavité, sa longue natte noire accompagnant le mouvement, avant d’atterrir au centre de la Grande Salle aux côtés de Wulfen qui venait de se mettre en position d’inKarnation.

- Nalen est en sécuritée ?

Valkya émit un sourire audible :

- Je pense que Teos s'en est bien chargée, mais je vais m'en assurer. 

Les deux amants, agenouillés face à face, échangèrent un baiser furtif, mais passionné avant que Valkya ne déclare solennellement :
- Kurgan est à moi.
Wulfen eut un sourit carnassier.
- Alors j’ai pitié de lui.
La seconde d’après, leurs Gardiens respectifs ôtaient leur tunique.
Un œil lupin lumineux s’extraya rapidement du tatouage du Chef du Clan tandis que du dos nu de sa compagne commença d’émerger sa propre silhouette métamorphosée.
Quelques combattants oeuvrant à l’extérieur virent simultanément un loup d’une taille extraordinaire s’élancer hors de l’édifice et une amazone en armure sublimée par une paire d’ailes se propulser par le toit. Les deux meneurs du Clan attaqué entraient en action, ce qui signifiait un tournant évident dans la bataille.

Sans même le vouloir, Teos avait conduit Nalen suffisamment loin du village pour qu'ils n'entendent pas les clameurs de la bataille. Mettre de la distance entre Wulfen et sa bien-aimée était devenue une seconde nature pour lui pour ne pas dire un devoir sacré pour honorer leurs parents respectifs. 

La vue d'une vertigineuse cascade s'écoulant depuis la forêt au-dessus d'eux acheva de lui faire oublier son altercation. Enfin autant que possible.

- Wulfen t'a déjà proposé de te faire tatouer, j'imagine.

Nalen jouait avec l'eau avec l'innocence d'une enfant. Teos aurait dû profiter simplement de sa compagnie si apaisante et renoncer à relancer un vieux débat. Il n'y parvint pas et il s'en voulut en même temps qu'il crut bon de crever un abscès bien trop mûr. 

- Tout dépend du tatouage, non ? Si je me fais une rose ou un petit oiseau,  je ne risque pas de rejoindre l'armée du clan.

Teos resta sans voix quelques secondes en entendant celle de la jeune fille. Il se sentit privilégié. Mais très vite, la réponse qu'elle lui avait fait abîma quelque peu son émotion. Car elle n'avait semble-t-il brisé son silence ordinaire que pour couvrir Wulfen. Une fois de plus.

Et c'est dans de tels moments qu'il regrettait l'insouciance aveugle et sourde de Nalen.

- Si tu accordais moins ta confiance à Wulfen, tu saurais qu'il a le don de faire concorder les desseins des autres aux siens. A ton avis, pourquoi Mausolée est parti ? Il s'en est rendu compte, lui, il s'est réveillé. 

Nalen cessa de jouer, son visage s'empourpra. Teos comprit qu'il l'avait vexée. Et mentionner Mausolée n'avait fait que jeter de l'huile. Car si elle considérait Wulfen comme une sorte de père, Mausolée était incontestablement un oncle. Son départ l'avait profondément peiné. 

Sans un mot, elle prit le chemin du retour, sa démarche exprimant parfaitement l'irritation qui était la sienne. 

- Nalen, attends ! On vient à peine d'arriver ! Je ne voulais pas te blesser, tu le sais bien !

Quand Aegern reprit connaissance sous la tente de Wulfen, il pensa immédiatement au coffret contenant le Pigment de Méfisto. Il se releva en poussant un cri de douleur tandis que son corps lui rappelait sa récente chute.  

- Tu n'est plus en état de te battre, souligna l'un des Gardiens de Wulfen, son propre corps tendu dans l'attente d'affronter une menace, tandis qu'au dehors les cris et les bruits de coups échangés s'amplifiaient comme le rugissement d'une déferlante.

Teos le défia du regard :

- Peut-être, mais j'ai encore une mission !

Il quitta la sécurité de la tente d'une démarche claudiquante en ignorant une ultime recommandation.

 

 

 (A suivre)

 

 
 

mercredi, 24 juillet 2013

Christine [Cinéma/Critiques]

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Christine se la pète. Mais elle peut se le permettre !

CHRISTINE

Je n'ai pas honte à le dire, j'entretiens avec ce film une relation aussi charnelle que celle qu'entretient le héros avec sa voiture.

Chaque réplique, chaque plan, chaque musique est source de jouissance pour le cinéphile que je suis.

En adaptant le roman de Stephen King, John Carpenter s'approprie littéralement l'oeuvre d'un génie du fantastique en y apposant son propre génie. Résultat : un chef-d'oeuvre incontestable et indémodable.

Arnie, le héros du film. Adolescent timide, maladroit, complexé, que sa rencontre avec Christine va libérer, pour le meilleur et surtout pour le pire. Un personnage très stéréotypé que le jeu de Keith Gordon transcende littéralement en y apportant beaucoup de nuances et de crédibilité, dans sa faiblesse comme dans sa force.

L'incarnation du mal sous la forme d'une voiture rouge sang à l'esthétisme diablement léché est la première bonne idée du film, même si on ne la doit pas à Carpenter. Le fait est que le cinéaste la filme non pas comme une voiture, mais bel et bien comme un personnage, en cela il a déjà tout compris. Le modèle est photogénique à souhait et sa carosserie n'a rien à envier aux formes exquises d'une top-model.

John Stockwell (à gauche) incarne Dennis, le meilleur ami d'Arnie, grand frère, mentor et protecteur. Témoin impuissant de sa métamorphose, il se rapprochera de ses parents et surtout de sa petite amie pour devenir inexorablement son adversaire. A noter que John est devenu un cinéaste accompli.

Mais comment diable donner des sentiments, une personnalité à quelque chose d'aussi froid et mécanique qu'une voiture ? La deuxième bonne idée du film, faire de la BO un langage à part entière. Chaque chanson du répertoire rock des fifties est ainsi l'occasion pour la Plymouth de s'exprimer d'une façon claire et précise sur son ressenti comme sur ses intentions. Le Keep a Knokin de Little Richard lui sert d'alarme pour faire fuir les indésirables, le Pledging My Love de Johnny Ace est son chant d'amour pour Arnie, quant au Harlem Nocturne de The Viscounts (l'unique instrumentale) il illustre sa résurrection, servie en passant par des effets spéciaux hallucinants, même encore aujourd'hui, et qui ont le mérite d'avoir été faits en direct avec un procédé unique. Même son silence radio (littéralement) signifie quelque chose et Arnie de s'en inquiéter ouvertement et de la rassurer illico : "Rien n'est changé. Tout est comme avant." Véritable sésame qui sera récompensé par un vrombissement de moteur triomphal. Pour terminer on mentionnera le Not Fade Away de Buddy Holly et celui de Tanya Tucker servant de brillante transition entre les deux époques de l'histoire. La musique, le son unique de ces voix et de ces instruments font d'ailleurs tellement corps avec le film qu'on ne finit par ne plus savoir qui sert d'écrin à l'autre. John Carpenter ajoutant comme à son habitude sa propre patte.

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Avant d'incarner une naïade dans Alerte à Malibu, Alexandra Paul a été victime de la furie d'une...Fury ! La malheureuse Leigh fera les frais de sa relation intime avec Arnie. Si une femme peut être jalouse d'une voiture, l'inverse est vrai aussi. Leigh l'apprendra à ses dépens.

Le film s'ouvre et se referme sur le myhtique Bad to the bone (littéralement "Mauvais jusqu'à l'Os") de George Thorogood and The Destroyers ce qui en dit déjà long sur ce que Christine nous réserve (le film comme le personnage), chanson qu'érigera de nouveau en thème de puissance le Terminator 2 de Cameron, là encore associé à... une machine. Y a pas de hasard !

Autre plus value, une mémorable galerie de personnages secondaires qui loin de faire du remplissage comme c'est des fois le cas, donnent ici beaucoup de substance à l'oeuvre, nourrissant le héros et l'intrigue. La VF étant à ce titre très recommandé puisqu'elle met particulièrement bien en valeur la personnalité de chacun, mention spéciale pour Darnell l'inénarrable garagiste et Lebay, le vendeur de Christine, à qui on ne la fait pas.

Voici Christine, qui, susceptible comme elle est, risquerait de mal le prendre si je ne vous la présentais pas. Comme dirait Marty McFly : "Ca , c'est de la bagnole !"

Mais Christine ne serait pas le chef-d'oeuvre qu'il est s'il ne brassait pas autant de thèmes divers et précis, s'articulant subtilement et efficacement autour de l'intrigue principale à savoir la métamorphose de Arnie.

L'Amitié (elle sera mis à mal dans le film) - L'Amour (Arnie nous gratifie d'un beau plaidoyer en la matière que je vous laisse le soin de découvrir) - Le rapport Parents/Enfants "Tu n'as jamais pris conscience qu'une partie du rôle des parents était de tuer leurs gosses" dixit Arnie - L'Adolescence (Christine pouvant symboliser toute forme d'addiction pour la jeunesse à la fois libératrice et corrompante) avec en exergue l'Indépendance "Ils refusent de me voir grandir car il faudrait qu'ils admettent qu'ils vieillissent" dixit Arnie - Le Culte de la Voiture (évidemment !) - Le Culte de la Musique (évidemment ! bis)

En résumé, Christine, c'est un incontournable du 7ème art, du fantastique, de la filmo de Carpenter. Autant de maîtrise et d'inspiration force le respect et mérite largement le statut de fim culte au sens le plus noble du terme.

Le slogan du film est : Comment tuer ce qui n'est pas vivant ? Et si la vraie question était : Comment aimer ce qui n'est pas humain ? J'espère avec cet article vous avoir donné quelques éléments de réponse et de curiosité que ne renierait certainement pas Arnie.

 

Pour voir d'autres Belles Bagnoles issues du 7ème art, c'est ICI

 

BONUS

Un excellent fanmade qui nous permet d'entrevoir ce que pourrait donner une suite (non au reboot !) faite à notre époque.

 

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mercredi, 29 mai 2013

The Map [Nouvelles/Humour-Fantastique]

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Inspirée par le sketch d'impro "L'Ascension" de Arnaud Tsamère & Simon Astier

 

Arnaud et Simon écarquillèrent les yeux. Ils étaient au sommet d'une montagne. D'une très haute montagne. C'était haut. C'était beau. Mais il y avait un hic. Un putain de hic. Le genre de hic qui vous empêche de ramasser une mallette rempli de billets alors que vous êtes SDF depuis des années. Arnaud se tourna vers son ami :

- La vue est magnifique, hein ? On peut pas le nier. Cette pureté, dans les formes, les couleurs, cet air frais, vivifiant, ces pics qui tutoient le ciel qui lui-même tutoie les étoiles, enfin, bon bref,  je sais pas pour toi, mais le fait de ne pas savoir du tout comment on est arrivé là m'empêche légèrement d'apprécier le paysage à sa juste valeur.

- Alors c'est marrant que tu me dises ça parce que figure-toi que je me disais exactement la même chose.

Le ton d'Arnaud traduisit mot pour mot son angoisse :

- C'est quoi la dernière chose que tu te rappelles ?

Pour Simon, la question prit des allures de Croisade en Terre Sainte.

- La dernière chose...euh...J'ai pété dans mon sac de couchage... avant de m'apercevoir que c'était le tien.

- Bon je sais enfin pourquoi j'ai pas dormi cette nuit, ça c'est fait. Ok, mais t'as pas plus récent ? Et hum...plus utile en la circonstance ?

Simon posa son index sur son menton. Ce qui, on le sait depuis la nuit des temps, aide énormément à la concentration.

- Sinon...euh...voyons voir...Ah, oui ! J'ai fait une croix avec mon stylo rouge sur la carte.

Arnaud le dévisagea. Ce n'était visiblement pas la réponse qu'il attendait.

- Tu...tu as fait une croix avec ton stylo rouge sur la carte ?

- Bah, tu me demandes mon dernier souvenir, je crois que je peux pas être plus précis.

A son tour, Arnaud appuya son index contre son menton.

- Fais-voir la carte.

Simon la pêcha dans sa poche et la déplia. Il posa son doigt sur une grosse croix rouge.

- Tiens, c'est là !

Les yeux d'Arnaud s'écarquillèrent de manière très inquiétante.

- Oh, bordel, c'est quoi ce délire encore ?

- Quoi ?

- Tu as fait une croix pile à l'endroit où on se trouve. Tu as fait une croix sur une montagne et comme de par hasard, on se retrouve sur cette montagne. Tu piges maintenant ou faut que je te fasse un dessin ?

- Ahhhh, ok ! Tu veux dire que j'ai tellement bien planifié le voyage qu'on a réussi à aller exactement où je l'avais prévu.

Arnaud toisa son ami avec stupéfaction...non...hébétude plutôt, avant de s'exclamer :

- Voooooooooiiiiiiiiiiiiiiilàààààààààà ! T'as tout compris !

Puis il s'énerva...non...il explosa :

- T'as tout compris sauf ce qui s'est passé entre le moment où tu as fait ta jolie croix rouge sur la carte et le moment où on s'est retrouvé sur cette foutue montagne !

Simon recula. Il commençait à avoir peur. Mais contrairement à Arnaud, il n'avait pas peur de la situation, mais d'Arnaud lui-même.

- C'est sûrement l'altitude. Comme notre cerveau n'est pas correctement oxygéné, on perd un peu la tête, c'est tout. Pas de quoi paniquer, franchement. De toutes façons, si on a réussi à monter, on réussira à redescendre.

La mine déconfite d'Arnaud lui fit perdre quelque peu son assurance.

- Non ?

Arnaud croisa ses bras sur sa poitrine.

- Ôte-moi d'un doute, tu veux bien. Fais une autre croix sur la carte.

- Une autre croix ?

Simon ne voyait pas du tout où son ami voulait en venir, mais c'était souvent le cas et il avait appris à lui faire confiance malgré cela. Après tout, ils n'étaient pas à leur premier voyage. Ni à leur première galère.

Il exhiba son stylo.

- Avec mon...

- Oui, fit Arnaud, excédé. Avec ton joli stylo rouge.

Simon ôta le capuchon et approcha la mine du papier.

- Mais je la fais où ?

- N'importe où, on s'en fout. C'est juste pour...

Puis Arnaud réalisa son erreur. Il hurla.

- Non, pas n'impor...

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Ils avaient de l'eau jusqu'aux épaules et se maintenaient à la surface par de petits gestes des bras et des jambes. Pour tout horizon, de l'eau à perte de vue. Pas une île. Pas une voile. Un véritable désert aquatique.

- L'océan ! Il a fallu que tu fasses une croix dans l'océan !

- Te plains pas, dit Simon, guilleret, j'ai sauvé la carte.

Par pur réflexe ou hasard, il avait tendu son bras en l'air, évitant à la carte un bain des plus... destructeurs.

- Là, chapeau, effectivement. On aurait été bien dans la merde sinon pour repartir.

- Repartir ?

- T'as toujours pas compris ce qui nous arrive ?

- Bah, on est tombé de la montagne et par chance y avait de l'eau en dessous.

- T'as décidé de battre un record de conneries à la seconde ou quoi ? C'est ta putain de carte ! A chaque fois que tu fais une croix dessus, on apparaît à l'endroit précis que tu as marqué !

Simon commença à sourire.

- Non, mais là, tu déconnes. Ca se peut pas ces trucs-là !

- Ca se peut p...Bon donne-moi la carte, je vais te le prouver tout de suite.

Simon éloigna son bras.

- Et si la carte n'avait rien à voir là-dedans ?

- Quoi ?

Cette fois, c'est Arnaud qui ne voyait pas où son ami voulait en venir.

- Et si le pouvoir venait de moi.

Arnaud dut s'avouer que c'était peut-être une possibilité à envisager. Même si elle le terrifiait.

- Bah, je...Bah, merde alors, j'espère que c'est pas le cas. Parce que sinon on est vraiment dans la merde. Tiens, justement, laisse-moi faire une croix. Comme ça on saura clairement si le problème vient de la carte ou de toi.

Simon allait lui donner la carte, mais il se ravisa au dernier moment.

- Le problème ?

Arnaud se râcla la gorge.

- Le pouvoir, j'ai dit le pouvoir.

Simon fronça les sourcils.

- Non, t'as dit le problème. Me prends pas pour un con, Arnaud.

Silence.

- Bon, ok, j'ai peut-être dit le problème, mais je voulais dire le pouvoir.

- Ouais, ouais. Quand il s'agit de la carte, tu dis le pouvoir, mais quand il s'agit de moi, tu dis le problème, hein ? Avoue !

- Mais...Pffff, n'importe quoi, franchement, c'est pas du tout ça, c'est juste que je deviens dingue avec cette histoire, je sais plus ce que je dis. Non, mais t'imagines si on peut vraiment aller où on veut dans le monde entier rien qu'en faisant une foutue croix sur cette foutue carte ?

Les yeux de Simon s'illuminèrent à cett idée, puis brusquement, son visage se rembrunit.

- Change pas de sujet. T'as dit problème.

Sans crier gare, Arnaud se jeta sur son ami.

- Putain, y a un requin !

- Quoi ?

Arnaud afficha un sourire victorieux. Il secoua sa main droite qui tenait la carte.

- Je t'ai eu.

Le visage de Simon pâlit :

- Oh, putain, Arnaud, y a un requin juste derrière toi !

Arnaud secoua la tête, l'air navré.

- Pffff, trop nul. T'essaies de retourner mon astuce contre moi ? Non, mais sérieux, t'as quel âge ?

- Mais je suis sérieux ! Y a un aileron qui arrive à toute vitesse, c'est pas une blague, file-moi la carte qu'on se barre d'ici !

- Même pas en rêve ! Donne-moi le stylo. Allez, qu'est-ce que t'as à perdre ? Ca se trouve t'as raison et y a que toi qui a ce pro...pouvoir.

Simon commença à reculer. Au point qu'Arnaud commença à le croire. Il se retourna et vit l'aileron filer droit sur lui.

- Ah ! Putain, y a un requin !

Cela n'empêcha pas les négociations de reprendre :

- File-moi la carte !

- Non, file-moi le stylo !

- La carte, Arnaud !

- Le stylo, Simon ! Simon, si tu me donnes pas le stylo, je te jure que je me laisse bouffer par ce foutu requin et t'auras la fin de mes jours sur ta conscience jusqu'à la fin de tes jours.

- Quoi ? J'ai rien compris.

Arnaud tendit le bras qui tenait la carte en direction du requin qui n'était plus qu'à quelques mètres.

- Ok, ok. Je te donne le stylo.

Simon lança le stylo rouge. Arnaud l'attrapa adroitement au vol. Il ôta le capuchon et le requin jaillit hors de l'eau, sa gueule monstrueuse prête à le déchiqueter sur place. Sans réfléchir, il traça une belle croix rouge sur la carte.

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Les deux hommes rampaient sur un sol poussiéreux. Des détonations assourdissantes emplissaient l'air. Des débris volaient tout autour d'eux et les balles fusaient au-dessus de leur tête.

Arnaud vérifia qu'il avait toujours la carte et le stylo en sa possession avant d'annoncer :

- Bon bah, maintenant, on sait au moins que ça vient de la carte.

La nouvelle n'eut pas le don de ravir Simon. Une rafale souleva la terre juste devant son visage.

- T'aurais quand même pu choisir un pays qu'est pas en guerre !

Arnaud mima une bouche avec sa main libre :

- Si tu veux, j'avais les dents de la mer à ça de moi, alors la destination...

- Ouais, tu peux te foutre de moi avec l'océan !

Ils parvinrent à s'éloigner de la zone sensible et à atteindre en courant la devanture d'un magasin contre laquelle ils s'appuyèrent en essayant de reprendre leur souffle. Simon toussa.

- Bon maintenant, qu'on est au calme, tu pourrais peut-être faire une autre croix. En choisissant, cette fois.

Arnaud haussa les épaules avec contrariété. Ils se figèrent tous deux lorsqu'un char s'avança droit sur eux. Le canon était pointé dans leur direction.

- Ou pas.

Arnaud traça une croix sur la carte, paralysé, les yeux fixés sur le char qui venait de tirer un obus.

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 - Ah, bah, là, c'est sûr, on est tranquille !

Ils marchaient sur une plage de sable fin. La cime des palmiers se balançait doucement au gré du vent et l'eau turquoise eut le don d'égayer leurs pensées.

- C'est une île déserte, informa Arnaud en essayant de se convaincre que c'était une bonne chose.

Simon grimaça.

- Merci, j'avais remarqué.

Arnaud le trouva peu reconnaissant. Il le lui fit comprendre.

- Au moins on est pas mort explosés par un char.

Simon le trouva peu lucide. Il le lui fit comprendre.

- Non, on mourra juste de faim.

Arnaud allait rétorquer quelque chose, mais il leva un index avant de s'approcher rapidement de l'eau en se tenant l'estomac. Il recracha quelque chose. Son dernier repas au vu de ce qui tomba de sa bouche.

- A force de voyager à la vitesse de la lumière, ça devait arriver ! En plus j'ai la tête qui tourne. Ca doit être le décalage horaire.

Il se planta devant Simon et l'étudia avec étonnement.

- T'as pas envie de vomir, toi ?

Simon dressa un index.

- Si.

La seconde d'après, Arnaud reçut son dernier repas sur la figure.

Ils avaient mangé la même chose. Purée-saucisses. Ca sentait bien la saucisse.

A suivre

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dimanche, 05 mai 2013

Jurassic Park 3D [Cinéma]

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Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? King Kong ?

20 ans ! Ca nous rajeunit pas, nous autres les trentaires et plus ! Oui sorti en 1993, le Jurassic Park de Steven Spielberg faisait entrer de plein pied les images de synthèse dans le 7ème art comme jamais, et donnait naissance, comme Lucas en son temps avec Starwars, à un nouveau genre de Blockbuster. Sauf qu'il faisait évidemment bien plus que cela et qu'en le revoyant, une des premières choses qui nous frappe, c'est qu'à cette époque, les effets spéciaux étaient encore au service de l'histoire et non l'inverse, comme c'est trop souvent le cas depuis de nombreuses années.

Ce film a constitué un tel tournant dans ma vie de cinéphile comme dans ma vie tout court (oui carrément !) que cette critique prendra résolument des allures de plaidoyer, je préfère l'annoncer de but en blanc. Et ce n'est pas cette conversion 3D qui changera la donne, même si, comme nous allons le voir, elle n'est pas sans défauts.

Par quoi commencer ? Il y aurait tellement à dire sur JP (oui, je me permets cette familiarité l'ayant vu sûrement pas moins de 20 fois, je le connais assez bien lol)

Commençons par le début du film dont la scène d'ouverture constitue un consistant avant-goût. La 3D fait un bon effet, mis à part le plan où Muldoon se tient face caméra avec son fusil.

Plusieurs personnages sont alors présentés successivement avec des effets comiques efficaces surtout lorsqu'ils semblent naturels (la glissade de l'avocat).

Puis vient l'arrivée mythique de la fine équipe sur Isla Nublar en hélicoptère, accompagnée de l'inoubliable thème composé par l'inusable John Williams qui nous offrait l'une de ses meilleures partitions et par là même ma passion pour la musique de films. La BO de Jurassic Parc a été la première que j'ai acheté. Un point important parmi de nombreux bons points qui vont contribuer à faire de ce film une référence incontournable pour moi. Je ne vous cache pas que bien qu'ayant usé la K7 audio et le CD (un peu moins) j'ai eu rapidement les larmes aux yeux en revoyant cette scène magistrale. C'est là qu'on se dit que le son du ciné est peut-être des fois trop fort, mais on ne peut nier qu'il participe grandement à la magie véhiculée par une oeuvre, celle-ci particulièrement tant la bande sonore y tient une place primordiale (un oscar pour les effets sonores, je le rappelle au passage !)

Ian Malcom, génialement interprété par Jeff Goldblum, nous régale de ses théories autant que de son humour délicieusement cynique. On comprend pourquoi il a été chosi comme personnage principal du Monde Perdu.

Ensuite un parallèle intéressant à faire c'est celui des héros du film, des visiteurs du parc qui comme nous, spectateurs, vont découvrir au même rythme et avec les mêmes émotions, les différents manèges de cette foire aux monstres préhistoriques. Et c'est déjà une première excellente idée. On est autant fébrile et impatient à l'idée de voir les dinosaures légendaires qui ont bercé notre enfance via des livres richement illustrés que les protagonistes du film, Alan Grant en tête, qui incarne parfaitement l'adulte, l'érudit en paléontologie qui raisonne de manière scientifique autant que l'enfant qui sommeille encore en nous et qui s'émerveillera maintes fois à commencer par la rencontre fortuite d'un brachiosaure doté d'un cou de sept, huit mètres...Le brachiosaure ? Neuf mètres !

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Cette scène - située juste après celle du brachiosaure - est extrêmement emblématique pour moi. Visuellement, elle est d'une incroyable crédibilité. Bien que fugitive, on peut y déceler maints détails qui nous font croire totalement que ces dinosaures sont réels et vivent leur vie comme à leur époque. Et sur un aspect plus technique, on ne peut s'empêcher de se dire que l'équipe d'ILM (les ténors en la matière surtout en ce temps là) avaient décidément une longueur d'avance sur la concurrence.

Je n'avais pourtant que 15 ans à l'époque, mais en fervent passionné de Dinosaures je me suis totalement identifié à Alan Grant et c'est avec une émotion incomparable que j'ai assisté, comme lui, à l'émergence d'un rêve enfoui depuis longtemps, un fantasme devenant réalité par l'entremise de mon cinéaste préféré (Attention, accumulation de bons points en vue !!!) On était pas encore à l'ère de la 3D et pourtant j'avais le sentiment de voir vivre, respirer ces créatures disparues comme jamais, le sentiment de pouvoir les toucher, qu'elles étaient réelles, ancrées dans le monde moderne. Et en revoyant le film en 2013, j'ai encore eu ce sentiment, car les effets spéciaux de JP vieillissent extrêmement bien comparés à d'autres plus récents et même si la présence d'animatroniques (et non pas animaérotiques, espèce de vieille sangsue d'avocat !) peut constituer pour la nouvelle génération une faute de goût, pour ceux qui comme moi, y ont longtemps goûté, elle n'est en rien un défaut, mais une occasion d'admirer une nouvelle fois le soin apporté à ces répliques grandeur nature concoctées de main de maître par feu Stan Winston qui était alors mis au défi de créer des versions mécaniques capables de rivaliser avec les effets digitaux dernier cri et de conserver une cohérence en terme de qualité et de puissance visuelles. Je peux vous dire qu'à l'époque, emporté par l'émotion et l'aspect inédit, les transitions m'apparaissaient souvent invisibles.

Alan Grant avoue que le Tricératops était son dino préféré au lycée. Comme beaucoup, il était pour moi aussi le plus représentatif de son espèce...avec le T-Rex bien sûr !

S'ensuit une longue séquence d'observations, d'explications et de débats qui en son temps me paraissait interminable (les dinos ! Les dinos!) mais qui, lorsqu'on la regarde avec quelques années en plus, nous apparait aussi passionnante que le reste (le message du film est alors on ne peut plus clair et s'applique facilement à toutes les nouvelles formes de technologie, n'est-ce pas internet ?) et fait en sorte de faire monter subtilement l'envie et la curiosité du spectateur...et aussi et surtout la frustration (Auriez-vous songé à mettre des dinosaures dans votre parc à dinosaures ?)

La fameuse tirade de Grant "Le Dinosaure et l'Homme..." fait figure de parfait slogan pour le film, tellement que je l'ai naturellement apprise par coeur en la récitant allègrement tel un psaume.

A noter lors du très convaincant argumentaire de Ian Malcolm, un gênant effet lumineux dû à la 3D.

Et puis vient LA séquence qui va faire rentrer Jurassic Park au panthéon du 7ème art, LA scène qui va s'ancrer dans mon esprit de cinéphile (et pas que le mien !) et tout révolutionner : l'apparition du T-Rex (le roi des dinos dans le coeur de tous les enfants). Mais cette première apparition n'aurait pas eu l'impact qu'elle a eu si plusieurs éléments n'avaient pas été soigneusement appliqués pour la rendre aussi spectaculaire. Il faut noter le fameux plan du gobelet d'eau qui a nécessité une technologie très spécifique et qui a le mérite d'annoncer efficacement l'arrivée du clou du spectacle. Autres bonnes idées : il fait nuit et il pleut, ce qui ajoute une dimension supplémentaire à cette séquence qui fait basculer le film - auparavant relativement innocent - dans une intensité à couper le souffle. Un peu comme si vous passiez de la visite du Château de la Belle au Bois Dormant à la Maison des Horreurs. Bon l'attaque du T-Rex aussi effrayante soit-elle, a ses limites bien sûr, mais le fait même que les enfants en soient les premières victimes dramatise considérablement l'ensemble et nous vaut une belle montée d'adrénaline qui s'achève sur un cri victorieux du T-Rex. S'ensuit une transition sur le bureau de Nedry, remarquable par le silence du fond sonore (en l'absence de pluie et de T-Rex).

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Spielberg a réussi l'exploit de nous montrer le T-Rex tel qu'on se l'était toujours représenté : beau, puissant et terrifiant à la fois. Le vrai héros du film, c'est lui ! En tout cas, il l'a bien vendu !

La tension ne retombe pas tout de suite puisque s'enchaîne deux grosses séquences : celle de la voiture dans l'arbre (la 3D fait d'ailleurs tache au premier plan dans l'habitacle) et la deuxième apparition du T-Rex sous forme de poursuite, qui, elle aussi à sa manière, va immortaliser le film. On retrouvera notamment un savoureux clin d'oeil à l'image du T-Rex dans le rétroviseur dans l'excellent Toy Story 2, épisode bourré de références.

Je vous épargne d'autres analyses pour en venir à une autre séquence culte : l'attaque des raptors dans la cuisine ! En terme de mise en scène, Spielberg a été, là aussi, très inspiré (le plan des griffes, l'effet miroir) et à partir de là c'est une avalanche de sensations fortes garantie (le grand huit, quoi !) qui nous amènera à un rythme infernal jusqu'au dénouement.

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La cuillère n'existe pas...Pourvu que ce raptor ait vu Matrix !

Revoir Jurassic Park c'est comme plonger dans une Fontaine de Jouvence : la magie et l'émotion sont intactes. On se dit que des films qui nous ont fait autant d'effet y en a pas trente-six ! C'est un film qu'on regarde avec le coeur avant tout ! La 3D inégale, apporte tout de même une valeur ajoutée à ce chef d'oeuvre qui n'avait par ailleurs pas besoin d'un tel traitement pour être revu et apprécié à juste titre. Mais (re)voir JP au ciné ça n'a pas de prix ou bien un prix insignifiant en regard de ce à quoi on a droit !

En sortant de la salle en 1993, je me rappelle très bien de mon état d'esprit : j'étais bouleversé. Je n'avais jamais vu un truc pareil, pour moi ce n'était pas du cinéma, j'avais bel et bien été témoin privilégié de la résurrection des dinosaures !

Pour en venir à ce qu'à changé concrètement JP dans ma vie c'est simple : à partir de là, l'auteur laborieux que j'étais a commencé à pouvoir visualiser mentalement ses histoires, ce qui a constitué un tremplin considérable pour mon travail d'écriture. Mon premier roman écrit au lycée a largement bénéficié de ce procédé et le film en lui-même m'a largement inspiré sur la forme. Ah oui, et après JP, j'ai commencé à aller régulièrement au cinéma... Même Terminator 2 ne m'avait pas autant chamboulé !

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T-Rex vient de détruire son squelette et la banderole clamant : "Quand les dinosaures régnaient sur Terre" retombe lentement au sol : tout un symbole ! Des symboles, JP en est truffé et ce n'est pas la portière maculée de boue de la Jeep estampillée Jurassic Park à la fin du film qui me fera dire le contraire !

 

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jeudi, 28 mars 2013

Les Chroniques de Zarlia : L'Arc de Kaheillys T.1 Prophéties

J'ai le plaisir de vous annoncer la disponibilité d'un roman écrit par un artiste talentueux et sympathique rencontré sur un festival de jeux. Son livre est disponible sur amazone à ce lien :

Les Chroniques de Zarlia : L'Arc de Kaheillys T.1 Prophéties

En rupture actuellement, mais comme il le dit lui-même, ça ne va pas durer, alors à surveiller de très près !

Sa page Facebook : Quentin Lacotte


 

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lundi, 04 février 2013

Queen Save The God [Nouvelles/Humouroïd]

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Bonjour, je m’appelle Sébastien et je vous présente mon père, Freddy Mercury. Nous viv… Quoi ? Je sais bien que c’est le célèbre chanteur du groupe Queen, vous ne m’apprenez rien. Mais il se trouve que c’est aussi mon père. Le fait est que je ne m’en suis pas aperçu tout de suite. Ca a mis un peu de temps.

Au début j’étais comme vous. J’avais un père tout à fait ordinaire. J’avais juste remarqué qu’il ressemblait beaucoup à Freddy Mercury. Même moustache, même énergie, mêmes dents en avant. Mon père m’a expliqué que cette particularité était due au fait qu’il avait longtemps sucé son pouce, bien après l’âge limite. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai jamais dit que Freddy Mercury avait longtemps sucé son pouce après l’âge limite.
Tout comme Freddy, mon père passait beaucoup de temps torse nu, peut-être parce qu’il était fier de sa pilosité, je n’ai jamais vraiment su. Ce qui est certain, en revanche, c’est que comparé à Freddy, mon père avait le nombril un peu plus loin des hanches, si vous voyez ce que je veux dire.
Bref la ressemblance n’était peut-être pas très frappante pour le reste du monde, à commencer par ma mère, mais pour moi c’était une évidence qui devenait de plus en plus…évidente !

Dans ma grande naïveté, ignorant encore la véritable identité de mon géniteur, je m’étais contenté jusqu’alors de piètres explications concernant les évènements majeurs de notre vie familiale.
Le divorce, par exemple.
Pendant un certain temps, j’ai accepté l’idée que mes parents s’étaient séparés parce que mon père était devenu très égoïste. En période de vache maigre, dévorer le seul steack de la maison en entier et devant son fils, vous appelez ça, comment ?

Et puis il y avait pas que ça.

Il s’était fait progressivement une belle petite cagnotte qu’il plaçait dans une boite d’une grande sobriété, elle-même rangée dans un placard et dont on ne voyait, évidemment, jamais la couleur. La couleur de l’argent, pas celle de la boite. La boite, elle, elle était bleue et ronde, je m’en souviens très bien. Il la sortait et la remettait en place sans le moindre effort pour se cacher, comme pour dire : « Vous voyez, moi, j’ai réussi. Moi je ne galère pas. Moi, la crise ? Connais pas !» Ce qui constituera par la suite son leitmotiv préféré pour nous rabaisser, ma mère et moi.

Mais tout cela a changé le jour où j’ai compris qui était vraiment mon père. Et c’est alors que j’ai compris que la véritable raison du divorce était en fait que ma mère ne supportait plus que mon père chante sans arrêt même pendant les heures de repas et à l’occasion aussi pour stimuler sa sexualité. Je m'en souviens comme si c'était hier. La vie de couple l'avait semble-t-il usé, blasé. Il rêvait très certainement depuis longtemps de changement, de liberté, car à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, il nous servait invariablement le même refrain :


Vous imaginez le choc ? Je devais avoir douze ans à l’époque et réaliser que j’avais vécu tout ce temps sous le même toit qu’une super star mondiale de la musique sans jamais m’en apercevoir a de quoi vous chambouler quelque peu le cerveau, vous en conviendrez. Mais le pire, c’est que j’ai compris tout cela seulement après mon choix. Oui, divorce oblige et ayant l’âge requis pour choisir avec qui vivre, j’ai choisi ma mère, ignorant bien sûr ma monumentale erreur.

Cela dit, les premiers temps, je n’ai pas été malheureux avec elle. Bien au contraire. On a déménagé dans une petite ville très agréable et loué une belle maison avec un grand jardin. Ma mère avait l’air vraiment heureuse et libérée. Ca me faisait plaisir de la voir ainsi. Mais au bout d’un moment, quand j’ai deviné que mon père n’était autre que Freddy Mercury, j’ai arrêté de la regarder et j’ai commencé à être vraiment triste. Le bonheur des uns…

Je me suis alors beaucoup réjoui lorsque le premier week-end de visite de mon père est arrivé. Ce qui n’a pas manqué de consterner ma mère.
- Tu n’es pas rancunier, toi ! Après tout ce qu’il nous a fait subir, même à toi ! Il en a de la chance, d’avoir un fils comme toi !
Ce que ma mère semblait ignorer, c’est que j’avais moi-même beaucoup de chance d’avoir un père tel que lui.
Lorsqu’il vint à la maison, ce fameux week-end, l’atmosphère fut pour le moins tendue, mais rien d’étonnant à cela. Peu de mots furent échangés. Moi, je cachai difficilement mon enthousiasme. J’avais tellement de temps à rattraper.
Je claquais un bisou sur la joue de ma mère et m’engouffrai dans la rutilante Plymouth Fury 1958 rouge sang de mon père.
- Putain, mais c'est Christine, la vedette du film de John Carpenter ! Où tu l'as dégotée ?
Mon père fit un geste aérien de la main :
- Oh, juste un petit gage de mon voyage au bout de l'Enfer !
Je pensais évidemment qu'il utilisait une métaphore pour évoquer les douleurs de son ancienne vie conjugale. Mais j'apprendrai - et vous aussi - que c'était loin d'être une simple image.
Pour ce qui est de la voiture, je comprends tout à fait votre étonnement. Mais il faut que vous sachiez que Freddy était quelqu’un de très discret en dehors de ses représentations publiques. Une fois qu’il redevenait mon père, il redevenait du même coup un homme simple, humble, presque anonyme. Un type comme les autres, quoi !

- Ca te dirait qu’on aille faire de la plongée sous-marine au milieu des requins et des méduses ?
Bon, il avait toujours ses petites manies de milliardaire, hein, on se refait pas ! Et puis, moi, personnellement, ce genre de caprice, quand on se trouve être son fils, bizarrement, ça dérange pas plus que ça. Allez savoir pourquoi.

En cours de route, on a pourtant changé nos projets. Je soupçonne mon père d’avoir sorti cette histoire de plongée pour noyer le poisson devant ma mère. Moi j’aurais bien été incapable de la mener en bateau, mais mon père avait fait ça toute sa vie, c’était une seconde nature pour lui.
- Qu’est-ce que tu sais des démons ? me lança-t-il très sérieusement tout en filant vers une destination connue de lui seul.
Question paranormal, j’étais plutôt incollable à cette époque. Alors je me suis fait un plaisir de sortir ma science, histoire de lui en boucher un coin :
- Juste qu’ils sont les incarnations de nos péchés les plus inavouables et qu’ils viennent nous rendre visite dès que le mal fait son œuvre plus que de raison en ce bas monde qui est le nôtre.
Oui, j’étais aussi un peu poète. La fibre artistique, j’en avais un peu hérité, semblait-il.
Freddy siffla. Il était sur le cul. Oui, normal, il conduisait. Ce que je veux dire c’est que j’ai bien senti qu’il ne s’attendait pas à ce que j’en sache autant sur le sujet.
- Moi aussi j’aime bien Scooby-Doo, mais à part ça, qu’est-ce que tu sais vraiment sur eux ?
Ouais, j’avoue, sur ce coup-là, il a eu la dent dure avec moi. Mais je peux pas trop lui en vouloir. J’avais beau en savoir long sur les démons, j’avais jamais eu l’occasion de mettre tout ce savoir en pratique.
Comme s’il avait lu dans mes pensées, il a ajouté :
- Je crois que c’est le moment où jamais de te faire dépuceler.
J’avalai de travers.
- De quoi ?
C’est alors que j’ai réalisé qu’on roulait depuis un moment dans un paysage plutôt sombre et triste. Non, triste, n’est pas le mot. Inquiétant, plutôt. Non, pas encore ça. Super flippant serait plus juste. Une atmosphère tellement bizarre que le jour et la nuit semblaient eux-mêmes avoir perdu leurs repères.
- On va où, là ?
A peine avais-je formulé ma question, que la voiture arrivait à la hauteur d’une pancarte. Le temps se mit à ralentir comme pour me faciliter la lecture.
- C’est quoi la Tombée de l’Enfer ? Je connais pas cette ville.
J’entendis mon père sourire. Un son très inquiétant.
- C’est pas une ville, fiston, c’est une saison.
- Une saison ? Quelle saison ?
- Celle du Diable !
Il éclata de rire. Un son très très très inquiétant.
Des éclairs se mirent à zébrer le ciel d’un noir d’encre et les nuages se mirent à vomir des boules de feu à l’horizon. J’étais tellement paniqué que j’ai juste réussi à dire :
- T’as un parapluie, j’espère !
Au moment où j’ai dit ça, la pancarte s’est embrasée et Christine, qui avait pas pipé un mot depuis le départ, s'est mise à  faire la causette, comme à son habitude, via l'auto-radio :


Il existait bel et bien une ville et nous nous y arrêtâmes avec soulagement, la météo devenant franchement infernale. En fait de ville, c’était plutôt une modeste bourgade tout droit sortie de l’époque du Far-West, avec ces maisons typiques, très espacées et même le saloon en plein centre. Celui-ci était à l’enseigne de La Dernière Lampée, tout un programme.
- Viens, dit mon père en relevant le col de son imper en cuir noir, on va s’en jeter un.

On poussa les portes battantes et on entra dans le bar,  particulièrement bondé à cette heure. Faut dire que l’orage qui s’annonçait devait y être pour beaucoup.
Lorsque mon père s’avança, la pénombre de la salle sembla reculer d’un seul coup comme si elle savait à qui elle avait affaire. J’ai cherché les projecteurs et les techniciens sans jamais en trouver un seul. Plus tard, je comprendrai que ça faisait partie de la magie de Freddy. On s’installa à une table et mon père s’adressa à la propriétaire des lieux, une vieille matrone aussi bougonne que ridée et qui empestait le whisky à des kilomètres.
- Deux verres, Simone !
L’intéressée cracha sur le comptoir.
- Je sers pas les tafioles !
Mon père sourit.
- Elle plaisante.
J’avais du mal à m’en convaincre, mais nous fumes finalement servis et rapidement de surcroît.
- Qu’est-ce que c’est ? demandai-je en observant le contenu de mon verre sous tous les angles. La couleur était aussi incertaine que la nature du liquide.
- Du sang de succube. C’est pas très bon, mais ça protège des démons.
Sur ces mots, il vida son verre cul sec.
Je déglutis.
- Du sang de succube ? Tu me fais marcher, là ?
Mon père m’adressa un regard que je connaissais assez pour ne pas remettre plus longtemps ses dires en question. Il essaya de dédramatiser.
- C’est pas la mer à boire, fiston.
C’est alors que je m’aperçus que tout le monde dans le bar me fixait, comme si j’étais en train de passer un test décisif. Simone avait même cru bon, pour m’encourager, de me menacer avec un tromblon.
Je fermai les yeux et avalai la liqueur sans sourciller.
- J’en serai quitte pour une petite brûlure d’estomac.
Je n’avais pas plus tôt dit ça que des flammes me sortaient de la bouche. Mon père se baissa à temps et c’est le client derrière lui qui fit les frais de mon inexpérience en matière de breuvages ésotériques.
Dire que je ne me sentais pas à l’aise était un euphémisme. Je me retrouvai enfin seul avec mon père que je savais être l’un des plus grands chanteurs de la planète et j’avais la désagréable impression que cela ne sautait aux yeux de personne que je pouvais avoir besoin d’un minimum d’intimité pour partager un tas de choses avec lui.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’osai une requête :
- Dis, 'pa, tu voudrais pas me chanter quelque chose ? Je sais que c’est ton métier et que tu fais ça tous les jours, mais là on est tous les deux et ça me ferait vachement plaisir.
Mon père grimaça un peu avant de sourire et de hocher doucement la tête :
- Ok, fils.
Il me donna une pièce.
- Tiens, mets-la dans le juke-box.
Je comprenais pas trop sa réaction, mais je décidai de m’exécuter, pensant que cela faisait partie d’une mise en scène très étudiée. J’allais me rendre à la machine quand j’ai soudain été frappé par une vive inspiration. J’ai regardé mon père et je lui ai adressé un clin d’œil complice.
- Tous des tafioles ! gronda Simone avant de cracher dans un verre qu’elle essuyait.
Je pris une grande inspiration, conscient encore une fois que tous les regards étaient braqués sur moi. Je ne pouvais pas me louper. Ma réputation était en jeu et celle de mon père aussi, par la même occasion. Il était connu et respecté en ces lieux, cela ne faisait aucun doute. Il fallait donc que je gagne moi aussi mes galons de star.
J’ai relevé mon pouce et la pièce s’est envolée au ralenti. Chacun put l’observer à loisir tournoyer à travers la salle. Elle brilla de mille feux comme un diamant avant de retomber dans le crachoir placé à côté du juke-box.
Ma dignité se fit toute petite et moi avec. On m’épargna un concert de rires moqueurs, sans doute pour ne pas offenser mon père qui, l’air de rien, veillait au grain. Je haussai les épaules et allai bravement récupérer la pièce dans le crachoir, qui évidemment, n’était pas là pour rien, même si le sol tout autour démontrait que question précision, je n’étais pas le seul à avoir des progrès à faire.
Je glissai le jeton dans la fente...

...et au son des premières notes, j’oubliai instantanément mes déboires. Je me mis à glousser comme une poule.
- Génial ! On se croirait dans Higlander II !
Mon père me fixa et hurla :
- Ne perds pas la tête !
Je me mis à rire, mais lorsqu’il me cloua sur la table d’une poigne de fer, je compris qu’il ne plaisantait pas. J’entendis un sifflement au dessus de moi qui m’apprit que je venais sans doute d’éviter une navrante décapitation. Je me retournai pour découvrir un bien étrange duo : un clone de Jean Reno armé d’un fouet lumineux ainsi qu’un sosie de Takeshi Kaneshiro en armure de samouraï, le sabre en main.

- C’est qui le chinois ? m’enquis-je pour faire bonne figure alors que mon caleçon baignait dans mon urine.
- Il est pas chinois, il est japonais. Il s’appelle Samanosuke. Et on se sépare jamais. D’autres questions ?
Jean s’assit à notre table, imité comme son ombre par le…japonais, donc.
Mon père redevint hilare.
- Fiston, je te présente Jacques Blanc et Samanosuke, deux vieux potes qui me prêtent main forte dans la lutte que je mène depuis des années contre les démons qui menacent notre monde.
Encore une fois, je démontrai ma très grande capacité à accepter les coups du sort.
- Ca veut dire qu’on ira pas faire de la plongée ?
Mon père vida son verre qui s’était rempli comme par magie.
- Si, mais les requins à côté de ce qui nous attend c’est du pipi de poisson-chat !
A ces mots, il délogea quelques lattes du parquet - et quelques blattes grosses comme ma main par la même occasion - plongea lentement sa main dans la cavité, avant d'en ressortir subitement...


...une boite cylindrique bleue en plastique, étrangement familière. Il observa ma crispation sans mot dire lorsqu'il ôta le couvercle. Il posa plusieurs balles rutilantes d'un calibre inquiétant sur la table.
- C'était donc pas de l'argent que tu cachais à l'intérieur ! m'écriai-je, soulagé jusqu'aux larmes.
Il me sourit.
- Si. C'est bien de l'argent. Des balles en argent. Indispensables pour détruire certains démons.
Son sourire s'élargit et il m'ouvrit ses bras.
J'ignorai sa dernière phrase pour venir promptement l'enlacer, trop heureux de pouvoir enfin lui pardonner et surtout me pardonner d'avoir douté de lui pendant toutes ses années. A l'extérieur du bar, touchée par la scène, Christine ne put s'empêcher d'accompagner nos émois... à sa façon :

 

 

A suivre...

 

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mercredi, 05 décembre 2012

Horreur à Slaughterfalls [Nouvelles/Epouvante]

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La nuit tombait sur Slaughterfalls. Une nuit qui promettait d'être chaude. Très chaude. Malgré cela, Cliff Hanger buvait son café brûlant. Cela faisait bientôt une heure qu'il attendait Ute, sa petite amie. Elle et lui s'étaient rencontrés un dimanche de février dans l'antique bar de Thad Marshall où avait lieu le concours annuel de fléchettes. Après un mémorable duel acharné, Ute avait battu Cliff en finale. Et justement, aujourd'hui il comptait bien prendre sa revanche.

Il adressa un signe de la main à Thad, occupé à rincer un verre, qui lui répondit par un sourire complice. A cette heure, la salle était déserte et Cliff savait que Thad ne tarderait pas à fermer le Cocktail Club. C'est sans doute ce qui incita l'individu à rentrer dans le bar à ce moment là. Cette apparition aurait peut-être paru anodine à Thad, si l'individu en question n'avait brusquement sorti un fusil à coulisse de sous son imperméable marron.

- Tu sais ce que je veux, alors ne me fais pas perdre mon temps, lança-t-il à l'intention de Thad.

Avant que ce dernier n'ait eu le temps de s'exécuter, Cliff se rua sauvagement sur l'homme armé en poussant un cri bestial. Mais le gangster aguerri anticipa l'attaque. D'un coup de crosse, il expédia Cliff sur la table avoisinante qui céda sous son poids. Cette impressionnante démonstration convainquit Thad de se soumettre à la volonté du braqueur. Sans plus attendre, il ouvrit son tiroir-caisse et commença à fourrer les billets dans un sac en papier. Un cri de rage l'interrompit, et levant la tête, il vit Cliff s'avancer de nouveau vers le gangster, un filet de sang coulant de la blessure reçue à la tempe. Une fois encore, la rapidité fit défaut à Cliff. En effet, l'homme armé fit volte-face et tira une première fois. Sous l'impact, Cliff vacilla étrangement comme si la seule volonté de survivre l'empêchait de tomber. La seconde cartouche l'atteignit à l'épaule, le faisant reculer. L'individu, non satisfait, tira encore trois balles qui amenèrent Cliff devant la vitrine du Cocktail Club dans un artifice sanglant. Le sixième et dernier projectile troua la poitrine vulnérable de Cliff et l'envoya violemment traverser la vitrine du bar dans un déluge de verre. Le tueur se retourna vers Thad. Un sourire narquois déformait son visage patibulaire. Thad, terrorisé, continua de remplir le sac d'une main tremblante, priant pour que son sort diffère de celui de son ami.

Cliff ouvrit les yeux. Il était allongé sur le dos. Malgré ses multiples blessures faites au calibre douze, la douleur semblait s'atténuer d'elle-même. Il regarda l'état de son épaule gauche et découvrit avec stupéfaction une parcelle de chair abondamment velue recouvrir peu à peu sa plaie. C'est alors que mû par un pressentiment, il leva la tête vers le ciel étoilé que la pleine lune spectrale rendait insignifiant.

Le tiroir-caisse étant vide, Thad était persuadé que son cauchemar allait prendre fin. Mais il se trompait. L'homme à l'imperméable n'en avait pas encore fini avec lui.

- Malin comme tu es, tu dois bien avoir un coffre caché quelque part, dit-il d'un ton amusé.

Le dos de Cliff se déforma dans un bruit effrayant de craquement d'os et de vêtements déchirés. Des griffes monstrueuses jaillirent de ses mains, à présent difformes et noircies par un poil rêche. La douleur provoquée par ces transformations morphologiques fut si intense qu'aucun cri ne parvenait même à sortir de sa bouche. Les articulations de ses jambes se modifièrent tant et si bien qu'elles n'eurent bientôt plus rien d'humain. Sa face hirsute s'allongea jusqu'à devenir un museau proche de celui d'un loup, tandis que ses babines retroussées par la souffrance laissaient entrevoir des dents admirablement acérées. Il fallut en tout et pour tout moins d'une minute pour que la totalité de la métamorphose s'opère. Un ricanement, qu'il perçu quelque peu déformé par sa nouvelle ouïe, le poussa alors à se diriger vers les deux hommes face à face de part et d'autre du comptoir.

Thad se pencha afin d'accéder à son coffre et, ce faisant, il découvrit avec horreur la créature qui fondait littéralement sur eux à présent. Le gangster remarqua l'expression horrifiée du barman et entendit au même moment dans son dos les crissements de verre brisé produits par des pas qu'il était bien loin d'imaginer inhumains. Alerté par cette nouvelle menace, il se retourna sans crier gare tout en ouvrant le feu à deux reprises... le temps de réaliser que ce qui se présentait devant lui n'était autre qu'un LOUP-GAROU ! Les deux balles que reçut la créature ne parvinrent même pas à le freiner dans son élan de rage bestiale, si bien que lorsqu'elle arriva à la hauteur de l'individu armé, elle lui arracha d'un seul coup son fusil et le bras qui le tenait. L'instant d'après, un second coup de griffes tranchait la tête de l'individu à présent désarmé, ont le visage révulsé traduisait toute l'étendue de sa terreur. Sa carrière de criminel venait de prendre fin dans un geyser pourpre tandis que son corps acéphale s'écroulait au bas du comptoir tout en aspergeant le parquet de sang. Aux yeux de Thad, le comportement sanguinaire de la créature lui semblait justifié... jusqu'au moment où celle-ci se détourna de sa première victime pour s'en prendre à lui. D'un revers de main, le lycanthrope projeta le barman au-dessus du comptoir et l'envoya s'écraser au milieu des tables. Le monstre ne lui laissa même pas le temps de se relever et, l'empoignant cette fois par le cou, lui fit décrire un arc de cercle qui le ramena derrière son comptoir aussi vite qu'il l'avait abandonné précédemment, pour finir sa course en percutant de plein fouet les étagères qui cédèrent sous le choc, dans une pluie de verre brisé. En retombant, la nuque de Thad heurta violemment le comptoir ; dans un effroyable craquement d'os, il s'y brisa les cervicales et mourut sur le coup.

Son instinct meurtrier poussa Cliff, ou du moins ce qu'il était devenu à présent, à sortir du bar en quête de nouvelles proies. il n'avait pas fait dix pas à l'extérieur, qu'une nouvelle victime potentielle se présenta justement à lui. Il marcha sur elle avec une surprenante vélocité. Arrivé à sa hauteur, le monstre l'empoigna fermement par le cou comme il l'avait déjà fait avec sa précédente victime. Il la souleva aussi aisément que s'il s'était agi d'une vulgaire poupée de chiffon. Il s'apprêtait à lui administrer le coup de grâce lorsqu'une partie inconsciente de son esprit l'empêcha de frapper. Son bras se raidit, son regard s'adoucit et il reposa lentement Ute à terre. Une partie infime de son être qui demeurait encore humaine lui avait permis de reconnaitre sa petite amie. Cette dernière resta pétrifiée d'effroi devant la créature cauchemardesque qui lui faisait face. Tout son corps lui criait de fuir aussi vite que possible, mais quelque chose en elle lui ordonnait de n'en rien faire. Comme le loup-garou la dévisageait avec un semblant d'humanité et une curieuse insistance, Ute put deviner en lui celui qui, il y a peu encore, se nommait Cliff Hanger. Ce fut pour la jeune femme la plus terrible des révélations. Son petit ami était un monstre sanguinaire guidé par son seul instinct : celui de la tuerie sauvage. Le loup-garou continuait de la dévisager comme si sa mémoire humaine lui revenait par bribes. Il existait entre elle et lui un lien confus, diffus, qui reprenait progressivement tout son sens à l'examen détaillé de ce visage. Brusquement, alors que toute sauvagerie semblait le quitter peu à peu, le regard de Cliff fut capté par un éclat lumineux dans l'oeil de Ute. La pupille du lycanthrope se dilata lorsqu'il reconnut en cette étrange lueur le reflet fidèle de la lune, source-mère de son état. Son bras droit se dressa alors vers l'astre de la nuit, avant de s'abattre et de décapiter de sa main griffue la malheureuse Ute. La tête de la jeune femme vola dans les airs dans un nouveau geyser pourpre, avant de retomber aux pieds d'un villageois qui, réveillé par le vacarme du bar, avait fini par sortir voir ce qui se tramait. Malgré la scène d'horreur qui venait de se jouer devant ses yeux, l'homme ne fut pas frappé de stupeur comme l'avait été feue Ute. Il prit ses jambes à son cou et tenta de fuir, hurlant à tue-tête afin de déclencher l'alerte générale. Absorbé qu'il était à dévorer avec acharnement la dépouille sa petite amie, le lycanthrope perçut néanmoins ses hurlements grâce à sa nouvelle ouïe. Il se mit alors en devoir de faire taire le misérable auteur de ces cris incongrus.

Le villageois se rapprochait de plus en plus de sa destination : le bureau du shérif. Il prit malgré tout le temps de jeter un coup d'oeil par dessus son épaule, pour finalement s'apercevoir qu'il faisait manifestement partie des projets de festin de la bête qui était à présent à ses trousses. L'homme atteignit finalement les marches du bureau du shérif. Il les grimpa plus vite qu'il n'eut jamais cru pouvoir le faire, tout en continuant à hurler tel un dément qu'on conduirait de force vers l'asile. Alors qu'il gravissait la dernière marche, la porte du bureau s'ouvrit sur le shérif Bloomfield.

Ce dernier vit John Harris fondre sur lui, puis se figer l'instant d'après tandis qu'une main inhumaine lui transperçait le corps. Le shérif fut pris de nausées quand il fut aspergé du liquide corporel d'Harris. Pour Cliff, ou du moins pour l'espèce d'ignominie qu'il était devenu, la proie avait été facile et il ne lui restait plus qu'à la dévorer. La patte armée de griffes étonnamment acérées se redressa d'un coup sec, sectionnant littéralement en deux le buste de John Harris. Mais le loup-garou ne put jouir longtemps de ce sanglant spectacle, car devant lui se tenait à nouveau une autre proie, agenouillée et alors occupée à vomir. Quand Rutger Bloomfield relava la tête et découvrit la bête qui se tenait au seuil de sa porte, il tomba à la renverse et paniqua. Il recula précipitamment tandis que la créature, elle, pénétrait lentement dans le bureau. Le shérif se trouva rapidement acculé contre la grille d'une de ses cellules. Tranquillement, le lycanthrope leva une patte en l'air pour achever sa nouvelle victime. Prendre son temps n'était pas dans la nature de son être, mais la bête y trouvait une forme de jouissance. Le shérif ferma les yeux, n'espérant plus qu'une seule chose : une mort rapide.

Mais soudain, une balle siffla aux oreilles de Rutger Bloomfield, tandis que la patte de la créature s'abattait sur lui. Le shérif adjoint Madigan venait de faire usage de son calibre 38 à moins de quatre mètres de sa cible. La balle atteignit la patte du loup-garou qui déviée dans sa course ne fit que lacérer l'épaule gauche de sa cible. Le lycanthrope fut projeté en arrière et tomba lourdement sur le sol. La violence du choc fut telle qu'il traversa le plancher et fut précipité au sous-sol de la bâtisse qui abritait le bureau du shérif. Ce dernier tenta péniblement de se relever, tandis que Jerry Madigan inspectait la béance du parquet dans laquelle la bête avait été littéralement engloutie. L'adjoint se pencha, commettant ainsi sa dernière erreur. Une gueule affutée se referma sur son visage, produisant un atroce craquement d'os. Quand le monstre se replia dans sa cavité, les crocs toujours fermement plantés dans la tête de sa nouvelle victime, il entraina à sa suite le corps entier de l'infortuné Jerry.

S'ensuivit alors un bruit écoeurant d'os broyé et de viande déchiquetée. Rutger Bloomfield eut à nouveau la nausée, mais ne se laissa pas abattre pour autant. Il se précipita sur l'armoire sécurisée renfermant les armes de plus gros calibre. Il l'ouvrit en cinq sec, tandis que le loup-garou continuait à dévorer son adjoint. Une fois l'armoire ouverte, le shérif saisit la première arme qui lui tomba sous la main : un fusil à pompe calibre 12. Mais, au dernier moment il se ravisa car son regard venait de croiser une autre arme qui, elle, ferait indéniablement plus de dégâts : un fusil-mitrailleur AK-47. Bloomfield s'empara de l'arme et reposa le fusil à coulisse sur le bureau. Bien que sa blessure le fit souffrir, il l'ignora et s'approcha lentement du trou d'où jaillissaient par intermittence de grandes giclées de sang.

Une fois qu'il estima être assez proche, le shérif fit feu et balaya le plancher de plusieurs rafales. Il ne s'arrêta de tirer que lorsque son chargeur fut entièrement vidé. Il s'empara alors du fusil à pompe qu'il venait de déposer sur son bureau, et s'approcha derechef du trou d'où ne s'échappait plus le moindre son à présent . Au moment où il se pencha pour constater l'étendue des dégâts causés, il tira tout de même un dernier coup de feu pour prévenir une éventuelle attaque de la bête... juste au cas où...

Hélas pour lui, seuls les restes de Jerry Madigan jonchaient le sol. Il se demanda alors comment cette chose qu'il avait vue pouvait, non seulement être toujours en vie, mais qui plus est être suffisamment valide pour parvenir à s'échapper. Se saisissant alors rapidement d'une torche électrique - le temps était compté - Bloomfield descendit très précautionneusement dans le trou et balaya les lieux de son faisceau lumineux. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'il découvrit une ouverture pratiquée dans le mur de la cave et donnant directement sur l'extérieur. Il dut alors se rendre à l'évidence : le loup-garou s'était évanoui dans la nature...


Rutger Bloomfield se redressa et embrassa derechef du regard l'intérieur du bar. Il avait beau reconstituer la scène, tourner et retourner des dizaines de fois dans sa tête les morceaux du puzzle, un élément manquait toujours. Un mystère demeurait.

Il avait trouvé trois corps sur le lieu de la tragédie. Le premier, mutilé, appartenait à un individu inconnu dont la main étreignait encore la crosse d'un fusil à pompe, des liasses de billets éparpillés tout autour de lui. Le second, affreusement disloqué, gisait sur le comptoir. Il s'agissait de Thad Marshall. Le troisième, découvert dans la rue non loin de la porte, était à moitié éviscéré ; la tête intacte, projetée à quelques mètres de là était à coup sur celle de Ute Wellington. Pour son plus grand malheur, la jeune femme s'était trouvée au mauvais endroit, au pire des moments.

En fait, il n'y aurait pas eu de réel mystère si durant son investigation le shérif n'avait trouvé les papiers de Cliff Hanger dans des hardes qui visiblement lui appartenaient elles aussi. Des papiers, des hardes, du sang même. Mais aucune trace de lui, pas même un lambeau de chair. Son corps semblait s'être bel et bien évanoui, fondu dans la nature. Dans la nature, certes, mais dans quelle nature ?

La brèche dans la vitrine ainsi que les haillons de Cliff situés devant celle-ci indiquaient que le jeune homme avait été projeté violemment hors du bar. Ces indices attestaient donc de sa présence lors du braquage.

Le shérif revint s'agenouiller près des lambeaux de vêtements du disparu. La créature avait massacré trois personnes à cet endroit ; leurs cadavres, même fortement mutilés étaient là pour en témoigner. Il eut été logique d'ajouter une quatrième victime à la liste, seulement le corps de Cliff demeurait introuvable. Ni dans le bar, ni dans les rues avoisinantes. En retraçant le parcours de la bête d'après ses empreintes et quelques autres détails sordides, il avait été facile de voir qu'elle avait quitté l'établissement pour se rendre directement à son office, le regretté John Harris lui ayant servi bien involontairement de guide. Mais si Cliff avait été attaqué en dernier par le monstre, celui-ci serait arrivé à lui comme il l'avait fait, le corps du jeune homme entre les dents ou tout au moins une partie de son corps, le reste ayant été disséminé en chemin.

Mais cela n'avait pas été le cas !

De toutes façons, il y avait un détail troublant, beaucoup plus troublant en fait que la disparition de Cliff Hanger et qui pouvait même l'expliquer si on osait aventurer son esprit dans le surnaturel. Car, comme l'a si bien formulé l'illustre Sherlock Holmes : Si vous avez épuisé toutes les solutions logiques, celle qui reste, aussi improbable soit-elle, est forcément la bonne.

Les empreintes faites dans la terre ou dans le sang versé avaient permis au shérif de reconstituer les faits et gestes ainsi que l'itinéraire de la créature. Et surtout son point d'origine. C'est là que l'affaire prenait une tournure démentielle. Car les empreintes propres à la bête avaient pris naissance à l'endroit où le corps de Cliff Hanger aurait du se trouver présentement.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé, Cliff ? S'interrogea Rutger à mi-voix.

C'est alors que mû par un pressentiment, il leva la tête vers le ciel étoilé que la pleine lune spectrale rendait insignifiant.

Maintenant, je sais, ajouta-t-il.

Mais il avait tellement de mal à y croire.

Il vérifia son fusil et se releva, son regard exprimant une détermination qu'il n'avait pas connue depuis longtemps.

- Cliff ou pas, je jure de tous vous venger !

 

La grand-place de Slaughterfalls n'avait pas connu pareil rassemblement depuis des années, pas même depuis la kermesse annuelle qui voyait se réunir la population dans presque toute sa totalité.

Le shérif Rutger Bloomfields trônait au centre de la foule sur une estrade improvisée. Sa présence avait coutume de retenir l'attention des plus dissipés. Et cette nuit là, les circonstances la rendait bien plus imposante encore.
Les femmes avaient fait le chemin, mais c'étaient essentiellement les hommes que le discours du shérif visait.
- A l'heure qu'il est, " elle " est en dehors de la ville, à la périphérie, là où les fermes abondent. " Elle " trouvera du gibier en quantité. et pas seulement des animaux, je le crains.
- Mais qu'est-ce que c'est, Rutger ? interrogea un homme barbu près de lui;
Rutger adressa un coup d'oeil particulier à la lune planant majesTUEUSEment au-dessus du village en effervescence. il ne pouvait pas leur dire la vérité. Impossible. dans le meilleur des cas, ils ne le croiraient pas, avec tout ce que cela impliquait. Dans le pire, ils seraient trop ébranlés pour réagir convenablement. Et il avait absolument besoin d'eux. d'un côté, s'ils leur occultait la véritable nature du tueur, il prenait le risque de le faire paraître moins dangereux qu'il ne l'était réellement. Il choisit de faire un compromis.
- Je ne sais pas exactement, Kurt. Ce dont je suis certain, c'est qu' " elle " est énorme et plus redoutable qu'une horde de chiens enragés. et surtout qu' " elle " a une faim de loup.
- T'es incapable de nous dire ce que t'as vu !?
- On voudrait bien savoir ce qui nous attend !
- Si nous devons mourir, nous voudrions savoir de quoi est faite la main de notre bourreau !
Les villageois s'en donnaient à coeur joie, pour le plus grand malheur de Rutger. mais il ne pouvait pas décemment les en blâmer. Il aurait dû se douter qu'ils ne se contenteraient pas de si peu. Comme l'avait très justement souligné l'un d'eux, ils risquaient tous leur vie en allant traquer la bête.
- Je vous comprends, dit le shérif. Mais de votre côté comprenez aussi que si je ne vous dis pas ce dont il s'agit précisément, c'est que... à vrai dire... il m'est impossible de le faire. Tout ce que je puis néanmoins vous affirmer c'est que de nouvelles espèces animales sont découvertes chaque année à travers le monde. Certaines inoffensives, d'autres non. Imaginez seulement que vous ayez affaire à la pire espèce et armez-vous en conséquence...
Un homme brandit ostensiblement son fusil de chasse à canon scié.
- M'étonnerait qu'il résiste à ça !
Rutger le fixa froidement.
- Je voulais parler de courage, Carl. Nos armes nous seront indispensables, c'est certain, mais si nos esprits flanchent, alors elles se révèleront inutiles.
- A t'entendre, cette " bête "... c'est le diable incarné ! gémit une femme terrorisée par cette oraison.
Rutger la dévisagea, perplexe, avant de se retourner vers son auditoire.
- Les femmes et les enfants sont invités à regagner leur domicile et - par précaution - à s'y barricader. Je n'ose envisager qu' "elle " revienne par ici, mais j'ignore encore de quoi " elle " est capable.
Il y eut un mouvement de retraite perceptible dans la foule, tandis que s'élevait un brouhaha de réflexions, la plupart moins encore intelligentes qu'intelligibles, certaines remettant en cause directement la compétence du shérif.
Rutger les ignora et commença à donner ses instructions aux hommes.
- Equipez-vous, certes, mais ne vous chargez pas inutilement. Vous aurez besoin de courir, soyez-en sûr. Et vite !
- Courir ? fit Mac, l'aîné, qui se tenait en retrait de la foule. Il plaisante ! Avec nos bécanes, on aura vite fait de le rattraper ! Et sans suer la moindre goutte.
L'autre, le cadet, exhiba un fusil avec fierté.
- Et mon père s'apercevra pas qu'on lui a piqué sa carabine. Il rentre pas avant trois jours.
- On va se " la " faire, Tod !
Les deux copains échangèrent un sourire complice et une poignée de main secrète.
- Quand on leur rapportera la peau de cette " bête ", reprit Mac, ils arrêteront enfin de nous prendre pour des petits cons à motos.
Quelqu'un passa à côté d'eux en trombe avant de fendre la foule. L'homme ne s'arrêta qu'une fois parvenu devant l'estrade.
- Shérif ! dit-il hors d'haleine. La " bête "...
A la seconde, tout le monde se tût en retenant son souffle... on aurait entendu une mouche voler.
- ... " elle " a massacré les Hanson. Les voisins viennent d'appeler. Ils ont entendu des cris. Ils sont arrivés en force et ont trouvé les corps déchiquetés de Mary et de ses trois enfants. La bête s'était déjà enfuie... et Jim manque à l'appel.
- Qu'en a-t-"elle " fait ? questionna Will, le droguiste.
- " Elle " a du vraisemblablement l'emporter dans le forêt pour finir de le dévorer.
Le shérif s'était exprimé cette fois à mi-voix, comme absorbé par ses plus profondes et obscures pensées. Il semblait possédé.
- C'est notre chance ! s'écria-t-il soudain. La forêt est vaste mais dense. " Elle " ne progressera pas facilement. Avec les voitures, nous pourrons rapidement nous rendre sur place. Une partie d'entre nous encerclera la forêt, tandis que l'autre s'aventurera à l'intérieur. " Elle " se  retrouvera acculée. Fatalement. C'est notre chance ! répéta-t-il à présent en proie aux plus vifs espoirs. Partons sans plus attendre !
 

Carl Robertson attendait dans la clairière depuis ce qui lui semblait une éternité.

Il aurait pu facilement croire que cette histoire de monstre n’était qu’un prétexte pour raviver l’esprit fédérateur et guerrier d’une communauté d’hommes depuis longtemps endormis par la banalité du quotidien.

Oui, il aurait pu facilement le croire. S’il n’y avait pas eu des morts. Autant de morts.

Comme pour le convaincre davantage, le monstre jaillit brusquement d’un fourré devant lui. Sa taille et sa férocité lui firent dresser les cheveux sur la tête. Ses yeux lupins jetaient des éclairs sanglants. La peur au ventre, Carl le mit en joue et fit feu. La balle sembla ricocher sur son épaule. Au moment où la bête reprit contact avec le sol, il entendit un violent craquement de branches suivit d’un formidablement grondement. Elle venait de tomber dans son piège. Il faillit presque hurler de joie. Il regretta de se trouver seul à ce moment précis. Il aurait tellement aimé partager cet instant de gloire avec les autres. Mais cela viendrait bien assez tôt. Tandis qu’il s’approchait du piège, il voyait déjà le shérif Bloomfield lui décerner une médaille et les autres habitants s’émerveiller de sa hardiesse. La reconnaissance qui lui avait tant manqué durant toute sa vie, il allait enfin la trouver grâce à cette maudite bête.

- Eh les gars, je l’ai eue cette satanée bestiole ! Elle est énorme ! Un vrai monstre ! Venez voir !

Il s’arrêta au bord du trou. Même un animal de cet acabit ne pouvait réchapper d’un tel piège. Les pieux acérés dont il avait garni le sol et les parois étaient de taille à transpercer un ours dans la force de l’âge. Le trou était silencieux. La bête n’avait même pas eu le temps d’agoniser. Carl alluma sa torche et la braqua dans les ténèbres s’étendant sous ses pieds.

Ce qu’il vit l’estomaqua. La bête n’était pas morte. Elle n’était même pas tombée. Agrippée à l’un des pieux, elle avait attendu sagement qu’il commette une imprudence. Le faisceau de la lampe éclaira son sourire aiguisé de prédateur avant qu’elle ne se jette sur l’infortuné chasseur.

Kurt Meyers venait d’entendre quelqu’un hurler. Il courut, le cœur battant à tout rompre. Cette chasse avait toutes les apparences d’un  jeu de massacre. Ils étaient en nombre, mais quelque chose lui disait que c’était une bien piètre consolation. Leur ennemi n’avait qu’à se tapir dans les ténèbres et jaillir au bon moment. Sa nature ferait le reste.

Lorsqu’il arriva à proximité du piège de Carl Robinson, il regretta d’avoir formulé une pensée aussi juste. La bête était là. Elle tenait le malheureux Carl qui faisait figure de poupée entre ses monstrueuses mâchoires.

- Mon dieu, aidez moi !

Kurt tressaillit. Carl était encore en vie.

Il pointa son fusil vers le loup-garou.

D’un coup de griffes, ce dernier éventra le corps de Carl dont les entrailles se répandirent sur le sol. La seconde d’après il jeta le cadavre éviscéré sur Kurt qui ouvrit le feu. Déséquilibré par le poids mort, il manqua sa cible. A peine remis de cette attaque, il vit la bête se ruer sur lui. Il lança son fusil vers elle. D’un coup de mâchoires, elle brisa l’arme comme un cure-dents. Kurt comprit que son sort n’allait pas différer de celui de Carl. Alors qu’il sentait sa dernière heure arriver, une détonation retentit. Le monstre fut repoussé et tomba derechef dans le trou.

Kurt en profita pour se réfugier derrière un arbre. Il porta son regard vers son sauveur. Ils étaient deux. Le bruit de leurs motos et leurs beuglements furent suffisants pour les identifier.

- Mac ! Todd ! Vous êtes cinglés ! Vous n’avez aucune chance contre lui !

- On aurait peut-être dû le laisser crever, fit Todd. Je le trouve plutôt rancunier pour un mec qui a failli servir de bifteck !

Mais Mac ne l’écoutait pas. Il était encore sous le choc de ce qu’il venait de voir.

- T’as vu sa taille ! Putain, il est énorme !

- Ouais et il a pas l’air d’humeur à jouer à cache-cache.

Mac se posta près de Kurt dont le regard ne se détachait pas de la cavité.

- Vous allez bien, M’sieur Meyers ?

L’intéressé tentait tant bien que mal de se remettre de ses émotions.

- Vous allez me faire le plaisir de foutre le camp d’ici ! Que dirait votre père s’il vous savait ici ?

Mac lui adressa un regard noir :

- Ce n’est pas la gratitude qui vous étouffe.

Kurt réalisa combien sa réaction était inadaptée. Mais il devait se focaliser sur l’essentiel. Et l’essentiel était de fournir le moins de victimes possibles au prédateur.

- Excusez-moi, je sais que je vous dois beaucoup. Mais vous ne devez pas rester là.

Un craquement sonore les fit tous les trois sursauter. Le bruit provenait du trou.

Kurt s’affola.

- Donne-moi ton fusil ! Vous ne devez pas rester ici. Dépêchez-vous. Vous ne savez pas à quoi nous avons affaire !

Mac le dévisagea avec une gravité surprenante pour son âge :

- Je crois que personne ne le sait vraiment.

A contre cœur, il laissa sa carabine à Kurt qui l’épaula aussitôt.

Mac fit un signe à Todd qui avait rapproché sa moto du trou.

- Non, on reste, fit-il avec humeur. On avait dit qu’on se le faisait.

Quelque chose jaillit du trou à une vitesse stupéfiante puis disparut dans les frondaisons des arbres.

- Merde ! fit Todd en écarquillant les yeux de stupeur.

Mac le rejoignit.

- Viens on se tire de là ! M’sieur Meyers a raison. C’est de la folie.

Todd visa la cime des arbres.

- Je te retiens pas.

Mac lui agrippa l’épaule.

- Je partirai pas sans toi !

Kurt ne supportait pas cette situation qui l’obligeait à veiller sur trois vies en même temps.

- Mais merde, c’est pas un jeu ! Vous avez vu Carl ?

Au moment où les deux garçons portaient leur regard sur les restes du chasseur, une main griffue se referma sur l’arme de Kurt. Soulevé comme une plume, il disparut dans le feuillage, qui l’instant d’après résonna d’un horrible bruit d’arrachement. Les deux garçons furent paralysés. C’était plus effrayant que le pire de leurs cauchemars.

Le corps sans vie de Kurt retomba à quelques mètres d’eux. Malgré la pénombre, ils purent voir nettement le trou béant qui remplaçait son visage. Là où les crocs de la créature avaient fait leur œuvre.

La bête retomba au sol. Les contours  fantastiques de son corps hybride fascinèrent autant qu’ils terrifièrent les deux adolescents. Les reflets de la lune semblaient jouer sur ses muscles puissants et tendus. Sa face hirsute éclaboussée de rouge, ses yeux au reflet spectral, sa gueule débordante de canines avides en faisaient la parfaite incarnation du mal.

Un mal que personne n’était préparé à affronter.

Todd donna un coup de gaz et s’élança sur le monstre à toute vitesse.

Mac poussa un cri.

Le loup-garou s’élança sur ses quatre membres. Todd sauta sur le côté. Tel un insolite projectile, sa moto poursuivit sa course. La bête la balaya de sa trajectoire d’un revers de main.

Todd s’élança vers Mac en évitant de regarder derrière lui.

Mac démarra. La bête bondit. Sa gueule se referma à dix centimètres du cou de Todd qui prit place adroitement derrière Mac. C’était l’un de leurs jeux favoris au village. Sauf que d’habitude, c’était les hommes du shérif Bloomfield qui leur couraient après.

Le deux roues s’enfonça dans la forêt, les grondements hargneux du lycanthrope accompagnant sa course.

La bête semblait combler l’écart. Elle mettait à profit le moindre élément du terrain. Une pierre, un tronc d’arbre devenaient pour sa solide mais souple carcasse un tremplin des plus efficaces.

Todd s’attendait à tout instant à sentir les monstrueuses mâchoires se refermer sur son fragile corps d’adolescent.

- Plus vite, Mac !

Mac tenait leurs deux vies entre ses mains. C’était beaucoup de responsabilités pour un garçon de son âge. Mais il avait toujours aimé relever les défis. Il n’en trouverait jamais d’aussi grand. La récompense valait sûrement le coup. Si jamais on s’en sort, se répétait-il.

La bête fulminait de voir ses proies lui échapper. Lorsqu’elle avisa une branche colossale un peu plus loin, un rictus retroussa ses babines luisantes. D’un bond elle se colla contre l’arbre – qui plia presque sous son poids - et arracha d’une main sa massue improvisée qu’elle envoya dans la roue arrière de la moto. Celle-ci fut projetée au sol dans un nuage de terre et de feuilles mortes. Les deux garçons roulèrent au sol. La bête reprit instantanément sa charge. Elle avait presque rejoint ses deux proies neutralisées lorsqu’un déluge de lumière l’aveugla.

- On la tient !

Le shérif Bloomfield et ses hommes venaient d’allumer les phares de leurs véhicules. Le guet-apens avait fonctionné.

- Tuez-moi cette saloperie !

Les armes détonèrent dans un concert assourdissant. Les balles déchiquetèrent le torse du loup-garou. Il tenta une esquive, mais d’autres hommes vinrent à la rescousse et firent parler la poudre à leur tour. La bête se jeta contre une camionnette dans un effort désespéré. Plusieurs chasseurs furent jetés au sol. Elle en piétina un, décapita un autre tandis que son corps pleuvait des rigoles de sang. Lorsque son regard se posa sur le shérif, elle se redressa et sembla trouver un regain d’énergie. D’un coup de griffes, elle rejeta un autre véhicule et s’élança. Le shérif n’eut aucune peine à l’avoir dans sa ligne de mire.

- Désolé, Cliff !

La balle transperça l’œil gauche de la bête qui s'écroula, encastrant sa carcasse dans une jeep.

Tous les hommes se regroupèrent autour du corps, s’attendant à le voir se relever à tout instant. Jack l’étudia des pieds à la tête en hochant la tête.

- C’est pas croyable une chose pareille !

Todd et Mac les rejoignirent, bouleversés par leur aventure.

Bloomfield les considéra avec un mélange de respect et d’étonnement.

 

***

 

Les femmes terminaient d’inhumer les corps de la famille Hanson.

Emily Atkins monta dans la chambre à coucher.

Elle contempla avec une immense tristesse les portraits encadrés décorant les murs de la pièce.

C’est ainsi qu’elle remarqua une lettre laissée en évidence sur le bureau. Intriguée, elle s’approcha et lut :

Cette nuit sera sans doute ma dernière ainsi que la dernière de beaucoup d’habitants de Slaughterfalls. Je profite de ces derniers instants de lucidité et surtout d’humanité pour confier un lourd et terrible secret. Une bête innommable m’habite depuis quelques jours, un démon que je devine et qui se fortifie dangereusement. Cette chose est en moi depuis mon altercation avec Cliff Hanger. Un évènement qui est resté sous silence. Pour notre plus grand malheur. Ce jour-là, il était particulièrement agressif et  nous nous sommes sévèrement empoignés. Il a dû me mordre pour se libérer. Cliff cache la même malédiction que moi, j’en suis convaincu. J’ignore par qui elle lui a été transmise. Sans doute l’ignore-t-il lui-même. Je ne sais. Mais ce que je sais, c’est que cette nuit, la pleine lune va briller au-dessus de Slaughterfalls et  je ne serai bientôt plus moi-même. J’espère seulement être en mesure de détruire la bête qui sévit en Cliff et que vous détruirez la bête qui sévit en moi. Que Dieu me pardonne.

                                                                                     Jim Hanson


Un cri sauvage déchira la nuit. Les regards des chasseurs se portèrent sur une falaise qui dominait la forêt. Une silhouette animale s’avança jusqu’au bord et se dressant sur ses membres postérieurs produisit un nouveau hurlement. Derrière elle, la lune resplendissait.

- Putain de merde, y en a un autre !

Cette nouvelle déclencha un mouvement de panique. Personne ne se sentait de taille à affronter le Diable une deuxième fois.

Le shérif fit feu, obtenant immédiatement l’attention requise.

- Ecoutez-moi ! Nous avons eu celui-ci. Nous aurons celui-là. Tout repose sur nous. Il n’y a pas d’autre alternative.

- Mais on a presque plus de munitions !

Bloomfield adopta une posture qui à elle seule exprimait toute sa détermination.

- Si nous devons fabriquer des balles pour avoir sa peau, nous les fabriquerons. Je n’irai pas me coucher tant que respirera cette chose !

La jeep émit un craquement et dans la seconde qui suivit les crocs du loup-garou se refermèrent sur le bras désarmé du shérif. Des coups de feu retentirent, mais la bête ne lâcha pas prise pour autant. Surmontant sa douleur, Bloomfield plaça le canon de son fusil entre les yeux du monstre et pressa la détente. Les mâchoires le relâchèrent  enfin.

Tandis qu’on lui confectionnait un pansement de fortune, il scruta la créature :

- Brûlez-moi cette saloperie ! Et brûlez tous les cadavres que vous trouverez, hommes, bêtes, peu importe !

Alors que les chasseurs commençaient à se disperser, quelqu’un poussa un cri.

- Regardez !

Le loup-garou abattu par le shérif finissait de reprendre forme humaine. Avec sa boîte crânienne éclatée et son corps criblé de balles, le cadavre était difficilement reconnaissable. Mais tout le monde put se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de Cliff Hanger.

Le shérif s’agenouilla près du cadavre.

- Merde alors !

- Qui est-ce ?

Jack se baissa à son tour. Il repéra un tatouage qui ne lui laissa aucun doute.

Il se redressa :

- C’est Jim Hanson.

Des exclamations de stupeur répondirent à sa déclaration.

Le shérif prit une profonde inspiration.

- Alors c’est Hanger qui est là-haut.

Il ôta son chapeau et posa son arme.

Jack le dévisagea, stupéfait.

- Qu’est-ce que vous faites, Rutger ?

- Je vais en finir. Seul un loup-garou peut venir à bout de Cliff.

Il observa son pansement.

- Et bientôt, j’en serai un.

Un silence s’ensuivit qui en dit long.

- Vous allez survivre, Rutger, osa l’un des chasseurs. Vous allez nous revenir.

Bloomfield le regarda avec une terrifiante froideur.

- Si je survis, descendez-moi. Et je vous conseille de ne pas hésiter. Ne me faites pas de cadeau car moi je ne vous en ferai pas.

Le courage dont avait fait preuve Rutger Bloomfield tout au long de sa carrière avait toujours été reconnu par la population qui voyait en lui un justicier providentiel.

Il allait donc mourir comme il avait vécu. Avec ce sang-froid sans pareille.

Les hommes s’écartèrent pour le laisser rejoindre son véhicule. Le shérif sentit l’émotion le submerger tandis que des mains amicales pleines de ferveur saluaient son départ.

Sans se retourner, il grimpa dans sa jeep et démarra.

Tandis qu’il roulait, il observa le rond plein de la lune, spectatrice privilégiée de tout ce carnage. Il la maudit.

Lorsqu’une douleur aiguë lui vrilla la poitrine, il sut que son destin était scellé.

 

***

 

Cliff Hanger – ou plutôt la forme animale qui l'avait investi depuis le début de cette histoire – dévalait la pente abrupte de la falaise, ses griffes redoutables se plantant dans la roche aussi sûrement que des piolets.

Il avisa un véhicule se rapprochant rapidement en contrebas. Un être humain était à bord.

Le lycanthrope accéléra l’allure.

La jeep du Shérif Bloomfield commença à rouler de façon désordonnée comme si son conducteur pilotait en état d’ivresse. Mais le shérif Bloomfield était loin d’être saoul : il était ivre de rage.

La voiture s’encastra violemment dans le mur.

Le lycanthrope courut de plus belle. Sa proie était immobilisée. Il salivait déjà.

Une forme terrifiante perfora le toit de la jeep et bondit à une hauteur vertigineuse.

Dans un grand envol de lambeaux de vêtements et de peau humaine, le shérif Rutger Bloomfield – ou tout du moins la créature bestiale qu'il était à présent – se jeta sur celle non moins bestiale de Cliff.

Le choc fut terrible. Les deux monstres percutèrent la paroi - faisant éclater la roche en mille morceaux - avant de chuter eux-même comme deux pierres.

Sous le poids conjugué des deux bêtes, la jeep s’écrasa comme un jouet. Les deux monstres libérèrent leur furie destructrice dans un duel sans merci. Les griffes et les crocs oeuvrèrent dans la plus parfaite démonstration de sauvagerie animale. Les muscles épais lacérés, déchiquetés, continuaient pourtant de s’animer, éternisant cette boucherie. Au lieu de les réfréner, leurs blessures avaient le don de décupler leur insatiable appétit.

Comme la plus infâme drogue, la soif de sang leur brûlait les entrailles, leur interdisant toute idée de reddition, de fuite.

L’un des lycanthropes mordit à pleines dents dans l’épaule de son rival. Il secoua la tête et l’envoya contre la paroi, provoquant un mini éboulement. L’autre ignora le sang jaillissant de sa plaie. D’une détente puissante, il bondit sur son adversaire et le percuta de plein fouet. Les deux monstres s’agrippèrent et tombèrent derechef dans le vide.

La chute fut vertigineuse. Ils plongèrent dans la forêt, arrachant au passage quantité de branches, avant de s’abattre au sol dans un épouvantable fracas.

Un corps remua légèrement. Celui qui se trouvait au-dessus avait bien évidemment moins souffert de la chute. Le vainqueur se traîna, abandonnant la dépouille inerte de son adversaire.

Il  était en sursis. Il devait rapidement se refaire une santé. Et il n’y avait qu’une seule chose capable de réaliser ce miracle.

Sur son chemin, il dévora  tout le gibier qu’il fut en mesure d’attraper. Mais cela n’allait pas suffire. Sa condition réclamait des proies plus nombreuses et plus imposantes.

Il parvint à atteindre la lisière de la forêt. Et c’est là qu’il vit les lumières. Pas celle d’un hameau, pas celle d’un village insignifiant comme Slaughterfalls. Non. C’était une véritable ville qui venait de lui apparaître. Une ville remplie d’habitants, confiants, insouciants, tranquillement endormis. Des proies idéales. La nuit ne faisait que commencer pour Cliff. Son instinct bestial venait seulement de se réveiller.

Se réveiller. Oui, il fallait absolument qu’il se réveille. Qu’il sorte de ce cauchemar interminable.

Cliff Hanger ouvrit les yeux...

 

***

 

Thad nettoyait son comptoir. Lorsqu’il vit Cliff se redresser, il sourit :

- Ca y est, tu émerges enfin ! J’espère que t’as fait de beaux rêves, au moins.

Cliff n’avait pas bu une seule goutte d'alcool. Pourtant il avait une gueule de bois carabinée. Des bribes de son rêve s’accrochaient à sa raison comme un mollusque à un rocher.

Il comprit que rien de ce qu’il avait entrevu ne s’était encore produit, que tout pouvait être encore évité. Mais pour combien de temps ?

- Dis-moi, reprit Thad. Puisque Ute n’est pas encore là, tu pourrais pas me tirer les cartes. En ce moment avec Lily, y a de l’eau dans le gaz. J’aimerais vraiment savoir si on va rester ensemble. C’est pas que j’ai quelqu’un d’autre en vue, tu vois, mais ce ser…

Cliff s’était levé. Il s’approcha du comptoir et scruta Thad avec un regard hébété.

- Ca va pas, Cliff ?

- Est-ce que c’est la pleine lune ?

- Hein ? J’en sais rien.

Puis Thad parut comprendre quelque chose.

- Ah, je vois. C’est un bon présage pour le couple, c’est ça ? Plus elle est pleine, mieux c’est.

Le regard de Cliff lui apprit qu’il faisait fausse route.

- Imbécile, tu comprends rien ! On est sûrement tous en danger !

Cliff se rua au-dehors et leva les yeux au ciel.

La lune était là, semblant le contempler, elle aussi. Elle était ronde, pleine, parfaite.

Cliff crut qu’il allait vomir. Hypnotisé par l’astre, il ne vit pas un personnage vêtu d’un imperméable s’approcher de l’entrée du bar. Mais son sixième sens exacerbé se chargea de le prévenir. Il se jeta sur le visiteur. Celui-ci produisit un fusil à pompe. Les deux hommes luttèrent pour sa possession. Thad les observa, complètement dépassé par les évènements.

Le visiteur parvint à repousser Cliff qui s’écroula dans la salle. Thad s’approcha.

Cliff se releva. Il avait récupéré l’arme.

- Ce type était venu piquer ton fric.

Il pointa le fusil en direction du voleur et l’arma.

Thad secoua la tête.

- Non, ne fais pas ça. Je vais appeler Bloomfield et…

Le voleur était à genoux dans l’entrée. Il agitait les mains.

- Non, ne tirez pas ! C’est vrai, je voulais l’argent, mais je ne ferai de mal à personne !

L’expression de Cliff était d’une inquiétante fermeté.

Lorsqu’il sentit la métamorphose s’annoncer en lui, il sut qu’il pouvait tout changer d'un seul geste.

- Moi, si.

Il retourna le canon du fusil vers lui et appuya sur la détente. 

 

***

 

Rutger Bloomfield regarda les hommes emporter le corps de Cliff Hanger. Madigan, son assistant, repoussa une fois de plus deux jeunes intrépides à moto avant de venir le rejoindre.

- Sale nuit. Qu’est-ce qui a bien pu lui prendre à lui aussi?

Bloomfied ôta son chapeau, se peigna furtivement les cheveux, avant de se recoiffer.

- Aucune idée. Ca me dépasse complètement. Hanson qui se pend une heure plus tôt. Si ça continue, cette ville va vraiment mériter son nom.

Madigan fixa le ciel avant de déclarer :

- C’est sûrement à cause de la pleine lune. Elle influe sur les marées. Alors quand on sait que le corps humain est constitué d’eau à quatre-vingt pour cent…

Le shérif lui décocha un regard qui lui ôta toute envie de développer sa thèse.

- Au lieu de raconter des conneries, va dire à Ute de venir me voir. Elle est sûrement la seule à pouvoir nous mettre sur la voie.

- Ok, Chef. Elle vient d’arriver justement.

Thad enlaçait Ute. Mais il avait autant besoin de réconfort qu’elle. Il avait dû se changer et même se laver. Le sang de Cliff, il le sentait pourtant encore sur lui. Comme une encre indélébile.

Ute n’arrivait pas à comprendre, encore moins à accepter. Le pourrait-elle un jour ?

Cliff était ce qu’il lui était arrivé de mieux dans sa vie d’aventures et d’errance. Elle ne pourrait pardonner une telle tragédie. Elle avait besoin d’étancher sa soif de justice. Mais contre qui se venger ?

A sa peine se mêla une sourde colère, un sentiment indomptable qu’elle semblait connaître pour la première fois. Elle leva ses beaux yeux bleus vers le ciel d’un noir d’encre dans lequel la lune faisait comme une tache de lumière. Insolente. Elle la trouva particulièrement belle.

Ute se serra davantage contre Thad. D’un seul coup, elle se sentit plus forte. Elle ne put s’empêcher de produire un sourire carnassier.

 

A Slaughterfalls, la nuit promettait d’être chaude... très chaude !

 

 

 FAIM

 

 

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vendredi, 09 novembre 2012

MatriX-Men [Fanfic Crossover]

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Jenna courait à perdre haleine, désespérée, terrifiée. En réalité, tout cela n’était qu’en partie vrai étant donné que sa respiration et tout ce qui était lié à son corps n’étaient qu’une projection virtuelle. Comme tout ce qui l’entourait d’ailleurs. Son sentiment de mort imminente, en revanche, était tout sauf illusoire.
« Si on meurt dans la matrice, on meurt aussi pour de vrai » se répétait-elle malgré elle.
Un moyen comme un autre de développer l’instinct de survie surtout lorsqu’on a deux agents hargneux aux trousses. « J’suis qu’une ado ! J’ai même pas 18 ans ! » Une balle siffla et ricocha contre le mur. Prendre cette ruelle n’était peut-être pas une bonne idée. Sauf si elle était complètement déserte. Elle pria pour que ce fut le cas. Elle ne connaissait que trop bien le pouvoir des agents de phagocyter n’importe quelle pilule bleue. C’est comme cela qu’on appelait affectueusement tous ceux qui n’avaient pas atteint le stade d’éveillé. Ce qu’elle était récemment devenue par l’entremise d’un certain Neo. Depuis les choses s’étaient gâtées pour elle. Heureusement il y avait des compensations.
Un clochard jusqu’alors recroquevillé derrière une poubelle se redressa brusquement porteur d’un smoking et d’un brushing impeccables. L’agent contempla la bouteille dans sa main d’un air perplexe avant de la lancer brusquement sur sa cible. Il fit feu juste après. Jenna sentit le danger poindre à vitesse grand V. Pour autant elle se sentit capable de l’affronter. Elle sauta et colla un talon contre chaque paroi dans un admirable grand écart facial. Le projectile improvisé destiné à l’étourdir fila entre ses jambes avant de frôler la tête de son deuxième poursuivant qui l’esquiva d’une simple torsion du cou avant de faire feu lui aussi. Le temps fut alors comme ralenti. Jenna effectua un salto inversé avant de plonger et de bouler au sol, esquivant ainsi les balles. Sans temps mort, elle fonça tête baissée vers un affrontement inévitable avec le pire ennemi de la résistance humaine.
Non, elle était plus qu’une ado. Surtout depuis sa rencontre fatidique avec Neo et son entraînement accéléré. Neo, le maître d’œuvre de la Révolte contre les Machines et leurs émissaires dans la Matrice. Les redoutables et mortels Agents.
Une main sur son oreillette, l’ex-clochard écouta de brèves instructions de l’Agent Smith, le super Agent, leur leader et accessoirement la Némesis de Neo. Elle ne vit pas son adversaire arriver sur elle. Il franchit la distance qui les séparait d’un seul bond la projetant à l’autre bout de la ruelle. Une aubaine pour l’autre agent qui la renvoya d’un coup de pied comme une balle humaine. Jenna percuta violemment le sol.
Dans l’hovercraft « L’Icare », clouée sur un siège, son crâne encore rasé vissé à la Matrice, la vraie Jenna, yeux clos, cracha une giclée de sang, alertant les membres de l’équipage alentours sur sa délicate situation.
Jenna se redressa, le regard embrumé par la violence du choc. « Ce n’est pas réel ! C’est comme un rêve lucide ! Je peux tout contrôler. Je peux tout c… » Une pluie de coups de poing s’abattit sur elle. Elle rebondit contre un mur avant de s’écrouler comme une marionnette privée de fils. « Merci Neo, je te revaudrai ça dans une autre vie ! » Une voix grave jaillie de nulle part fit avorter le coup de grâce :
- Dis-donc, le costard, t’as pas honte de t’en prendre à une gamine ?
Le visiteur sauta du toit et atterrit avec un aplomb exemplaire face à l’Agent.
Il avait le cheveu ébouriffé et le regard enfiévré du type qui a bu, mais qui même sans ça est peu enclin à causer. Mais il avait aussi et surtout les rouflaquettes impeccables de même que l’éternel cigare vissé au coin des lèvres. Logan jeta un regard à Jenna avant de sortir ses griffes dans un froissement métallique de mauvais augure.
- T’as assez de couilles pour…
Logan reçut un bombardement de parpaings – ou d’enclumes au choix – dans la figure et le torse. Il chancela et recula sous l’assaut avant de scruter son adversaire. Non, le costard avait juste utilisé ses poings et ses pieds. Il comprit qu’il avait affaire à une pointure.
- D’accord, fit-il en serrant les dents.
La seconde d’après, ses griffes entraient en action. Il eut beau lui faire un rasage de près sur toute la surface, la logique resta sourde à sa performance.
- Merde, c’est un mutant !
- Non, c’est pire !
Jenna avait retrouvé ses esprits. Elle emprisonna l’Agent d’un ciseau. L’occasion idéale pour Logan :
- Evite celle-là !
Il le décapita sauvagement. Mais à sa grande stupeur, le corps entier disparut dans une étrange série d’éclairs avant de réapparaître sous la forme d’un cadavre de clochard…sans tête.
Logan leva un sourcil :
- D’habitude ça fait pas ça !
Il dressa ses griffes à temps pour repousser une série de 9 mm dans un concert d’étincelles.
Il se tourna pour faire face à l’autre Agent venant à leur rencontre, mais Jenna l’entraîna avec elle vers l’autre bout de la ruelle :
- Laisse tomber. Ces mecs repoussent plus vite que mon acné !
- Si c’est pas des mutants, c’est quoi ?
- Ce serait trop long à t’expliquer ! Mais tes griffes, j’avoue, c’est très pratique. J’y aurais jamais pensé. Avec un pouvoir pareil, tu peux pas être une pilule bleue ! Hein ? T’es sorti depuis quand de la Matrice ? T’as rencontré Neo ?
Logan grogna.
- Dis, c’est normal si je pige rien à ton charabia ?
Jenna sourit comme pour couper court à de trop longues explications :
- Je m'appelle Jenna. Et toi ?
- Logan.

Ils finirent par déboucher en pleine rue. Jenna les orienta vers une zone moins peuplée à cette heure.
- Faut éviter les lieux publiques !
- Pourquoi ? T’es une geek ?
Jenna s’amusa de l’ignorance du baroudeur bourru :
- Disons, pour que tu comprennes, qu’ils peuvent se téléporter.
- Ouais bah c’est un truc de mutant.
Jenna sourit avant de prendre le temps de réfléchir. « Peut-être que tous ces fameux mutants étaient des éveillés qui s’ignoraient ! » Un bon point pour la résistance. La jeune fille se félicita de cette nouvelle rencontre. Neo serait fier d’elle !
Encouragée par cette pensée, une idée lui traversa l'esprit :
- On va aller chez Josepha !
- C'est qui ?
- C'est un bar dans un quartier défavorisé.
- T'avais dit pas de lieux publiques.
- C'est pas un lieu publique, c'est un refuge. Et justement, on a besoin de se poser. Je vais appeler une amie.
- T'as pas de portable ?
- J'ai plus confiance dans ces machins depuis un moment.
Après avoir emprunté une enfilade de rues à l'écart de la foule, le tandem parvint à destination.
Enseigne incomplète, vitres sales et murs bardés d'affiches et de tags : la devanture du bar affichait clairement sa nature de refuge pour marginaux. Logan haussa un sourcil de perplexité avant de renifler bruyamment comme un animal.
- Je suis pas difficile, mais là... J'ai peur de perdre un orteil si j'y mets un pied. Et comme les miens repoussent pas. S'ils servent à boire, j'ose pas imaginer le goût de la bière.
- Entre au lieu de jouer les saintes nitouches.
Logan regarda Jenna pousser la porte et entrer. La gamine avait de l'aplomb pour son âge signe qu'elle avait dû en baver. Il ne pouvait qu'apprécier. Il la suivit.
La salle était déserte. Personne pour les accueillir.
Logan passa un index sur une table aussi crasseuse que le sol.
- Y a quelqu'un ?
- Te fatigue pas. Y a jamais personne à cette heure.
Logan jaugea l'épaisseur de la poussière qui recouvrait le mobilier dans son ensemble.
- A cette heure seulement ?
Jenna ne lui répondit pas. Elle avait disparu derrière un rideau.
Logan chercha quelque chose à boire, sans succès. Ce taudis avait l'air plus factice qu'un décor de cinéma. Il haussa les épaules et s'assit sur une chaise...qui ne résista pas à son poids et l'envoya durement sur le postérieur.
- C'est une blague ou quoi ?
Il se releva en grognant.
- Bon, ça suffit les conneries ! J'en ai plein le cul de cet endroit ! Je vais attendre dev...
Un vrombissement de moteur l'interrompit. D'instinct, il sortit les griffes et se coula contre la porte. Une moto venait de se garer à proximité. Une silhouette tout de noir vêtue s'approcha. Elle portait des lunettes boires. Mauvais signe.
- Eh, gamine, on a de la visite !
Encore une fois, Logan n'eut pas de réponse.
Lorsque la porte s'ouvrit il porta un coup puissant qui aurait transpercé un boeuf. Mais ses griffes ne firent que lacérer le vide. Le visiteur avait boulé au sol. Logan enchaîna avec une autre attaque aussi mortelle, mais ses griffes se fichèrent dans le parquet soulevant un nuage de poussière. La seconde d'après il sentit l'extrémité d'un pistolet contre ses testicules.
- Range tes ongles si tu veux encore chanter comme un ténor sous la douche.
Un genou au sol, la femme toisait son adversaire sans la moindre once d'étonnement. A croire qu'elle en avait déjà vu d'autres. Ce qui était bien évidemment le cas.
Jenna choisit ce moment pour réapparaître.
- Trinity ? Tu as fait super vite !
- J'étais pas loin. Qui c'est celui-là ? Encore un clochard dont tu as eu pitié.
- Eh, la Catwoman du pauvre, si tu me traites encore de clodo, je te fais un joli décolleté.
Trintiy l'ignora superbement. Avec ses lunettes, elle avait des allures d'insecte. Logan aurait penché pour une mante religieuse. Elle ne releva pas sa provocation :
- A en croire ses...aptitudes, c'est pas une pilule bleue, mais rappelle-toi que cela ne veut parfois rien dire. Néo et moi, on en sait quelque chose. Ce taré de Cypher a bien failli avoir notre peau.
- T'inquiète, il est clean. Il m'a filé un coup de main tout à l'heure ou plutôt un coup de griffes. Je serais peut-être pas là en train de te parler s'il était pas intervenu.
Logan s'autorisa à sourire.
- Je veux bien accepter tes excuses.
Trinity se redressa tout en continuant à le menacer.
- Il faut qu'on discute, mais pas devant lui.
Profitant d'une seconde d'inattention de sa part, Logan la désarma d'un coup de griffe, la poussa contre le comptoir d'un coup de pied avant de bondir sur le zinc les lames toutes prêtes à l'égorger :
- J'aime pas tes façons, ma belle !
Ce qui mit Jenna dans tous ses états :
- Arrête, tu fais n'importe quoi ! On est tous dans le même camp !
Une fenêtre explosa, vomissant un Agent sur le sol de la salle qui se releva en un éclair, l'arme au poing, l'autre main sur son inséparable oreillette.
- J'ai retrouvé la jeune fille. Non, elle n'est pas seule. Mlle...
- Je t'interdis de prononcer mon vrai nom !
Au comble de l'exaspération, Trinity logea un genou dans l'entrejambe de Logan avant de le repousser d'un coup de pied. Assez violemment pour qu'il passe à travers l'autre fenêtre du bar qui vu son état ne demandait de toutes façon qu'a être remplacée. Trinity se plaça ensuite de façon protectrice devant Jenna tout en faisant vaillamment face à l'Agent :
- Tu ferais mieux d'appeler des renforts. Je suis vraiment pas d'humeur.
L'Agent sourit :
- Ils sont déjà là.
Logan ne prit même pas la peine d'essuyer le sang de ses blessures. Sa cicatrisation naturelle se chargea de préserver son charme naturel. Mais alors qu'il se relevait en grimaçant plus de rage que de douleur, il eut la vision de deux souliers d'homme juste devant lui, parfaitement noirs et lustrés.
- Monsieur Logan. Ravi de vous rencontrer enfin. J'ai beaucoup entendu parler de vous.
L'Agent Smith esquissa un sourire qui fit passer son exemplaire courtoisie pour une condamnation à mort.
Logan lui fit face.
- T'es qui, toi ?
Le bras de l'Agent se détendit à la vitesse d'un serpent. Il saisit Logan à la gorge et le souleva de terre avant de l'envoyer éclater l'extrémité d'un réverbère. Logan se reçut sur le ventre. Il sentit ses côtes cassées se restructurer instantanément. Habitué au phénomène, il n'y prêta guère plus d'attention.
- Ok, t'es super costard.
Smith l'étudia comme un vulgaire insecte.
- Croyez-vous avoir une chance contre moi, Monsieur Logan ?
L'intéressé fit jaillir ses griffes.
- Pas une, six !
Puis il se rua sur son adversaire en hurlant.
A l'intérieur du bar, le combat faisait rage également. En fâcheuse posture malgré sa hargne et son expérience, Trinity hurla :
- Jenna, sur les toits, je te rejoins !
Elle n'avait pas plus tôt dit ça que l'Agent la projetait à travers la porte. Une seconde plus tard, c'est Logan qui empruntait malgré lui ce passage improvisé.
Il cracha une giclée de sang :
- Eh, j'aime pas jouer les balles de flipper !
L'autre Agent l'ignora et commença à se diriger vers les escaliers, par là même où Jenna venait de s'enfuir.
Smith s'empressa d'accueillir la compagne de Neo.
- Ravi de vous revoir. Cela faisait longtemps, Mlle...
D'un simple coup de pied la jeune femme fit basculer le lampadaire qui s'écrasa contre la façade du bar.
Smith reçut un message de l'Agent dans son oreillette et il comprit ce qu'elle s'apprêtait à faire. Alors qu'un combat mortel semblait inévitable, il disparut sans crier gare.
Trinity en profita pour se ruer sur sa moto et démarrer dans la foulée. Elle fit crisser le pneu arrière dans un nuage de fumée avant de s'élancer. La moto roula sur le lampadaire et ce pont improvisé lui permit de bondir au-dessus des toits.
L'Agent avait presque rejoint Jenna lorsqu'il fut écrasé par une moto lancée à pleine vitesse.
Trinity atterrit superbement juste devant la jeune fille.
- Tout va bien ?
- Oui, tu es arrivée à temps. Sympa, le coup de la moto.
Trinity esquissa un sourire.
- Je pense que je m'en resservirais.
Ne se sentant pas encore hors de danger, Trinity entraîna Jenna dans sa course.
- Mais Logan ?
- Oublie-le. C'est peut-être un éveillé, mais il nous ralentirait.
Jenna n'était évidemment pas de cet avis, mais elle ne protesta pas davantage.
Comme elle voyait que cette décision l'avait peinée, Trinity eut une idée pour la distraire :
- Fais-moi voir ce que tu vaux en saut en longueur !
Les deux amies se lancèrent alors dans un concours hors du commun. Bondissant de toit en toit, elles rivalisèrent d'efforts. Trinity était bien sûr plus à son avantage, mais Jenna ne démérita nullement et elle reçut de vives félicitations quant à ses progrès en la matière.

Le soir commençait à tomber. Les deux femmes pouvaient se laisser convaincre d'avoir échappé à leurs poursuivants. Du moins pour un temps. Jenna connaissait les toits de la ville par coeur et elle se faisait un plaisir de montrer à Trinity des chemins et des planques connues d'elle seule. Elle voulait que Trinity soit fière d'elle et Trinity ne la déçut pas.
Un peu plus loin, devant eux, une vieille dame assise sur un banc donnait à manger aux pigeons.
Sa silhouette était familière à Jenna. Son visage s'éclaira aussitôt lorsqu'elle la reconnut.
- C'est Josepha !
- Une amie à toi ?
- Oui.
Jenna allait s'élancer joyeusement vers la vieille dame qui venait de se lever pour sceller leurs retrouvailles, mais Trinity la retint pas l'épaule.
- Ce n'est pas ton amie.
Le visage débonnaire de Josepha se tordit atrocement et son corps disparut au profit de celui d'un Agent. Le plus dangereux de la Matrice.
Jenna paniqua :
- C'est Smith, il nous a retrouvé !
- A nous deux on peut l'avoir !
Trinity apprécia de voir autant d'assurance et de confiance en Jenna. Mais pour autant elle n'était pas dupe. Une seule personne avait pu vaincre l'agent Smith : Néo. Parce que c'était l'Elu. Et depuis, les Machines avaient procédé à quelques mises à jour afin de rendre son programme de défense encore plus performant.
Smith bondit sur elles sans crier gare.
Trinity se prépara au choc lorsque de puissantes lumières les aveuglèrent. Quelque chose de massif percuta Smith de plein fouet l'envoyant se perdre dans la nuit.
Une sorte d'avion furtif venait d'apparaître. Une ouverture se dessina dans le flanc de l'appareil et Logan les invita à monter à bord :
- Discutez pas !
Jenna fut trop heureuse de retrouver le mutant pour hésiter. Voyant Trinity faire la fine bouche, il ajouta :
- Allez, sans rancune !

Le Professeur Xavier était à bord, lui aussi. Ayant capté de bien étranges signaux alors qu'il usait du Cérébro, il n'eut qu'à ancrer son esprit sur le mutant en maraude pour comprendre la gravité des évènements.

- J'avoue, avec une certaine angoisse, que leurs pouvoirs me dépassent.  Ce ne sont pas des mutants.

- Techniquement, vous non plus, leur apprit Jenna, quelque peu ravie de jouer les enseignantes à son âge. En fait les mutants n'existent pas. En fait, rien n'est réel.

- Donc tout est permis, fit Wolverine sceptique à souhait, tout en dardant une lame telle une pointe d'Assassin.

Blasée, Trinity soupira.

- J'aimerais tout vous expliquer, mais nous manquons de temps.

Xavier lui adressa ce sourire apaisant dont il avait le secret.

- En savoir beaucoup en un minimum de temps, ma chère, c'est ma spécialité.

Il apposa ses mains sur les tempes de la guerrière et la vérité fut comme un ouragan dans son esprit. Rompant brutalement le contact, il se recula dans sa chaise roulante.

- Mon dieu, tout ceci n'est donc qu'un rêve et la réalité un tel cauchemar !

Pour Xavier le choc était terrible. Il fit un effort visible pour reprendre la parole :

- Je ne sais pas ce qui est le pire. Savoir que la guerre humains-mutants n'a pour ainsi dire jamais eu lieu et que ce conflit n'a aucune raison d'être, qu'il n'est qu'une chimère comme tout le reste ou savoir que le vrai combat a toujours été ailleurs, hors de notre portée.

Il contempla ses jambes, inertes depuis des années.

- Je devrais me réjouir de savoir que mon infirmité n'est qu'une illusion. Pourtant, je n'y parviens pas.

- C'est possible d'être au parfum ? fit Logan avec sa courtoisie légendaire.

Xavier, encore tout retourné de ce qu'il avait vu, s'approcha de lui et tendit ses mains. Logan les repoussa vivement en émettant un son de gorge.

- Je me contenterais d'un résumé oral.

Xavier possédait l'art de bien choisir bien ses mots et il en fit la démonstration une fois de plus. Pour autant, les révélations qu'il fit furent comme une chape de plomb sur les épaules de son protégé.

Logan passa une main dans sa crinière avec une grimace abominable :

- Merde, alors, on est vraiment tous chauves ?

Xavier parvint à sourire :

- Personnellement, je crois que je m'en remettrai.

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à suivre...

 

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lundi, 08 octobre 2012

Cloud Atlas [Vidéos/Trailers]

Quand les créateurs de la saga Matrix s'associent au réalisateur du Parfum et de Cours Lola Cours, on peut s'attendre à un film phénoménal. Ce trailer en tout cas nous en fait la promesse. On pense à des oeuvres majeures du genre comme Mr. Nobody et The Fountain, ce qui augure du meilleur. En tous les cas, l'émotion sera certainement au rendez-vous ! Et vous ?


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jeudi, 04 octobre 2012

Seven Devils par Florence and The Machine

Un nouveau joyau musical de celle qui avait déjà brillamment illustré Blanche-Neige et le Chasseur

Découverte de Seven Devils dans le trailer de Beautiful Creatures :

 

 

 

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