Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 01 septembre 2015

Mad Max [Jeux Vidéo/Aperçus]

mad-max-box-art.jpg

Dans l'éternelle processus d'adaptation opportuniste des films, le jeu Mad Max semble faire l'exception aux moins pour trois raisons.

Pas un copié/collé du film : si on retrouve notre cher Max et son univers, l'histoire, elle, se déroule en marge de celle de Fury Road (heureusement d'ailleurs). Pour autant on retrouve un certain nombre de références au long-métrage et aux autres opus. Bien vu !

Pas en même temps : Fury Road est sorti le 14 mai, le jeu Mad Max sort le 3 septembre, 4 mois séparent donc les deux productions, ça a tendance à rassurer.

Pas par des manchots : Le Studio Avalanches c'est la série Just Cause donc question fun et open world les petits gars s'y connaissent. Là le ton est résolument plus sérieux et réaliste ce qui d'un côté leur permet de continuer à exploiter leurs acquis et de l'autre à se renouveler quelque peu. En espérant que la sortie prochaine de Just Cause 3 ne les ait pas empêché d'approfondir l'expérience de jeu.

Les premières notes sont déjà tombées, pour le moment inégales, les retours des joueurs commencent eux aussi à affluer.

Pour les défauts : des mécaniques de jeu déjà vues (L'Ombre du Mordor, Assassin's Creed, Far Cry), des rencontres et des objectifs redondants qui plombent l'intérêt à long voire moyen terme.

Pour les qualités : visuellement réussi, véhicules nombreux, customisation assez poussée, combats très dynamiques et effets météo parfois démentiels.

Voilà ce que donne la fameuse tempête (du film et du trailer) au cours du jeu. J'ai eu la chance de voir le stream en direct et ça a fait son effet !

En gros, pas un jeu révolutionnaire, mais si vous aimez l'univers post-apocalyptique et Mad Max, vous devriez y trouver votre compte.

BONUS

Ils avaient essayé...

reage_sta_360_m.jpg  

Rage avait de quoi combler les amateurs de post-apo, de monde ouvert et de RPG frustrés de ne pouvoir arpenter les Terres Désolées des derniers Fallout à tombeaux ouverts. Sauf que Bethesda s'est planté en cours de route en rétrécissant l'intérêt de tous ces aspects au gré de la progression du joueur jusqu'à les supprimer totalement. Une déception dont on ne s'est toujours pas remis.

       

En son temps, Fuel aurait pu être un Mad Max digne de ce nom (comme vanté sur la jaquette). Mais le résultat fut tout autre. Les fameuses tornades seront scriptées et visibles dans une ou deux courses seulement et la carte du jeu, certes immense (Allo Guiness ?) ne présentera quasiment aucun intérêt. Je ne parle même pas des effets sonores calamiteux. Pourquoi faire un jeu ambitieux quand on peut se contenter de le vendre comme tel ? Depuis, ce type de marketing est devenu un maître-étalon pour le plus grand malheur des joueurs !

 

 

Ce blog c'est pas juste un passe-temps
j'y bosse dur tous les jours
Je ne te demande pas d'argent
mais juste en retour
un petit commentaire
Ce sera mon salaire
C'est plus précieux que ça en a l'air

mercredi, 13 mai 2015

Two Worlds [Jeux Vidéo/Critiques]

two worlds,rpg,open world,fantasy,jeu vidéo

Oui déjà la jaquette ça emballe pas des masses !

Le RPG Two Worlds n'a franchement pas marqué les esprits et s'il l'a fait ce n'est pas pour ses qualités. Sa suite se voulait une vraie évolution en même temps qu'un réel concurrent aux blockbusters maîtres en la matière. Elle échouera malheureusement. (Cf Mes Plus Grosses Désillusions sur 360 et Bilan du Jeu Vidéo Janvier 2014.

Pourtant le premier opus, malgré sa technique défaillante, augurait de quelque chose de prometteur sur le long terme grâce à d'évidentes bonnes intentions et un esprit réellement respectueux du genre et de ses amateurs.

Le postulat de départ change déjà de l'ordinaire.

Même si on en viendra fatalement à devenir le valeureux héros indispensable à chacun pour préserver la paix et la sécurité, on arrive de manière anodine accompagnée de notre soeur, laquelle sera kidnappée lors d'une simple halte, point de départ de l'aventure.

Le héros que nous incarnons part donc à la recherche de cette jumelle enlevée par un mystérieux sorcier. Une guerre couve à laquelle la réapparition des orcs aux frontières n'est pas étrangère.

Une météo dynamique, un cycle jour/nuit convaincant. Dommage que l'effet HDR, même réduit au minimum éblouit le joueur dès qu'il tourne la caméra vers le soleil.

La topographie est travaillée. Si les plaines et les forêts sont majoritaires (surtout au début), la carte du monde d'Antaloor offre au final toutes les variétés de paysages qu'on peut espérer voir dans ce type de jeu. Certains panoramas sont très réussis et à ce titre monter au sommet des tours est une vraie récompense pour le joueur contemplatif.

two worlds,rpg,open world,fantasy,jeu vidéo

La carte est vraiment vaste, mais un peu trop déserte par endroits, un souci récurrent dans tous les open world même (surtout ?) les plus récents.

Tous les lieux découverts ne sont pas synonymes de points de déplacement rapides comme c'est le cas habituellement. Il faudra trouver des téléports - heureusement nombreux - et les activer en passant assez près. On peut aussi recharger sa vie et sa mana grâce à des autels spécifiques. Si on meurt, on respawn normalement à l'autel activé le plus proche, mais il faut toutefois avoir obtenu l'activateur de téléport.

Comme dans tout RPG qui se respecte, il y a des coffres un peu partout. Les ouvrir nécessitera un crochet et un niveau de crochetage suffisant. Pas de mini-jeu : la réussite de l'action est liée directement à notre caractéristique. Pourcentage de chances et  jet de dés virtuel en perspective. Comme dans un vrai RPG papier, en somme.

Les compétences sont nombreuses et très complémentaires. Au début on ne bénéficiera que de quelques unes d'entre elles, les autres devront être acquises grâce à un professeur. Ce qui, bien entendu, ne sera pas gratuit.

Les villes sont animées, surtout les cités, même si les interactions avec la population sont des plus limitées (avec les femmes encore plus). Les marchands sont, eux, très nombreux, vendant chacun leur stock d'articles propre. On se plait beaucoup à fantasmer sur certains objets au coût faramineux.

Les quêtes sont nombreuses, d'un intérêt très inégal, et celles qui ont bénéficié d'un effort d'écriture sont malheureusement endommagées par un doublage français calamiteux qui à lui seul a fait la réputation du soft. Hormis le héros lui-même (dont la voix est déjà assez discutable) rares sont les PNJ à parler d'un ton convaincant. La plupart des dialogues sont récités d'un ton monocorde, presque dépressif, sans aucune conviction en tout cas, comme si les doubleurs faisaient leur boulot sous la contrainte. On rit, on grimace, mais si tant est que les mécaniques du jeu vous séduisent, vous finirez tôt ou tard par vous y faire; On dira que ça fait partie du charme très personnel de Two Worlds.

Puisqu'on aborde les soucis techniques, l'exploration est plombée par une caméra un peu trop souple et des mini-chargements intempestifs très récurrents qui figent l'image.

La faune est fréquente. En début de partie l'affronter est suicidaire. Il ne faudra pas hésiter à fuir ou à se servir de la proximité des autochtones (villageois ou bandits) pour se sortir de situations délicates d'autant que les animaux dès qu'ils vous ont repéré auront dû mal à vous oublier. On pourra aussi rencontrer des bandits, des groms et des orcs (plus au sud), mais si vous les tuez ils ne respawneront pas, ce qui est regrettable. Personnellement, je déteste me savoir capable de commettre un génocide, encore une fois cela donne trop de pouvoir au joueur en plus de ruiner l'intérêt même d'explorer et de combattre !).

Les combats sont anecdotiques et franchement pas très séduisants : on tape en cherchant la bonne distance, et même avec une arme comme une lance il nous faut frapper au corps à corps, un paradoxe ! l'IA se contente de nous suivre (longtemps) et de nous attaquer sans aucune stratégie. La parade étant une compétence passive, on pourra au mieux esquiver en reculant. En parlant de mouvement, on regrette vraiment de ne pas pouvoir courir car même si on aime explorer, la marche ça finit par user et pas que les souliers. Plusieurs caméras sont disponibles, ce qui est très rare pour ce type de jeu, dont une vue FPS si on garde l'arme au fourreau.

two worlds,rpg,open world,fantasy,jeu vidéo

Un bon vieux menu à l'ancienne qui respire le RPG. Ca change des listes d'objets à rallonge aussi froides que peu pratiques à l'usage. Ici, d'un seul coup d'oeil on voit toute l'étendue de nos possessions et de manière très concrète de surcroît. Un simple clic et on peut tout ranger de manière optimale.

two worlds,rpg,open world,fantasy,jeu vidéo

La partie compétences aurait mérité plus de clarté dans tous les sens du terme. Mais au moins est-on vraiment libre de distribuer ses points quand et où on veut.

L'alchimie est simple et visuellement inspirée. Accessible directement depuis l'inventaire, elle consiste à assembler un certain nombre d'ingrédients (plantes, trophées de chasse). Un chaudron bouillonnant s'anime une fois les ingrédients validés et hop voilà une nouvelle potion en stock que vous pourrez baptiser si vous le souhaitez. Ses effets seront liés directement aux effets de base de chaque ingrédient. Une seule potion peut ainsi posséder de nombreuses vertus, mais aussi des effets secondaires indésirables (poison).

Au rayon des bonnes idées rarement exploitées dans les RPG de référence : pouvoir stocker de l'équipement sur son cheval (ce sera possible dans The Witcher 3) et selon la monture, le poids transportable sera différent. Les chevaux eux-même sont loin d'être faciles à diriger, on évitera autant que possible de les utiliser ce qui tue un peu cette bonne idée dans l'oeuf.

Les armes sont très nombreuses, on peut quasiment acquérir tout ce qu'il ait possible d'imaginer comme types d'armes ce qui est suffisamment rare pour être signalé : armes blanches comme les dagues, poignards, épées sous bien des formes, des lances aussi et pas qu'un peu ainsi que des armes contondantes (plus efficaces sur les squelettes). Leur design étant assez réussi de surcroît, les collectionneurs seront aux anges. Les armures peuvent être portées en partie ou bien intégralement sous forme de sets bien connus des amateurs. On note parfois des bugs d'affichage lorsqu'on porte des parties d'armure de sets différents. Mais même de nos jours c'est encore un problème visible dans les RPG.
Certaines armures de par leur lourdeur ne vous permettront pas de nager et d'utiliser un arc par exemple.

On peut associer également des effets élémentaux aux armes sous forme de cristaux qu'on peut acheter ou créer soi-même grâce à l'artisanat.

Le craft est simpliste, mais on l'apprécie rapidement pour ses effets. Il suffit de combiner plusieurs armes ou armures du même nom. Attention toutefois à bien veiller à ce que leurs caractéristiques soient aussi identiques sinon cela ne fonctionnera pas. L'avantage de ce système, c'est qu'un arme ou une armure de faible puissance pourra, avec un peu de patience et de chance, être renforcée jusqu'à pouvoir concurrencer des équipements naturellement supérieurs. Finis les dilemmes où on devait se séparer d'un objet esthétiquement séduisant, mais incompatible avec notre niveau. Dans Two Worlds on peut allier l'utile à l'agréable.

Le système de magie fonctionne sur un système de cartes. Outre les sorts eux-mêmes répartis dans plusieurs écoles élémentaires, on peut acquérir des cartes permettant d'améliorer les différentes paramètres (niveau, durée, puissance,...).

Tout comme les armes, si on combine plusieurs sorts identiques, on peut augmenter la puissance des sorts.

 

 

 

Ce blog c'est pas juste un passe-temps
j'y bosse dur tous les jours
Je ne te demande pas d'argent
mais juste en retour
un petit commentaire
Ce sera mon salaire
C'est plus précieux que ça en a l'air

dimanche, 18 novembre 2012

Assassin's Creed - Le Dernier Vol de L'Aigle

assassin's creed,fanfic,nouvelle,jeu vidéo,assassin's creed brotherhood

L’Officier Donato Di Milano fit silence autour de lui d’un geste impérieux de la main. Ses douze hommes se turent et éclairée par quelques flambeaux, la cave prit soudain des allures d’église.
- Mes fidèles. L’heure est venue pour nous de rejoindre d’autres sympathisants, d’autres soldats, qui comme nous, ont cessé de croire à la politique de Cesare Borgia. Giuseppe…
L’intéressé – un grand sec au visage balafré – se fendit d’un sourire à l’écoute de son nom.
-… a appris de source sûre qu’un Capitaine Borgia du nom de Francesco Avvoltoio désirait rejoindre nos rangs. Son statut serait un atout majeur dans nos futures opérations. Nous devons le rencontrer cette nuit  au Colisée. Il viendra avec plusieurs de ses hommes. Nous mériterons bientôt le nom d’esercito !
Cette annonce reçut un accueil des plus enthousiastes. Mais l’heure n’était pas encore à la célébration. Ils le savaient. La lutte ne faisait que commencer.

La lune était pleine et comme désireuse de suivre les évènements de près, éclairait la petite armée progressant vers l’imposant amphithéâtre.
Parvenue au centre même de l’arène, la troupe se figea.
Donato caressa sa barbe.
- C’est une belle nuit pour conspirer.
Une silhouette se dressa sur le sommet de l’attique.
- Officier Donato Di Milano ?
Le susnommé émit un rire jovial.
- Francesco Avvoltoio ?
Le visiteur attendu se fendit d’une élégante révérence.
- En personne et pour vous servir.
- Vous êtes venu seul ?
- Rassurez-vous. Mes hommes ne sont pas loin.
Donato observa les siens. Leur nervosité était manifeste. Il espérait que la sienne l’était moins.
- Venez nous rejoindre que l’on puisse converser convenablement. Nous avons beaucoup de choses à nous dire.
- Je ne suis pas venu pour converser.
Son ton glacial trancha net l’atmosphère.
- Archibugio ! hurla l’un des hommes de Donato.
Une dizaine d’arquebusiers apparurent comme par magie dans l’ouverture des arcades supérieures, les encerclant complètement.
Donato tira sa lame, le regard aussi noir que sa barbe :
- Qui a trahi ?
Ses yeux tombèrent sur Giuseppe.
- Bastardo ! Cela ne peut être que toi ! Tu nous as vendus aux Borgia ! Pour combien de Florins ?
- Pas du tout, reprit Francesco de son ton empathique. Il n’a fait qu’assurer sa promotion.
Il marchait nonchalamment sur le rempart. Sa silhouette se découpa sur le visage blafard de la lune.
- Car cette nuit, un Officier va mourir. Et un autre va naître.
Donato se rua sur Giuseppe, l’éclair de son épée levée au-dessus de sa tête.
Alors les arquebuses firent entendre leur chant funeste.
Des pigeons s’envolèrent non loin de là et leurs plumes vinrent s’échouer sur un tapis de sang.

1 mois plus tard

Le soldat fixa l’avis de recherche sur la porte en bois au moyen d’une flèche.
On pouvait y lire :

Ezio Auditore 50 000 f

L’inscription était surmontée du portrait d’un homme encapuchonné dont le visage demeurait caché dans l’ombre. Ses actes, eux, l’étaient beaucoup moins.
Depuis plusieurs années il malmenait les projets des Borgia et ce faisant, ridiculisait la garde de Rome. Le peuple le soutenait autant que possible et il avait rallié progressivement à sa cause toute une communauté d’ardents partisans mêlant courtisanes, voleurs et mercenaires. Récemment, sa lutte contre la tyrannie en place avait franchi un nouvel échelon. Désormais, il ne se contentait plus de simples complices. Il formait des assassins parmi les civils et les criminels qui à leur tour initiaient d’autres rebelles à l’art du meurtre furtif, soufflant sur les braises de la révolte.
Défait par Ezio Auditore en personne, Rodrigo Borgia avait cédé les rênes du pouvoir à son fils Cesare. Et ce dernier avait tôt fait de faire d’Ezio Auditore une priorité dans son programme pour le moins chargé.
Nul doute qu’en assiégeant Monterigioni, il n’avait fait qu’accélérer l’ascension des Assassins dans la capitale.
Rome faisait figure d’échiquier aux mains des deux hommes. Si Ezio avait déjà avancé de nombreux pions de manière menaçante, Cesare, loin d’être en reste, avait lui-même déployé des pièces maîtresses afin de contrer la stratégie de son adversaire.
Le secret et la surprise étaient pour eux des armes vitales. Et ils étaient tous deux prêts à tout pour s’assurer de l’un comme de l’autre.

Le garde qui affichait depuis une heure les avis de recherche était loin de se douter de tous les enjeux  de la lutte à laquelle il participait tant bien que mal à son niveau.
Il grimpa à une échelle et fixa un nouveau document sur le mur. Du coin de l’œil, il surprit un mouvement suspect dans la rue. Se retournant, il vit que l’avis placardé sur la porte venait de disparaître. Ce n’était donc pas un accident tout à l’heure ! Quelqu’un s’amusait délibérément à les enlever dès qu’il avait le dos tourné.
La rage au ventre, il se laissa tomber au bas de l’échelle et tirant son épée, commença à inspecter les lieux en interrogeant les passants de son ton le plus autoritaire. Voyant qu’il n’obtenait aucun résultat, un jeune garçon s’avança avec hardiesse. Il avait l’air d’un mendiant. Sans doute un orphelin comme il y en avait tant dans les rues.
- Moi je l’ai vu celui qui a fait ça !
Le garde le jaugea avec méfiance avant de s’enquérir :
- Tiens donc ! Et où est-il passé ?
- Je vous le dis pour cinq florins.
Le garde grimaça.
- Dis-le moi et tu conserveras ta langue.
Le garçon opina, une main plaquée sur sa bouche. Il s’élança au milieu de la foule et le garde eut tout le mal du monde à ne pas le perdre de vue. Ils arrivèrent dans une ruelle. Au bout de celle-ci, les eaux bleues du Tibre miroitaient sous le soleil à son zénith.
Le garçon pointa un doigt en direction du fleuve.
- Il a plongé, exactement là !
Tout à sa tâche de repérer le criminel, le garde ne vit pas son jeune informateur passer dans son dos. Un bon coup de pied dans le postérieur suffit et le garde se retrouva dans l’eau à gesticuler comme un forcené.
- Bastardo !
Le garçon riait tant qu’il pouvait. Il brandit ostensiblement un avis de recherche avant de le ranger dans sa besace.
- Je le mets avec les autres, vous en faites pas !
Il rit de plus belle et tout en détaillant le contenu de la bourse de l’infortuné, il s’en retourna vers la rue bondée. Il n’avait pas encore quitté la ruelle qu’un officier le soulevait de terre et le collait violemment contre le mur.
- Alors, c’est toi le détrousseur qui sévit depuis des semaines. Je t’imaginais plus vieux.
- C’est parce que vous n’avez pas beaucoup d’imagination !
L’officier leva la main pour frapper, mais une voix jaillie de nulle part l’interrompit.
- Lâche immédiatement ce gamin !
Le garçon et l’officier tournèrent la tête et aperçurent un homme élégant avancer dans leur direction. Une capuche blanche masquait ses traits. Son identité ne faisait aucun doute. C’était l’homme le plus recherché de Rome, celui qui précisément habillait les avis de recherche.
- Ezio Auditore ! firent-ils en chœur.
- Pour vous servir.
L’officier déglutit, mais ne lâcha pas sa prise pour autant.
- Si tu fais un pas de plus, je…
La lame d’un couteau lui transperça l’épaule. Il se recula et le garçon tomba au sol.
L’officier agrippa la poignée de son épée, mais la main d’Ezio se referma sur le manche du couteau.
- J’ai quelques notions d’anatomie et il me semble que la carotide n’est pas loin. Ce ne serait pas beau à voir.
Le garçon bondit sur ses pieds.
- Vas-y, Ezio, fais-lui une bonne saignée !
Sa joie manifeste fit sourire l’assassin.
- Mais ce ne serait pas un spectacle pour un bambino.
Le garçon perdit soudainement sa gaieté.
- Je suis pas un bambino !
Ezio enfonça un peu plus le couteau dans l’épaule de l’officier qui étouffa un cri.
- La prochaine fois, il n’y aura ni témoin, ni avertissement, ni échappatoire !
Il récupéra sa lame et envoya l’officier disparaître dans la cohue d’un coup d’épaule.
Il s’intéressa alors au garçon.
- C’est donc toi qui t’amuses à noyer les gardes de Cesare.
- J’y peux rien s’ils se noient. Leur armure est tellement lourde qu’ils plongent droit vers le fond.
- Ce n’est pas vraiment un jeu pour un bambino.
- Je suis pas un bambino.
Il redressa fièrement la tête.
- Je suis un assassino ! Et je sais tout de toi !
Ezio s’esclaffa.
- Tiens donc !
Il s’empara de sa besace et l’ouvrit.
- Parce que tu collectionnes mes avis de recherche. Intéressant, mais insuffisant.
Le garçon le défia du regard.
- Je sais que tu as perdu ton père et tes deux frères et aussi ton oncle Mario à Monteriggioni. Je sais que tu formes des assassins à devenir comme toi. Moi aussi je veux devenir un aquila, un assassino !
Ezio ne put cacher sa surprise.
- Et bien ! C’est vrai que tu en sais des choses. Mais de là à devenir un aquila comme tu dis ! D’abord comment t’appelles-tu et où se trouvent tes parents ?
- Je m’appelle Raphaëlo Di Milano. Je suis tout seul. Ma mère est morte en me mettant au monde et mon père a été tué par les hommes de Cesare.
Son visage d’adolescent fut tout à coup déformé par un violent sentiment.
Ezio lui-même ne fut pas insensible.
- Di Milano ? Donato Di Milano était ton père, c’est ça ?
Raphaëlo opina avec tristesse.
Ezio s’adoucit et observa le garçon avec un tout autre regard.
- J’ai entendu parler de ton père et de ses projets. Bien trop tard, il est vrai. Il s’est montré très courageux. Je pense que nous aurions pu travailler ensemble s’il n’avait pas manqué de chance. En tous cas, je comprends mieux tes motivations. Tu as des raisons de te venger, il est vrai.
Ezio posa ses mains sur les frêles épaules de Raphaëlo. Ce dernier ravala ses larmes pour mieux s’exprimer :
- Mon père n’a pas manqué de chance, il a été trahi par l’un de ses hommes qui voulait prendre sa place. Je sais comment il s’appelle et je connais aussi le nom de celui qui a tué mon père !
Il avait le plus grand mal à contenir sa colère. Mais si quelqu’un pouvait se mettre à sa place, c’était bien Ezio. Il devait avoir le même âge que lui quand il avait assisté à la pendaison de son père et de ses frères. Ils avaient eu tous deux un père brave et juste qui avait payé de sa vie son combat contre l’oppression. Pour autant, il avait d’autres préoccupations.
- Ecoute, Raphaëlo. Ce que tu fais est déjà d’une grande aide pour moi et pour le peuple de Rome. Ton père serait fier de toi.
- Mais tu ne comprends pas ! J’ai toujours rêvé de te rencontrer. Je veux faire plus que cela. Je veux devenir un assassin ! C’est toi qui m’as inspiré !
Ezio sentait que s’il restait en présence du garçon, il allait céder. Et dans l’état actuel des choses, il ne pouvait se le permettre.
- Je suis désolé. Tu es trop jeune pour devenir un assassin. Et la vengeance n’est pas une motivation suffisante. Je ne nie pas que cela a été pour moi un point de départ, mais j’ai dépassé ce stade depuis longtemps. J’ai d’autres raisons, maintenant, des raisons plus importantes qui ne concernent pas que moi. Tu dois grandir encore un peu. Tu dois vivre et avoir plus d’expérience.
Les yeux de Raphaëlo brillèrent d’une douleur contenue et son visage s’empourpra.
Il voulut dire quelque chose pour sa défense, mais il s’étrangla. Sa déception était immense. Il préféra s’enfuir plutôt que de perdre toute sa dignité. Ezio poussa un soupir en le regardant partir. Il avait le sentiment d’avoir commis une erreur, d’avoir trahi, pas seulement quelqu’un qui avait confiance en lui, mais aussi une partie de lui-même.
Et c’était sans doute cela le plus dur.

Lorsqu’il pénétra dans son repaire de l’île du Tibre, Machiavelli l’attendait déjà.
- Tu es en retard, fit ce dernier d’un ton sentencieux.
Ezio préféra s’en amuser.
- Je savais bien que tu allais finir par te prendre pour mon père.
Bartolomeo était présent lui aussi. Il alla droit au but.
- Mes hommes ont mis la main sur un document pour le moins précieux. Regarde.
Les trois hommes se penchèrent au-dessus de la table.
- On dirait un plan de Rome.
- C’est ce que nous avons cru aussi, révéla l’ancien condottiere.
Ezio prit la carte et la plaça devant la flamme d’une bougie.
- Il y a un tracé précis, comme un itinéraire. Mais à quoi peut-il correspondre ?
- Nous n’en sommes pas encore sûrs, dit Machiavelli, mais en discutant avec certains officiers j’ai appris qu’un convoi spécial allait traverser la ville dans quelques jours. Ils ignoraient sa nature exacte. Très peu de personnes doivent être au courant des détails de cette opération clandestine.
- Un chargement secret, murmura Ezio. Ca peut être de l’argent, des armes…
- Ou peut-être veut-on nous le faire croire, observa Machiavelli.
Bartolomeo secoua la tête.
- Les mercenaires ont dit que le document était en possession d’un courrier de Borgia ivre. Ils n’ont même pas eu à se battre pour l’obtenir. Plutôt curieux, non ?
- Ambigu, fit Ezio. Soit on nous incite à croire que ce convoi a peu d’importance, soit on essaie de nous tendre un piège. Dans les deux cas, il y a supercherie, ce qui est tout à fait digne de l’esprit tordu de ce cher Cesare.
- Que fait-on ? interrogea Bartolomeo.
- Dis à tes hommes de ramener le courrier. Nous allons l’interroger. Ce n’est qu’un pion, mais il en sait peut-être plus qu’il ne le croit lui-même. Surtout s’il est ivre. Continuez d’examiner cette carte, elle a peut-être d’autres informations d’importance à révéler.
Machiavelli toisa l’assassin :
- Et toi, que vas-tu faire ?
- Je vais trouver La Volpe. Il sait peut-être quelque chose à ce sujet. Il a une fâcheuse tendance à laisser traîner ses mains et ses oreilles là où c’est nécessaire.

En quittant le repaire, Ezio eut la surprise de tomber nez à nez avec Raphaëlo.
- Mais…que fais-tu ici ?
- Je t’ai suivi.
Le garçon avait visiblement retrouvé toute sa gouaille. Il avait sans doute préparé son argumentaire.
- Si tu m’as suivi, alors tu es doué. Je n’ai rien remarqué.
- Tu vois, je ferai un excellent assassino !
Ezio sourit, ému par la ténacité de l’adolescent.
- Têtu comme tu es, tu as tout pour être une mula, pas un aquila !
- Je serai une mule volante, pourquoi pas ? Ca peut servir aussi !
La volonté dont faisait preuve le garçon était désarmante, mais Ezio n’avait pas le temps de se prêter au jeu. Cesare préparait quelque chose et il devait agir au plus vite.
- Tu n’as pas quelques affiches à décrocher ?
Raphaëlo haussa les épaules.
- J’ai brûlé ma besace. Ce n’est plus à moi de faire ça. J’ai de plus grandes ambitions.
- Oui, fit Ezio avec un sourire. Je suis au courant, je crois. Assassino !
Le mot suffisait à faire étinceler les yeux du garçon comme des diamants.
Ezio ignora cette image. Elle lui faisait peur.
- J’ai du travail. Les gens qui ont besoin d’aide, ce n’est pas ça qui manque à Rome. Tu devrais te rendre utile auprès d’eux.
Ezio allait prendre congé, mais le garçon le retint par un bras.
- S’il te plaît, Ezio ! Laisse-moi ma chance ! Je suis sûr que je ferai un excellent assassin ! Laisse-moi faire mes preuves !
Voilà qu’il le suppliait, maintenant.
Raphaëlo était sans nul doute un gamin intelligent. Il finirait par comprendre de lui-même qu’il n’était pas de taille.
Ezio soupira.
- Très bien ! Rendez-vous sur le toit de l’Eglise de Santi Apostoli dans deux heures. Nous verrons si tes jambes sont aussi souples que ta langue !
Le garçon ne put contenir sa joie. Il poussa un grand cri et partit comme une flèche vers le lieu du rendez-vous. Difficile de trouver un élève plus zélé, songea Ezio.

Ezio ne trouva pas La Volpe. Un groupe de voleurs lui apprit qu’il avait quitté Rome pour quelques jours afin d’étudier une alliance avec une guilde siégeant à Milan.
Malgré ce triste constat, Ezio se sentait d’humeur enjouée. L’enthousiasme du jeune Raphaëlo devait être contagieuse. L’assassin se mit en marche vers l’église, le cœur étonnamment léger. Son devoir pouvait attendre un peu. Il avait besoin de se divertir et ce gamin lui offrait une occasion inespérée de le faire. Et surtout, il avait l’occasion de se racheter auprès de lui, ce qui valait son pesant d’or.

Raphaëlo l’attendait sagement depuis des heures sur le toit de l’église. Il bondit sur ses pieds lorsque Ezio atterrit souplement près de lui.
- Tu ne t’es pas fait remarqué au moins !
- Je sais semer les gardes mieux que personne, fit le garçon avec arrogance.
- Très bien, alors voyons si tu sais semer un véritable aquila !
Sur ces mots, Ezio s’élança dans le vide. Il boula sur un toit, bondit à nouveau et se raccrocha à une corniche. Il remonta et jeta un coup d’œil derrière lui pour voir où en était son protégé. Il ne le vit pas. Il eut soudain la terrible pensée qu’il l’avait surestimé et que le jeu était allé trop loin. Il regarda en contrebas en espérant ne pas voir son jeune corps écrasé sur les pavés Un grand bruit le fit se retourner. Raphaëlo se tenait debout devant lui.
- Mais à quoi tu joues, idiota ? Tu cherches à m’impressionner ?
Le garçon afficha un visage guilleret et Ezio comprit qu’il avait vu juste.

Ils passèrent le restant de la journée à escalader les toits de Rome avec un plaisir égal. Malgré son expérience, Ezio n’en finissait pas d’admirer les prouesses de Raphaëlo. Il était bien plus doué que lui au même âge. Et cette évidence lui donnait un pincement au cœur. S’il lui disait la vérité, le garçon ne le lâcherait plus d’une semelle au risque de compromettre sa mission actuelle. Et s’il niait son potentiel, il gâcherait ses espoirs et ses rêves les plus fous.
La nuit tombait déjà lorsque Ezio réalisa qu’il devait retourner au repaire.
- Il faut que je te laisse. J’ai affaire.
- Des trucs d’assassin, c’est ça ?
Ezio opina.
- Alors je suis toujours une mula ou je suis un aquila ?
L’assassin sourit.
- Tu es bien une mule volante !
- Alors quand est-ce que tu m’apprends à me battre ?
Le visage d’Ezio se rembrunit.
- Il n’a jamais été question de cela, Raphaëlo !
- Mais comment veux-tu que je devienne un assassin si je ne sais pas me battre ?
Ezio n’avait pas envie de se lancer dans un nouveau débat avec l’adolescent. Il coupa court en plongeant dans le Tibre. Le garçon ne savait pas nager. Il regarda son mentor disparaître, ombre parmi les ombres, écoeuré de la tournure des évènements.

Ezio trouva Machiavelli faisant les cents pas dans la salle principale.
- Où est Bartolomeo ?
- Il n’a pas eu ma patience. Et il avait surtout autre chose à faire qu’à t’attendre. Alors que t’a dit La Volpe ?
- Rien. Il n’est pas à Rome.
- D’autres contacts ?
- Non, aucun.
Machiavelli arbora un air contrarié.
- Je peux savoir ce que tu as fait de ta journée ?
- Tu te prends vraiment pour mon père.
Ezio s’assit et commença à se restaurer.
Son ami l’observa avec attention.
- Si je te connaissais pas, je dirais que tu as été voir une jolie signora en détresse et que les seules confidences que tu as récoltées ont été celles qu’elle t’a faites sur l’oreiller.
Ezio s’esclaffa.
- Machiavelli, pour une fois, tu fais fausse route. Je me suis bien dépensé, je le reconnais, mais ce n’était pas en compagnie d’une jeune signora. J’étais avec un gamin.
- Mon dieu, serais-tu tombé si bas ?
- Mais non, idiota ! Il veut devenir un assassin. Seulement, il est trop jeune et il ne veut pas l’admettre. J’ai toutes les peines du monde à lui faire entendre raison.
Machiavelli sourit.
- Quel heureux hasard. Cela me rappelle assez notre propre relation. D’ailleurs je crois devoir te rappeler que nous avons une affaire à traiter et que le délai est des plus courts.
- Je sais. Le courrier a-t-il parlé ?
Machiavelli haussa les épaules.
- Tout ce qu’on sait c’est qu’il ne le fera plus. Son corps a été retrouvé dans le Tibre.
Ezio bondit de son siège.
- Quoi ? Il a été assassiné ?
- Si seulement. Non, à en croire les témoins, il s’est contenté de faire un faux pas. Il faut dire qu’il n’avait pas dessaoulé.
Ezio secoua la tête.
- Maledizione !
Puis il vida son verre de vin.
- Et la carte ?
- Rien de nouveau, j’en ai bien peur.
Machiavelli la tendit à l’assassin qui la détailla à nouveau.
- On est dans une impasse. Je me demande si Leonardo ne pourrait pas nous filer un coup de main. S’il y a un code inscrit sur cette carte, il le trouvera.
- Soit, mais sans vouloir être ton père, évite les enfantillages cette fois. Cesare Borgia mérite toute notre attention. Tu le sais mieux que quiconque.
Ezio sourit.
- Machiavelli, la voix de la raison !
L’intéressé minauda.
- A laquelle tu prends plaisir à rester sourd.
Ezio lui tendit un verre de vin.
- Trinque à notre futur succès au lieu de dire des sottises !

Ezio partit de bonne heure le lendemain en direction de l’atelier de son ami Leonardo. Il essayait de ne pas penser à Raphaëlo. En vain. Le gamin lui rappelait trop sa jeunesse. Pour un peu il se serait senti père lui aussi à donner des leçons d’éducation comme il l’avait fait la veille. Il secoua la tête pour chasser ses pensées. Mais elles eurent tôt fait de se matérialiser à quelques mètres de lui. Il ne pouvait visiblement pas leur échapper à Rome.
Raphaëlo se tenait près d’un médecin au masque d’oiseau vantant les mérites d’un nouveau remède contre les furoncles et autres problèmes de peau disgracieux.
Ezio se dit qu’il avait peut-être finalement trouvé d’autres ambitions et un nouveau mentor pour les atteindre. Mais il faisait fausse route. Le garçon fit mine ne pas avoir vu l’assassin. Raphaëlo n’était pas seulement un agile coureur, c’était aussi un bon comédien à en croire son attitude. Ezio feignit aussi de ne pas l’avoir vu et continua à marcher, sa fidèle capuche facilitant son anonymat. Quelque chose le frappa dans le dos. Il se retourna. Le gamin lui faisait face, les larmes aux yeux, le visage haineux :
- Puisque c’est comme ça, je deviendrai un assassin tout seul !
Ezio le regarda s’éclipser derrière l’échoppe d’un forgeron. Il décida que l’histoire était close et qu’il n’avait plus à s’en soucier.
Au prix d’un effort, il parvint à se concentrer sur sa mission.

Arrivé devant la porte de l’atelier, il frappa plusieurs coups de sorte à composer un code établi entre lui et l’artiste.
- Tu es Ezio Auditore ?
Un homme aux allures de prêtre sortit d’une encoignure.
L’assassin le toisa avec méfiance.
- C’est exact.
- Leonardo n’est pas là. Une affaire urgente à traiter.
Ezio soupira.
- Décidément, tout le monde me fuit !
- Il a laissé ce paquet pour toi.
Le prêtre lui tendit un colis et se mêla à la foule sans plus de cérémonie.
Ezio choisit un coin discret et défit l’emballage.
Il trouva deux lames ainsi qu’un mot de l’artiste :

Ezio,

Voici deux nouvelles lames d’assassin conçues spécialement pour toi. En tant que peintre et inventeur, je sais que sans de bons outils, un artiste n’est jamais que la moitié de lui-même. J’espère qu’avec ceux-là, tu deviendras le meilleur de toi. Si ce n’est pas déjà le cas.

Ton ami Leonardo.


Ezio détailla les lames. A leur éclat, il comprit que le métal avait été renforcé et les côtés de chaque lame étaient nantis de petites dents sur toute leur longueur. De quoi faire du petit bois avec les armes des Brutes !
Ezio sourit.
- Tu es un maestro, Leonardo !
Il rangea les lames dentelées dans sa ceinture et c’est alors qu’il remarqua qu’il lui manquait plusieurs couteaux de lancer. Il était pourtant certain d’avoir complété son inventaire avant de partir de l’île du Tibre. En se remémorant ses actions passées pour expliquer cette absence, il se rappela sa rapide altercation avec Raphaëlo et c’est là qu’il comprit. Rempli de rancœur, le garçon lui avait dérobé ses lames.
- Idiota !
Ezio se dit que ça n’était pas bien méchant, un caprice d’adolescent. Il espérait juste qu’il ne ferait pas de bêtises plus grosses que lui avec ses nouveaux jouets.
Tout en cheminant au milieu de la rue déjà bondée à cette heure, il examina de nouveau la carte. Il étudia attentivement le tracé et réalisa que par un heureux hasard, il le suivait précisément. Je n’ai qu’à vérifier si cet itinéraire présente de lui-même des particularités, se dit l’assassin. Avec un peu de chance, la clé du document est peut-être là, tout près.
Il regarda les échoppes et les maisons bordant chaque côté de la rue. Il ne trouva rien qui méritât qu’on s’y attarde. Tant pis, songea-t-il. Peut-être que Machiavelli aura du nouveau de son côté. Le cri d’un aigle dans le ciel lui fit lever les yeux.
- Aquila !
Il était en train de repenser au garçon lorsqu’un détail le frappa brusquement. Le rapace était perché sur le sommet d’une grue. Les yeux d’Ezio s’agrandirent tandis qu’il suivait le tracé de la carte et découvrait à intervalles réguliers d’autres grues se profiler sur les toits.
La vérité le frappa alors d’un seul coup.
Il y aurait bien un convoi, mais convoité par Cesare lui-même. Ces grues constituaient assurément des postes d’observation idéals pour une embuscade. Il en savait quelque chose.
Cesare prévoyait une attaque savamment coordonnée. Le convoi – quelque fut sa nature – devait représenter aux yeux des Borgia une mine d’or ou bien une menace à leur soif de contrôle absolu.
Quelqu’un voulait faire sortir quelque chose de Rome dans le plus grand secret, à la barbe des Borgia. Ezio allait tout faire pour que le plan prévu fonctionne. Mais il aurait donné cher pour savoir ce qui motivait une telle organisation. Nul doute qu’il le découvrirait bien assez tôt. Ragaillardi par cette découverte, il s’élança sur le mur le plus proche et bondit de toit en toit en direction de son repaire.

L’officier Giuseppe Falsario finissait de donner ses instructions à ses hommes dans le quartier sud-est de Centro. Ezio Auditore avait encore fait parler de lui et la surveillance était désormais renforcée dans le quartier du Tibre.
Giuseppe attendait la visite du Capitaine Borgia Francesco Avvoltoio avec qui il entretenait d’excellents rapports depuis sa promotion. Mais il sentait bien que les méfaits perpétrés par le fils de feu Donato Di Milano – puisqu’on l’avait identifié - ternissait un peu l’image qu’il offrait à son supérieur. Il comptait donc bien effacer cette imperfection du tableau.
Il caressa sa cicatrice. Sa main se crispa. Quand on parlait du loup. Le rejeton de Di Milano venait d’apparaître devant lui, bondissant depuis une grue. Il le défia du regard. Son visage n’était qu’un masque de haine. Du haut de ses seize ans, rien ne semblait pouvoir l’intimider.
L’officier sourit, ce qui ne constituait pas un spectacle des plus attrayants.
- Bastardo, te voilà enfin !
Raphaëlo ne lui rendit pas son sourire. Il se contenta de lui balancer l’un des couteaux dérobés à Ezio. Giuseppe dégaina sa lame et dans le même mouvement renvoya le couteau vers son propriétaire. Le garçon l’esquiva de justesse et il trouva le cœur d’un innocent barde qui perdit la voix et la vie, à peu près dans cet ordre.
Les passants s’écartèrent. Des femmes crièrent.
Un brute imposant en armure se fraya un chemin dans la foule d’une seule épaule et arriva sur les lieux du combat. Alarmé par les cris, un traqueur armé d’une lance vint également en renfort.
Giuseppe sourit à nouveau.
- Je crois que tu as mal choisi ton jour pour régler tes affaires de famille, mon petit !
Cette fois Raphaëlo sourit.
- Tu diras ça à mon père, bastardo !
Le traqueur se tourna vers l’officier en écarquillant les yeux de stupeur.
- Vous…vous saignez.
Giuseppe baissa la tête. Une lame de couteau était plantée jusqu’à la garde dans son abdomen.
Le gamin avait été plus malin et plus rapide que lui. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il s’affaissa contre une porte.
- Tuez ce sale petit enfant de puttana!
Le traqueur jaugea l’adolescent avec sadisme.
- Avec plaisir.
Il brandit sa lance à l’horizontale. Raphaëlo l’esquiva d’une élégante pirouette avant de disparaître dans un chariot de foin.
- Idiota !
Le traqueur balança son arme dans la cachette. Le garçon bondit dans un grand envol de paille et se réceptionna sur le traqueur en lui piétinant la figure au passage. Au moment d’atterrir, il sentit la pointe d’une botte lui écraser les côtes. Le brute ne méritait pas son nom pour rien. Sa force n’avait d’égale que sa volonté de la prouver. Raphaëlo tenta de s’éloigner pour reprendre son souffle, mais la pique du traqueur lui troua l’épaule droite et le souleva de terre. Embroché comme un vulgaire insecte, il hurla et gesticula en tentant vainement de se libérer. La douleur était atroce. Il entendit les deux soldats s’esclaffer. Le traqueur le cloua contre une façade et commença à appuyer sur son arme sous les contestations de la foule.
- Vous n’avez pas honte, ce n’est qu’un enfant !
- Bourreaux, soyez maudits !
Certains badauds plus hardis jetèrent des pierres aux soldats et le brute se chargea de les rappeler à l’ordre avec force moulinets de sa hache. Raphaëlo profita de cette distraction inespérée pour saisir son dernier couteau. Il positionna  la lame au-dessus de la lance et se servant d’elle comme d’un support à sa trajectoire, il balança le couteau. La lame descendit en tournoyant au-dessus de la hampe avant de trouver la gorge du traqueur. Il lâcha son arme et s’écroula sur les pavés en émettant d’affreux râles. La foule émit une salve de hourras avant d’être dispersée par de nouveaux renforts dont un cavalier à la voix impérieuse.
Raphaëlo retomba au sol avec fracas. Il rampa vers un escalier, dans l’espoir fou de trouver un salut. Ce faisant, il eut la satisfaction de voir que Giuseppe n’avait pas survécu assez longtemps pour se réjouir de sa propre déveine. Il tendit une main vers l’épée du mort, mais le sabot d’un cheval lui brisa la main en même temps que sa dernière chance d’échapper à son destin. Le cavalier se pencha vers lui. La vue de Raphaëlo se brouillait, mais il eut le temps de reconnaître Francesco Avvoltoio en personne. Ce dernier arbora un rictus de mauvais augure au-dessus de sa barbiche.
- Qu’on en finisse avec la famille Di Milano !
Le brute s’avança vers le garçon moribond, sa hache à deux mains.
Francesco effectua un geste élégant :
- Ne partez pas, aimables citoyens. Soyez témoins d’une exécution comme seule Rome peut vous en proposer !
Raphaëlo réunit le peu de forces qui lui restaient pour cracher vers le Capitaine Borgia.
- Va en enfer, toi et les Borgia !
Francesco lui dédia son plus infâme sourire.
- Après toi, bambino !
Le brute leva sa hache.

Ezio venait de révéler sa découverte à Machiavelli ainsi qu’aux assassins présents au repaire.
Machiavelli n’avait pas perdu son temps, lui non plus. Grâce à son propre réseau d’informateurs, il avait appris que le convoi passerait finalement dès la tombée de la nuit. Sa nature, en revanche, demeurait toujours aussi mystérieuse.
Les membres de la confrérie étaient tous réunis autour de la table ainsi que de la carte prise au courrier. Ezio était en train d’établir leur plan d’attaque.
- Nous allons nous répartir sur tous ces points stratégiques.
Il avait indiqué sur la carte de Rome la position des différentes grues.
- Nous allons prendre Cesare à son propre jeu. Nous neutraliserons ces hommes et arrêterons le convoi. De sa nature dépendra ensuite notre ligne de conduite.
Malgré leur position de force, Machiavelli semblait toujours soucieux.
- Tu ne penses plus que c’est un piège déguisé ?
- Non. Je crois que Cesa…
La porte d’entrée s’ouvrit et un tumulte de voix se fit entendre derrière eux. Les assassins s’écartèrent et Bartolomeo apparut encadré par plusieurs courtisanes. Le capitaine tenait un jeune garçon dans ses bras. Ezio reconnut immédiatement Raphaëlo.
- Les courtisanes sont arrivées au moment où Francesco Avvoltoio s’apprêtait à l’exécuter en public. Pendant que mes hommes ont distrait les gardes, elles l’ont conduit en lieu sûr et ont essayé de le soigner.
Le visage de l’ancien condottiere se durcit :
- Il a tué Giuseppe falsario.
- Il avait déjà perdu beaucoup de sang, Ezio, ajouta Esmeralda, une courtisane dont l’assassin s’était entichée autrefois. Il répétait ton nom sans arrêt. On s’est dit que tu le connaissais sûrement.
Ezio prit le garçon dans ses bras. Il ne bougeait pas, ses yeux étaient fermés. On aurait dit qu’il dormait. Mais Ezio savait qu’il n’en était rien. Malgré les pansements, il vit bien l’étendue de ses blessures. Les gardes n’y avaient pas été de main morte avec lui.
L’assassin restait sans voix. De voir cet être auparavant si vif, si animé désormais réduit à l’état de statue était insupportable. La colère commença à monter en lui. Une colère qu’il ne connaissait que trop bien. D’une main il balaya les objets encombrant la table et déposa le corps frêle de l’adolescent sur cette couche improvisée. Il dut déglutir plusieurs fois avant de pouvoir parler à nouveau :
- Vous allez appliquer le plan à la lettre, dit-il aux assassins sans même les regarder. Et vous me rendrez compte dès que ce sera fait.
- Que vas-tu faire ? s’enquit Machiavelli tout en connaissant la réponse.
Ezio continuait de fixer le visage de l’adolescent comme d’en l’espoir fou de le voir sortir de son inertie. Mais sa pâleur tuait irrémédiablement cette possibilité.
- Ne songe même pas à m’en empêcher.
Il se rendit dans l’armurerie et remplaça ses lames habituelles par les nouvelles, conçues de main de maître par Leonardo.
- Ce soir, j’ai un concert à donner. Et de nouveaux instruments à tester.
Il ajusta sa capuche sur sa tête et prit le chemin de la sortie. Il entendit la voix de Machiavelli.
- Ce n’est pas ta vengeance, Ezio !
L’assassin continua sa route.
- Maintenant si.
Bartolomeo l’arrêta d’un geste.
- Le petit a ajouté quelque chose avant de…avant de s’envoler.
Ezio leva la tête. Ses yeux trahirent son émotion.
- Qu’est-ce qu’il a dit ?
- Il a dit que tu avais raison. Il a dit qu’il n’était encore qu’un bambino.
Ezio ouvrit la porte menant sur les toits.
- Je peux t’envoyer quelques mercenaires pour te faciliter la tâche, ajouta Bartolomeo.
- Je n’ai pas envie que ce soit facile.
Sur ces mots, l’assassin ferma la porte.

La nuit avait recouvert Rome d’un drap de soie et la pluie venait de s’abattre sur la capitale. Trempés jusqu’aux os, deux arbalétriers juchés sur un toit s’entretenaient des affaires récentes pour mieux supporter leur condition.
- Quelque chose se prépare en ce moment, dit l’un des soldats. J’ai entendu dire que des hommes avaient été réquisitionnés pour une opération spéciale directement orchestrée par Cesare lui-même.
- Quel genre d’opération ? s’enquit son compagnon.
L’autre décocha un carreau sur un pigeon en plein vol avant de répondre :
- Un détournement. Un convoi doit sortir de Rome. Il transporte des rebelles dont la tête est mise à prix. L’un des cochers est un de mes amis. C’est grâce à lui que Cesare a eu cette information. Sûr qu’après ça, il aura droit à une belle promotion.
Un éclair déchira la nuit, révélant la silhouette d’Ezio Auditore debout derrière les deux hommes. Deux secondes plus tard, ils gisaient aux pieds de l’assassin. Ce dernier contempla ses lames avec satisfaction.
- Comme dans du beurre.
Puis il ramassa les armes des deux gardes.
- Merci pour l’information.

Ezio se glissa sous l’arche et tendit ses bras de part et d’autre. Les deux gardes en faction reçurent un carreau  en pleine tête. Le bruit du tonnerre masqua celui de leur chute.
Un temps idéal pour agir librement.
L’assassin se coula derrière une caisse. Il repéra Francesco Avvoltoio dans une alcôve, près de la tour Borgia qui lui était assignée. Une tour qui n’avait pas encore été brûlée par ses soins. L’occasion pour lui de faire d’une pierre deux coups. Il repéra également deux soldats, un brute armé d’une hache aux côtés du capitaine ainsi qu’un officier dont le visage lui était familier. Et pour cause, c’était lui qui admonestait Raphaëlo le jour où il l’avait rencontré. Il n’aurait pas de seconde chance.
La colère d’Ezio remonta brusquement. Il se revit en train de courir sur les toits en compagnie du garçon et il sut enfin pourquoi il avait tant aimé partager de choses avec lui. Cela lui avait rappelé la complicité avec son grand frère Frederico.
Quelque chose coula sur sa joue. Il préféra se convaincre que c’était la pluie.
Il sortit de sa cachette et s’avança à découvert. Francesco le vit immédiatement. Les gardes se mirent aussitôt en alerte.
- Tiens, mais c’est décidément un jour faste ! Voilà un autre criminel d’envergure qui vient à nous sans que nous ayons besoin de le traquer.
Ezio continua d’avancer. Les mots n’avaient plus cours. Le sang seul parlerait.
Les deux soldats se ruèrent sur lui, l’épée au poing. Ezio plongea sous la rapière du premier. Il transperça son pied d’une de ses lames. Le garde se plia en deux dans un hurlement avant de sentir la deuxième lame d’assassin lui perforer la mâchoire.  Le second commença à faire de grands moulinets avec son cimeterre. Ezio poussa un soupir avant de lui loger une balle en pleine tête. Sur un ordre muet du capitaine, l’officier s’avança. Il pointa une lance en direction d’Ezio.
Ce dernier s’élança et ses deux lames exécutèrent un ballet fantastique devant lui, réduisant la lance en morceaux.
- Pas de témoin !
Avant que son adversaire ait pu réagir il lui transperça le corps une dizaine de fois.
- Pas d’avertissement !
L’officier tomba à genoux et une lame s’enfonça entre ses yeux.
- Pas d’échappatoire !
Le soldat s’écroula face contre terre dans une mare de sang bien vite diluée par la pluie torrentielle.
Le brute émit un grognement avant de balancer sa hache. L’arme tournoya avant de fracasser la caisse derrière laquelle Ezio s’était embusqué un peu plus tôt. L’assassin pointa son pistolet mais le brute souleva le corps sans vie de l’officier et s’en servit comme d’un bouclier. Les balles trouèrent le cadavre que le garde jeta sur Ezio. Celui-ci se plaqua au sol. Le brute avait prévu sa réaction et il se laissa tomber sur lui de tout son poids avant de lui assener une rafale de coups. Ezio chercha une faille, mais les poings de son adversaire  le harcelaient sans répit.
La pluie vint finalement à son secours. Le brute glissa sur les pavés détrempés et s’affala. Il n’en fallut pas plus pour l’assassin. Il se jeta sur le garde aussi impotent qu’un poisson hors de l’eau et lui logea ses deux lames sous le menton. Puis ramassant la hache, il décrivit un moulinet avant de la laisser tomber sur le cou de son adversaire.
Francesco en avait profité pour grimper sur sa monture. Il émit un bref sifflement et aussitôt une dizaine d’arquebusiers apparurent sur les toits formant un cercle dont Ezio était le centre.
- La fête est finie, assassino !
Il avait à peine achevé sa phrase que les arquebusiers étaient submergés par une horde d’assassins jaillis de nulle part.
- En effet, dit Ezio.
Le capitaine Borgia masqua sa frustration. Il tira son épée et s’élança au galop. Ezio resserra ses doigts sur le manche de la hache. Il attendit patiemment que son adversaire se rapproche avant de lancer son arme. Le corps décapité du cavalier tomba à bas de la monture et la tête de Francesco Avvoltoio roula sur les pavés avant de s’arrêter aux pieds de l’assassin.

Quelques instants après, les assassins se réunirent autour de leur meneur et lui racontèrent ce qui s’était passé. Mais ils ne firent que confirmer ce qu’Ezio savait déjà, grâce à la conversation surprise un peu plus tôt sur les toits. Les hommes mis en place par Cesare avaient été neutralisés et les rebelles avaient pu quitter la ville sans encombres.
Mais Ezio n’en demeurait pas moins soucieux.
- L’un des cochers est un traître infiltré. Il faudra le retrouver, c’est une priorité.
L’un des assassins posa une main sur l’épaule d’Ezio.
- Il s’est démasqué tout seul. Il a cru que nous venions pour lui et il a tenté de s’échapper. La seule issue qu’il a trouvée l’a conduit en Enfer.
Ezio afficha son plus large sourire.
- Bene. Vous avez tous fait de l’excellent travail. Je suis fier de vous.
- On peut encore faire quelque chose pour toi ? s’enquit un disciple.
Ezio leva les yeux.
- Oui, vous allez m’aider. J’ai encore quelque chose à accomplir.

Les assassins hissèrent le corps de Raphaëlo jusqu’au sommet de la Tour Borgia où Ezio attendait. L’assassin s’agenouilla près du garçon.
- C’est toi qui avais raison. Tu es un vrai assassino. Et tu l’as largement prouvé aujourd’hui.
Il ôta un flambeau de son logement. Il prit une profonde inspiration avant de le jeter à terre.
- Repose en paix, aquila !
Tandis que les flammes commençaient à lécher l’intérieur du bâtiment, Ezio s’élança du haut de la tour et effectua un magistral saut de la foi. Un aigle plana un instant dans le ciel comme pour accompagner l’envolée de l’assassin.

 


 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

samedi, 10 novembre 2012

Assassin's Creed III [Jeux Vidéo/Critiques]

assassin's creed,assassin's creed 3,connor kenway,ubisoft,jeu vidéo,révolution américaine,amérindien

   Après un premier épisode novateur, mais très perfectible, mettant en scène Althaïr, un épisode II grandiose, suivi de deux opus consacrés toujours au personnage d'Ezio Auditore, Ubisoft nous livre enfin le très attendu IIIème chapitre de sa célèbre saga dans laquelle Assassins et Templiers s'affrontent pour le destin de l'Humanité. Sans oublier l'ombre de Divinités puissantes qui semblent manipuler Desmond afin d'accomplir leurs propres desseins.

C'est l'Histoire d'un Mec...

Une intrigue de plus en plus dense et complexe. Le résumé en début de partie n'est donc pas de trop pour nous remettre l'essentiel de l'histoire dans la tête. Les premières heures de jeu surprennent par la nature du personnage incarné. Une surprise qui prend des allures de cadeau empoisonné quand on pense à tout ce qui nous a été promis. On piaffe alors d'impatience et on ronge son frein à l'idée d'endosser le rôle de Connor Kenway l'amérindien, le nouvel assassin de cet (ultime ?) épisode. Du coup si on est familier de la série, on sera plus que tenté de rusher cette consistante mise en bouche qui offrira tout de même une rencontre déterminante ainsi qu'une chute inattendue.

Mais l'éditeur a clairement décidé de prendre le temps de nous présenter l'univers et son héros, puisque nous verrons et incarnerons Connor à plusieurs stades de sa vie. Libre au joueur de s'éterniser, mais tant qu'il ne sera pas adulte et proclamé assassin, Connor sera évidemment beaucoup plus limité dans ses possibilités.

Malheureusement, les développeurs n'ont pas été très inspirés pour la mise en scène et la narration. Outre des cinématiques fades, dépourvues d'émotions, l'histoire s'attarde sur des détails qui peinent à nous intéresser et quand vient les instants les plus emblématiques,  clichés et ellipses viennent supprimer tout le sel de l'aventure. Une totale incompréhension étant donné la qualité passée à ce niveau. Si les origines de Connor en elles-mêmes sont originales, elles sont desservies par des explications pour le moins succinctes et confuses. Et il en va de même pour la structure générale du jeu et de ses mécanismes. A ce niveau, on est loin du II qui parvenait brillamment à intégrer mission principale et activités annexes sans jamais perdre le joueur en cours de route. En voulant voir plus grand, le studio a manifestement ouvert des failles auxquelles on ne s'attendait pas : manque flagrant d'explications, bugs en tous genres et incohérences. Rassurez-vous, elles ne vous empêcheront pas d'apprécier son travail de titan qui flattera progressivement votre rétine et rentabilisera votre investissement. Mais une fois n'est pas coutume, il faudra être patient puisque ce n'est qu'à partir de la séquence 9 (oui, seulement) que l'intrigue gagne enfin en intensité et les dialogues en saveur.

Into The Wild...

Ce n'est donc véritablement qu'au bout d'une dizaine d'heures qu'on commence tout juste à mesurer l'étendue du soft en matière de contenu et d'immersion. Mais à ce moment-là, c'est la claque assurée. Et ce prologue/tutoriel qui nous avait semblé si contraignant et interminable est alors relégué au second plan. Face au gigantisme de la zone de jeu, du nombre de missions et d'activités annexes, on comprend alors qu'Ubisoft gardait en réserve sa botte secrète. Habitué à accoucher de grandioses reconstitutions, le studio signe ici son chef-d'oeuvre. A la manière d'un AC II qui avait mis la barre très haut pour se démarquer de la redondance de son prédécesseur, AC III repousse encore plus loin les limites et pose un nouveau jalon dans l'ère des jeux en monde ouvert. Découpé en plusieurs zones d'un intérêt égal, le monde de Connor est doté d'une autonomie exemplaire. Si l'assassin nous bluffe complètement par sa faculté à se mouvoir quelque soit le terrain et les circonstances, les animations des PNJ ne sont clairement pas en reste. Des tonnes et des tonnes de détails que seuls les joueurs les plus patients, curieux et contemplatifs auront plaisir à dénicher. Mais l'exploration étant plus que jamais au coeur du gameplay, tout est fait pour que vous ne passiez pas à côté de ces innombrables enjolivures qui forcent le respect et l'admiration.

On pourra ainsi allègrement grimper sur les ailes d'un moulin à vent, visiter le monumental chantier d'un navire en construction dans le port d'un Boston, vaste et criant de vérité ou encore escalader un phare, la nuit, sous une pluie battante. A ce propos, on pensait que Red Dead Redemption détenait la palme question rendu météo, mais AC III parvient l'exploit de rivaliser grâce à des effets tout aussi convaincants. C'est bien simple, lorsque les premières gouttent de pluie se mettent à tomber, on sourit d'avance à l'idée de voir l'environnement bénéficier d'une magnifique ambiance orageuse.

...and The Darkness

Les raccourcis ne seront donc pas de trop pour se rendre où l'on veut. La bonne idée, c'est que cette fois les tunnels des villes devront faire eux-même l'objet d'une exploration en temps réel afin de débloquer les différents accès rapides. Une phase fort sympathique puisqu'elle intègre une variété d'actions appréciables (orientation, énigmes, combat).

Qui va à la Chasse...

En ce qui concerne le comportement de la faune, le chef-d'oeuvre de Rockstar conserve la première place. On sent un aspect résolument plus arcade dans le titre d'Ubisoft dû à l'intégration discutable de QTE pour terrasser les plus grands prédateurs qui n'oseront par ailleurs jamais s'attaquer à vous, pourvu que vous soyez à cheval. Du coup on craint de moins en moins les effets d'une attaque surprise même quand elle vient d'un puma embusqué, ce qui ajoute encore au côté invincible de l'assassin que d'aucuns regretteront. On regrette surtout que les animaux rencontrés soient systématiquement mis en surbrillance, annulant l'intérêt de les pister, qui était en soi une bonne idée. On pourra cependant se consoler en les appâtant pour mieux les prendre au piège de nos collets. La déception la plus grande vient finalement de l'arc. Si vous comptiez démontrer toute votre dextérité en exécutant des tirs longue portée avec une précision chirurgicale, vous serez au regret d'apprendre que cette arme n'est utilisable qu'à une certaine distance et qu'en plus de cela, le ciblage automatique rendra la tache désespérément assistée. Une occasion ratée. Les archers dans l'âme se consoleront avec Skyrim et ses finish moves au ralenti du plus bel effet.

Le gibier n'est pas une denrée rare, loin de là, plusieurs espèces sillonnant l'immense et sauvage Frontière. Chacune vous rapportera de quoi alimenter votre empire commercial ou développer votre artisanat. Car si AC III n'est pas à proprement un RPG, c'est l'épisode qui se rapproche le plus du genre tant il regorge d'activités et d'interactions. Un contenu gargantuesque dans lequel on vient facilement à se noyer faute d'explications opportunes dans certains cas. Le fait est que le jeu ne se dévoile vraiment que progressivement au joueur, lui garantissant toujours de nouvelles choses à faire pour alimenter son intérêt. Certaines déjà connues des amateurs, d'autres venant enrichir un gameplay qui n'en finit pas de nous étonner par sa diversité. On peut d'ailleurs constater avec satisfaction que ce troisième opus est clairement la synthèse de toute la série. Un bon point à signaler.

Le Million !

Dans les bémols, on peut aussi pointer du doigt un défaut récurrent de la série : gagner de l'argent est toujours aussi facile. Les sources de richesse ne manquent pas. Que ce soit en commerçant, en déverrouillant des coffres, en attaquant des convois, en lançant ses recrues en mission ou bien encore en exploitant votre domaine, vous ne serez jamais à court de monnaie sonnante et trébuchante. Il aurait été judicieux, par exemple, de devoir réparer, entre deux batailles, les avaries de l'Aquila, notre navire et de recruter de nouveaux membres d'équipage afin de remplacer les matelots morts au combat. Des coûts importants qui auraient mieux équilibrer l'aspect économique du jeu tout en renforçant le background. En compensation, le joueur prendra beaucoup de plaisir à étendre son domaine et gérer ses convois de marchandises. Il verra même naître au fil du temps un véritable village animé par la vie courante de ses habitants, plutôt attachants, dont les tâches quotidiennes seront même exploitées dans le cadre d'un mini-jeu. Cette communauté grandissante donnera d'ailleurs lieu à plusieurs quêtes annexes destinées à enrichir l'artisanat ainsi que le background du jeu plutôt que d'offrir un challenge digne de ce nom.

Touché, Coulé !

Cela dit, puisqu'on aborde les batailles navales, c'est l'occasion ou jamais de saluer cette remarquable innovation. La maîtrise technique de ces séquences est hallucinante d'autant plus que la jouabilité est d'une simplicité enfantine. Connor est au gouvernail et peut virer de bord à tout moment tout en usant d'une batterie de canons de chaque côté. Le résultat à l'écran est spectaculaire. C'est immersif au possible tout en étant d'une fluidité exemplaire. Ce qui paraissait à première vue comme un gadget secondaire se révèle être au final l'une des plus grandes réussites du jeu.

https://68.media.tumblr.com/a9e516c4cf0450605a7dcdec4dd5378a/tumblr_nmkq6vJoLw1tb056ho1_500.gif

Les superbes animations sont dues à Jonathan Cooper récupéré par la suite par Naughty Dog (la saga Uncharted, The Last of Us)

FIGHT !

On ne peut parler décemment d'un Assassin's Creed sans aborder l'aspect du combat. Les affrontements seront bien évidemment nombreux et violents à souhait puisque vous aurez maintes fois l'occasion de vous dresser face à l'oppression de l'Empire Britannique. Le système a été revu pour s'aligner sur la référence en la matière depuis quelques années : le Batman de Rocksteady. Un bouton pour attaquer et un bouton pour parer, puis enchaîner de fatales contre-attaques. On peut faire difficilement plus simple. Mais là où AC III marque sa différence c'est dans le choix du coup de grâce qui varie selon l'arme équipée et qui donne lieu à de sympathiques animations. On se prend alors facilement pour Scorpion de Mortal Kombat avec la dague à corde ou Legolas lorsqu'on décoche une flèche à bout portant. Dans le même esprit, si Connor est placé entre deux ennemis lors d'une contre-attaque, une brève, mais plaisante cinématique en plan rapproché se déclenchera. On trucide ainsi en un éclair un peloton de fantassins dont certains se montreront parfois plus retors, bien heureusement. En ville, vos crimes vous vaudront régulièrement d'être traqué comme l'ennemi public numéro un et il faudra alors rivaliser d'astuce pour vous débarrasser de vos nombreux poursuivants et de leur feu nourri. Les affiches de prime font leur grand retour de même que les colporteurs, mais s'ajoutent à cela une nouvelle possibilité de recouvrer l'anonymat. En effet, les imprimeries vous permettront de réaliser vos propres affiches et ainsi de détourner la rumeur à votre avantage. Malin !

En tant qu'amérindien et assassin, Connor est naturellement expert avec des armes comme le tomahawk, l'arc et les lames secrètes. Il pourra aussi compter sur de nouveaux instruments de mort comme la dague à corde qui harponne l'ennemi et lui offre une pendaison en bonne et due forme pour peu que vous la lanciez depuis un arbre. Il bénéficiera aussi d'armes à feu d'époque telles que le pistolet et le mousquet qu'il devra recharger obligatoirement entre deux tirs à l'instar de ses adversaires.

IS THE END OF THE WORLD ?

Mais qu'en est-il de Desmond ? me direz-vous. Et bien, il est là et bien là. Et le voir évoluer dans différents environnements modernes au cours de phases d'action/plateforme pêchues fait plaisir à voir. La fin n'en sera sans doute que plus décevante pour beaucoup. A trop vouloir étoffer son scénario pour faire fructifier sa saga, Ubisoft nous laisse très dubitatif sur la finalité de tout cela. La saga est visiblement loin d'être terminée. Il faut pourtant savoir mettre un point final à une oeuvre pour la clore en beauté. Chose, que les studios, trop avides, ne sont, visiblement, plus capables de faire.

En conclusion, malgré des soucis techniques récurrents, Assassin's Creed III est un excellent monde ouvert, doté d'une aire de jeu et d'un gameplay riches et passionnants. On ne dira pas la même chose du scénario et du cadre historique beaucoup trop inégaux en terme d'intérêt pour remporter l'adhésion, d'autant que l'épisode se termine un peu trop en queue de poisson au vu de ce qu'on pouvait en attendre.

 

C'est le moment ou jamais
de passer à la postérité
Laisse un com qui détend qui détone
Mon blog s'en portera mieux
Et tu feras un heureux

samedi, 02 juin 2012

Skyrim : Carnet de Voyage

Skyrim : Carnet de Voyage

S'il y a bien une chose que l'on peut déplorer dans Skyrim, ce sont ses bugs fréquents et imprévisibles. Mais s'il y a bien une chose en mesure de nous réconcilier avec le jeu, ce sont bien les panoramas qu'il nous offre spontanément durant nos périples. C'est bien simple, où que le regard porte, de jour comme de nuit, quelque soit la météo, la beauté de cette contrée nordique nous frappe et nous coupe le souffle. A vous de juger :

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Deux images assez représentatives de la diversité de la topographie de Skyrim : forêts, montagnes, rivières, plaines, rochers et végétation éparse

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Que serait une région nordique sans chute de neige ?

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Jorrvaskr à Blancherive, où siège la Guilde des Compagnons

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

L'Académie de magie de Fortdhiver, pour le moins isolée !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

L'entrée de l'Académie donne tout de suite le ton !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Ce pont a une histoire comme tout ce que vous verrez dans Bordeciel 

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas

La contrée de Bordeciel est immense et n'attend que vous pour l'explorer

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas

              Un donjon abritant sans nul doute monstres et trésors en tous genres

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Le genre de panorama qui fait qu'on s'arrête de jouer et qu'on se contente juste de regarder. Et dans Skyrim, ça arrive souvent !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Fort-Dragon, siège du Jarl de Blancherive qui méritera son nom une seconde fois au cours de l'aventure prinicpale. Mais quelqu'un peut me dire ce que fout une statue de Talos dans une ville clairement affiliée à l'Empire ?

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas

                                  Les Pyrénées ? Non, mais on s'y croirait !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

                       Markarth, une ancienne cité naine construite à même la roche

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Un petit coucher de soleil...à moins que ce ne soit un lever !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Vendeaume, le siège de Ulfric Sombrage, chef de la rébellion menée contre l'Empire et Haut-Roi auto-proclamé depuis qu'il a assassiné l'ancien souverain. C'est dans ce contexte tumultueux que vous faites votre apparition.

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

                   Les aurores boréales sont fréquentes, mais qui s'en plaindrait ?

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Quelques endroits accueillants attendent le voyageur éreinté

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Si vous trouvez cette petite sphère blanche (tout en bas), cette statue entrera en contact avec vous ! De nombreuses quêtes se déclenchent ainsi aléatoirement.

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Solitude, la Capitale de Bordeciel, siège de l'Empire. Ci-dessous, une vue identique de la ville (sans doute l'un de mes paysages préférés dans tout le jeu) qui montre parfaitement la richesse en terme d'ambiances que peut générer le jeu. Avouez que c'est admirable ! 

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Solitude austère

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Solitude pudique

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Solitude radieuse

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Solitude romantique

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Une vue de l'intérieur de Solitude (ci-dessus et ci-dessous)

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

 

SCREENS BONUS

(Parce que dans Skyrim on se fend aussi la poire !)

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Ah, la fameuse flèche dans le genou !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Mais cette épée, ce ne serait pas Excalibur ? Et ce foulard rouge agité par le vent, ce ne serait pas celui de...Ah, mais là vous allez devoir regarder la saison 6 de Kaamelott (Regardez toute la série si c'est pas déjà fait, ça vaudra mieux !)

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Dans Skyrim, les chiens vous rapportent n'importe quoi. Elle est où la baballe, hein ? Elle est où ?

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Quand l'eau est aussi limpide, on avance aussi bien que sur la terre ferme !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Y en a qui ont un manche à balai dans le c..., d'autres...

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

 A mon avis, c'est une secte, la secte des Têtes à Haches !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Alors ça, qu'on soit d'une race ou d'une autre, ça doit faire mal !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Croyez-moi sur parole si je vous dis que ces bandits se sont retrouvés ainsi sans mon aide après avoir goûté le fer de mon arme !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Qui a dit qu'il n'y avait pas de licorne dans Skyrim ?

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Quand il s'agit de faire mumuse dans l'eau, tout le monde s'y colle !

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Cette flèche a eu un effet inattendu sur ce loup !!!

skyrim,rpg,jeu vidéo,pictures,images,paysages,style nordique,screens,screenshots,panoramas,montagnes,neige,viking,dragon

Parce que les développeurs ne sont pas les derniers à vouloir rire du jeu !

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

samedi, 05 mai 2012

Captain America : Super Soldat [Jeux Video/Critiques]

captain_america_360_4.jpg

             Bouclier ça se dit shield en anglais. Y a pas de hasard !

Comme tant d'autres super héros estampillés Marvel, Captain America a eu droit à son adaptation sur grand écran, puis sur console de salon. Laminé par les critiques et boudé par les joueurs, on pourrait se demander l'utilité d'un énième test aujourd'hui. Tout simplement parce que votre serviteur a adoré et qu'il va se faire un plaisir de vous expliquer pourquoi.

Commençons par ce qui marque en premier lieu : l'animation ! Cap' se déplace avec une agilité remarquable et les combats sont d'une fluidité exemplaire grâce à des mouvements réalistes et variés avec en prime moult ralentis très cinématographiques.

Le gameplay, quant à lui, rappelle effectivement la jouabilité des derniers Batman, mais après tout qu'importe puisque le résultat est tout aussi bon et de surcroît très bien adapté pour ce titre.

On alterne les combos et les stratégies avec un régal croissant sur les nombreux soldats de l'Hydra et des Boss de plus en plus impressionnants. Plusieurs coups spéciaux sont disponibles que l'on acquiert lorsqu'on a accumulé suffisamment de points d'expérience.

cap-battle.jpg

Quand Cap' pète un boulon, ce sont les robots de l'Hydra qui trinquent !

 Le jeu se découpe en 18 chapitres. Mais là où on attendait un jeu linéaire et simpliste, on découvre avec surprise et bonheur un véritable petit monde semi-ouvert. En effet, vous serez amené à visiter dans ses moindres recoins une forteresse de l'Hydra découpée en plusieurs zones distinctes dont les différents accès (notamment par les égouts) se déverrouillent progressivement, nous permettant ainsi de les revisiter plus tard pour dénicher les nombreux trésors à collectionner et pourquoi pas refaire le portrait de quelques fantassins, même une fois l'histoire terminée. Et si ça ne vous suffit pas, 10 défis à débloquer vous attendent pour mettre vos talents à rude épreuve. Rien que pour avoir pensé à tout ça, on applaudit le studio en charge du projet !

La baston c'est bien beau, mais Cap' en a aussi sous le casque et il le prouve via quelques énigmes, mais surtout des passages de plate-formes très bien fichus qui vous permettront d'accéder à des artefacts cachés ou encore de booster votre jauge de combos en respectant le parfait timing dans vos acrobaties. Tout simplement jouissif ! Et pour lui faciliter la tâche, un mode focus lui permet de déceler d'un coup d'oeil les éléments importants du décor comme les points de saut et les objets disséminés.

captain-america-super-soldier-xbox-360-1300791567-024.jpg

    Cap', grand adepte de la Barre de Fer !

Les graphismes ne sont pas éblouissants, certes et le moteur physique montre ses limites (textures, distance d'affichage) mais le design des personnages (Cap' en tête) est soigné et l'univers rétro-futuriste a bénéficié d'un travail approfondi. (en attestent les nombreux bonus)

Oui, malgré une relative redondance dans les combats et les ennemis, on sent que les développeurs se sont efforcés d'offrir une aventure rythmée, variée avec en prime une bonne dose d'exploration qu'on espérait pourtant pas. On prend beaucoup de plaisir à incarner le Super Soldat et à démanteler l'organisation Hydra à coups de bouclier. Que demander de plus ?

Un jeu qui mérite donc largement d'être (re)découvert et d'être rangé aux côtés de titres comme Wolverine au rayon restreint des adaptations réussies.

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

mardi, 10 avril 2012

Skymelott - Intro Saison 1 [Fanfics]

skymelott,kaamelott,skyrim,fanfic,humour,jeu vidéo,jeu de rôle,rpg,série télé,nouvelle,fantasy

Prologue

 

L'armée d'Arthur a subi une grave défaite face à un clan d'envahisseurs. Elle se replie dans la forêt. En cours de route, les rescapés s'éparpillent et Arthur se retrouve avec quelques chevaliers au milieu d'une clairière face à une étrange relique. Alors que l'ennemi l'encercle, le Roi de Bretagne comprend que c'est un passage dimensionnel. Espérant que ce ne soit pas un portail démonique, il s'élance à travers, imité par ses fidèles.

Ils débaroulent tous en Bordeciel et commencent à se dire qu'ils auraient peut-être mieux fait de tomber sur des démons.

Morceaux choisis de leurs péripéties :


La troupe de chevaliers chevauche en pleine montagne.
Arthur à un autochtone qui leur sert de guide :
- Dites-donc, vous leur donnez quoi à bouffer à vos bêtes ?
Le guide :
- De l'avoine essentiellement, pourquoi ?
- Bah elle doit pas être comme chez nous, alors !
Leodagan :
- C'est clair ! J'ai jamais vu des canassons se taper des pentes à 90 degrés !
Perceval à Karadoc :
- 90 ? Il doit se gourrer ! Vu la neige et le froid qui fait, je dirais qui fait pas plus de 10 degrés.
Karadoc :
- Non, mais là, il parle de l'angle, je crois.
- Des angles ? Y en a aussi ici ?
Perceval se tourne vers le guide :
- Vous aussi vous êtes emmerdés par ces cons ?

La troupe arrive à Blancherive. Elle passe devant les écuries et continue en direction des portes de la ville. Leodagan regarde plusieurs fois derrière lui, stupéfait, avant de se tourner vers Arhtur :
- J'ai la berlue ou ce type était en trois exemplaires ?
- Hein ? je sais pas, j'ai pas fait attention. Quand je marche, je regarde devant moi, surtout quand je connais pas.
- Non, mais quand même, vous avez pas pu les louper, ils étaient trois, je vous dis, complètement identiques, de la tête aux pieds !
- Mais où ?
- Là, juste derière ! Si vous voulez, on y retourne.
- Ah, non merci, on a mieux faire. Et puis de toutes façons trois mecs complètement identiques c'est pas possible. Par exemple, je vois, les filles du pêcheur, elles sont jumelles, on est d'accord et bah j'arrive quand même à les distinguer. Ca les met en rogne d'ailleurs.
- Mais qu'est-ce que vous venez me gonfler avec vos maîtresses ! Je vous dis que là ils étaient...Remarquez, réflexion faite, ils étaient pas complètement identiques.
- Là, vous voyez ! Comme tête de mule vous vous posez là !
- Oui, vous avez raison. Y en avait un sur les trois qui était enfoncé dans le sol !
Arthur :
- Ca doit être une coutume de bienvenue !

Une fois dans la ville, Karadoc passe devant un garde :
-...et puis j'ai pris une flèche dans le genou.
Karadoc :
- Aïe, ça doit faire mal, ça ! Moi, une fois, j'ai pris un compotier sur le pied, je peux vous dire que j'ai douillé ma race. C'est con, mais je peux pas m'empêcher de l'emporter partout avec moi, vous comprenez, c'est sentimental. Ma grand-mère cuisinait avec. Là, il est resté à Kaamelott, j'espère que ça va pas me porter la poisse. Vous pensez que je devrais changer de porte-bonheur ? En tout cas, garde chez vous ça a l'air peinard comme boulot. Vous recrutez en ce moment ?

Perceval passe devant un autre garde :

- Défense de glandouiller !

- Ah ? C'est con, c'est ce que je préfère. Et sinon, qu'est-ce qu'on risque ? 

Leodagan vient de passer lui aussi devant un garde. Il se rapproche d'Arthur, la mine bougonne :
- Il est pas net celui-là. Il me dit que je porte une armure légère, il a pas les yeux en face des trous. Et puis après il me parle d'un arc. C'est pas un arc que j'ai c'est une arbalète. Sûr qu'il est miraud, ce con. S'ils sont tous aussi fins dans ce pays,  je sens qu'on va encore bien se marrer !

 

Ca vous suffit pas ? Tous les épisodes de la saison 1 : ICI

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

jeudi, 12 août 2010

Final Fantasy VIII Intro

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

lundi, 01 février 2010

1. Johnny Behemoth contre Dr Nuke

 

Chapitre 1 : Rien que pour vos capsules

 

Un soleil de plomb. Une fournaise.  Un sol craquelé, habillé de chétifs arbustes menaçant de s'embraser à tout moment. Et pourtant l'homme marchait, seul, nullement incommodé par l'atmosphère suffocante de cette contrée qu'il semblait connaître sur le bout des doigts, dont il semblait être devenu le parfait habitant.

Il s'arrêta un instant au-dessus d'un cadavre pour lui arracher le maigre trésor que ses lambeaux retenaient encore captif et qui avait échappé par miracle à l'avidité des  raiders et des récupérateurs.

- T'en auras plus besoin, mon gars, observa-t-il d'une voix éraillée.

Puis il se remit en marche, ignorant qu'il faisait depuis peu l'objet de toutes les convoitises.

Johnny jeta un œil dans la lunette de son magnum 44 amélioré.

C'était un mercenaire de la vieille école préférant les armes démodées qui faisaient encore leurs preuves aux dernières technologies, excepté un certain attrait pour une gatling laser baptisée Emma qui rouillait présentement dans un sous-sol en attendant de pouvoir être réparée. Les pièces manquantes étaient rares, cette arme ne figurant généralement que dans l'équipement de l'Enclave ou celui de la Confrérie de l'Acier.

Il respectait trop la confrérie pour aller la dépouiller. Il ne portait pas l'Enclave dans son cœur, mais ses troupes étaient solidement armées et organisées en conséquence. Les déposséder de leur armement restait une tâche risquée, même pour un aventurier de sa trempe. En attendant une opportunité digne de ses attentes, il se faisait la main sur des bandes isolées de maraudeurs. Un passe-temps comme un autre pour un homme qui avait eu l'infortune de naître après l'holocauste.

Rocky aboya. Johnny poussa d'une pichenette la boîte de haricots et le chien fourra son museau à l'intérieur. Reprenant son observation, il décela plusieurs silhouettes accroupies derrière des carcasses de voitures.

- Ce pauvre type se dirige droit vers une embuscade.

Il avait dit cela d'un ton détaché, comme faisant un simple constat, tout en regardant Rocky faire un sort aux haricots froids.

- Avec un peu de chance, je vais peut-être récupérer quelques munitions pour mon fusil.

Sous l'excitation, son corps se tendit un peu, faisant crisser son armure de cuir.

Un fusil d'assaut chinois barrait son dos et son omoplate droite s'ornait d'un fusil à canon scié dans son holster.

Johnny caressa son visage mal rasé, puis ses rares cheveux teintés par des années passés à arpenter les Terres Désolées sous l'implacable canicule.

Il cracha une giclée de sauce entre ses dents.

- Rocky ! A toi de jouer. Tu connais la méthode.

A l'écoute de son nom, le chien délaissa la boîte de conserve, saisit entre ses mâchoires la boîte à sandwiches que lui tendit son maître, puis commença à dévaler la pente poussiéreuse.

- Regarde, Carl, y a un clebard qui s'amène.

Le raider indiqua du doigt le chien qui était en train de les rejoindre. L'intéressé plissa son seul œil valide. Ses trois compagnons se regroupèrent autour de lui.

Ils portaient tous une armure hétéroclite faite de bouts de métal et de cuir qui leur donnait une allure barbare délibérée. Leur casque et leur coiffure ne faisaient que rajouter à cette impression.

L'un d'eux pointa son fusil de sniper sur l'animal.

- Il a quelque chose dans la gueule. On dirait une boîte.

Le chef des pillards arbora un sourire qui avait dû être séduisant dans une autre vie.

- Il a dû dénicher un truc intéressant sur un cadavre. Il va sûrement aller l'enterrer. Je crois que c'est vraiment notre jour de chance les gars.

L'un de ses hommes s'énerva.

- On a qu'à lui prendre tout de suite !

Carl se contenta d'un regard pour le remettre à sa place.

- On attend sagement.

- Chef, je l'ai dans ma ligne de mire, fit le sniper.

- Si tu tirais aussi bien que tu bois, il y a longtemps que je t'aurais ordonné de l'abattre, Freddy !

Le chien s'arrêta à mi chemin entre les raiders et le vagabond solitaire. Il commença à gratter le sol, soulevant un nuage de poussière.

Johnny sourit.

- Bien, Rocky. T'as tout compris !

Le sniper déplaça son canon.

- Merde ! Je crois que le type vient de voir le chien. Il court droit vers nous.

Carl ricana.

- Ce con va essayer de nous piquer notre trésor. C'est parfait. On fera deux prises en un coup.

- Merde ! lâcha Johnny entre ses dents. Ca c'était pas prévu au programme.

L'étranger siffla pour appeler le chien. Rocky l'ignora superbement. Une fois la boîte ensevelie, il courut rejoindre son maître.

- Qu'est-ce qu'on fait, Carl ?

- Tue-le ! ordonna froidement le leader des raiders.

Freddy pointa son fusil de sniper en direction du vagabond. Il but une rapide gorgée de nuka cola quantum au goulot et fit feu.

Le vagabond poussa un cri et s'écroula en se tenant une jambe.

Le sniper sentit le poids du regard de Carl sur lui au point que ses épaules s'affaissèrent.

- Crétin ! Allez l'achever et récupérez-moi cette boîte !

Les trois raiders eurent tôt fait de s'exécuter. La colère de Carl était aussi redoutable qu'un écorcheur.

Freddy s'agenouilla et commença à déterrer l'objet. Les deux autres firent mine de se diriger vers le vagabond gémissant.

- Attendez ! Y a un truc bizarre.

Ses compagnons se figèrent.

- Hein ?

Les yeux de Freddy n'en finissaient pas de rouler dans leur orbite tandis qu'il détaillait le contenu de la boîte à sandwich.

- Je peux me tromper, les gars, mais on dirait une grenade. Et on dirait que la goupille est reliée à un fil.

Johnny sourit. A travers la lunette de son magnum, il observait aisément l'étonnement des raiders.

- Bye, bye, les cons !

Il tira sur le fil.

L'explosion souleva une gerbe de terre et des puzzles de corps. Non loin de là, le vagabond commença à ramper pour se mettre à l'abri de la menace qu'il ne pouvait encore identifier.

- L'enfoiré !

Carl empoigna son bâton hérissé de pointes et courut vers l'homme au sol. Pour lui, cela ne faisait aucun doute. Il leur avait tendu un piège à l'aide de ce chien. L'arroseur arrosé en quelque sorte. Et cela, il ne le supportait pas. Il arriva rapidement près du vagabond qu'il retourna d'un coup de pied. Ses yeux s'agrandirent lorsqu'il le dévisagea. Il leva son bâton au-dessus de sa tête :

- Tu vas pas faire de vieux os, face de...

Le canon scié d'un fusil dans sa bouche l'empêcha de rentrer dans les détails.

Johnny fixa Carl avec tout le dédain qu'il réservait aux raiders.

- Tu te demandes certainement qui je suis, hein ?

Rocky s'assit aux côtés de son maître et observa Carl à son tour. Le raider comprit alors qu'il s'était fourvoyé depuis le début. Ça sentait la retraite anticipée pour lui. Et surtout le sapin.

- Je suis le dentiste des Terres Désolées, annonça Johnny.

Il arma son fusil.

- Et je fais pas d'anesthésie !

La balle arracha la tête de Carl et son corps bascula en arrière.

Rocky salua cette victoire d'un aboiement.

Johnny lui tapota la tête.

- Oui, quatre de plus à notre palmarès.

Rocky aboya trois fois.

- Comment ça, trois pour toi ? C'est moi qui ai tiré le fil !

Rocky montra les dents.

- OK, t'énerve pas. Trois pour toi ! Mais la prochaine fois...

- HUM !

Le vagabond venait de se racler la gorge comme pour rappeler son existence.

- Excusez-moi, mais vous avez l'intention de me tuer moi aussi ?

Son visage était comme bouffé par l'acide. Les muscles et les tendons mis à nu. De quoi gerber.

Johnny soupira. Il aida le vagabond à se relever.

- J'ai rien contre les goules.

- Tant mieux, j'ai rien contre les peaux lisses qui me sauvent la vie. Vous avez dit que vous étiez dentiste. Vous seriez pas médecin aussi ?

Johnny jeta un coup d'œil à sa jambe.

- La balle  a traversé. Rien de grave. Comment tu t'appelles ?

- Murphy.

- Moi c'est Johnny. Johnny Behemoth.

La goule ouvrit la bouche.

- Ca alors ! Le célèbre Johnny Behemoth !

Johnny haussa un sourcil.

- Célèbre ?

- Bah, oui. Vous écoutez jamais Galaxy News Radio, Three Dog, la voix des Terres Désolées ?

- Non, j'ai franchement mieux à faire.

Johnny confectionna un garrot qu'il fixa à la jambe blessée de Murphy.

- C'est vrai qu'on vous appelle comme ça parce que quand vous étiez petit vous avez tué un Behemoth, seul et sans arme ?

Johnny serra le garrot et Murphy poussa un cri.

- Non. C'est moi qui ai lancé cette rumeur. J'aurais jamais cru que ça ferait le tour si vite. Les télés ne fonctionnent plus, mais le bouche à oreille fait toujours son effet, on dirait.

Murphy se mit à sourire ce qui accentua davantage son expression de mort-vivant.

Johnny grimaça.

- Je sens que je vais gerber les haricots, dit-il en l'aidant à se relever.

- Pardon ? fit la goule.

- Rien, je me demandais juste ce que vous pouviez foutre tout seul dans un endroit pareil.

Johnny laissa Murphy s'accoutumer à sa blessure et commença à fouiller les cadavres des raiders.

- Je fais un peu de récup'. Comme tout le monde ici, non ?

- Y a des endroits moins risqués, observa le mercenaire.

- Vous croyez ?

- Vous étiez complètement à découvert. Avouez que vous l'avez un peu cherché.

Johnny se remplit les poches et embrassa les cartouches récoltées comme de vieilles amies.

- En fait, je sors rarement. Et pour tout vous avouer, c'est un type comme vous que je cherchais. J'ai pris un risque, mais j'estime que ça en valait la peine.

- Ok, je vois. Vous avez un sale boulot à me refiler. C'est bien payé, j'imagine.

Johnny détourna le regard à temps pour ne pas voir la goule sourire à nouveau.

- Vous jugerez.

Johnny l'interrogea du regard.

- Je dois vous conduire où je vis. Ce n'est pas très loin, rassurez-vous. Je ne fais jamais de grandes promenades.

Rocky émit une plainte.

Comme s'il avait compris, Johnny scruta Murphy avec sévérité.

- Si tu comptes nous emmener à Underworld, tu peux faire une croix sur notre partenariat. J'y ai mis les pieds qu'une seule fois et je me suis...enfin on s'est juré de ne plus jamais y retourner.

- Toutes les goules civilisées ne vivent pas à Underworld. J'habite un petit local dans une station de métro. Northwest-Seneca. Vous connaissez ?

Johnny fit un geste de la main qui pouvait signifier tout et son contraire.

- Ces mercenaires, grommela Murphy.

- Quoi ?

- Rien. Je me demandais juste si on risquait de rencontrer encore du monde sur la route ?

Johnny rechargea son fusil à canon scié.

- J'espère bien, pas vous ?

- Je suis pas armé.

Johnny sourit de toutes ses dents jaunies.

- Maintenant vous l'êtes !

 

 Chapitre 2 : Pour quelques rads de plus

 

 Effectivement la station n'était pas loin. L'hétéroclite trio ne fit pas d'autre rencontre au grand dam de Johnny et de Rocky dont l'appétit d'aventures était insatiable. Murphy, quant à lui, en fut soulagé. Ce genre d'incursion était déjà assez déplaisant comme ça à ses yeux.

Ils passèrent devant une sorte d'épicerie - que Johnny nota mentalement - puis pénétrèrent dans la station en empruntant un couloir enténébré où s'entassaient des vieilleries métalliques.

Ils passèrent un portique et sur leur droite se dessina bientôt une ouverture.

Une goule armée d'un fusil d'assaut et à l'air taciturne se tenait dans l'embrasure.

- Et bien c'est pas trop tôt ! fit-elle de la même voix éraillée que Murphy.

Elle détailla rapidement Johnny et son chien.

- Qui c'est ?

Murphy fit un geste étudié de la main pour le calmer.

- Tout doux, Garrett. Ils m'ont sauvé des griffes des raiders.

- Je t'avais dit de ne pas sortir seul. A quoi je sers, tu peux me dire ?

Murphy fit entrer ses invités dans son atelier, une petite pièce comportant un comptoir et des étagères surchargées.

- Je ne peux pas laisser la boutique sans surveillance. Tu devrais le comprendre depuis le temps.

Le dénommé Barrett grogna et se contenta ensuite d'examiner les nouveaux venus en caressant nerveusement la crosse de son arme.

Tandis que Murphy commençait à fouiller dans son bazar, Johnny jaugea Barrett avec un dédain manifeste. Ce qui déplut forcément au garde du corps :

- On est allergique aux goules ?

Johnny grimaça un sourire.

- Juste à la connerie. Et comme moi, on dirait qu'elle se fout bien des radiations.

Contrairement à Johnny, Barrett n'avait pas l'esprit très affûté. Se sentant insulté, il brandit son arme. Sa tête heurta le comptoir et il s'écroula sur le dos.

Murphy se redressa.

- Hein ?

Johnny pointa son pouce en direction du corps inanimé.

- Je crois qu'il aurait besoin de prendre l'air.

Puis il planta ses yeux dans ceux de la goule, malgré la répugnance que cela lui inspirait.

- Assez perdu de temps. C'est quoi le contrat ?

Son calibre 12 vint souligner la gravité de la question autant que la mâchoire de son probable employeur.

Murphy se recroquevilla avant de le conduire dans un local attenant. Il déploya une bâche et découvrit ce qui ressemblait à une carcasse de moto comme on pouvait en trouver des tas dans les ruines des Terres Désolées. Sauf que celle-ci avait une particularité. Une espèce de siège était soudée au flanc droit du deux roues.

- Ca s'appelle un side-car, annonça triomphalement Murphy.

- Ca me fait une belle jambe.

- Ca peut emmener jusqu'à trois personnes, renchérit le bricoleur.

Johnny croisa ses bras sur sa poitrine.

- Dans tes rêves, sûrement. Perso, depuis le temps que je sillonne ce trou du cul qui nous sert de monde, j'ai pas encore vu un seul bidon de carburant.

Murphy sourit, ravi à l'idée de surprendre un baroudeur de la trempe de JohnnyBehemoth.

- Cet engin ne fonctionne pas avec du carburant ordinaire. Je l'ai trafiqué. Il consomme des cellules à énergie. Normalement on s'en sert pour certaines armes. Mais j'ai découvert qu'en nombre suffisant et avec un peu de modifs, elles peuvent parfaitement faire office de carburant.

Johnny avait le plus grand mal à se décrisper. Les miracles, il y avait belle lurette qu'il n'y croyait plus.

- Tu l'as testé, ton...

- Side-car ! Et bien, en fait pas vraiment. Il me manque juste deux pièces.

Johnny se frappa le front.

- Bah, oui, évidemment.

- Mais, reprit rapidement le savant, ce sont des pièces très répandues. Il me manque simplement un frein et un réservoir de moto.

- Pourquoi un réservoir ? Ya pas d'essence.

Les yeux de Murphy brillèrent derrière ses lunettes.

- C'est pour l'esthétique, voyons !

Les yeux du mercenaire sortirent de leur orbite.

- C'est ça mon boulot ? Tu veux que j'aille chercher deux pièces de moto dont tout le monde se fout royalement !

- Ecoutez, ça n'en sera que plus facile pour vous !

Johnny tourna les talons.

- Allez, viens, Rocky. Y a des raiders qui nous attendent.

Le chien accueillit la nouvelle avec un aboiement enthousiaste.

Alors qu'ils quittaient l'atelier, la voix de Murphy leur parvint :

- Si vous me les rapporter, le side-car est à vous !

Johnny se figea. Il fronça les sourcils, étudia le regard de Rocky avant de revenir se planter devant la goule :

- C'était inutile de le préciser. Cela va de soi !

Murphy tendit une main décharnée.

Johnny surmonta son dégoût et la lui serra brièvement.

- Dites-moi, pendant que j'y pense, vous n'auriez pas récupéré des bombes sucrées durant vos déambulations ? Je mets au point un truc très sympa pour booster les capacités. Mon fournisseur habituel est quelqu'un de très occupé et ça fait un moment que je ne l'ai pas vu. On parle beaucoup de lui aussi sur Galaxy News radio.

Johnny secoua la tête.

- Rien trouvé qui mérite ce nom. Et votre fournisseur, il en a un de nom ?

- On l'appelle l'habitant de l'abri 101. Ne vous inquiétez pas. Ses exploits ne vous font pas encore de l'ombre.

- Tant mieux, grogna le mercenaire. Manquerait plus que je croise un nerveux de la gâchette comme moi !

Johnny sembla méditer, ce qui en règle général signifiait qu'il cherchait où se trouvait son intérêt.

- Ce truc très sympa, c'est quoi exactement ? T'as un peu de stock ? Parce que, si je dois me balader pour ton compte autant que tu me fournisses l'équipement adéquat.

Murphy parut à son tour réfléchir. Il finit par émettre un épouvantable bruit de gorge.

- Je crois qu'on se comprend tous les deux. J'ai justement besoin de tester le dernier stade de mon produit. De l'ultra jet que ça s'appelle.

Le mercenaire grimaça un sourire.

- Et ça fait quoi exactement ?

La goule exhiba ce qui lui tenait lieu de dents :

- Vous allez adorer !

 

Chapitre 3 : Nuka Cola Quantum of Solace

 

Les deux compagnons quittèrent le métro sans trop savoir ce qui les attendait.

Johnny glissa une cigarette qui avait connu de meilleurs jours entre ses lèvres desséchées. Il n'avait pas de briquet, rien pour l'allumer. Alors il fit comme si elle l'était.

- Tu vois, Rocky, j'ai l'impression qu'on est comme ma cigarette. Tellement usés qu'on est prêt à faire n'importe quoi du moment qu'on a l'impression d'exister.

Le chien lui dédia un regard empli de compassion.

- Ouais, je sais, fit son maître. Je débloque un max. C'est cette chaleur. Si seulement, il pouvait pleuvoir une fois de temps en temps. Ca me rafraîchirait les idées.

Il s'arrêta un instant de marcher. Il prit quelque chose dans sa poche. C'était une photo. Il la regarda quelques instants. Pas trop, juste ce qu'il faut pour ne pas perdre son sang-froid. Puis il la rangea, le cœur battant et la gorge nouée.

Le temps était compté pour elle et les autres prisonniers. Ce fumier de négrier de Dr Nuke allait payer pour sa trahison. Livrer sa petite amie et d'autres esclaves à des super mutants pour obtenir une dose de tranquillité serait sa dernière mauvaise idée.

Johnny allait tout faire pour s'en assurer.

Mais pour l'heure, il devait rejoindre le convoi avant qu'il n'atteigne l'abri 87.

Il imagina un super mutant avec de longs cheveux blonds le poursuivant pour lui faire un câlin. Très peu pour lui. La situation était dramatique, mais il s'interdisait d'avoir peur, de douter.

- Avec cette moto, dit Johnny, je pourrai sans problème leur couper la route. Il reste encore le problème de l'armement.

Rocky se mit à aboyer très fort.

Johnny leva les yeux à temps pour voir la silhouette d'un vertiptère de l'Enclave se profiler dans le ciel.

- Cachons-nous ! Ils nous ont peut-être pas repérés !

Les deux compagnons se jetèrent derrière une ligne de rochers au moment où l'appareil se posait. Trois hommes en armure ainsi qu'un officier en uniforme en descendirent ainsi que du matériel en conséquence.

Au moyen du viseur de son magnum, Johnny les observa édifier une petite base.

Il mâchonna nerveusement sa cigarette éteinte. Ses yeux s'illuminèrent lorsqu'il s'aperçut que l'une des sentinelles était armée d'une gatling laser.

- Putain, c'est la chance de ma vie. La chance de pouvoir enfin réparer Emma et de la sortir de l'ombre !

Il essuya ses mains soudain devenues moites. Il prit une boite de conserve dans son sac ainsi qu'une grenade.

- Tu connais la manœuvre, hein Rocky ?

Le chien ne fit pas un bruit, mais son expression hilare parlait pour lui.

Equipés de leur pesante armure métallique, les trois soldats de l'enclave paraissaient invincibles. Comme l'avait remarqué Johnny, l'un d'eux était armé d'une gatling laser qu'il tenait contre sa hanche, prêt à l'employer à tout moment. C'était le vétéran. Les deux autres portaient un fusil laser. Ils marchaient tous nerveusement autour du camp. L'officier, quant à lui, était occupé à rentrer des données dans un terminal.

- Regardez, fit le vétéran.

Ils regardèrent tous dans la direction indiquée et aperçurent un chien gratter le sol. Dans la gueule, il tenait une boite de conserve.

- Laissez-le, fit l'officier. Ne commencez pas à être distraits.

Le vétéran se râcla la gorge.

- On a pas mangé grand-chose aujourd'hui. Et nos vivres sont presque épuisées. Si ça se trouve, cette boite contient de la nourriture.

Sans détacher son attention de son écran, l'officier répondit :

- Si ça se trouve, c'est un piège des raiders.

Des rires fusèrent.

- Raison de plus pour s'en occuper, non ? fit l'un des deux soldats.

L'officier garda le silence. Ils prirent ça pour un consentement.

Les deux soldats s'approchèrent du chien, suivi de près par le vétéran et son arme impressionnante qui avait coupé la chique à plus d'un écorcheur.

Le canidé venait de finir d'ensevelir la boite et il commençait à repartir.

Le vétéran pointa sa gatling vers lui.

- Du ragoût de chien, ça vous dit les gars ?

- Si j'étais toi je ne ferai pas ça !

Les trois soldats se retournèrent comme un seul homme. Leur casque empêcha de voir leur expression, mais leur silence fut le parfait écho de leur stupéfaction.

Johnny tenait son magnum 44 appuyé contre la nuque de l'officier toujours installé devant son terminal, les mains suspendues au-dessus du clavier.

- J'organise un concours du plus beau trio de connards des Terres désolées. Et vous venez de remporter le prix. Haut la main.

Le vétéran appuya son doigt sur la gâchette de son arme. Mais ce qu'ils ignoraient tous, c'est que Johnny venait d'utiliser le super jet offert par Murphy. Ses capacités de réaction décuplées, il fut en mesure d'anticiper royalement les gestes de ses adversaires. Il commença par tirer là-même où Rocky avait enterré la boite avant de faire feu sur les têtes casquées des soldats. Le temps, comme ralenti pour Johnny, s'accéléra brutalement dès qu'il eut achevé ses actions. Une explosion jeta les hommes de l'Enclave à terre, leurs jambes tronçonnées par la grenade et leur casque criblé de calibre 44.

Johnny émit un sifflement :

- Tu parles que j'aime ça ! Merci, Murphy !

L'officier profita de la confusion pour appuyer rapidement sur une série de touches. D'un aboiement sec, Rocky alerta son maître d'une menace imminente.

- Qui êtes-vous ? s'enquit l'officier tandis que la porte d'un container s'ouvrait dans un grincement lugubre.

Johnny entendit des pas pesants et une respiration animale qu'il redoutait plus que tout au monde.

- Je suis le douanier des Terres Désolées. Et t'as plus rien à déclarer.

Il tira dans la nuque de l'officier, détruisant du même coup son précieux terminal.

La créature sortit lentement du container. Elle marchait sur de puissants membres. Son corps musclé, athlétique, était ocre, comme la poussière que charriait continuellement le vent. Ses longs bras étaient terminés par des griffes qui avaient grandement contribué à son appellation. Sa tête rappelait vaguement celle d'un reptile. En moins hospitalier. Ses petits yeux étaient habités par une lueur démoniaque. Oui, un démon, voilà à quoi elle ressemblait.

Sur son crâne était fixé un étrange appareillage métallique. Johnny comprit qu'il s'agissait d'un écorcheur modifié, un spécimen capturé par l'Enclave en vue d'expériences pour le moins mystérieuses.

S'employait-elle à les dresser, à les contrôler ?

Le mercenaire n'eut pas le loisir de poursuivre ses interrogations.

La créature venait de le repérer.

Le mercenaire pointa son flingue et pressa la détente. Silence. Le 44 était vide.

Johnny poussa un juron. Il vit Rocky se rapprocher et montrer les dents pour menacer l'écorcheur qui avançait avec une lenteur machiavélique. Johnny savait que c'était une prudence feinte. Il se préparait à bondir. Et ce bond serait assurément meurtrier.

- Dégage, Rocky ! On a pas affaire à un rataupe ou à un raider défoncé ! Tu fais pas le poids, là !

L'avertissement sembla énerver l'écorcheur. Il bondit sur Rocky, toutes griffes dehors.

- Non !

Johnny brandit son canon scié, sachant que cela n'arrêterait pas la bête dans son élan.

Une masse verdâtre jaillit du container pour venir s'aplatir sur l'écorcheur juste avant qu'il n'atteigne le chien. Un combat dantesque s'ensuivit. Dans cette mêlée sauvage, Johnny écarquilla les yeux de stupeur en identifiant le nouveau venu : un super mutant !

Qu'est-ce qu'il pouvait bien foutre ici ?

L'écorcheur était couché sur le dos, le mutant par-dessus lui. Ce dernier empoigna les bras de son adversaire pour l'empêcher de le décapiter et lui distribua une série de coups de tête, manquant peu à chaque fois de se faire croquer la figure. La gueule écumante de sang, l'écorcheur le repoussa d'une violente ruade. Le mutant réintégra malgré lui l'intérieur du container. D'un bond, l'écorcheur le rejoignit. Sous le regard effaré de Johnny et Rocky, le container se mit à tressauter comme s'il était animé d'une vie propre. Des cris rauques s'en échappèrent indiquant combien la bataille faisait rage. Et puis d'un seul coup, plus rien. Rien qu'un silence de mort.

Johnny ramassa la gatling laser et s'approcha précautionneusement de l'ouverture, escorté par Rocky, le poil hérissé comme un chat. L'écorcheur dressa sa solide carcasse avant de basculer. Le mutant se leva et sortit du container. Il avait une vilaine meurtrisse au flanc et à l'épaule gauche. Mais il était vivant. Ce qui n'était pas rien. Combien pouvait se vanter d'un tel exploit ?

Johnny le scruta, hébété, avant de faire feu sans la moindre sommation. La gatling laser cracha une salve qui mit en pièces l'écorcheur blessé bondissant sur le super mutant.

Ce dernier n'eut soudain d'yeux que pour l'arme que tenait Johnny.

Il fit alors entendre sa grosse voix :

- Dis, tu la donnes à Fawkes ?

- Ok, mais à une condition. Tu viens avec moi.

Johnny regretta sa décision lorsque le dénommé Fawkes le serra dans sas bras pour le remercier.

 

Un peu plus tard, lorsque tout le monde eut repris ses esprits, Johnny put interroger Fawkes tout en fouillant le matériel de l'Enclave.

Le super mutant s'était fait repérer par une patrouille volante. Ce qui n'était pas très étonnant vu son gabarit et sa gouaille. Au lieu de le tuer, les soldats lui avaient injecté à bonne distance un puissant anesthésiant. Apparemment, ils n'avaient pas mis la bonne dose. Heureusement pour Johnny, il s'était réveillé plus tôt que prévu.

- Je savais pas que l'Enclave s'intéressait d'aussi près aux super mutants. T'es modifié ? J'aurais jamais cru devoir un jour la vie à l'un d'entre vous. Le monde part vraiment en couille.

Fawkes jouait avec Rocky. Il sirotait un nuka cola quantum - apparemment c'était sa boisson préférée - tout en balançant la tête d'un soldat de l'Enclave en guise de balle.

Ce qui convenait très bien au chien du mercenaire.

- Ces gars-là sont bizarres. Mais ils valent pas mieux que les écorcheurs. Fawkes les écrase tous autant qu'ils sont. Oui, tous autant qu'ils sont !

- Ca,  je te crois, fit Johnny. Ils avaient quand même pas dans l'idée de t'accoupler avec cet écorcheur ?

Fawkes s'arrêta brusquement de jouer et de boire. En voyant son expression, Johnny faillit pisser de rire.

- C'était juste une hypothèse. De toutes façons, t'es asexué. Mais peut-être quand mélangeant votre ADN... J'ai détruit leur terminal. Y avait sûrement des infos sur ta captivité. Tant pis. Qu'est-ce que tu faisais dans le coin ? Un mutant solitaire et amical ça court pas les Terres désolées !

- Fawkes pas comme les autres. Fawkes plus intelligent. Fawkes cherchait à aider les autres et à punir les abrutis. Mutants ou pas mutants.

- Très intéressant, murmura Johnny, particulièrement songeur. J'ai un programme bien précis et il se trouve que tu cadres parfaitement avec. Des mutants abrutis, on va en rencontrer très bientôt.

Fawkes lui dédicaça son plus beau sourire.

- Quand est-ce qu'on part ?

- Dès que j'aurais résolu un problème.

Johnny fixa son nouvel allié avec un intérêt encore plus grand.

- Dis-moi, t'aurais pas vu un réservoir et un frein de moto, par hasard ?

 

Chapitre 4 : Les Amants sont Eternels

 

La nuit tomba trop tôt au goût de Johnny. Mais il s'en réjouit néanmoins. Personne ne les verrait entrer dans sa planque secrète.

Grâce à Fawkes et sa connaissance des environs, il ne leur avait fallu que quelques heures pour mettre la main sur les deux objets demandés par Murphy.

Un récupérateur leur avait fait un échange avantageux. Johnny avait troqué son fusil d'assaut chinois rouillé et les quelques capsules en sa possession.

Il se sentait vraiment en veine.

Le trio descendit dans le souterrain.

- Ca pue le radcafard ! gogna Fawkes.

Johnny sourit.

- Ah, bon ? Je croyais que c'était ton parfum.

Il composa un mot de passe sur un terminal et une porte blindée s'ouvrit.

Ils entrèrent dans une pièce comportant des casiers, un matelas poussiéreux en guise de lit ainsi qu'un bureau et une table. Sur la table, un objet mystérieux était recouvert d'une bâche. Lorsque Johnny la souleva avec un geste excessivement cérémonial, il découvrit une gatling laser semblable à celle que tenait amoureusement Fawkes.

- Passons aux choses sérieuses !

Les trois compagnons se firent un festin des vivres volées à l'Enclave avant de se lancer dans la réparation d'Emma, accompagné dans cette passionnante entreprise par les ronflements de Rocky.

Le mercenaire se félicita d'avoir rencontré le super mutant. Malgré sa rudesse, il était visiblement doué pour tout ce qui touchait à la mécanique. Il savait que tous les super mutants actuels étaient nés dans l'abri 87, seul endroit au monde où cette espèce pouvait trouver les moyens de se reproduire. Tout comme ses congénères, Fawkes avait été un être humain dans une autre vie. Et il en gardait assurément des réflexes. Johnny ressentit de la pitié pour lui. Et cela l'encouragea plus que jamais à remplir la mission qu'il s'était fixé.

- Tu l'appelles vraiment Emma ? demanda Fawkes.

- Hein ? croassa Johnny en revenant à la réalité.

- La sulfateuse, là, tu l'appelles vraiment Emma ? C'est pas un prénom de fille, ça ?

Les yeux de Johnny s'embuèrent sans qu'il s'en rende compte.

- C'est le prénom d'une fille très importante pour moi. J'imagine que j'ai eu cette idée pour ne pas l'oublier. Tu vas m'aider à la délivrer.

- Fini ! s'écria Fawkes en contemplant le fruit de leur travail.

Il s'empara de la gatling laser, comme prêt à combattre une armée à lui tout seul.

Ce qui amusa beaucoup le mercenaire.

- Vous êtes faits l'un pour l'autre !

- C'est quoi le programme, chef ?

- Direction la station de métro Northwest-Seneca. Je te présenterai un autre ami.

- Ouais ! beugla le super mutant.

- Mais avant, on va dormir un peu. Enfin, si on y arrive, ajouta Johnny en écoutant les ronflements de son chien.

 

Chapitre 5 : Highway To Hell

 

Barrett restait silencieux dans un coin de la pièce, ses petits yeux méchants observant les trois visiteurs avec un égal mépris. Mais sa mâchoire encore endolorie venait lui rappeler qu'il n'avait pas trop son mot à dire.

Fawkes essayait de se faire tout petit, mais les dimensions de l'atelier de Murphy ne l'y aidaient pas vraiment. Rocky rongeait un fémur d'écorcheur en regardant distraitement le trio penché sur le prototype de side-car.

- Ca peut vraiment rouler, l'ami, déclara le super mutant en faisant mine d'étaler sa science.

- Je veux, dit Murphy avec autant de fierté.

- Ouais, en gros, il y a que moi qui ai un doute, remarqua tristement Johnny. C'est con, parce que c'est quand même moi qui est censé piloter cet engin.

Fawkes lui donna une tape amicale dans le dos qui faillit lui faire sauter les vertèbres.

- T'as de la chance. T'as trouvé les deux meilleurs mécanos des Terres Désolées !

Johnny serra les dents.

- Ou les deux plus cinglés ! Enfin, j'ai pas trop le choix. A vous de jouer, les gars.

Au bout de plusieurs heures, le temps pour Murphy de faire les derniers ajustements et de peindre la moto, le trio poussa le véhicule jusqu'à l'extérieur de la station.

Le soleil à son zénith aveugla un instant Johnny. Lorsqu'il put enfin contempler le side-car, il en eut le souffle coupé. L'engin brillait de mille feux. On l'aurait dit tout droit sorti d'une usine. Sur le réservoir, il eut la surprise de lire son nom et son prénom en lettres de feu.

- Ca c'est moi qu'ai eu l'idée, apprit Fawkes. Ca te plaît ?

Johnny fut tout sourire.

- Si en plus ça roule, je vais vraiment me sentir au paradis !

- Y a qu'une seule façon de le savoir, dit Murphy en essuyant ses mains avec un chiffon plus sale encore.

Il indiqua le siège du pilote.

- En route, monsieur le dentiste des Terres Désolées !

Le mercenaire prit un plaisir fou à s'asseoir sur l'engin. Lorsqu'il le démarra, il entendit une série de cliquetis qui ne présageaient rien de bon.

Et si tout explosait au premier coup d'accélérateur ?

Mais il était trop tard pour être pessimiste. Comme pour lui assurer son soutien, Rocky vint s'installer dans le cockpit réservé au passager.

- Ok, mon chien, accroche-toi !

Johnny mit les gaz. Il y eut un bruit de décharge électrique et le side-car partit comme une flèche. Un sourire vissé sur les lèvres, Johnny goûtait pleinement à un sentiment de liberté qu'il n'avait jamais ressenti de toute son existence.

Il eut tout le mal du monde à revenir vers la station. Il avait presque oublié l'existence de ses compagnons et en plus de cela, le side-car avait le plus grand mal à tourner.

- C'est rien, rassura Murphy. Quelques réglages supplémentaires devraient suffire. Mais pour un premier essai, c'est plutôt concluant, non ?

Johnny serrait les poignées avec un plaisir communicatif :

- Tu peux déposer le brevet, Murphy et commencer la distribution. Car je peux t'assurer que bientôt tout le monde en voudra une !

- Dis-donc, grogna Fawkes, j'ai pas l'intention de te suivre à pieds ! Y a pas une petite place pour moi ?

 

Cloisonné dans le « panier », Fawkes riait à gorge déployée, tenant sur ses genoux un Rocky apparemment aux anges. Murphy leur avait fourni des casques et des lunettes de moto à tous les trois ce qui donnait un aspect burlesque au trio déjà détenteur d'un fort potentiel comique.

Sur les conseils du super mutant - avec qui il s'était très bien entendu - Murphy avait également ajouté un pied sur l'avant du panier pour y monter la laser gatling. Ainsi, même en roulant, il lui serait permis de faire joujou, le cas échéant.

Ils avaient remercié le savant avant de prendre définitivement la route.

Johnny ne se serait jamais imaginé aussi reconnaissant envers une goule. Décidément, sa vie lui réservait bien des surprises.

Il avait promis à Murphy de ne revenir le voir qu'en possession d'un important stock de bombes sucrées. Il lui avait touché deux mots quant à l'efficacité de l'ultra-jet.

Puis il lui avait demandé :

- Pourquoi ne pas garder cette prodigieuse machine pour toi. Tu devais me la donner, c'est vrai, c'était le deal. Mais je peux pas m'empêcher d'avoir l'impression de te la voler. C'est quand même le fruit de plusieurs années de recherche.

- Qu'est-ce que tu veux ? avait répondu Murphy. Je suis un scientifique, et toi un aventurier. Nous n'avons pas les mêmes motivations, ni les mêmes ambitions. Je suis très fier de mon travail. J'ai réussi. C'est tout ce qui compte pour moi. A toi maintenant de lui donner un autre sens.

Et Johnny comptait bien satisfaire cette condition.

 

La moto laissait dans son sillage un nuage de poussière, ce qui inquiétait un peu Johnny. Un vertiptère en reconnaissance risquait de les repérer plus facilement. En compensation, le moteur à énergie conçu par Murphy faisait très peu de bruit.

La route menant à l'abri 87 était dégagée. Pas d'édifices importants à proximité, ils devraient à priori ne pas être trop embêtés.  Il avait un super mutant comme escorte, il avait réparé Emma et il fonçait droit vers son objectif en étant assuré de l'atteindre à temps. C'était plus qu'il n'en fallait pour être rassuré sur ses chances de succès.

Sans oublier cette moto dernier cri ! Johnny se relaxa complètement et en profita pour détailler le petit tableau de bord qu'il avait sous les yeux. Sous les cadrans indiquant la vitesse et le niveau d'énergie, il y avait quelques boutons dont il ignorait complètement la fonction. Ils ne servaient peut-être à rien. Sans doute Murphy les avait-il placé là sans autre but que de combler son souci d'esthétisme. Il décida quand même d'en essayer un. Fawkes se mit soudain à beugler.

- Eh, la machine se détraque !

Johnny vit avec étonnement le panier et ses deux occupants effectuer une rotation et se retrouver dans l'autre sens.

Désormais, Fawkes et Rocky regardaient en arrière et il ne leur fallut pas longtemps pour être couvert de la poussière et des débris que soulevait le side-car en avançant.

- Eh, remets-nous à l'endroit, c'est pas drôle, Johnny !

- Désolé, fit l'intéressé en riant.

Il allait s'exécuter lorsqu'un autre cri du mutant l'interrompit dans son geste.

- Attends, il y a quelque chose qui arrive droit sur nous !

Johnny jeta un coup d'œil dans son rétro en essayant de distinguer un éventuel poursuivant au-delà du nuage de poussière. Il ne vit rien. Il comprit qu'il fallait qu'il lève les yeux. Il se raidit instantanément en reconnaissant la silhouette familière de deux vertiptères.

- Merde, c'est l'Enclave ! Fallait s'en douter !

Johnny accéléra, mais se rendit rapidement compte qu'il ne parviendrait pas à distancer les deux appareils. Une boule de feu germa sur sa gauche manquant peu les changer en grillades. Le trio comprit que l'Enclave n'était pas venue faire des prisonniers.

Johnny se tourna brièvement vers Fawkes :

- Qu'est-ce que tu attends ? Dézingue-moi ces connards !

Le mutant éclata d'un grand rire avant d'empoigner la gatling laser.

- Venez, mes mignons, c'est tonton Fawkes qui régale !

Dans la seconde qui suivit, le vertiptère de tête subit des tirs nourris qui l'obligèrent à virevolter. Ce faisant il heurta le flanc de l'autre appareil qui éjecta accidentellement l'un de ses passagers en armure dans un grand fracas métallique.

L'un des tireurs fit alors parler son incinérateur lourd. Le canon vomit une nouvelle boule de feu.

Fawkes et Rocky la virent arriver sur eux avec horreur.

- Projectile en approche ! hurla le mutant accompagné d'aboiements véhéments du chien.

Johnny effectua une manœuvre qui faillit renverser la moto, mais leur permit néanmoins d'esquiver l'ardent missile qui ne trouva rien de mieux à faire que carboniser une malheureuse brahmine somnolente.

Fawkes en fut tout retourné.

- Zut, un stock de steaks qui part en fumée !

Il poussa un grognement et se remit à tirer comme un forcené sur les appareils beaucoup trop proches. L'un des tireurs pointa un fusil d'étrange facture en direction du véhicule. Quand il pressa la détente de son arme, un filin terminé par un grappin en jaillit. Johnny sentit une terrible secousse. La moto échappa brutalement à son contrôle et menaça de quitter le sol.

- Putain, qu'est-ce que...

- Je crois qu'ils veulent la moto ! fit Fawkes en voyant le grappin fiché dans l'arrière du side-car.

Johnny se retourna, menaçant. Enfin, moins que le canon de son calibre 12.

- Ils peuvent toujours rêver !

Il fit feu. Le câble fut sectionné et le side-car retomba sur ses roues après quelques inquiétants soubresauts.

Profitant de la consternation de leurs ennemis, Fawkes lança une nouvelle offensive et une salve de laser désintégra le vertiptère de tête dans un grand flamboiement de débris métalliques.

- Et de un ! annonça-t-il triomphalement.

- C'est pas trop tôt, répliqua Johnny avec aigreur.

Mais l'Enclave n'avait pas dit son dernier mot.

Une série de boules de feu se mit à pleuvoir tout autour d'eux transformant ce qui était au départ une agréable ballade en chemin de croix, en véritable autoroute pour l'enfer !

- Les fumiers ! rugit le mercenaire.

Un autre grappin fusa dans leur direction. Johnny louvoyait pour leur éviter une incinération gratuite et ce faisant, le grappin manqua sa cible et transperça l'épaule droite du super mutant.

- Ah, non ! C'est pas du jeu !

Fawkes s'empara du câble qu'il tira violemment vers lui. Le soldat fut éjecté du vertiptère et tomba au sol, rapidement remorqué par la moto comme un poids mort.

Fawkes continua de tirer le filin, ramenant le soldat inanimé vers le side-car. Le soldat reprit ses esprits au moment même où le mutant braquait sur lui le canon de sa gatling laser :

- Fais risette !

Johnny fulminait.

- Doit bien y avoir d'autres gadgets sur cet engin!

Il pressa un bouton. Sitôt après, le panier pivota pour retrouver sa position d'origine.

- Non ! beugla Fawkes. Pas maintenant, Johnny !

- Merde !

Le soldat s'agrippa d'une main au side-car et de l'autre empoigna un fusil laser avec l'évidente intention de l'utiliser contre le pilote. Des crocs de chien dans son bras lui firent abandonner son projet. Cramponné au soldat, Rocky se mit en devoir de lui faire lâcher prise. Fawkes fulminait :

- Johnny, fais-moi tourner ! Rocky est en danger !

Le mercenaire était au bord de la crise de nerfs. Cette course-poursuite n'en finissait plus. L'image d'une jeune femme blonde suffit pourtant à lui procurer la concentration requise. Il appuya sur le premier bouton, inversant le panier et autorisant Fawkes à suivre la lutte entre Rocky et son adversaire. Le soldat avait lâché son arme, mais sa main libre était resserrée autour de la gorge du chien.

- Lâche-le, bouffon en scaphandre ! vociféra le mutant.

A ces mots, il orienta sa gatling vers le soldat et tira une courte rafale. Le méchant perdit  sa prise sur la moto et sur Rocky et tout espoir de voler le side-car, à peu près dans cet ordre. Fawkes récupéra Rocky au vol et regarda le soldat rouler derrière eux. Lorsqu'il s'arrêta de rouler, il secoua sa tête endolorie. Il pesta contre sa mauvaise fortune, mais apprécia bien vit le fait d'être encore en vie. En voyant la moto s'éloigner, il porta une main à sa grenade à plasma.

- Si nous ne pouvons l'avoir, alors elle ne sera à personne !

Fawkes  offrait un déluge de caresses à Rocky, mais il s'arrêta net en voyant un petit objet métallique dépasser de sa gueule.

- Bah, qu'est-ce que tu manges ?

Cela ressemblait assez à une goupille de grenade. L'explosion qui pulvérisa le soldat de l'Enclave derrière eux le confirma.

- Sacré toutou ! fit Fawkes en lui ébouriffant la tête ! C'est toi le meilleur !

- Et moi, je fais la sieste, peut-être !

La patience de Johnny commençait à se faire aussi rare qu'un sourire sur un fangeux.

- Allez, Murphy, tu as forcément pensé à mettre une arme secrète à utiliser en cas d'urgence !

Il appuya sur les boutons restants, priant pour déclencher un phénomène positif.

Venue de nulle part, une voix d'homme se fit soudainement entendre :

- Ici, Three Dog, Yeeehou ! La voix libre des Terres Désolées, pour vous. Et maintenant, un peu de musique...

Johnny comprit que Murphy lui avait installé la fameuse Galaxy News Radio. Charmante intention qui pour l'heure ajoutait à sa fureur.

Le vertiptère les bombardait sans relâche et creusait sensiblement l'écart au son de «  a Wonderful Guy ».

- Ca devient super urgent ! souligna Fawkes.

Johnny actionna le dernier bouton.

Le flanc gauche de la moto s'escamota, libérant un missile dans un grand panache de fumée. La lueur de l'explosion éclaira le visage hilare du super mutant !

- Touché ! Et de deux !

L'appareil de l'Enclave perdit rapidement de l'altitude pour finir par s'écraser mollement sur la terre ferme.

Johnny n'en fut pas rasséréné pour autant. Il effectua un demi-tour avec difficulté et s'arrêta à la hauteur de la carcasse fumante du vertiptère. Il descendit de la moto et s'approcha du cockpit. Quelques coups de feu résonnèrent.

- C'est bon, Fawkes. Ils sont tous morts !

- Ouais, continuons, alors !

Johnny allait retourner sur le side-car lorsqu'une idée complètement folle traversa son esprit en ébullition.

- Dis-donc, il a l'air de pouvoir encore voler. Ca vous dirait un baptême de l'air ?

 

Chapitre 6 : La Liberté en Prime

 

A bord du vertiptère volé à l'Enclave, le trio survolait les Terres Désolées avec un sentiment de supériorité bien compréhensible. Fawkes se tenait dans la soute, regardant avec fascination le sol aride défiler sous eux. Il tenait la gatling laser contre lui en vérifiant de temps à autre que le side-car restait en place.

Johnny, quant à lui, pilotait son nouveau joujou sous le regard complice de Rocky assis à ses côtés, visiblement ravi de la promenade.

- Quel pied !

Les trois amis eurent tôt fait de distinguer une étrange cohorte.

- Ce sont eux ! annonça Johnny comme s'il avait vu une oasis.

- Ils ont l'air nombreux, dit Fawkes. Même pour nous.

Johnny lui jeta un regard inquiet.

- Je rigole, ajouta le super mutant.

Il leva sa gatling.

- On va se les faire !

- Ouais, bah, oublie pas que y a pas que des monstres en bas. Y aussi des innocents et parmi eux ma fiancée.

Johnny osa enfin s'angoisser un peu.

- Ouais, va falloir la jouer pas trop bourrin, cette fois.

- Tu comprends ce que ça veut dire « pas trop bourrin », Fawkes ?

- Moi je veux bien, mais avec Emma, j'ai dû mal à tirer au coup par coup !

Johnny faillit s'étrangler en détectant le sous-entendu grivois, mais accidentel, du super mutant.

Il ralentit un peu et amorça sa descente.

Il devait y avoir une trentaine de mutants et moitié moins de prisonniers. Il y avait des maîtres et des brutes solidement armés.

Le mercenaire comptait bien sur l'effet de surprise.

Il essaya de repérer sa dulcinée. Il distingua une frêle silhouette avec des cheveux blonds. Il se persuada que c'était Emma.

- Eh, hurla Fawkes à l'adresse de ses congénères. Vous avez dix secondes pour relâcher les otages sinon on ouvre le feu !

- Qu'est-ce qui te prend ? le morigéna Johnny.

- Excuse-moi, mais j'ai toujours rêvé de dire ça !

La file indienne s'arrêta et tous levèrent les yeux vers l'appareil qui les dominait.

Les prisonniers faisaient peine à voir, mais en voyant le vertiptère, une lueur d'espoir sembla illuminer leur regard. Les mutants, quant à eux, ne trouvèrent rien de mieux à faire que de s'esclaffer bruyamment.

- Je crois qu'ils nous prennent pas au sérieux, observa Fawkes avec une remarquable lucidité.

- On va les faire changer d'avis.

Johnny s'empara de l'incinérateur lourd et tira une salve.

L'un des mutants riait encore lorsque la boule de feu le changea en grillade.

Un silence terrible succéda à l'attaque. Puis un maître mutant épaula son lance-missiles :

- Abattez-moi ce traître !

- Traître ? s'indigna Fawkes. Mais j'ai jamais été de votre côté !

Johnny évita de justesse la roquette, mais les balles se mirent à ricocher contre la carlingue de l'appareil.

- Merde, on a tout fait foirer !

C'est ce moment que choisit un groupe de paladins de la Confrérie de l'Acier pour se mêler à la bataille. Ils jaillirent de derrière une formation rocheuse et se jetèrent sur les super mutants, les affrontant si nécessaire au corps à corps armés de leur éventreur.

- On a vraiment du cul, Fawkes ! Apparemment, on était pas les seuls à s'intéresser à eux !

Johnny posa tant bien que mal le vertiptère.

- Rocky, tu restes là. Trop dangereux pour toi.

Il ignora les jérémiades du chien et Fawkes et lui descendirent pour affronter le bataillon de mutants en pleine débâcle.

- Fawkes, il faut qu'on s'occupe des prisonniers. Il faut les isoler de la bataille.

- Je suis avec vous ! hurla son compagnon tandis qu'il était la cible des paladins.

Johnny sourit.

- Tu devrais te trouver un déguisement !

L'instant d'après, il enflammait deux mutants.

Les balles sifflaient autour du mercenaire qui s'attendait à tout moment à en prendre une. Il fit bien car l'une d'elle lui entailla le bras gauche. Il se mordit les lèvres et continua d'avancer jusqu'à un groupe de prisonniers qui hésitaient à fuir. L'un d'eux semblait les exhorter à profiter de la confusion pour filer en douce. C'était une femme. Johnny s'avança plus près. C'était Emma ! Son Emma !

Il la prit dans ses bras, interrompant brutalement son discours. Il ne la relâcha qu'à contrecœur. Elle avait le visage fatigué et semblait faible. Mais de pouvoir à nouveau la toucher et plonger ses yeux dans les siens suffit à le rendre heureux. Elle le regarda, totalement hébétée, ne réalisant pas qu'il avait pu venir la sauver.

- Viens avec moi ! Venez tous avec moi !

Johnny entraîna la jeune femme vers la formation rocheuse d'où avait jailli la Confrérie de l'Acier.

- Fawkes, tu nous couvres !

- Avec plaisir, chef !

Le bruit caractéristique de la gatling laser ponctua sa déclaration.

Ils n'avaient pas fait dix mètres que trois mutants leur tombaient dessus, armés de bâtons cloutés.

- C'est pas gentil de nous fausser compagnie, firent-ils de leur grosse voix.

Johnny embrasa le plus proche, mais vida du même coup le réservoir de son incinérateur lourd.

- Merde ! Je crois qu' on est cuit, nous aussi !

Un bruit de tronçonneuse se fit entendre. La tête d'un des mutants s'envola de ses épaules et le dernier reçut la lame d'un éventreur en plein cœur.

Tandis que les corps sans vie s'abattaient sur le sol, un paladin apparut, couvert de sang et de viscères.

- Je suis le paladin Cross ! fit une voix déterminée de femme. Elle était revêtue d'une armure assistée et d'un casque assorti, comme tous ses frères d'armes.

- Je vais vous escorter en lieu sûr. On fera les présentations plus tard.

- Bonne idée, fit Johnny avant de la suivre, le contact rassurant de la main d'Emma dans la sienne.

Fawkes n'avait pas perdu son temps. Rapidement, il avait prouvé qu'il était bien du côté des membres de la Confrérie qui avait cessé devant ses exploits de l'importuner comme un vulgaire super mutant. Hélas Emma - l'autre Emma - avait rendu l'âme et il se battait désormais à l'aide d'armes plus ou moins improvisées.

Fawkes repéra un de ses congénères particulièrement dangereux. Il mitraillait à tout va avec son mini-gun, sans se soucier s'il tirait sur des humains ou non. Il avait déjà tué quatre paladins, trois mutants et trois esclaves dans sa folie meurtrière. Fawkes attendit qu'il recharge pour se charger de son cas. Tandis qu'il s'élançait avec pour seule arme ses poings nus, un paladin attentionné lui lança une super masse qu'il attrapa au vol.

- Merci l'ami !

D'un bond puissant, il se jeta de tout son poids sur son adversaire, une brute de la pire espèce. Il lui assena trois coups consécutifs. L'autre ne broncha pas et lui porta un coup terrible avec son mini-gun. Fawkes tomba au sol, groggy, avant de balancer son arme vers la brute. Celle-ci la reçut en pleine face et tomba à genoux sous le choc.

- C'est l'heure de payer la facture, mon gars !

Fawkes lui empoigna le crâne et le dévissa avec tout le savoir-faire d'un mécano hors pair.

La bataille touchait à sa fin. La confrérie avait pris nettement le dessus, même si elle avait sacrifié beaucoup de soldats dans cette lutte sans merci.

Fawkes coupa court aux félicitations des paladins pour rejoindre son ami.

 

Johnny laissa Cross et les autres paladins s'occuper des esclaves pour passer un peu de temps avec Emma. Elle était encore sous le choc de ce qu'elle venait de vivre. Elle n'arrivait plus à parler. Elle pleurait de temps en temps, se serrant contre le mercenaire en murmurant son prénom. Il lui caressait les cheveux.

- C'est fini, Emma. C'est terminé. Tu n'as plus rien à craindre.

Elle poussa un hurlement qui démentit son affirmation.

Johnny se retourna. Un Behemoth leur faisait face, un bâton orné d'une bouche d'égoût en guise d'arme. Il était énorme. Il représentait le stade ultime de l'évolution des super mutants. Heureusement, il en existait peu dans les Terres Désolées.

Johnny mesura combien il avait de la chance avec un sourire amer.

Il n'avait pas vu de Behemoth depuis... depuis ce fameux jour où enfant, il était tombé nez à nez avec l'un d'entre eux. Il avait massacré ses parents et avait voulu l'ajouter à son tableau de chasse. Il s'en souvenait comme si c'était hier. Le colosse le dominait, debout sur une montagne de carcasses de voitures. Sans se rendre compte de ce qu'il faisait, Johnny avait ramassé une grenade sur le corps de son père et l'avait balancé devant lui. Au moment où le Behemoth s'était jeté sur lui, l'explosion avait enflammé les véhicules, produisant une boule de feu cataclysmique qui envoya le monstre en plein ciel. Johnny ne le vit jamais redescendre. Seul son bras droit retomba devant lui. Un bras qu'il avait conservé longtemps, comme pour se rappeler de ce jour néfaste teinté d'un soupçon de miracle.

Oui, il avait bel et bien menti à Murphy. Il avait réellement vaincu un Béhémoth à lui seul quand il n'était qu'un enfant. Ce Béhémoth à qui il devait de s'appeler ainsi.

Il observa le colosse qui à présent les menaçait tous. Johnny senti un frisson glacial parcourir sa colonne vertébrale lorsqu'il vit que le Behemoth n'avait qu'un seul bras.

- On dirait que le destin a décidé que je devais finir le travail.

Plusieurs paladins, dont Cross, voulurent s'interposer. Le monstre les balaya tous de sa massue improvisée. Puis il baissa la tête pour dévisager Johnny qui n'en menait pas large.

Comme s'il l'avait reconnu, ses yeux s'agrandirent et il poussa un hurlement à décorner un troupeau de brahmines.

Johnny serra les poings.

- Je t'ai massacré quand j'avais dix ans, c'est pas maintenant que je vais me défiler. Deuxième round !

Le mercenaire repoussa Emma qui le retenait et força le monstrueux mutant à lui courir après. C'était son combat, son duel. Personne d'autre ne devait s'en mêler.

Mais Fawkes en décida autrement. Il avait grimpé à bord du vertiptère et heurta de plein fouet le Behemoth. Sous le choc, l'appareil menaça de s'écraser. Le Behemoth tomba un genou au sol, à peine ébranlé. Johnny en profita pour ramasser quelque chose au sol. Il grimpa sur la jambe du colosse qui poussa un nouveau hurlement de rage. Johnny jeta dans sa gueule écumante ce qu'il avait ramassé. Il s'apprêtait à s'enfuir, mais son adversaire l'emprisonna dans sa main valide. Le mercenaire sentit une pression terrible sur ses os. Il se voyait déjà réduit en poussières lorsque la tête du Behemoth implosa dans un immonde geyser.

Son corps s'écroula dans un bruit de tonnerre. Les paladins vinrent aider Johnny à se libérer. Ceci fait, il cracha plusieurs goupilles et se laissa tomber dans les bras d'Emma, totalement épuisé.

 

Chapitre 7 : Bons Baisers des Terres Désolées

 

Quand il récupéra un peu, Le paladin Cross expliqua à Johnny que la Confrérie avait repéré ce groupe de mutants quelques temps auparavant. Elle le soupçonnait de se rendre à l'abri 87 pour y  produire de nouveaux spécimens de leur espèce. On peut dire qu'ils avaient vu juste.

- Cet abri 87, il faudrait le détruire une bonne fois pour toutes ! s'emporta le mercenaire en observant Fawkes.

Ce dernier afficha une triste moue.

- On pourrait peut-être en parler à Murphy, avant. Il a l'air doué, ce petit gars. Il pourrait trouver un moyen d'inverser le processus, non ?

Johnny ne put s'empêcher de sourire.

- Pourquoi ? Tu ne te plais plus en mutant ?

Fawkes eut l'air gêné.

- Bah, en fait...

Johnny s'aperçut qu'Emma acceptait mal la présence de Fawkes après ce qu'elle venait de vivre. Elle acceptait encore moins son évidente complicité avec son fiancé.

- Je comprends, dit Johnny. Je comprends. Ce n'est pas comme si tu avais toujours été mutant, crut-il bon de rappeler.

- Je veux qu'on parte d'ici, le supplia Emma.

- Oui, dit Johnny en lui caressant la joue. On va y aller. Mais j'ai encore un petit travail à terminer.

Il scruta l'horizon.

- Tout le monde n'a pas encore payé la facture.

- Vous voulez parler du Dr Nuke ? interrogea Cross comme si elle avait lu dans ses pensées.

Elle avait retiré son casque. C'était une belle femme à la peau noire et aux cheveux courts, étonnamment blancs.

- Qu'est-ce que vous savez à son sujet ?

- Il n'est plus de ce monde. On a trouvé son cadavre non loin d'ici. Voilà ce que c'est que de traiter avec les super mutants.

Johnny poussa un soupir en dévisageant Emma.

- Dommage. J'aurais bien voulu m'en occuper moi-même.

- Si ça peut vous rassurer, ajouta Cross. Des pourritures comme lui, c'est pas ce qui manque dans les Terres Désolées.

Puis elle remit son casque.

- Nous allons escorter ces gens en lieu sûr. Vous voulez nous accompagner ?

- Non, merci, répondit le mercenaire.

- Vous savez que vous feriez un très bon paladin. Votre ami Fawkes, aussi, d'ailleurs !

En entendant son nom, le mutant devint tout guilleret.

- Chef, c'est une bonne idée, non ?

Johnny afficha un air las.

- Rejoins-les si tu veux, Fawkes. Tu es libre.

Le mutant devint tout penaud.

- Mais...

Johnny lui serra la main.

- Je suis vraiment heureux de t'avoir rencontré, Fawkes. On te doit beaucoup.

Le mutant lui serra la main, attristé.

- Je viendrai te voir de temps en temps à la Citadelle.

Ce qui réussit à faire sourire l'intéressé.

- T'as intérêt, sinon...

Le couple regarda les rescapés de la bataille monter à bord du vertiptère piloté par Fawkes et disparaître dans le couchant.

- Je crois qu'il est temps de partir, annonça Johnny.

 

Quelques instants plus tard, le side-car roulait à tombeaux ouverts. Emma était assise derrière Johnny, enlaçant sa poitrine de ses bras et Rocky était dans le panier, regrettant l'absence de l'imposant mutant.

Le mercenaire avait allumé la radio.

« Salut les Terres Désolées, ici, Three Dog. Yahouuu ! Pour votre plus grand plaisir. Encore une nouvelle journée de passée en Post-Apocalyptia. Et si je vous disais, les amis, que notre célèbre héros vient encore de faire parler de lui. Non, non, non. Je ne vous parle pas de notre valeureux habitant de l'abri 101, ni même du légendaire Johnny Behemoth. Je vous parle d'un super mutant qui a carrément viré sa cutie pour aider la Confrérie de l'acier à éradiquer les membres de son espèce. C'est pas un truc dingue, ça ? Si vous avez du mal à digérer une nouvelle pareille, je vous rassure, c'est tout à fait normal. Alors pour vous faire passer la pilule plus facilement, je ne vois qu'un seul remède : un peu de musique...

- Ca alors, fit Johnny, on aura tout vu !

La chanson « Way Back Home » se fit alors entendre dans la nuit, accompagnant le trio de ses sonorités délicieusement rétros, sous un ciel paré d'étoiles scintillantes.

- Merde, ils connaissent pas le rock'n roll à GNR !

 Au loin une soucoupe volante se crasha.

Une journée tout à fait normale en somme dans les Terres Désolées de la Capitale.

En attendant la prochaine...

 

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

samedi, 01 août 2009

CRIMinalité INtensive [Nouvelles/Anticipations]

 histoire,nouvelle,anticipation,monde virtuel,jeu vidéo,sf,fantastique

 Prologue

 

Jimmy prit le temps de s'interroger une dernière fois sur l'utilité de son geste.

C'était vraiment tentant, un peu comme donner un bon coup de pied dans la fourmilière et regarder les dégâts se propager. Et puis, il avait pris ses précautions. Personne ne saurait que c'était lui. Il n'en était pas à son coup d'essai. Mais cette fois, ça risquait de foutre une belle pagaille. Tant mieux. Il avait toujours été un peu rancunier, alors forcément de se voir interdire l'accès au forum pour propos injurieux, il n'avait pas pu le digérer. Après tout, il n'avait fait que dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.

Il appuya sur la touche, scellant le destin de beaucoup de personnes.

Un sourire s'étira sur son visage d'ado boutonneux.

- A vous de jouer, les gars !

 

CHAPITRE 1

  

John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu'il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d'annoncer plus sérieusement 6:00.

John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.

En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d'une épaule et d'une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l'inviter davantage à s'y attarder.

- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.

John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C'était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:

- Je ralentis ou j'accélère ?

Il l'entendit sourire à son tour.

- Je te laisse deviner.

Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d'avoir ouvert les yeux  de si bonne heure. Il l'embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L'explosion fut si violente qu'elle ébranla l'appartement.

John bondit du lit :

- Putain, qu'est-ce que c'était ?

Linda s'alarma.

- J'espère que ce n'est pas la bibliothèque. J'ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.

John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l'entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.

John ouvrit la porte. N'eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu'il s'agissait en fait d'un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu'il distingua à peine le vieil homme qui s'époumonait en traversant la rue à vélo :

- C'est la bibliothèque ! Ils ont détruit la bibliothèque, ces petits fumiers !

John s'avança aussi loin que le lui permit la main ferme de Linda.

- Je crois que c'est Henry Swift.

John plaça ses mains en porte-voix, exhibant sans le vouloir le pistolet qu'il tenait dans sa main droite :

- Henry ? C'est John et Linda. On est là !

Ils entendirent les vieilles roues métalliques grincer indiquant que le vieil homme avait entendu leur appel et ralentissait.

- Vous avez vu ce foutoir ?

N'eut été la catastrophe,  John se serait laissé gagner par la joie de revoir leur voisin préféré.

Un moteur de deux roues pétaradant couvrit sa réplique.

John s'avança un peu plus. La fumée semblait se dissiper légèrement grâce à la brise matinale.

Henry était bien là, sur son vieux machin rouillé qu'il appelait affectueusement « son poney ».

Il portait son affreuse chemise à carreaux qui semblait ne jamais le quitter, qu'il vente ou qu'il neige.

John lui sourit. Henry ouvrit la bouche, mais ses mots furent engloutis par le bruit du moteur qui se rapprochait rapidement. John vit Henry se tourner en direction des arrivants. Des voix de pré-pubères crièrent par-dessus le vacarme de l'engin :

- Eh papy, t'as oublié de prendre tes suppos !

Le staccato d'une arme automatique résonna affreusement. Il  ne s'était pas interrompu que Henry Swift gisait déjà au sol, son vélo couché sur la route et sa fidèle chemise à carreaux poissée de sang. A la vue de son corps sans vie, les yeux de John s'agrandirent et son visage se tordit.

Il pointa son arme vers la moto, mais la main prompte de Linda fit avorter son geste.

Le bruit du moteur s'éloigna et la moto disparut dans un concert d'éclats de  rire.

John se tourna vers Linda. Les yeux bleus de la jeune femme jetaient des éclairs.

- Tu veux leur ressembler ? Tu veux devenir comme eux, à distribuer la mort comme on distribue des journaux ?

- On ne peut pas les laisser continuer à foutre cette ville en l'air, merde ! Henry vient d'y passer sous nos yeux. Après, ce sera le tour de qui ? Toi, moi ?

- On n'a qu'à partir ! Qu'est-ce qui nous en empêche ? Il y a bien un endroit en sécurité !

- En sécurité? Tu lis les journaux comme moi. C'est partout pareil. Tout le monde est devenu fou et ceux qui ont encore leur tête finissent comme Henry.

Sur ces mots, John alla s'agenouiller auprès du vieil homme dont il ne put que constater le décès.

Linda s'approcha avec peine.

- John, ne reste pas là. Ils pourraient revenir !

- Qu'ils reviennent, ces petits salauds. Je les attends !

 

Heureusement ils ne revinrent pas. Une ambulance miraculeusement épargnée emporta le cadavre de Henry Swift. La police ne vint pas recueillir leur déposition. Il y a longtemps que la police ne venait plus pour ce genre de choses. Dehors c'était la guerre et les flics étaient depuis longtemps en première ligne.

 

John et Linda s'étaient consolés du drame du mieux qu'ils avaient pu. Ils avaient beaucoup discuté. Ils avaient chacun élevé la voix. Mais ils avaient fini par tomber d'accord. Ce meurtre gratuit avait été la goutte d'eau pour eux. Ils partiraient vers une île perdue dès le lendemain. Le temps de régler quelques affaires courantes, de faire leurs bagages et ils monteraient dans un petit avion loué à un ami qui habitait en dehors de la ville.

- Tu as raison, avait dit John. Si je reste ici encore quelques jours, je finirai par ne plus pouvoir répondre de mes actes.

 

Le soir, Linda était allée faire des courses pendant que John terminait de remplir sa voiture. Tandis qu'il vérifiait le contenu du coffre, la lumière du jour déclina brusquement et levant la tête, il vit la lune monter brusquement dans le ciel comme tirée par un fil invisible. Il secoua la tête. Il était vraiment fatigué. Il était temps que cette journée se termine.

 

Linda abandonna sa voiture sur le parking du supermarché. Elle avait vu peu de gens. Elle n'avait pas osé leur annoncer son départ. De peur sans doute qu'on lui rétorque que sa tentative était vaine.

Elle essaya de chasser ses sombres pensées. Le soir était étrangement calme et l'air vivifiant. Elle trouvait que c'était une bonne idée de rentrer à pieds pour goûter une dernière fois l'atmosphère de cette ville dans laquelle ils avaient séjourné depuis tant de temps.

Elle regarda les sacs qu'elle portait. Elle avait presque envie de se convaincre que c'était un soir comme ceux d'avant, du temps où rien ne perturbait le quotidien, où rien ne menaçait le bonheur cousu au fil des ans avec l'homme de sa vie. Les sacs étaient lourds. John la sermonnerait sûrement d'avoir laissé sa voiture. Mais cela la fit sourire. Un nouveau départ les attendait quelque part. Incertain. Mais ils étaient ensemble. Le reste importait peu en regard de cela.  Elle n'était plus très loin. Elle pouvait même apercevoir la silhouette de John arc-bouté sur la voiture éclairée par le réverbère. La lune était pleine et brillait au-dessus  de la rue.

Elle songeait à l'avertir de son arrivée lorsqu'elle perçut une présence à ses côtés.

 

Le cri déchira le silence comme un éclair peut déchirer la nuit. John se redressa violemment. Il ne pouvait se méprendre sur le son de la voix.

- Linda !

Il courut dans la rue comme un fou. La vision de Henry Swift sans vie revint le hanter. Il la chassa rapidement. Il n'eut pas à courir longtemps. Il trouva le corps allongé sur la route au milieu des aliments et des objets épars. La tête reposait à même le trottoir. Le poignard avait frappé à plusieurs endroits avec la même effroyable indifférence. Un autre tueur fou était en liberté et Linda venait d'en payer le prix. Ses paroles du matin résonnaient maintenant de manière prophétique à son esprit pourtant assoiffé de rationalisme. Ses poings frappèrent le bitume sans qu'il en prenne conscience, y laissant deux inquiétantes cavités.

John ancra son regard sur le visage blafard de la femme de sa vie. Il évita d'attarder son attention sur les blessures profondes à l'image d'un équilibriste qui se désintéresse du vide pour mieux accomplir sa progression.

- Pourquoi tu n'as pas pris ta voiture, pourquoi ?

Une larme coula sur la joue de Linda.

- Il faisait si bon, John. Il faisait si bon.

John saisit son portable - qu'il ne se rappelait pourtant pas avoir emmené - et composa le numéro des urgences.

- Comment il était ? Dis-moi comment il était ce fils de pute !

- Il était jeune. Si jeune. Un enfant avec des yeux bleus. Magnifiques. Tu sais, j'ai cru qu'il voulait m'aider à porter mes courses. Comment je peux être encore aussi naïve après...

John plaça un index sur ses lèvres.

- Ne parle plus, chérie. Economise tes forces. L'ambulance va arriver.

John entendit la voix d'un opérateur. Il essaya de parler calmement.

- Ma femme a été agressée. Elle est grièvement blessée. Elle s'appelle Linda Carson. Oui, je suis avec elle. Très bien. Nous sommes à ...

John ne sentait plus le pouls de Linda. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais ils le fixaient sans ciller en un regard désespéré qui lui figea le sang.

- Elle est partie, murmura-t-il sans y croire.

L'opérateur le bombardait de questions, mais John lâcha le téléphone, incapable d'écouter autre chose que le silence de mort qui venait de recouvrir sa femme comme un linceul.

- Linda.

Il la prit dans ses bras et ce fut pire encore. John enfouit son visage dans ses boucles blondes. Pour la dernière fois.

Le bruit d'une moto l'arracha à son cérémonial. Le deux-roues venait dans sa direction. C'était celui de ce matin, il en était persuadé. Sa vengeance n'aurait pas le temps de refroidir. Il ramassa instinctivement l'objet le plus proche de sa main sans regarder si cela pouvait faire office d'arme et le jeta sur le pilote de toutes ses forces :

- De la part d'Henry !

Le pilote se baissa et le passager reçut le projectile en pleine figure. Sous l'impact, ses dents se brisèrent et son nez implosa comme une bombonne. Celui-là allait regretter de ne pas avoir mis de casque. Il tomba inanimé sur la route et tandis que le pilote s'emparait d'un Uzi et faisait feu sur lui, John observa avec fascination l'orange qu'il avait projeté roulait sur elle-même dans une flaque de sang. On aurait dit un astre effectuant sa rotation en une danse macabre. Belle métaphore, se dit-il avant de s'apercevoir qu'il aurait dû être mort. La moto disparut à l'autre bout de la rue. John adressa un dernier regard à Linda. Il l'embrassa et se releva, le regard aussi noir que celui d'un serpent. Il écrasa une pomme sous son talon et s'élança à la poursuite du deux-roues.

 

Il le retrouva facilement sous un porche pourtant mal éclairé. John avait le sentiment d'être dans la peau de quelqu'un d'autre. Comme s'il était entré dans une parenthèse de sa vie. Il avait une mission, un but qui excluait toute idée de pardon, de compassion. John n'avait guère eut le temps de dévisager les criminels, mais il sut qu'ils ne devaient pas avoir trente ans à eux deux.

Ils connaissaient sûrement l'assassin de Linda. Ils se connaissaient tous. Il en était convaincu.

John s'approcha à tâtons. Le jeune fouillait dans un buisson. Et il jurait tant qu'il pouvait.

- Fais chier, il est où ce fusil ? Je l'avais laissé là, bordel ! Ils font chier ces cons à piquer les flingues des autres !

- Tu devrais pas être au lit à cette heure là ?

Le jeune se retourna. Il portait une cagoule, un débardeur blanc, un treillis et des bottes cloutées. Mais John n'avait d'yeux que pour les siens. Ils brillaient comme des saphirs. Des yeux  bleus. Magnifiques.

- Qu'est-ce que tu fous là, toi ? Je t'ai buté !

John s'avança. Il n'avait pas peur. Mais l'autre non plus. Comme si tout ceci n'était vraiment qu'un jeu pour lui. John lui sourit. Un sourire de requin.

- Tu devrais changer de job, alors. Parce que tu t'es loupé en beauté.

Le jeune pointa son Uzi.

- Dégage où je te massacre, enfoiré !

- Pour ça, il faudrait que tu aies des balles. Tu n'en as plus et c'est sans doute pour ça que tu cherches ton fusil.

Les yeux bleus s'agrandirent de stupéfaction.

- Comment tu... c'est toi qui me l'a piqué, enfoiré ! Putain, mais tu te prends pour qui ? Tu pouvais pas rester chez toi ? Je vais te massacrer !

Il lança le pistolet-mitrailleur en espérant sans doute atteindre John au visage. Mais John rattrapa l'arme aussi adroitement que possible. Son index caressa la détente avec un plaisir sadique :

- Dis-moi pourquoi tu as fait ça ? Je ne prétends pas t'épargner, mais cela satisfera ma curiosité.

Le jeune produisit un couteau de chasse presque aussi long que son bras.

- T'es con ou tu le fais exprès. Tu l'as dit toi-même : le chargeur est vide !

Le regard de John se vissa sur la lame. Elle brillait, elle était propre. Ce fumier avait eut le temps de la nettoyer, dieu sait comment. Le visage de Linda traversa son esprit. Comme en réponse, son doigt pressa la détente. Le bruit de l'arme ne le surprit même pas. Elle s'accordait à sa volonté. Le jeune tomba, l'épaule gauche trouée de 9 mm.

John se rapprocha de lui. Le garçon ne semblait pas souffrir de sa blessure. Mais plutôt du fait que le chargeur aurait dû être vide. John voulut lui retirer sa cagoule, mais il craignit que de voir son visage l'empêchât d'accomplir sa besogne.

Le garçon dut comprendre son intention, car il l'implora malgré tout :

- Putain, faites pas ça ! Vous voyez bien que je suis qu'un gosse. J'ai que quinze ans. Faites pas ça, je vous dis. Je suis qu'un gamin !

John hésita. Il voulait venger la mort de Linda. Tout en lui réclamait cette finalité. Mais les paroles mêmes de sa femme s'opposaient à cet acte. Ces paroles qui le désigneraient comme un criminel au même titre que celui qu'il avait sous les yeux. En tirant, n'allait-il pas devenir ce qu'il condamnait ? Le regard sans vie de Linda lui apparut, abrutissant sa lucidité. Elle était partie. Pour toujours. Il n'avait donc rien à espérer. Rien à faire. Rien d'autre qu'honorer sa mémoire. Et cela exigeait un sacrifice.

John mit le garçon en joue. Ses yeux de serpent jetèrent des éclairs.

- Non, tu n'es pas qu'un gamin. Tu es l'assassin de ma femme.

Le bruit de l'arme ponctua sa funeste sentence.

 

- Putain, c'est quoi ce bordel !

Eric gesticulait sur sa chaise comme si elle était électrique.

Son frère Jérôme l'entendit depuis les toilettes. Il tira la chasse d'eau et le rejoignit :

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as encore perdu ?

- Ouais, y a un connard qui m'a shooté avec mon Uzi. Il avait l'air balèze alors j'ai pris l'option reddition et il m'a quand même buté !

-  Qu'est-ce que tu veux. Y a des joueurs qui respectent rien.

- C'était pas un joueur, c'était l'IA du jeu ! J'ai buté une femme avec mon couteau et apparemment c'était la sienne. C'est un truc de malade !

Jérôme sourit. Il n'avait pas la même passion que son frère, mais cela l'amusait toujours de l'entendre râler à ce sujet.

- Ca prouve que c'est bien fait. Il y a une vraie cohérence. C'est pour ça que le jeu marche aussi bien, non ?

- Ouais, mais j'arrive plus à me connecter avec mon avatar.

- T'as qu'à en changer ?

- T'es ouf, toi ! J'avais débloqué trop de trucs avec Tunk15.

Les magnifiques yeux bleus d'Eric brillaient. Il était au bord des larmes.

- Je suis dégoûté. En plus j'avais réussi à refaire mon visage. J'ai passé des heures sur ce perso !

Eric quittait son rôle de gangster pour redevenir un simple adolescent. Emotif. Vulnérable.

Il se leva de son siège, balança son micro-casque et quitta la chambre, non sans renverser quelques étagères au passage.

Jérôme le regarda s'éloigner avec un sourire. Il savait qu'il allait noyer son chagrin dans un pot de crème au chocolat ou en regardant un épisode de Vyvychibi, son manga préféré. Il prit sa place devant l'ordinateur et détailla les menus de l'écran avec le sentiment d'ouvrir la boîte de Pandore.

Il regarda la jaquette du jeu posé sur le bureau. L'affiche représentait un fusil-mitrailleur sur lequel venait se greffer les mots Criminalité Intensive.

En dehors de cela, le rendu graphique était d'une étonnante sobriété, loin du réalisme et de l'image spectaculaire véhiculés par le jeu. Mais en bas de l'affiche, comme pour les rappeler, s'étalait le slogan connu dans le monde entier : « Maintenant on ne joue plus ! »

 

histoire,nouvelle,anticipation,monde virtuel,jeu vidéo,sf,fantastique

 

2. Succès Déverrouillé : Premières Armes 

                     

Pour John Carson, plus rien ne pouvait avoir de sens.

Il venait de perdre Linda, l'être le plus cher à ses yeux. Et en donnant la mort, il venait aussi de perdre son bien le plus précieux : sa vertu. Sa vengeance assouvie, du moins l'espérait-il, sa conscience faisait de nouveau son boulot. Et elle venait de le mettre sur le banc des accusés.

Il jeta le pistolet-mitrailleur et se recroquevilla comme un enfant. Ce faisant, il ne vit pas le corps du jeune garçon disparaître subitement sans laisser de trace.

John attendit que la police vienne l'arrêter. Car sur l'instant, c'était bien son seul souhait. Il avait commis la chose la plus monstrueuse à ses yeux et aussi à ceux de Linda. Il avait alimenté la violence qui ravageait la société et contre laquelle il s'était indigné.

Et il l'avait fait de la pire des façons.

Il ne sait pas combien de temps il attendit. La nuit était sans doute bien avancée lorsque la pluie s'abattit sur la ville sans crier gare. Peut-être une manière de nettoyer le sang qui avait coulé et de le laver de ses crimes. Mais là, il savait qu'il en faudrait beaucoup plus.

Il se leva et se dirigea vers la moto du gamin. Il fallait qu'il bouge. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais il ne devait pas rester là. Les flics n'étaient pas venus, alors son destin n'était pas encore scellé. Et puis, il repensa au corps de Linda allongé dans la rue. Comment avait-il fait pour ne pas y penser plus tôt ? Etait-il réellement devenu un monstre, lui aussi ? Peut-être que lorsqu'on avait tué quelqu'un, les pulsions éveillées empêchaient-elles de revenir vers une nature plus humaine.

John enfourcha la bécane. C'était un engin fait pour les sauts et les acrobaties sur des terrains accidentés, du motocross ou du trial, il ne s'y connaissait guère. Tout en la faisant démarrer sans la moindre anicroche, il se demanda si le jeune qui la pilotait naguère avait l'âge requis pour monter dessus. Il repensa à l'Uzi entre ses doigts frêles et il se mit à rire. L'instant d'après, il s'élançait vers sa maison dans un bruit de moteur pétaradant.

 

Il ne retrouva pas le corps de Linda à l'endroit où il l'avait laissé. Ni même à un autre. Il ratissa tout le quartier. Rien. Pas une trace de sang, pas un indice. Le jeune qui avait reçu l'orange en plaine figure s'était volatilisé lui aussi. Il eut la sensation d'être victime d'un complot avant de comprendre qu'il venait simplement de grossir la liste des victimes de la barbarie qui gangrenait la planète depuis quelques mois. Sa colère explosa.

- Bande de salauds ! Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi ?

Comme pour lui répondre, une explosion abîma la nuit au loin dans une fulgurance de jaune et de rouge. Un autre bâtiment important sans nul doute.

John s'écroula au beau milieu de la route et se recroquevilla comme un fœtus. La mort de Linda creusa en lui un sillon de douleur indicible.

Lorsqu'il put retrouver quelque force, les premières lueurs du jour éclairaient la ville, peignant les toits des maisons de couleurs chaudes propres à le réconforter un peu. Tout n'était pas complètement mort. Indifférente au sort des hommes, à leur folie, la nature continuait de produire ses chefs-d'œuvre.

John retourna près de sa voiture. Elle était pleine à craquer. Prête à partir. Il regarda la maison. Et détourna rapidement la tête. Y entrer n'était pas envisageable. Il se sentait bien trop fragile. Sa conscience lui certifiait que la meilleure chose à faire dans l'état actuel des choses était de quitter la ville comme prévu et de se rendre en avion sur une île épargnée par cette montée de violence. Mais une autre voix, une voix qu'il commençait tout juste à apprivoiser, lui assurait que la seule chose désormais qui pouvait donner un sens à sa vie était de devenir la parfaite némésis de ce mal incurable et ravageur. Il savait que cela allait le plonger davantage dans l'obscurité. Mais il ne pouvait se défaire de l'idée que c'était la seule chose véritablement sensée à faire. A quoi lui servirait de fuir ? Il se retrouverait seul, irrémédiablement. Pire que seul. Il ne serait plus avec Linda. Et cette souffrance là, il ne voulait pas la vivre. Rien ne pouvait l'obliger à le faire. S'il devait souffrir, alors il choisirait une autre façon. Et il comptait bien ne pas être le seul à souffrir. Il allait s'en assurer.

Il voulut récupérer son pistolet dans sa table de chevet, mais cela impliquait de retourner dans la maison. Une épreuve qu'il refusait en bloc. Il se prit la tête à deux mains et ce faisant, réalisa qu'il avait le pistolet dans sa main droite. Il l'observa, incapable d'expliquer sa présence. Depuis qu'il avait tué ce gamin, la réalité ne semblait plus tout à fait la même. En fait depuis qu'il avait perdu Linda, l'univers entier semblait lui montrer un autre visage. Comment aurait-il pu en être autrement puisqu'elle incarnait pour lui la vie au sens le plus noble ?

A moins qu'il fut lui-même la source de tous ces changements. L'idée d'être dans un rêve lui traversa l'esprit et il se dit que si tel était le cas, alors il se ferait un devoir d'en faire un cauchemar pour certains. En fait, la réponse lui importait peu, pour le moment.

S'il bénéficiait de ressources supplémentaires pour mener à bien sa mission, alors il n'y avait plus de doute à avoir, plus d'hésitation possible. Sa voie était toute tracée.

Il regarda sa main gauche et la seconde d'après, elle tenait un pistolet identique à celui qu'il possédait déjà. Maintenant que Linda n'était plus là pour agir sur lui comme inhibiteur, il allait pouvoir s'abandonner à ses pulsions les plus refoulées.

Il sourit.

La chasse pouvait commencer.

 

CHAPITRE 3 : L'Avènement de CRIM'IN

 

Dave Matheson était programmeur.

Il avait rejoint l'équipe de Blue Pill trois ans auparavant. Les projets sur lesquels il avait travaillé (souvent au détriment de sa vie privée) ne lui avaient valu que peu de considération et des émoluments pour le moins aléatoires.

Ils n'étaient qu'une dizaine dans l'équipe et les projets - bien que novateurs et attendus - étaient constamment remis en question par la direction, si bien qu'ils avaient l'impression de travailler pour rien. Jusqu'au jour où le studio fut racheté par la société DIEU [Divertissements Informatiques Educatifs Universels] qui après avoir inondé le marché de logiciels révolutionnaires sur la forme, décida d'exploiter l'univers du jeu vidéo et plus particulièrement du jeu en réseau.

Le directeur de DIEU, Donald Buff, était devenu rapidement l'idole de tous. Les adolescents l'adulaient. Les adultes l'adoraient. Lorsqu'il créa TotaLink TM  - un réseau qui rendit possible l'accès à toute une gamme de jeux depuis un PC ou une console - le nom même de sa société lui fut attribué. Il avait réussi, en quelque sorte, à enterrer la hache de guerre, réunissant deux supports jusque-là profondément antagonistes. Un véritable tour de force technologique qui lui avait valu de nombreuses récompenses lors des salons de jeux et des critiques dithyrambiques de la plupart des grandes revues spécialisées comme ZéroOne ou Screenshot.

Ce véritable pont avait alors fait naître dans l'esprit des concepteurs des idées nouvelles.

Car il faut dire qu'à cette époque, cela remontait à presque cinq ans, si les jeux en réseau pullulaient sur le net, il n'en était pas moins vrai qu'un seul d'entre eux monopolisait l'attention et entretenait l'attente des joueurs, tous profils confondus : le monde fantastique de Wind Of Reign (WOR pour les intimes et rebaptisé rapidement WHORE par ses détracteurs et il y en avait).

Rarement un jeu avait développé un tel esprit communautaire. Mais parallèlement à cet engouement massif, il divisait aussi beaucoup. On lui reprochait la médiocrité de ses graphismes, son univers hermétique, sa terminologie et ses règles d'évolution complexes. Quant au système de magie, il était régulièrement décrié à cause de la fâcheuse tendance qu'avaient les sorts à ne pas toujours produire les mêmes effets. La goutte d'eau avait été l'annulation de Devils & Devouts, une extension espérée par tous les joueurs et la médiocre adaptation ciné qui avait suivi.

Des erreurs, des défauts qui avaient fini par en dégoûter beaucoup, par en lasser d'autres.

Au fur et à mesure, la brèche s'agrandit, permettant à une nouvelle attente des joueurs de naître. Instinctivement, tous les regards convergèrent vers Donald Buff, le dieu de DIEU.

Et Donald Buff ne déçut personne.

Le lancement de CRIMinalité INtensive (qui allait rapidement devenir CRIM'IN dans la bouche et le cœur de millions de fans) fit l'effet d'une bombe.

La campagne de marketing envahit les médias. Tel un conquérant, Buff se rendit maître de tous les espaces publicitaires possibles et imaginables. Et ceux qui n'existaient pas, il les créa de toutes pièces. En seulement deux semaines, trois mois avant sa sortie officielle, CRIM'IN fut sur toutes les lèvres et devint la poule aux œufs d'or faisant de DIEU le nouvel El Dorado des Jeux Vidéos. Relayé par un formidable bouche à oreille, la promotion du futur hit n'épargna rien, ni personne. Et progressivement les éléments le constituant furent portés à la connaissance du public, gonflant un peu plus une popularité déjà phénoménale : un monde hyperréaliste, contemporain (à l'opposé de celui de WOR en quelque sorte), une surface de jeu immense sous la forme de plusieurs états imitant les Etats-Unis, une personnalisation extrêmement poussée de l'avatar, un sentiment de liberté total, des possibilités d'action innombrables, un gameplay intuitif, un nombre de caméras jamais vu...Bref, tout concourait à en faire le Saint-Graal des divertissements, l'idéal vidéoludique fantasmé par des générations de joueurs dans le monde entier.

Ceux qui s'étaient détournés des loisirs électroniques se surprirent à contempler les affiches et les couvertures des magazines avec une avidité presque coupable.

Le débat était lancé : Crim'In allait-il être le chef-d'œuvre annoncé, le digne successeur de WOR - désormais à bout de souffle - et satisfaire un public en mal de sensations fortes?

Ou bien Donald Buff n'avait-il fait qu'attiser l'intérêt général pour redorer un blason qui n'en avait guère besoin ? On le soupçonnait bien un peu d'être mégalomane, milliardaire et donc un peu mythomane. Mais quand même. Ses réussites passées jouaient indéniablement en sa faveur.

Lorsque Crim'In débarqua en grandes pompes dans le commerce - un 14 juillet ensoleillé à souhait - la question n'eut plus lieu d'être. Les magasins explosèrent leur chiffre, les serveurs furent saturés. En l'espace d'une semaine, DIEU remboursa le coût de sa campagne promotionnelle. En à peine un mois, les frais liés au développement même du jeu furent eux aussi remboursés et la société toucha des bénéfices substantiels, aidé en cela par un redoutable merchandising.

Non seulement, Crim'In trouva immédiatement son public, mais l'euphorie qu'il suscita fit passer l'intérêt de WOR pour une simple lubie.

La machine commerciale s'emballa. Tout se passa très vite. Trop vite au dire de certains.

Avant même que l'on devine toutes les implications liées à la vente de ce produit, Crim'In était devenu LA référence dans tous les domaines. Sa Bande Originale se vendait comme des petits pains. Les hommages des joueurs fleurissaient un peu partout sur le net sous forme de vidéos amateurs, de fics. Le jeu avait même son émission télé présentée par une star du journalisme. Chaque jour, elle interviewait une vedette américaine chez elle, en train de jouer et qui vendait Crim'In avec autant de conviction que s'il s'agissait d'un candidat à la Maison Blanche.

Celui qui ne connaissait pas Crim'In était traité d'ermite. Celui qui n'y avait jamais joué était considéré comme un autiste.

En raison de sa violence et de son langage cru - le système TotaLinkTM autorisait les joueurs à transmettre intégralement leurs paroles à leur avatar - le jeu était interdit aux moins de 18 ans. Mais sa popularité avait eu rapidement raison de la législation et les parents, dépassés par l'ampleur des évènements, avaient bien du mal à s'assurer que leurs enfants n'étaient pas trop exposés.

Il y eut bien une levée de boucliers de certains syndicats, d'associations familiales et de personnalités qui jugeaient Crim'In comme un catalyseur de perversion pour une jeunesse déjà en manque de repères.

Donald Buff garda longtemps le silence avant de s'exprimer sur cette polémique face aux caméras lors d'une soirée de bienfaisance. Ses mots furent choisis avec le soin dont il était coutumier et devaient rester longtemps en mémoire. Il annonça des chiffres bientôt repris par les médias du monde entier. Pas les chiffres de vente du soft, ni le nombre de connexions par jour. Il annonça que depuis la sortie de Crim'In, le taux de criminalité avait baissé de 30 % dans les grandes villes.  Nouvelle bombe !

L'enquête fut approfondie et l'on fut rapidement en mesure d'affirmer que ce pourcentage était en deçà de la réalité. La vente d'armes avait aussi baissé de manière sensible, et dans le même temps on nota une réduction des guérillas urbaines et de la violence dans les écoles qui avait justement atteint un stade critique.  Même les conflits domestiques se raréfièrent.

La nature propre de l'homme semblait sur le point de connaître un changement et pas des moindres.

Au début, on ne put clairement certifier que cette évolution des mœurs était directement liée au succès de Crim'In ni même si elle avait fait partie des ambitions de Donald « DIEU » Buff.

Mais le temps finit par dissiper toute hésitation à ce sujet. Les ventes continuaient de grimper et la seule chose qui explosait désormais était le chiffre d'audience des émissions qui avaient pour thème le jeu aux mille records.

On en profita pour montrer du doigt ceux qui avaient crié au scandale.

La même année, lorsqu'on voulut décerner une récompense importante à Donald Buff, celui-ci la refusa poliment en se contentant de dire :

« Je suis président des Divertissements Informatiques Educatifs Universels. Et j'aime mon métier ».

 

4. Succès déverrouillé : Grand Theft Auto



John repéra une Dodge Viper accidentée qui avait dû servir de rempart lors d’une fusillade à en juger par les innombrables impacts de balle qui grêlaient sa carrosserie. John ne renonça pas à l’utiliser pour autant. Il avisa plusieurs autres voitures dans le même état et sentit une violente décharge électrique le parcourir des pieds à la tête. Ses yeux s’illuminèrent d’un feu surnaturel et brandissant ses mains, il commença à les faire danser devant lui tel un marionnettiste. Les épaves qui jonchaient la route se désassemblèrent violemment et il comprit qu’il était en mesure de manipuler les débris résultant de cette opération. Il créa avec un plaisir manifeste un ballet surréaliste de portières, de calandres, de capots et de pare-chocs avant d’orienter les pièces détachées sur la Viper. Sous l’emprise d’un nouveau et stupéfiant pouvoir, il les positionna et les souda habilement, confectionnant en un temps record un blindage du plus bel effet. Encore sous le choc de sa réussite, il monta dans la voiture qui avait maintenant des airs de forteresse. Il ne trouva pas les clés et s’en moqua bien. Le simple fait de poser ses mains sur le volant fit vrombir le moteur. Le bruit eut le don d’agrandir encore son sourire.
Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur intérieur et grimaça en voyant ses cheveux châtains et bouclés qui ne lui avaient jamais vraiment plu. Son regard s’intensifia et sitôt après il vit avec ravissement sa chevelure noircir et retomber sur ses épaules avec un léger éclat bleuté. Il en profita aussi pour transformer un peu son visage qu’il affina et dota d’une cicatrice esthétique sous l’œil droit. Mû par une vive inspiration, il saisit le lobe de son oreille droite entre deux doigts afin d’y incruster un piercing scintillant. Ses vêtements anodins avaient eux aussi besoin d’une petite retouche. Il inspira à fond et lorsqu’il expira, son corps se muscla avant de se couvrir de cuir noir comme une deuxième peau. Maintenant que son apparence physique s’accordait parfaitement à sa psychologie, il était prêt à œuvrer en toute quiétude.
Des vestiges du visage et de la voix de Linda menacèrent un instant de briser sa nouvelle personnalité, mais c’était sans compter sa volonté farouche de refuser l’état de martyre.
Et à ce jeu là, il était en train de passer maître.
Il démarra en trombe. Comme un signal adressé à son intention, l’horizon vomit une nouvelle explosion.

 

CHAPITRE 5 : Chasse à l’homme



Lorsque Eric revint prendre place devant son PC, son frère Jérôme n’était plus là. Mais il trouva un mot de sa part scotché sur l’écran :

Une petite surprise t’attend dans ton jeu préféré.

Intrigué, Eric accéda à l’interface de Crim’In. Il ouvrit démesurément ses beaux yeux bleus en découvrant qu’il avait un nouvel avatar. Il répondait au nom de Dielsel45 et était un sosie plutôt fidèle de son acteur préféré : Vin Diesel. Il poussa un cri de joie. Eric lui avait fait un énorme cadeau qu’il n’était pas prêt d’oublier, d’autant plus qu’il le savait plutôt réfractaire à ce genre de jeu. Désireux au plus vite de tester son personnage, il se connecta, un sourire fendant son visage d’ange heureux. Il fit le tour des différentes maps fréquentées. Avant d’en sélectionner une, il prit le soin de déposer dans chaque état de nombreux avis de recherche ainsi libellés :

IA RECHERCHé : JOHN CARSON
TRES DANGEREU-REDITION IMPOSSIBLE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45



En dessous du message figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.

 

6. Succès déverrouillé : Œil de Lynx



Les trois policiers en uniforme attendaient d’hypothétiques renforts avec un espoir qui forçait l’admiration. Le déluge de feu qui s’abattait sur eux depuis dix minutes ne semblait en rien entamer leur moral au contraire de la voiture de patrouille qui leur servait de gilet pare-balles et qui prenait de sérieuses allures de passoire.
De l’autre côté de la rue, derrière une barricade faite d’un conglomérat de débris, deux gangsters rivalisaient d’acharnement. Le premier était un sosie de Al Pacino. Il portait une chemise hawaïenne et vidait son fusil-mitrailleur sur les flics avec exultation.
Le second portait une combinaison noire et un masque de paint-ball. Son expression était invisible mais les deux Uzis qu’il pointait devant lui étaient un excellent reflet de la hargne qui le possédait. Tandis que son complice harcelait les agents, lui s’amusait à tirer près d’un quatrième policier au sol que ses collègues hésitaient à secourir.
Le tireur masqué cessa brusquement de faire feu. Les policiers comprirent qu’il venait de vider ses chargeurs. Encouragé par ses partenaires qui se mirent à le couvrir du mieux qu’ils purent, l’un d’eux s’élança vers le blessé. Il l’empoigna par un bras et commença à le traîner vers la voiture qui menaçait pourtant d’exploser à tout moment. La casquette du flic inconscient tomba, dévoilant un chignon noir. Le secouriste serra les dents, sachant combien le temps lui était compté. La balle d’un sniper lui traversa le crâne et il tomba à son tour.
- Putain je lai eu ! s’écria Eric. Trop fort !
Jérôme revint sur ces entrefaites.
- Ca y est, tu es reparti pour une nuit blanche !
- Merci pour Vin, t’as trop assuré, franchement ! Je te revaudrais ça !
Jérôme sourit à l’idée de ce qu’il allait lui demander.
- Et si en échange, tu me promettais de te coucher avant qu’il fasse jour.
- Tu me crées un super perso et tu veux que je m’arrêtes ?
Le sourire de Jérôme pâlit.
- Effectivement, c’est un peu dur, mais ça me plairait de savoir que tu as dormi. Les parents rentrent pas avant demain soir. Je dois m’assurer que tu fasses pas que jouer. Tiens j’ai apporté une pizza. Faut que tu manges aussi.
Mais Eric l’avait à peine entendu.
- Regarde bien. Je vais m’en faire un autre ! Y vont rien voir, ces cons ! Regarde !
Les deux policiers jetaient des regards affolés vers les deux victimes. Ils essayèrent de repérer la position du sniper dans l’immeuble dévasté en face d’eux et tirèrent au jugé.
- Merde, lâcha Eric. Ils vont m’avoir !
A l’idée qu’ils pourraient perdre définitivement cet avatar comme le précédent, il décida de s’adresser aux deux fous furieux en bas de l’immeuble qui canardaient à tout va. Le gamertag des joueurs qui les manoeuvraient apparaissait clairement au-dessus de leur tête.
- Scarefaith et Jazz-on, couvrez-moi, je suis au-dessus de vous, les mecs. Je vais les allumer !
Les deux intéressés levèrent le nez et éclatèrent de rire en voyant un colosse chauve leur faire signe.
- Eh, Diesel45, la prochaine fois, télécharge un mod vocal. Parce que Vin Diesel avec une voix de fillette, franchement ça le fait pas !

Eric comprit qu’il n’était pas forcément le bienvenu et que ça allait être du chacun pour soi. Il s’en fichait. Il allait montrer à ces crétins ce dont il était capable.
Il enclencha le zoom de son fusil et explorant la voiture des flics, repéra le symbole de tête de mort qui indiquait des chances de destruction maximales. Avec un peu de chances, les deux autres guignols en prendraient plein les yeux. Littéralement. Il pressa la détente : l’explosion qui en résulta le fit frissonner de plaisir. Il déchanta subitement lorsqu’il vit la boule de feu se figer sans avoir pu causer le moindre dommage aux flics.
- Non, putain de bug de merde !
Scarefaith et Jazz-on se désintéressèrent de leurs cibles lorsqu’ils remarquèrent un personnage aux cheveux longs, entièrement vêtu de cuir noir s’avancer dans leur direction. Il était descendu d’une voiture de sport déguisée en char d’assaut, ce qui était la moindre des raisons de s’intéresser à lui.
Max et Shane se dévisagèrent. Ils jouaient côte à côte, le premier sur un PC dernier cri, l’autre sur une console next-gen. Ils étaient potes, dans la vie comme dans le virtuel.
- Si c’est pas un joueur, il est mort ! dit Shane. De le tuer, ça doit débloquer quelque chose, à tous les coups.
- Si c’est un joueur, dit Max on lui demande comment il a eu le code pour faire ça !
Ils rapprochèrent la caméra de l’arrivant pour repérer s’il avait un gamertag. Mais tandis qu’il avançait d’une démarche souple, rien n’était visible au-dessus de sa tête. La fumée rémanente n’aidait en rien l’observation. Alors que l’homme entrait dans la zone de la fusillade, quelque chose se matérialisa au-dessus de sa tête. Ce n’était pas un gamertag. Juste trois mots.
VOUS ETES MORTS !
Jazz-on reçut une flopée de balles dans la tête et dans la poitrine. Son masque de paint-ball ne lui fut d’aucun secours. Les flics en avaient profité pour reprendre leurs esprits et maintenant ils jouaient les cow-boys. Le tueur tomba avant de disparaître.
- Merde ! s’écria Shane. Les enfoirés !
Max ne quittait pas son écran des yeux.
- Vite, reconnecte-toi ! On va tous se les faire à deux, comme d’hab.
Ils échangèrent rapidement une poignée de main secrète et hurlèrent leur cri de guerre :
- Crim’In, pas de panique ! Crim’In, on vous nique !
Shane était entré dans les menus de l’interface, et progressivement son visage trahit un sentiment de panique.
- Je le crois pas !
- Dépêche-toi, les flics me font chier, là !
Le visage de Shane était livide.
- Je peux plus me connecter ! Mon profil est corrompu. J’ai tout perdu, putain !
- Bâtards !
Scarefaith ne prit même pas la peine de viser. Il actionna le lance-grenades dont était muni son fusil-mitrailleur. L’explosion aurait dû tuer les deux flics. Mais une fois encore, l’image de la déflagration fut stoppée dans son animation et dans ses effets.
Scarefaith bondit par-dessus la barricade et fit face à John Carson.
- C’est toi qu’es mort !
Il tira.
John esquiva la grenade d’une simple torsion du coup. Le projectile rebondit au sol avant de s’immobiliser sous la Viper. L’explosion souleva le véhicule dans les airs comme un jouet. La voiture effectua une magnifique série de soleils avant de faire mine de s’abattre sur John. Ne sentant visiblement pas la menace approcher, il dégaina l’un de ses pistolets.
- Pauvre naze, dit Max, tu sais pas à qui t’as affaire.
- Il va falloir qu’ils améliorent encore l’IA, souligna Shane.
Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu. John pointa son arme vers le ciel et la calandre de la Viper se vissa dessus comme sur un aimant.
C’est à peine si sous le poids son coude plia.
Eric suivait la scène, abasourdi.
- C’est quoi ce mec encore!
- Tire dans le réservoir ! s’exclama Shane. Explose-le !
Scarefaith allait s’exécuter, mais rapide comme l’éclair, John dégaina son deuxième pistolet et lui explosa la tête.
- A moi de jouer, fit Eric.
Il effectua un zoom sur la Viper et remarqua le symbole caractéristique en forme de crâne. Il allait tirer, mais se ravisa. Cela ne servait à rien. Le gars était capable d’arrêter les explosions. Il baissa alors le canon de son fusil et ajusta la tête de John. Ce dernier baissa son bras. Son pistolet et la Viper accompagnèrent le mouvement comme une extension de lui.
C’est alors que Eric aperçut quelque chose se matérialiser au-dessus de la tête de sa cible. Pas un gamertag. Juste deux mots.
ENCAISSE CA !
La détonation retentit et la Viper fila à la vitesse d’une balle, s’encastrant violemment dans le bâtiment où le sniper s’était retranché. L’édifice – qui était déjà mal en point – s’écroula complètement dans un volumineux nuage de poussière.
John rejoint les deux policiers qui tentaient de réanimer leur partenaire.
- Merci, dit l’un d’eux. Sans vous…
- Mais comment vous avez fait ce truc avec la voiture ?
John afficha un sourire las.
- Faites comme moi. Ne cherchez pas à comprendre.
Les flics essayèrent le massage cardiaque, le bouche à bouche, sans succès.
John s’agenouilla auprès de la jeune femme inconscience. Il se surprit à la trouver jolie.
Il lui suffit de placer une main au-dessus de son visage pour qu’elle ouvre les yeux.
Les flics observèrent la scène bouche bée.
- Comment vous…commença l’un d’eux avant de se rappeler le conseil de John.
- Elle va bien, mais elle est encore très fragile. Je vais l’emmener vers un lieu sûr.
- Un lieu sûr ? Mais il n’y plus aucun lieu sûr depuis longtemps. Ici, à Slaughterfalls, comme partout ailleurs, c'est le chaos total, l'anarchie !
John se releva, la femme dans ses bras.
- Alors elle restera à mes côtés. Je ne connais pas d’endroit plus sûr.
Il émit un bref sifflement. Dans un grand envol de gravats, la Viper jaillit des décombres de l’immeuble et retomba sur ses roues. John installa la femme sur le siège du passager.
Les deux flics dévisagèrent John, comme attendant qu’il s’occupe aussi d’eux.
Et c’est ce qu’il fit.
Il tendit une main vers la voiture de patrouille et elle fut comme neuve. Il s’approcha ensuite des deux flics et posa une main sur une de leurs épaules.
- Ainsi SWAT-ils !
Le temps d’un clin d’œil, il se retrouva assis au volant de la Viper et démarra en trombe.
Les deux flics assistèrent à son départ, muets comme des carpes, avant de réaliser qu’ils portaient des uniformes d’élite et des armes de gros calibre.
- Ce mec est un dieu ! déclara l’un d’eux.
Ils montèrent dans leur voiture et quittèrent les lieux à leur tour.

La jeune femme remua sur son siège et jeta des regards affolés autour d’elle.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui êtes-vous ?
John sourit. Il était ravi d’avoir un peu de compagnie.
- Vous avez été attaquée par des voyous. Vous êtes en sécurité, maintenant. Je m’appelle…
Il hésita. Il voulait s’éloigner encore un peu plus de l’homme qu’il avait incarné jadis. Il avait changé d’état d’esprit, d’apparence. Il était capable de faire des choses hors du commun sans même y penser. Il avait en quelque sorte enfanté une autre version de lui. Une version infiniment supérieure. Il ignorait comment, il ignorait pourquoi. Pour l’instant, il se contentait de l’accepter et ça lui réussissait plutôt bien.
Il était donc tout naturel qu’il change aussi de nom.
- Appelez-moi John...son.
La femme sourit avec chaleur.
- Merci d’être venu à mon secours, Johnson. Moi je m’appelle…
- Rachel Evans, dit Johnson avec une extraordinaire assurance.
La femme ouvrit de grands yeux, ne pouvant cacher sa consternation.
- Mais comment…
Johnson se mordit la lèvre inférieure. Ses pouvoirs commençaient à le mettre dans l’embarras.
- C’est écrit au-dessus de votre tête.
- Quoi ?
Puis elle éclata de rire.
- Vous avez failli me faire marcher, vous savez.
Elle posa alors une main près de l’insigne cousu sur son uniforme où était écrit :
Rachel Evans – Pour vous Protéger et vous Servir

Une silhouette massive jaillit des vestiges de l’immeuble, les vêtements déchirés, le corps ensanglanté. Diesel45 s’avança en traînant les pieds jusqu’à l’endroit où les deux explosions étaient encore inertes. Son crâne glabre était maculé de sang et de poussière. Mais ses yeux jetaient des éclairs.
- J’ai pas dit mon dernier mot, fit la voix juvénile de Eric.

Rachel allait ajouter un mot, mais Johnson leva un index.
- Un instant. J’ai quelque chose à terminer.
Il fit claquer ses doigts.
Les deux explosions achevèrent bruyamment leur œuvre, catapultant Dielsel45 plus de dix mètres au-dessus du sol et l’envoyant heurter un panneau d’affichage arborant la célèbre jaquette de Crim’In et son non moins illustre slogan : On ne joue plus !

 

CHAPITRE 7. Lettre à D.I.E.U.

 

Les yeux rougis pas les larmes, Eric tentait vainement de calmer sa rage en envoyant à travers sa chambre tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Il venait de reperdre un avatar qu’il chérissait, que son frère avait pris la peine et le temps de lui créer. Et voilà qu’à nouveau ce bug qui l’empêchait de se reconnecter. Pour la bonne raison que Dielsel45 était introuvable.
Il s’apprêtait à lancer le clavier à travers l’écran de son PC lorsque Jérôme arriva, les cheveux en bataille, portant simplement un caleçon. Il attrapa le clavier à temps et adressa un regard de grand frère responsable et contrarié à Eric, tremblant comme un épileptique :
- Calme-toi, Eric. Assis-toi et calme-toi !
Eric obtempéra, non sans jurer entre ses dents. Jérôme s’assit sur le lit, à côté de lui :
- Tu es fatigué, vas dormir. Tu joueras mieux demain.
Jérôme tendit une main pour éteindre l’ordinateur, mais Eric l’arrêta :
- Pas encore, geignit-il.
Jérôme lui jeta un regard noir. Eric s’empressa alors d’ajouter :
- Je jouerai pas, je te jure. Je veux juste envoyer un mail à Buff. C’est pas normal que l’IA débloque comme ça. Je suis dégoûté, je viens de perdre Diesel45. Tu venais juste de le faire.
Jerôme sourit. Il n’arrivait pas lui en vouloir. Il ne supportait pas ses gamineries, mais Eric était un frère plutôt sympa en dehors de ça.
- C’est pas grave. Je t’en referai un encore mieux. Jason Statham, tu l’aimes bien aussi, je crois ?
Eric opina avec un grand sourire.
- Ok, on verra ça demain. Envoie ton mail si tu veux, mais après dodo, d’accord ?
Eric acquiesça de nouveau.

 

CHAPITRE 8 : Dans les coulisses



Tout comme Donald Buff, Dave Matheson aimait lui aussi son travail. Et il l’aimait chaque jour un peu plus depuis qu’il oeuvrait sur les fondations mêmes de Crim’In.
Assis devant son PC dernière – et même prochaine – génération, il s’appliquait présentement à résoudre les bugs de toutes sortes détectés par les programmes, les autres techniciens ou encore les joueurs eux-mêmes via quelques mails parfois virulents. Mais la plupart des messages que le studio Dead Zone recevait était plutôt sympathique.
Les joueurs remerciaient régulièrement les concepteurs d’avoir « crée un jeu aussi génial » et ils s’imaginaient souvent grâce à quelques compliments bien appuyés pouvoir accéder aux coulisses de fabrication du soft. Mais un tel privilège n’était pas encore à l’ordre du jour. Le studio Dead Zone – filiale de D.I.E.U. – était devenu l’un des endroits les mieux gardés des Etats-Unis. Et forcément aussi, l’un des plus recherchés.
On l’avait localisé à une centaine d’endroits d’après des sources sûres.
Bien entendu, tous s’étaient avérés faux.
La carte de Crim’In était découpée en 13 états de taille et de forme variables. Sous sa forme quadrillée, elle représentait 26 carrés de large – notés de A à Z – et 30 carrés de haut – évidemment notés de 1 à 30. En tout, 180 carrés comme autant de zones à surveiller, chacune d’elles étant placée sous la responsabilité d’un programmeur attitré. Selon le planning, les responsabilités pouvaient permuter. Et le planning était plutôt souple.
En ce jour, Dave Matheson avait la charge de la zone L-17 autrement dit la bourgade de Slaughterfalls. Et il apparaissait que cette contrée - d’ordinaire si dépourvue d’anomalies techniques – était devenue depuis peu un formidable aimant à bugs. Les joueurs depuis plusieurs heures inondaient la boite mail d’infos à ce sujet et bien souvent dans un langage peu châtié. Dave avait conscience que les concepteurs comme lui étaient des stars aux yeux des gamers, mais dès lors que les problèmes survenaient, ils devenaient rapidement la lie de l’humanité.
Dave inspecta toutes les données compilées. Il arrivait régulièrement que des bugs apparaissent en quantité dès que le nombre de membres connectés atteignait un certain niveau. Mais en consultant les archives, il s’aperçut qu’aux heures où les anomalies avaient été signalées, le nombre de connexions était relativement faible. C’était donc un souci lié au moteur graphique du jeu. Un moteur révolutionnaire baptisé Golgotha dont Dead Zone était l’inventeur et l’unique détenteur. Encore expérimental, il pouvait néanmoins afficher un nombre record d’éléments sans aucun ralentissement. Les mises à jour étaient fréquentes, mais il était encore largement perfectible. D’autant que les extensions – produites plus ou moins à la hâte pour satisfaire les attentes – repoussaient à chaque fois un peu plus les limites de ses capacités.


Dave était une sorte de nettoyeur et c’est d’ailleurs ainsi que les joueurs surnommaient affectueusement les techniciens comme lui. Ce n’était pas une tache ingrate. Bien au contraire. Dave avait connu bien pire du temps de Blue Pill et puis, maintenant, il avait la reconnaissance. A commencer par celle de son supérieur direct.

Lorsque Harvey Wizard entrait dans les bureaux de Dead Zone – qui ne méritait pas leur nom vu le nombre d’employés et l’agitation qu’ils généraient – il avait l’impression d’être un responsable de la NASA. En observant les programmeurs, les designers et tous les artistes concentrés sur leurs travaux respectifs, il voyait moins en eux les bâtisseurs du loisir le plus coté au monde que des techniciens chargés de maintenir une navette dans les airs le plus longtemps possible. Une navette avec beaucoup de gens dedans. Oui, la navette Crim’In. C’est ainsi qu’ils avaient tous baptisé le jeu qui avait ni plus ni moins sauvé la face du monde.
Ils soignaient le mal par le mal. Un mal réel par un mal virtuel. Mais plus qu’un mal nécessaire, Crim’In était devenu le super antidote, une boule anti-stress manipulée par des millions de personnes. Qu’importait si ce remède consistait à massacrer des ersatz d’humains. Dans les rues, les cités, le calme avait repris ses droits. On réglait les conflits manette en main. Le clavier et la souris avaient remplacé le fusil et la grenade. Le son des balles déchirant les chairs en THX avait fini par être plus séduisant que le bruit des vraies détonations. La mort était devenue trop esthétique sur les écrans HD. On pouvait régler la couleur du sang, tuner ses armes comme des voitures de course, enregistrer ses faits d’armes, les revoir sous des angles cinématographiques avec des ralentissements à rendre jaloux John Woo en personne.
Ce jour-là, lorsque Harvey Wizard entra dans les locaux de Dead Zone, il eut ce frisson qu’il ressentait à chaque fois. Il pensait aux innombrables joueurs connectés qui prenaient un immense plaisir à arpenter le monde de Crim’in, improvisant des alliances, des compétitions, des défis et des objectifs. Il s’imaginait à la place des vétérans, fins stratèges ou bulldozers, éliminant leurs rivaux avec une efficacité admirable, maîtrisant à la perfection les combinaisons de touches et connaissant la map sur le bout des doigts, faisant exploser les records tous les quarts d’heure. Il s’imaginait à la place des novices dont la première partie à Crim’In faisait figure de dépucelage, avec comme récompenses, une montée sensationnelle d’adrénaline et une jouissance à la même mesure qu’elle soit synonyme de victoire ou d’échec.
Il sourit en pensant à eux avant de s’adresser à ses troupes :
- Salut tout le monde. Comment va Crim’In, aujourd’hui ?


C’était une simple formule d’usage, car tout en disant cela, Harvey contempla le tableau holographique affichant la map entière de Crim’In, les zones et le nom du programmeur associé à chacune d’elle ainsi que le nombre de connexions et les gamertags des joueurs en activité. Il effleura une icône et consulta les derniers mails reçus. L’un d’eux retint particulièrement son intention. Il était adressé à Donald Buff, mais Harvey avait l’habitude de cette maladresse et il avait appris à l’accepter. Cela le faisait même sourire.
Maintenant que D.I.E.U. rentrait largement dans ses frais, que le studio se portait bien et que la mécanique était bien huilée, Buff chapeautait toujours le projet, mais de manière de plus en plus distante et ponctuelle. Il appelait régulièrement Harry et ils déjeunaient ensemble de temps en temps dans sa villa en se congratulant des résultats, mais leurs rapports devenaient purement anecdotiques. Harvey soupçonnait même Buff de travailler sur un nouveau projet. Ce qui aurait été tout à fait digne de lui.
Le mail avait été envoyé par un garçon de 15 ans originaire d’Orléans en France. Il était rédigé ainsi :

Monsieur Donald Buff,

Je m’apelle Eric, j’ai 15 ans et je vous écri car j’adore CRIMIN et que je j’y joue tout les jours. Mais en ce moment ya des petit problème qui m’énerve un peut. Il ya des pnj qui sont trop cheatés et qui ont tué mes deus derniés avatars et je peux plus jouer avec. C’est pas normal. Je vous envoi les images car j’ai acheté le mod DIRECTOR que je trouve super pour enregistré les actions et les envoyé aux potes. J’espère que ça vous aidera a réparé ce qui va pas. Merci pour tout ce que vous faisez sur le jeu. J’espère que la prochaine extension va biento sortir.

Avec tout le respé que je vous doit,

Eric



Harvey se dit que cela valait peut-être la peine de jeter un coup d’œil à l’enregistrement en question. Il arrivait souvent que les joueurs envoient les vidéos de leurs exploits afin d’épater les développeurs et peut-être Buff lui-même pour obtenir une hypothétique rencontre avec le directeur de D.I.E.U. en personne. Certains avaient même poussé le vice en créant un avatar à l’image de Buff. Ce qui, évidemment, n’était pas forcément de très bon goût. Mais Harvey savait que les mails étaient en général filtrés au préalable par des opérateurs bien attentionnés avant qu’il prenne la peine d’y accéder. Une sorte d’accord tacite.
Lorsqu’il visionna les images, il ne regretta pas sa décision et contacta sitôt après Dave Matheson avec qui, par ailleurs il entretenait d’excellents rapports. Il se réjouissait presque de devoir résoudre ce problème avec lui. Il pressa son lobe gauche :
- Salut Dave, tu vas bien ? Bon, écoute, je viens de consulter les mails et l’un d’eux s’est avéré fort pertinent. Tu es sur la zone sensible, c’est pour ça que je m’adresse à toi.
- Je m’attendais à votre appel. J’ai regardé la vidéo. Effectivement, un gros problème d’IA défaillante. J’avais encore jamais vu ça. Je suis en train d’essayer de localiser le sujet.
- Comment il s’appelle ?
- Le premier qu’on voit c’est John Carson. Le second, je ne sais pas. Il n’apparaît pas dans la mémoire et ce n’est pas un avatar de joueur. Très étrange.
- Ok, je te laisse chercher, je viens te voir dans un quart d’heure.
Ce qui implicitement voulait dire « tu as un quart d’heure pour démêler ce nœud avant que je ne vienne t’aider en faisant les gros yeux ».
Harvey allait couper la communication, mais il crut bon d’ajouter :
- Pendant que tu y es, recherche le nom du programmeur qui a crée ce gars-là. Avec un peu de chance, avant midi, tout sera rentré dans l’ordre.
Evidemment, Harvey Wizard ne pouvait pas savoir qu’avant midi, la face du monde allait de nouveau être bouleversée.

 

9. Succès déverrouillé : Corps d’Acier



Johnson ne savait pas trop pourquoi, mais de se retrouver aux côtés d’une femme, même très différente de Linda, lui ôtait toute envie de se confronter à nouveau à la violence et encore moins de la nourrir.
En fait, il eut subitement envie de reprendre le cours de son ancienne vie. Il voulait quitter la ville, fuir les combats, prendre cet avion et aller sur cette île dans le fol espoir de trouver la paix, la sérénité et un nouveau sens à sa vie.
Rachel s’alarma en voyant un panneau annoncer une prochaine sortie.
- Où nous emmenez-vous ?
- Loin de tout ça, loin de slaughterfalls. Je connais quelqu’un qui possède un petit avion. Je sais piloter.
- Mais je ne peux partir comme ça…avec vous, se sentit-elle obligée de rajouter pour le convaincre de son ineptie. J’ai une vie, ici, un travail !
De son côté, Johnson se sentit plus qu’obligé de rétorquer :
- Une vie ? Un travail ? Vous voulez rire ! Vous faites simplement comme tout le monde. Vous essayez seulement de survivre.
La remarque était cinglante, mais Rachel ne comptait pas s’en contenter.
- On ne se connaît pas. Je ne sais pas qui vous êtes.
- Moi non plus je ne sais plus qui je suis.
Johnson poussa un soupir qui en disait long, mais pas assez à son goût. Alors il comprit qu’il était légitime de se confier un peu à Rachel :
- J’ai perdu ma femme cette nuit. Un gosse l’a poignardée.
Il préféra ignorer l’expression d’épouvante de la jeune femme et poursuivit du même ton :
- Je l’ai retrouvé et je l’ai abattu à mon tour. De sang-froid. Et puis à partir de là, tout s’est accéléré. Je me suis mis à faire des choses, à voir des choses.
Il s’interrompit pour regarder ses mains posées sur le volant.
- jusqu’à maintenant, j’ai préféré tout ignoré et me laissé emporter par cette formidable force qui m’a envahi et qui grandit en moi un peu plus à chaque seconde. Ce n’est pas juste la colère et la vengeance qui m’habitent. C’est autre chose. C’est plus compliqué. Car il n’y a pas que ça.
Il se tourna vers Rachel, le temps pour lui de s’assurer qu’il avait toute son attention. Et il ne fut pas déçu.
- Il se passe des choses autour de moi, autour de nous dont nous ne sommes absolument pas responsables. Des choses inexplicables. Et je ne parle pas de la violence et des gangs. Les corps des morts disparaissent. Des mots apparaissent au-dessus des gens. Comme des noms de code. Vous voyez quelque chose au-dessus de ma tête ?
Rachel hésita avant de secouer la tête. Elle le scrutait comme si elle avait affaire à un fou.
Johnson s’en rendait bien compte.
- Et maintenant ?
Trois mots lumineux s’inscrivirent devant son visage.
FAITES-MOI CONFIANCE !
Rachel hoqueta de surprise.
- Comment vous faites ça ?
- Vous le faites aussi. C’est comme ça que j’ai su comment vous vous appeliez. En fait, tout le monde le fait, mais apparemment, je suis le seul pour le moment à le comprendre et à le contrôler.
A son tour, Rachel poussa un soupir lourd de sous-entendus.
- A mon niveau, j’ai entendu pas mal de choses inquiétantes. C’est peut-être une méthode de surveillance créée par le gouvernement.
- Tiens, parlons de lui. Où est-il ? Que fait-il ? Les autorités sont aux abonnés absents depuis un moment maintenant. Ils nous laissent dans notre merde. Ils se foutent bien de ce qui peut nous arriver. Et vous savez pourquoi ?
- Ils sont complices.
- Exact. Et ce chaos n’est ni plus ni moins devenu une sorte de contrôle pour eux. Pendant que nous essayons désespérément de nous protéger, les politiques peuvent s’adonner à leurs plus basses besognes en toute impunité. Dans ces conditions, pourquoi interviendraient-ils ?
Rachel se recroquevilla un peu sur son siège.
- Ca fait peur. C’est donc la fin ?
- Je ne sais pas. Il faut que je sache pourquoi je suis ce que je suis. Et il faut que je sache si je suis le seul.

Johnson freina sans crier gare et s’arrêta sur le trottoir. Il tendit un bras et décolla une affiche sur le mur couvert de graffitis provocateurs. Le message qu’il put lire était ainsi libellé :


IA RECHERCHé : JOHN CARSON
TRES DANGEREU-REDITION INéFICASSE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45



En dessous du texte figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.
- Vous le connaissez ? interrogea Rachel.
Johnson ressentit à nouveau cette sensation étouffante d’être la victime d’un complot à grande échelle. Il répondit sans vraiment y penser :
- Oui, c’était moi.
- Quoi ?
La détonation n’avait pas fini de retentir que la Viper traversait violemment le mur dans une explosion de briques et de débris métalliques.
De l’autre côté de la route, un char d’assaut pointa son canon entra deux maisons - qu’il démolit allègrement sur son passage – avant de s’arrêter près d’une borne à incendie.
La trappe d’accès s’ouvrit et un ado de dix-neuf ans apparut. Il était torse nu. Il portait un bermuda version camouflage et un casque de GI sur lequel était inscrit son gamertag : BORNKILLER. Une cigarette était rivée au coin de sa bouche. Il exhiba un fusil à canon scié recouvert de logos et tira dans la borne à incendie, libérant un puissant geyser d’eau. Il appuya son dos contre la trappe, allongea ses jambes et laissa l’averse le rafraîchir.
La voix du pilote – qui répondait au nom de DWAYNE et qui avait tout d’un catcheur – se fit entendre :
- T’es sûr que c’était la bonne caisse ?
L’autre observait le soleil à son zénith sans même cligner des yeux :
- Absolument. La description sur le forum était très détaillée. Le joueur a dit qu’il l’avait vue d’assez près.
- Pourquoi il vient pas nous rejoindre ?
- Il a dit qu’il avait des problèmes de connexion et qu’il devait se refaire un avatar. Et d’après lui c’est à cause du mec qu’on vient d’exploser.
- Jamais entendu parler d’un truc pareil. Comme si l’IA pouvait interférer avec le réseau. N’importe quoi !
- En tout cas, reprit BORNKILLER, on va attendre un peu ici. Je lui envoie notre position. Il nous rejoindra dès que possible.
- Tu crois que c’était un boss caché ?
- Non. On aurait remporté des points bonus et là c’est pas le cas.
- Tu crois qu’on l’a eu ?
BORNKILLER tapota la surface du char comme s’il se fut agi d’un animal de compagnie :
- Tu parles qu’on l’a eu. Rien ne peut résister à Texas.
Il avait baptisé le char ainsi en hommage à son labrador, mort quelques jours auparavant.
Il n’avait pas plus tôt dit cela que quelque chose s’élevait des ruines encore fumantes devant eux. BORNKILLER n’en crut pas ses yeux lorsqu’il vit une silhouette humaine se découper sur le disque jaune du soleil. Il se redressa.
- Merde, c’est lui là-haut ! On va lui envoyer un Baby Jaw !
Johnson tenait Rachel dans ses bras. Et il flottait dans le ciel sans le moindre effort à faire. Mais c’était là la dernière de ses préoccupations. Il contempla le visage de la jeune femme en essayant vainement de ne pas penser à celui de Linda juste avant qu’elle ne meure dans ses bras. Les lèvres de Rachel remuèrent. Elle eut comme un sursaut, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut une giclée de sang. Johnson sut qu’elle venait de le quitter. Et comme pour chasser le doute à ce sujet, son corps disparut. Comme tous les autres. La surprise de Johnson fut de courte durée. Sa fureur beaucoup moins.
- T’es sûr que c’est lui ? s’enquit DWAYNE. Il a l’air différent de la description.
Johnson était maintenant un colosse chauve au torse nu exhibant une pléthore de cicatrices et de tatouages tribaux qui à eux seuls auraient pu faire fuir une armée. Une cape noire déchirée se soulevait dans son dos de manière surnaturelle, s’agitant nerveusement comme la queue d’un félin contrarié.
- Feu !
Le canon du char cracha un obus titanesque doté d’un aileron sur lequel était dessiné un bébé à la mâchoire de requin. Johnson gonfla son biceps et lança son poing droit devant lui. Le choc de la collision brouilla l’image sur l’écran HD. L’étudiant et l’ouvrier assis au comptoir du Mike’s Bar échangèrent un bref regard avant de river de nouveau leur attention sur la télé, imités par une trentaine de clients, spectateurs assidus du jeu. C’est Mike, le patron, qui avait eu l’idée d’organiser ces séances publiques. Cela amenait pas mal de monde, les strip-teaseuses ne faisant plus vraiment recette.
Lorsque le nuage de poussière se dissipa, les deux joueurs et l'assistance derrière eux eurent une vision qui les laissa momentanément sans voix.
Johnson s’était fait un gantelet de l’obus destiné à l’anéantir.

Au-dessus de sa tête des lettres lumineuses apparurent, formant rapidement quelques mots à l’attention des assassins de Rachel :
J’IGNORE SI DIEU EXISTE MAIS VOUS VENEZ DE CREER LE DIABLE !
- Qu’est-ce que c’est que ce délire ? fit Mike les yeux rivés sur l’écran, essuyant distraitement un verre.
- T’es sûr que c’est pas un boss ? demanda l’ouvrier à son partenaire.
Mais au lieu de lui répondre l’étudiant hurla :
- Feu !
Johnson venait de projeter le Baby Jaw en direction du char, usant de son bras armé comme d’un lance-missiles.
DWAYNE s’exécuta aussi rapidement que possible et le canon cracha un nouvel obus.
Les deux projectiles se heurtèrent avec une violence inouïe. Un éclair envahit l’écran et aveugla momentanément toutes les personnes présentes dans le bar. L’écran s’éteignit une seconde avant de se rallumer, occasionnant une indicible frayeur chez les spectateurs.
Johnson poussa un râle en voyant qu’il avait échoué. Mais le regain de rage qu’il ressentit juste après lui fit oublier sa déveine. Il se recula un peu comme pour se préparer à fondre sur le char. Un missile l’atteignit de plein fouet. Il fut projeté à plusieurs mètres. Sa colère connut un nouvel essor. Il lança un regard lourd d’un funeste présage en direction de la menace. Car ce n’est pas le char qui venait de tirer. Un hélicoptère de type gazelle venait de se profiler. A l’intérieur un clone de l’acteur Jason Statham vêtu d’un smoking. Au-dessus des pales en mouvement apparaissait le gamertag du joueur : HITMAN.
- Salut les mecs ! fit Eric. On dirait que j’arrive à temps !

Jerôme entra dans la cuisine. Il était presque 11h00. Il se gratta la tête. Il avait fait un drôle de rêve. Dans son rêve, Eric était prisonnier du jeu Crim’In. Il frappait contre l’écran pour esssyer d’en sortir et surtout pour l’avertir. Mais lui, ne comprenant rien, continuait de lui tirer dessus avec son avatar. Plus tard leurs parents rentraient et se mettaient à jouer eux aussi avec un enthousiasme malsain.
Eric finissait criblé de balles, massacré par sa propre famille.
Jérôme secoua la tête. Il fallait qu’il oublie cette horrible vision sinon il allait passer une très mauvaise journée. Les parents rentraient le soir. Cela le réconfortait un peu. S’occuper d’Eric ne lui avait jamais posé de problèmes. Bien au contraire. Mais en ce moment, il avait ses propres soucis. Des problèmes de cœur (au sens métaphorique) et une certaine incertitude quand à son devenir professionnel.
- Eric, tu as mangé ?
Il devait être sur son PC. Mais au moins avait-il dormi un peu. Aujourd’hui ils iraient faire un peu de skate. Jérôme regarda par la fenêtre de la cuisine. Le quartier était calme, comme d’habitude. Il faisait beau.
Ca pouvait être une bonne journée, en fait.

BORNKILLER regarda l’hélicoptère qui filait en direction du colosse tout en l’arrosant copieusement de projectiles assassins. Il tira en l’air avec son fusil à canon scié comme pour l’encourager puis s’adressant à son comparse :
- Balance un autre Baby Jaw !
- J’en ai plus, fit DWAYNE de sa grosse voix.
- Fais le code que je t’ai donné.
La peau de Johnson se couvrit progressivement d’éclats métalliques tels des implants, lui conférant une image encore plus menaçante. Ses yeux jetaient littéralement des éclairs.
Eric jubilait de voir son ennemi ainsi harcelé. Mais il déchanta lorsqu’il s’aperçut qu’il n’avait plus de munitions.
L’ouvrier se tourna vers l’étudiant :
- C’est quoi le code déjà ?
La cape noire de Johnson prit soudain vie et le recouvrit. La seconde d’après, il réapparaissait, les muscles bandés à l’extrême. Les fragments de missiles dont son corps était criblé s’abattirent sur l’hélicoptère et Eric eut tout le mal du monde à le maîtriser. Il était touché, désarmé. Il ne voyait plus qu’une option.
- Le code ? Je te l’ai donné tout à l’heure. Je sais plus, moi. C’était pourtant facile à retenir !
Eric déséquilibra l’appareil, orientant les pales vers le bas.
- Eric, tu viens manger ?
- S’il est si facile ce code, pourquoi tu peux pas me le redonner ?

Eric était maintenant suffisamment près. Il allait découper son ennemi comme un vulgaire morceau de viande. Le regard acéré de Johnson plongea à travers le pare-brise. Mais ce n’est pas Jason Statham qu’il vit assis à l’intérieur du cockpit. NON. Il vit un gamin de quinze ans à l’air innocent et aux magnifiques yeux bleus. Le visage de Johnson se tordit :
- TOI !
Son bras se détendit à la vitesse de l’éclair et sa main se referma sur une des pâles destinées à le déchiqueter. Instantanément elles cessèrent de tourner et l’appareil se figea.
- C’était à toi de le retenir ! C’est toi le tireur !
- Eric ! Lâche le jeu, ça va refroidir ! J’ai fait du pain grillé comme t’aimes !

Le corps de Johnson commença à produire des éclairs tout autour de lui comme s’il se prenait tout à coup pour une centrale électrique. Il rapprocha l’appareil de lui et colla son visage haineux contre la vitre :
- Tu m’as crée. Tu as fait de moi ce que je suis. Je te dois la vie. Mais je te dois aussi la mort.
La mort de Linda, ma femme. Et la mort de John Carson, celui que j’étais.
Johnson ne se rendit pas compte qu’il pleurait. Eric le regardait, terrifié. Ce n’était pas une simple Intelligence Artificielle. Ce regard, cette expression de douleur et de colère mêlées.
Ce n’était pas possible.
D’un simple mouvement, Johnson balança l’hélicoptère vers le sol. A la vitesse d’un missile, l’appareil s’écrasa sur le char prénommé Texas. L’explosion qui s’ensuivit eut un certain nombre de conséquences. Elle rasa les habitations alentours. L’écran HD de Mike explosa, répandant des débris sur les joueurs et les spectateurs. Harvey Wizard venait de rejoindre Dave Matheson lorsque les écrans et les lumières du studio Dead Zone s’éteignirent quelques secondes avant de se rallumer.
Jérôme entra dans la chambre d’Eric. Ce dernier était bien assis devant son PC, immobile, hypnotisé par l’action dont il était l’acteur et le témoin privilégiés.
- Tu devrais jouer sans le casque de temps en temps. Tu vas finir par te bousiller les tympans.
Jérôme retira les écouteurs. Du sang coula des oreilles d’Eric. Il regarda son visage. Ses magnifiques yeux bleus étaient désespérément grand ouverts.
Lorsqu’il lui prit le pouls, il réalisa que son coeur ne battait plus.

 

CHAPITRE 10 : Naissance d’un remède



12h29 France Orléans

Eric était entre la vie et la mort. Jérôme essayait de ne pas se sentir trop coupable, mais quand ses parents le rejoignirent en catastrophe à l’hôpital – écourtant un important séminaire – ce fut peine perdue.
- On t’avait pourtant dit de ne pas le laisser toute la journée devant son écran !
- Ces jeux sont dangereux ! C’est une vraie drogue et ton frère vient de faire une overdose !

Quand ils rentrèrent à la maison - après avoir eu la garantie des médecins qu’ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour tirer Eric de son coma – les parents de Jérôme continuèrent à le sermonner. Mais face à son silence désespéré, ils ne trouvèrent rien de mieux à faire que s’invectiver l’un l’autre :
- Je t’avais dit que nous n’avions pas besoin d’être deux là-bas !
- Ca c’est certain ! Tu as passé ton temps à te maquiller !
Jérôme soupira avant de trouver refuge dans la chambre d’Eric.

Johnson filait dans le ciel à la vitesse du son. Il atteignit l’île en moins d’une minute. A peine posé sur la plage de sable fin, il tomba à genoux. Son corps de guerrier invincible se flétrit et il redevint provisoirement John Carson, un simple être humain, rongé par la perte de la femme aimée, de sa moitié.
Il n’avait pas pu retrouver son corps, mais il lui devait toujours une sépulture digne de ce nom. Le visage de Linda revint danser dans son esprit. Et avec lui, tout un cortège de souvenirs à l’ineffable beauté. Il se rappela leurs dernières vacances. Un voyage exceptionnel au Tibet grâce à des années d’économie. Un voyage et une seconde Lune de Miel.
Il contempla ses mains à travers le rideau de ses larmes. Ses pouvoirs allaient peut-être enfin lui servir à autre chose qu’à tuer et à détruire. Ses mâchoires se crispèrent et il plongea ses bras jusqu’aux coudes dans le sable. Des éclairs jaillirent à nouveau de son corps. Il redressa la tête et regarda la montagne s’élever devant lui.

Jérôme regarda autour de lui. Chaque objet de la pièce avait une histoire qu’il connaissait. Il se rappela chacune d’elle avec une émotion plus vive qu’il ne l’eut souhaité.
Ici, un poster glané à un concert de rock. Là, une planche de skateboard offerte à son anniversaire : le fruit de plusieurs années d’économie. C’était un modèle unique. Il avait fait gravé le nom de son frère et celui de son idole dans cette discipline.
Des idoles, Eric en avait des tas. Mais Jérôme avait toujours tout fait pour être en haut de la liste.
Il prit place devant le PC et se mit à pleurer doucement, sans un bruit. Et puis son regard tomba sur la jaquette de Crim’In dédicacée par Donald Buff en personne :

Pour Eric, un joueur plein d’avenir.

D.B
.


Ses larmes séchèrent instantanément. Il pianota sur le clavier pour s’inscrire sur le forum officiel du jeu.


03h32 Los Angeles - Studio Dead Zone

- Il est au Tibet.
- Quoi ?
- John Blossom, le créateur de John Carson. Il est en vacances au Tibet. Et il en a encore pour une semaine. Je crois qu’on peut faire une croix sur lui.
Harvey eut un regard de dieu courroucé.
- Foutu alpiniste !
Puis il fixa Dave avec toute la sympathie dont il était capable dans sa situation.
- Donne-moi une bonne nouvelle. Tu as localisé cet emmerdeur ?
- J’ai consulté les vidéos et les témoignages les plus récents des joueurs. Il a été vu pour la dernière fois à la sortie de Slaughterfalls. Là même où habitait John Carson. Il apparaît de plus en plus probable que ce bug est apparu au moment même où ce John Carson a disparu des effectifs de l’IA.
Harvey ne fit aucun effort pour cacher son inquiétude.
- Tu es en train de parler d’évolution ?
Dave se contenta d’un simple haussement d’épaules. Harvey renonça à s’emporter. La panique était la dernière des options.
- A moins de trois mois de la sortie de la prochaine extension, on ne peut pas se permettre ce genre d’anicroche. Les joueurs parlent entre eux. Les forums sont faits pour ça. S’il y a un élément qui fait obstacle à leur plaisir de joueur, la réputation de Crim’In est menacée.
- On peut mettre tout le monde sur le coup. On peut en faire notre nouvelle priorité.
Harvey caressa son menton rasé de près.
- Non. Il est hors de question de changer nos plans. Et puis Donald ne doit rien savoir. Il y a sûrement un moyen de préserver notre intégrité et nos enjeux premiers.
Après quelques secondes le visage de Dave s’illumina.
- Tournons la situation à notre avantage.
Les sourcils d’Harvey lui intimèrent de s’expliquer.
- Faisons croire que ce bug est sous notre contrôle, qu’il est un choix délibéré de notre part. Ici, nous avons quasiment les mains liées. Mais pas certains joueurs. Organisons un concours. Celui qui parviendra à éliminer John Carson – ou plutôt ce qu’il est devenu – se verra offrir un séjour tous frais payés dans les locaux de Dead Zone avec en prime le privilège d’assister au développement de la prochaine extension. Imaginez la réaction. Le rêve pour des millions de fans. Une telle offre, une telle récompense ! Qui voudrait passer à côté ?

Sur les forums et dans les conversations en général, la tension commençait sérieusement à monter et la liste des doléances des joueurs grossissait de minute en minute. L’existence d’un mystérieux personnage capable de neutraliser les joueurs les plus aguerris était maintenant connue de tous. Il avait eu droit à bien des surnoms depuis ses premiers exploits, mais tout le monde s’était finalement accordé pour l’appeler Big Bug. Un nom plutôt justifié à défaut d’être réellement inspiré. En quelques heures Big Bug avait considérablement éclairci le nombre de joueurs connectés sur le réseau. Et c’était une raison suffisante pour faire de lui le scoop le plus important du moment au même titre que la sortie de Fire From Ashes, la prochaine extension de Crim’In. Quand il fut avéré que les deux étaient intimement liés par un défi lancé aux joueurs du monde entier par Dead Zone, ceux qui se trouvaient dans l’incapacité d’y participer virent leur frustration monter d’un cran. Les autres discutaient déjà stratégie et graissaient virtuellement leurs armes. Crim’In n’en finissait pas de monopoliser l’attention. Question d’habitude. Mais cette fois la situation exigeait des joueurs un investissement tout a fait inédit.
Des affiches improvisées fleurirent dans les différents états du jeu. On pouvait y voir les différents visages connus de l’ennemi virtuel numéro un, accompagnés du message suivant : "Avez-vous vu ce type ?" et d'une adresse internet.

Mais cette chasse à l’homme - aussi séduisante était-elle – ne faisait malgré tout pas l’unanimité parmi les joueurs. Si la plupart voyaient en Big Bug une poule aux œufs d’or, d’autres l’avaient élevé au rang d’icône intouchable et de ce fait voyaient d’un très mauvais œil cette campagne destinée à l’anéantir sans autre forme de procès. Pour eux, ce n’était ni une anomalie, ni une carotte pour amadouer les geeks. Mais bien l’avènement d’une ère nouvelle ou l’IA avait enfin son mot à dire. Cette croyance devint très vite une croisade et ses sympathisants eurent tôt fait de se trouver un leader à la mesure de la tâche. C’était une jeune femme de 21 ans prénommée Iko, originaire du Japon. Elle baptisa son groupe les Protecteurs et déclara rapidement la guerre aux Chasseurs qui trouvèrent également un chef digne d’eux.

 

11. Succès déverrouillé : Wargames



Iko pilotait sa fidèle Manta verte et rose estampillée 52, le tout dernier modèle de moto de course de Kawasaki. Il n’était même pas encore sorti chez les concessionnaires. Crim’In était devenu la parfaite vitrine virtuelle pour toutes les grandes entreprises. C’est aussi grâce à ce stratagème que Donald Buff avait engrangé un maximum d’argent. Suite au succès fulgurant du jeu, les fabricants de tous horizons avaient fait la queue devant D.I.E.U. pour signer un contrat exclusif de partenariat. Crim’In générait plus de publicité qu’un bouquet de chaînes satellites.
Iko progressait sur le toit des immeubles, bondissant comme un fauve. En contrebas, un convoi mêlant jeeps, camionnettes et 4x4 remontait l’avenue. A sa tête, une rutilante Ferrari noire qui abritait sans nul doute le chef des Chasseurs.
Iko jeta un bref coup d’œil au convoi avant de s’adresser à ses troupes encore invisibles :
- Ils ont localisé Big Bug un peu plus loin, à MicroSouth. L’info vient d’être confirmée. Ils ne soupçonnent pas que nous le savons.
Sur un autre toit, un Protecteur mettait le défilé en joue avec son fusil de sniper.
- Qui est la taupe ?
- Peu importe, répondit sèchement Iko. A vous de jouer !
Ces mots à peine achevés, des explosions tonitruantes vinrent décimer la petite armée. Deux motos jaillirent de nulle part et se rabattirent sur les flancs de la Ferrari qui accéléra de plus belle. Le passager d’un des pilotes braqua un lance-roquettes sur le bolide. Et jubila.
- Tu vas t’envoler, T-Hawk !
Au moment où son doigt allait presser la détente, le toit de la voiture s’éjecta. Les quatre Protecteurs furent stupéfaits en voyant qu’il n’y avait ni pilote, ni passager.
- C’est un piège ! Foutons le camp !
La Ferrari devait être truffée de C4, car l’explosion qui s’ensuivit rasa pratiquement tout le quartier.
La Manta s’arrêta au bord d’un toit. Iko ôta son casque et ce faisant, son gamertag se modifia et devint T-Hawk. Quant à son visage, ce n’était pas celui d’une jeune japonaise. C’était celui d’un jeune français aux traits durcis, au regard de braise. Il s’appelait Jérôme.
Lui qui n’avait connu le jeu que par les exploits de son frère s’était métamorphosé en machine de guerre virtuelle en un temps record. Les astuces, les codes, les mods, tout ce qui permettait à un joueur de supplanter les autres et de dominer le jeu, Jérôme les avait traqués. Il n’avait pas l’expérience, ni le temps et la patience de l’obtenir. Alors il avait utilisé d’autres moyens.
Détruire Big Bug ne lui garantirait aucunement la survie d’Eric. Mais il était convaincu que cela pencherait dans la balance. Et à partir de là, tout ce qui se ferait obstacle à sa quête serait une menace pour son frère. Et un ennemi pour lui.
Des tirs de gros calibre l’arrachèrent à ses réflexions. Un avion de chasse venait de le prendre pour cible. Le Harrier Miller41 était encore au stade de prototype dans les usines réelles, mais qu’importait, dans le ciel de Crim’In il évoluait déjà avec une aisance stupéfiante pour un appareil de son envergure. Avant que la poursuite ne s’engage, Jérôme eut le temps de voir une inscription sur le fuselage :
IKO Guide des Protecteurs de BIG BUG
Contrairement à lui, elle ne se cachait pas.
Aux commandes, la belle asiatique affichait autant de détermination que son ennemi. Et les rafales de mitrailleuse qu’elle lui adressa constituaient déjà de sérieux avertissements.
Jérôme avait triché avec son image, retournant la situation à son avantage. Cette manipulation faisait de lui un génie pour certains. Pour Iko, cela ne faisait qu’accroître la haine qu’il lui inspirait.
La Manta franchit le vide la séparant de la route et tandis qu’elle s’éjectait du toit, l’immeuble derrière elle disparut dans une explosion dantesque. Le lance-missiles du Miller41 n’était pas encore breveté qu’il faisait déjà des prouesses.
La moto bondit par-dessus les décombres. Sur elle planait l’ombre du Harrier, tel un oiseau de proie futuriste. Iko renversa son appareil à la verticale, le nez pointé vers le sol. Grâce à ses tuyères orientables, le Harrier pouvait s’affranchir un maximum de la gravité. Iko ouvrit le toit du cockpit et après avoir évalué les risques, elle enclencha l’éjection et se retrouva derrière Jérôme.

Dans le cybercafé le plus populaire d’Hiroshima, les cris des spectateurs saluèrent son exploit. Tous les joueurs sans exception s’étaient détournés de leur propre partie en réseau pour venir assister au spectacle. Dans la rue, c’était la cohue et des journalistes avaient même fait le déplacement pour couvrir l’évènement. Le quotidien de Crim’In devenait facilement une exclu alors quand les chefs des deux factions les plus importantes s’affrontaient, les chaînes se déchaînaient pour avoir la primeur de l’évènement. Les paris étaient lancés. L’affaire était forcément juteuse.


Chez Dead Zone, on se frottait les mains. L’agitation atteignait aussi son paroxysme. Harvey Wizard crut sage d’user de son autorité afin de restaurer le calme et un professionnalisme plus que salutaire.
- Que les joueurs ne se contrôlent pas, c’est dans l’ordre des choses. C’est ce qui fait vivre Crim’In. Que vous les imitiez, non.
Lorsque l’équipe technique reprit son activité, Dave leva le nez de son écran pour s’adresser à son supérieur :
- Devons-nous intervenir ?
- Pourquoi le devrions-nous ?
- A votre avis qu’en pense Donald ?
Harvey repensa à l’image de la navette Crim’In. Fallait-il songer au crash ? Non. Harvey s’interdisait de le penser.
- Je l’appellerais quand je le jugerais nécessaire.
Dave tressaillit en regardant son écran. Harvey l’imita.
- Que se passe-t-il encore ?
- Un pic d’activité sur l’île sans nom, au large du continent.
- Activité des joueurs ?
- Non.
- Activité de L’IA ?
- Je ne sais pas. La signature est inconnue.
- Alors c’est sûrement lui. Que fait-il ?
- Il est en train de modifier le relief. On dirait qu’il … Il est en train de façonner une montagne.
Harvey quitta l’écran des yeux et s’abîma dans ses réflexions. Il ne savait pas pourquoi Donald Buff n’était pas encore au courant de la situation. Avec les médias, qui pouvait l’ignorer. Peut-être l’ignorait-il délibérément. Peut-être était-ce une forme de test. Et si ce bug était ni plus moins la dernière œuvre de Buff afin d’asseoir sa réputation ? Il était assez fondu pour ça. Mais encore une fois, Harvey refusa d’aller où son imagination l’entraînait.
C’était juste un problème. Et il fallait le résoudre.
- Transmettez sa position aux joueurs.
- Un joueur est à l’hôpital. Des incidents ont été signalés un peu partout. A commencer par ici. Vous le savez. Si on fait ça, il y aura peut-être des morts, Harvey ! Nous naviguons en terre inconnue, désormais.
Dave dévisagea son supérieur avec une gravité inaccoutumée. Harvey soutint son regard avec une assurance qui en disait long sur son propre jugement.
- Dois-je t’en tenir responsable ?
Dave se recroquevilla sur sa chaise. Harvey croisa ses bras sur sa poitrine.
- Lâchons les chiens. Que la curée commence.

Iko dégaina le sabre ornant son dos pour décapiter Jérôme. Ce dernier la prit de vitesse. Il s’appuya sur les poignée de la moto et se soulevant, lança une furieuse ruade. Frappée de plein fouet, Iko fut catapultée en arrière pour réintégrer malgré elle le cockpit du Harrier qui l’avait sagement suivi. Elle lança une bordée d’injures dans sa langue natale. Reprenant le manche, elle redressa le nez de l’appareil tandis que la Manta filait plein gaz vers l’entrée d’un immeuble vitré d’une vingtaine d’étages.

- Jérôme, tu viens manger ?
Il n’était pas loin de 14h. Jérôme savait qu’il était contre-nature de faire ce qu’il faisait alors que la vie de son frère ne tenait qu’à un fil. Il devrait être en train de prier, de se recueillir avec ses parents, d’éplucher les albums de photos, n’importe quoi qui puisse témoigner de l’amour qu’il lui avait toujours porté. Mais il savait aussi que ce qu’il était en train de faire était paradoxalement la meilleure preuve d’amour qu’il puisse lui témoigner. Il reprenait son flambeau, il marchait sur ses traces. Il devenait le personnage que son frère avait toujours voulu incarner. Si Eric s’éveillait et apprenait son ascension dans Crim’In, il serait fier de lui comme jamais. Fier d’être son frère. Et cette perspective valait à elle seule l’entreprise désespérée dans laquelle il s’était embarqué si précipitamment.
- Ne m’attendez pas. Je n’ai pas faim.
Aussi il avait faim. Faim de victoire, de succès. Faim de suprématie. Lui qui était en quête de son avenir venait enfin d’en trouver un qui le comblait.

L’avion mitrailla la façade du bâtiment alors que la moto plongeait à l’intérieur.
Iko enclencha le détecteur de chaleur. Le signal était perturbé par des émissions diverses provenant des canalisations et des appareils électriques.
Le jeu était parfois si réaliste que cela faisait froid dans le dos.
Elle stabilisa l’appareil. Au 21ème étage, le détecteur repéra une source de chaleur extrêmement véloce. Elle allait presser la commande du lance-missiles, puis se ravisa. C’était un peu trop facile. Elle attendit. Lancée à plein régime la Manta traversa une fenêtre et s’élança vers l’avion inerte. Iko écarquilla les yeux de stupeur. Le pilote n’était pas sur la moto. Elle le repéra du coin de l’œil, suspendu à la façade au moyen d’un grappin. Dans son autre main, il tenait un détonateur. Et il jubilait.
- Envole-toi, Iko !
Iko enclencha derechef l’éjection. La moto transformée en bombe percuta le Harrier, le réduisant à un amas de métal carbonisé. Jérôme produisit une grenade qu’il lança avec adresse. L’explosion déchira le parachute de son adversaire. Iko regarda le sol se rapprocher. Elle était beaucoup trop haute. La chute allait la tuer. Si son avatar mourrait, elle n’était pas certaine de pouvoir se reconnecter. BIG BUG semblait avoir bloqué toutes les entrées depuis peu.
Il lui fallait des ailes dans le dos.

Un joueur qui se trouvait tout près d’elle lui murmura quelque chose à l’oreille. Elle le dévisagea un instant avant de l’embrasser sur la bouche, provoquant une mini émeute dans le cybercafé.

Elle entra le code et sitôt après son avatar fut nanti d’un jet pack qui le propulsa vers son adversaire abasourdi.
Jérôme reprit rapidement ses esprits. D’un mouvement souple, il se balança à l’intérieur du bâtiment. A peine atterri, Iko le projeta violemment au sol. Jérôme lança sa jambe en avant, mais se retournant habilement, Iko se servit de son propulseur comme d’un bouclier efficace. Jérôme se jeta sur elle. Ils improvisèrent une danse avant de basculer à travers une vitre. Iko enclencha son jet-pack, leur épargnant une chute mortelle, et d’un coup de tête se dégagea de l’étreinte de Jérôme. Ce dernier perdit la seule prise qu’il avait et tomba vers le sol.

Iko poussa un soupir repris par ses admirateurs.

Jérôme en profita pour lui mettre littéralement le grappin dessus. Ecoeurée, l’asiatique contempla son ennemi relié à elle et qui s’efforçait visiblement de l’entraîner vers le bas. Elle dégaina alors son sabre. D’un coup de lame, elle trancha comme un fruit mûr la grenade que venait de lui lancer Jérôme avant de couper le câble du grappin qui lui mordait la cuisse.
Jérôme regarda son avatar se rapprocher dangereusement du sol. Sans trop s’inquiéter. Et pour cause. Lorsqu’il heurta le bitume crevassé de la route, son corps ricocha comme une balle. Iko ne put rien faire pour l’arrêter. Il la percuta avec une brutalité qui fit frémir les fans de la joueuse experte. Il y eut une sorte d’éclair et la seconde d’après, Iko était précipitée vers le sol. Epouvantée, elle regarda son ennemi ajuster le jet-pack sur son dos. Elle comprit qu’il avait toutes les cartes en main. Elle comprit qu’il avait tous les atouts. Tous ? Non, il lui en restait un : le sabre explosif ! Elle tâtonna dans son dos à la recherche de son arme avant de l’apercevoir dans la main de Jérôme. Et il jubilait.
- C’est sûrement ça que tu cherches !
La seconde d’après, il balançait le sabre vers elle. Lorsque la lame transperça la poitrine de la belle asiatique, l’explosion qui résultat de l’impact mit fin aux espoirs d’un très grand nombre.
Un homme creva péniblement la foule de curieux avant de pouvoir approcher une Iko en piteux état. Il s’inclina respectueusement avant de déclarer :
- Je sais où est BIG BUG !
Iko le toisa avec sévérité.
- C’est de source sûre ?
- Oui. Une fuite du studio.
Cette annonce ne fit qu’attiser la douleur de la jeune femme. Elle remercia l’informateur avant d’essayer de se reconnecter. Bien entendu, elle n’y parvint pas. Pas plus que les autres joueurs présents dans l’établissement. Elle renifla pour s’empêcher de pleurer. L’homme qu’elle rêvait de rencontrer, qu’elle avait tout fait pour protéger l’empêchait involontairement de l’aider.
Elle se tourna vers l’informateur :
- Les chasseurs sont au courant ?

- C’est de source sûre ? demanda Jérôme à son informateur. Celui-ci n’était autre qu'un joueur connu sous le pseudo de AZERTY.
- Oui. C’est une annonce non officielle. Une fuite de Dead Zone.
Suspendu entre ciel et terre au moyen du jet-pack, Jérôme semblait consulter l’horizon comme pour y trouver la solution à un épineux problème.
- S’il est là-bas, je le trouverai et je le détruirai. Fais passer le mot aux autres.
Jérôme allait couper la communication, mais il ajouta :
- Tu m’as bien aidé depuis le début. Je te donnerai le prix du concours quand je l’aurai gagné.
AZERTY sourit tellement que cela s’entendit presque.
- Mais si Dead Zone fait des histoires ?
- Ils n’en feront pas. Ils n’en font jamais. Les histoires c’est les joueurs qui les font.
- J’espère vraiment que ton frère va s’en sortir.
- Je l’espère aussi. Sinon c’est Donald Buff qui va en subir les frais. Et ce sera pas virtuel, cette fois.


- Ils ont tous mordu à l’appât, fit Dave en réfrénant maladroitement sa fierté.
Harvey posa une main sur son épaule. Ce qui était évidemment plus qu’un simple geste de reconnaissance.
- Bien joué le coup de la fuite, Dave. Au terme de cette mésaventure, tu pourrais devenir un bon chef de projet. Chez Blue Pill, apparemment, il leur manque un mec inspiré et réactif. Tu ferais parfaitement l’affaire. En plus, tu as déjà travaillé chez eux.
Dave allait rétorquer qu’il se trouvait très bien à Dead Zone et que la perspective de retourner chez son ancien employeur ne l’enchantait pas particulièrement, mais quelque chose lui dit que ce n’était pas la réponse qu’attendait Harvey. Peut-être était-ce dû à la pression sensible de sa main sur son épaule.
- Ce serait un honneur, Harvey.
- Bien, bien. D’autres bonnes idées ?
Harvey avait raison. Dave se sentait vraiment inspiré.
- On pourrait reprogrammer l’IA pour donner des alliés aux Chasseurs.
Le regard et la main de Harvey se firent moins tendres.
- Allons, Dave. Tu viens à peine de gagner des points que tu en perds déjà. Si c’est l’IA qui supprime BIG BUG, à qui je remettrai le prix ?

La montagne était achevée. Sa cime se perdait dans les nuages. A son sommet, il avait édifié un temple semblable à celui qu’ils avaient visité durant leur séjour au Tibet. Et dans la montagne même, creusant la roche de ses mains nues, il avait sculpté le visage de Linda à la manière des figures des présidents américains taillés sur le mont Rushmore.
Cette nouvelle merveille du monde ne manquerait pas d’attirer l’attention sur lui. Il s’en moquait. Rien n’était trop beau pour Linda. Cette montagne était comme une pyramide, le tombeau d’une reine. Suspendu entre ciel et terre par des moyens dont il ignorait toujours la provenance, John semblait consulter l’horizon comme s’il y était inscrit la solution à un épineux problème. C’est comme ça qu’il vit les hélicoptères de combat et les avions de chasse approcher. Ils venaient pour lui. Il le savait. Tout comme il savait qu’ils ne feraient pas le poids face à lui. Il contempla une dernière fois son œuvre avant de fermer les poings et de s’élancer vers l’armée venue l’anéantir.

Bien qu’étant incapable d’œuvrer directement dans le jeu, Iko n’en était pas impotente pour autant. Via une web-cam, elle organisa un briefing avec ses troupes. Elle savait que les Chasseurs allaient choisir la voie aérienne pour se rendre sur l’île. Alors elle ordonna aux Protecteurs de prendre la mer.

- Harvey, on vient de recevoir un message du frère du jeune joueur français qui est à l’hôpital.
Harvey grimaça.
- On s’est excusé, non ?
- Il veut plus.
La grimace de Harvey aurait fait rire Dave dans d’autres circonstances.
- Non, pas d’argent, le rassura Dave. Il veut juste des codes.
- Des codes ?
- Oui. Il dit qu’il en a récupéré pas mal, mais que les meilleurs sont sans doute encore chez nous. Il veut qu’on les lui donne. Il n’y a qu’à cette condition qu’il pourra être certain de vaincre BIG BUG. Inutile de vous rappeler que ça arrangerait tout le monde qu’il réussisse.
- S’il réussit, il gagnera le concours et nous devrons l’accueillir ici à bras ouverts. Et à dire vrai, cela ne m’enchante pas. Il nous tient en grande partie responsable de ce qui est arrivé à son frère, même s’il est resté plutôt discret sur le sujet. Je sais lire entre les lignes. Sitôt qu’il aura fait sa fête à Superman, je me dis qu’il aurait bien l’intention de venir foutre la merde ici.
- S’il avait dû le faire, vous ne croyez pas qu’il l’aurait fait depuis longtemps.
Harvey expira bruyamment.
- Qui sait ce qui peut passer par la tête d’un français ?
Il mit ses mains derrière le dos et commença à arpenter nerveusement la pièce. L’image de la navette Crim’In revint alors le hanter.
- Donne lui les codes. Même ceux de la prochaine extension.
Dave ne put s’empêcher de sourire. La bataille qui s’annonçait resterait à coup sûr dans les mémoires.

 

12. Succès déverrouillé : God of War



L’océan fourmillait de navires en tout genre. Pour leur baroud d’honneur, les Protecteurs avaient mis le paquet.
Certains Protecteurs étaient des joueurs parmi les plus expérimentés aussi la flotte entière bénéficiait-elle de leur savoir-faire. Les porte-avions et torpilleurs progressaient de concert avec des catamarans, des yachts et des scooters de mer, tous armés et transformés en conséquence. Sous la surface plusieurs sous-marins. Dans l’un d’eux – le Normandie – un joueur connu sous le nom de Freeman dirigeait cette opération de grande envergure. Il tenait ses ordres de Iko. Durant les derniers mois, ils avaient régulièrement joué en COOPération. Ils avaient donc partagé un certain nombre de victoires. Maintenant qu’il était seul, il comptait bien ne pas la décevoir.
Quand Jérôme arriva en vue de l’hétéroclite armada, il se dit que ce serait l’occasion idéale de tester ses tous nouveaux pouvoirs avant d’en découdre avec BIG BUG.
Il ôta le jet-pack de ses épaules et le regarda tomber vers l’océan s’étendant sous lui. Il sourit jusqu’aux oreilles en voyant qu’il demeurait en totale apesanteur. Les codes que lui avait fourni Dead Zone fonctionnaient à merveille. Il avait désormais le pouvoir de voler et il n’allait pas s’en priver.
- On vient de repérer BIG BUG. Il est juste au-dessus de nous !
Freeman scanna le ciel à l’aide des drones caméras survolant la flotte et obtint une image de la cible.
- Non, ce n’est pas BIG BUG. Mais c’est quand même un ennemi. C’est T-Hawk, le chef des Chasseurs. C’est lui qui nous a privé d’ Iko. Ne lui faisons aucun cadeau.
Dans les secondes qui suivirent, le ciel se moucheta de noir. Jérôme se retrouva pris dans un concert de tirs et de déflagrations. Il vit la barre d’énergie de son avatar diminuer sensiblement malgré les codes d’immunité fournis par le studio. Il prit conscience que tout comme lui les Protecteurs devaient bénéficier d’un certain nombre de ressources exclusives acquises grâce à leur expérience commune du jeu. Mais c’était loin d’être suffisant pour le ralentir.
Il tomba en piqué vers l’océan. Les projectiles – d’où qu’ils venaient – ricochèrent sur lui en produisant de vives étincelles. Le porte-avions qui accueillit sa chute se brisa littéralement en deux, précipitant dans l’eau les appareils qu’il transportait. Jérôme poursuivit sa trajectoire sous l’océan. Il sourit en apercevant la silhouette furtive d’un sous-marin. Son sourire s’élargit lorsqu’il repéra l’avatar se tenant à l’intérieur.
A bord du Normandie, Freeman s’inquiétait de ne plus voir leur adversaire. Et puis il s’aperçut que le submersible se rapprochait inexplicablement de la surface. Sans qu’il en ait donné l’ordre.
- Qui est-ce qui…
Le sous-marin creva la surface de l’océan dans un puissant geyser d’eau et monta dans le ciel, au-dessus de la flotte, tel un dirigeable. Jérôme le soulevait à bout de bras. Il souriait. Il était comme un enfant s'amusant avec ses jouets dans son bain.
- Torpille droit devant !
Il balança le sous-marin vers les bâtiments de guerre les plus redoutables. La collision fut inévitable.

Tandis qu’il privait un chasseur de ses ailes, Johnson aperçut l’explosion. Apparemment il n’y avait pas qu’un champ de bataille. Il ignorait ce que cela impliquait, mais cela ne le tracassait pas. Il le saurait bien assez tôt. Et puis, il avait d’autres chats à fouetter. Ou plutôt d’autres oiseaux.
Le pilote d’un hélicoptère lourdement armé le verrouilla. Le joueur qui était aux commandes ne put se retenir de le faire savoir.
- Je l’ai dans ma ligne de mire !
Seulement Johnson l’entendit. Une seconde plus tard, l’hélicoptère coupé en deux se crashait dans l’océan.
Une escouade de chasseurs lança une vague de missiles à tête chercheuse sur la cible. Mais les projectiles sitôt arrivés à proximité de Johnson se détournèrent de lui et retournèrent à l’envoyeur. Avec infiniment plus de résultat.
- Utilisez vos boucliers ! hurla un joueur.
La situation n’était pas réjouissante. Johnson avait déjà réduit l’escadrille de moitié en quelques mouvements. Mais le plus inquiétant restait à venir.
Johnson s’enferma dans une sphère translucide imperméable aux tirs adverses. Son diamètre augmenta rapidement, tant et si bien qu’elle engloutit bientôt la totalité des Chasseurs, les attirant à elle comme un aimant. Une fois à l’intérieur, les avatars des joueurs étaient incontrôlables.
Johnson ferma les yeux.
- Rendez-moi Linda. Rendez-moi ma femme.
Sa voix claire et tonnante fut entendue par tous les joueurs.
- Rendez-la moi ou vous mourrez tous.
La menace n’était pas à prendre à la légère. Grâce à de nombreux témoignages – dont celui de Jérôme - tout le monde le savait. Mais aucun des joueurs n’était en mesure de répondre favorablement à sa requête.
- Pourquoi vous l’avez tué ? Pourquoi vous voulez ma peau ? Qu’est-ce que je représente pour vous ? Dites-moi qui je suis ?
Ses yeux s’étaient rouverts. Ses pupilles étaient devenues des feux follets.
Après un silence interminable, un joueur osa prendre la parole :
- Demande à D.I.E.U.
Johnson secoua la tête comme pour refuser la réponse.
- Dieu ?
Ou une idée plus terrible encore.
- Alors qu’il me pardonne.
L’instant d’après, la sphère éblouissait l’écran de chaque joueur susceptible de la voir.
Et pour un certain nombre, ce fut la dernière chose qu’ils virent.

 

Chapitre 13 : Criminalité Intensive



- C’est une catastrophe !
Harvey Wizard, Dave Matheson ainsi que tout l’équipe du studio regardaient les images des journaux télévisés. Partout les mêmes scènes de violence surréaliste. Des affrontements qu’on n’avait pas vu depuis des années. Depuis l’avènement de Crim’In, en fait.
Les Chasseurs et les Protecteurs poursuivaient leur guerre dans la réalité. Mais les conséquences n’étaient plus les mêmes. Et quand ils ne se battaient pas, c’était le studio Dead Zone qu’ils pointaient du doigt. Des joueurs avaient été grièvement blessés suite à la dernière attaque de BIG BUG. D’autres avaient eu moins de chance. Les avocats du studio étaient déjà en pleine plaidoirie. Ca sentait vraiment le roussi. Le vandalisme était revenu lui aussi au goût du jour. Les affiches du jeu en avaient fait les frais. On pouvait lire :

CRIM’INels !!!



Ou encore :

DEAD ZONE IS DEAD



Mais d’autres messages étaient moins aimables.
Harvey et Dave se dévisagèrent. Ils avaient le sentiment de partager la responsabilité de ce chaos. Et ce n’était pas qu’un sentiment.
La voix d’un employé se fit entendre dans l’oreillette du responsable.
- Oui, Ed. Ok, passe-le moi !
Dave dévisagea son supérieur. La crainte le disputait à l’espoir.
Après avoir coupé l’appel, Harvey s’assit. Il paraissait avoir le souffle coupé.
- C’était un dénommé Jimmy Bottleweek. Il prétend être la cause de toute cette pagaille.
Dave l’invita à poursuivre.
- Il a été banni du forum du jeu pour avoir tenu des propos diffamatoires sur D.I.E.U. et Buff. Pour se venger, il a crée un virus dont il ignorait les effets exacts. Il est convaincu que c’est ce qui a donné naissance à BIG BUG. Il ne voulait pas que ça aille aussi loin. Il assume complètement ses actes, mais avant de payer son crime, il tient à réparer les dégâts. C’est pour ça qu’il a appelé.
Dave prit quelques instants pour digérer l’information.
- Il a donné une solution ?
Harvey soupira.
- J’ai envoyé quelqu’un le chercher. Il sera bientôt là. On a de la chance, il habite l’état.
Dave reporta son attention sur son écran.
- Il ne reste plus qu’un joueur pour affronter BIG BUG. C’est le frère d’Eric.
Harvey secoua la tête.
- Envoie-lui l’info. En espérant que cela suffise à le faire renoncer.
Mais aucun des deux hommes n’en était convaincu.

 

14. Succès déverrouillé : Duel



Il ne restait donc que Jérôme et BIG BUG. Chacun de son côté avait œuvré pour en arriver là.
Chacun avait décimé une armée en usant de pouvoirs propres à le faire passer pour un dieu.
La nouvelle de leur affrontement imminent eut tôt fait d’être colporté sur Internet, de forums en forums et de sites en sites. Rapidement des écrans géants furent installés un peu partout, principalement dans les grandes villes et les capitales. Los Angeles, New York, Washington, Miami, Paris, Tours, Orléans, Marseille, Madrid, Londres, Berlin, Rome, Moscou, Athènes, Sydney, Tokyo et Hiroshima furent bientôt les témoins du duel de pixels le plus mémorable de toute l’histoire vidéoludique. Ce qui pour eut effet d’éteindre momentanément le brasier de haine qui avait soufflé sur le monde. Les émeutiers déposèrent les armes et les yeux rivés sur l’écran le plus proche, ils découvrirent la scène suivante :

Johnson se posa près de sa maison. Sa voiture était toujours là, remplie de leurs affaires, prête au départ. Cette vision lui causa un véritable choc. Il se rappela cette sensation d’entrer dans une sorte de parenthèse de sa vie juste avant qu’il ne devienne à son tour un assassin. Elle n’était toujours pas fermée, il en était toujours prisonnier. Tant qu’il ne reverrait pas Linda, il ne pourrait en être autrement.
Il poussa la porte de la maison et se rendit dans la chambre sans s’arrêter. Il ouvrit sa commode et fouilla les tiroirs. Il crut pendant un moment que Linda avait fini par le jeter à son insu. Elle l’avait toujours détesté. Et puis il le trouva enfin. Il déplia le T-Shirt. Il y avait une série de logos dessus et les mots suivants :

D.I.E.U. et Dead Zone sont fiers de vous présenter :

CRIMINALITE INTENSIVE

Maintenant, on ne joue plus !


Ce message l’avait toujours intrigué sans qu’il ait pu véritablement savoir pourquoi. Aujourd’hui, ce simple vêtement imprimé lui apparaissait sous un nouveau jour, comme détenteur d’une vérité suprême.
« Demande à Dieu. » avait dit l’un des pilotes.
Oui. A présent, cela était évident. Seul Dieu pouvait avoir les réponses à ses questions.
Mike avait fermé son bar, mais ses fidèles clients l’avaient accompagné jusqu’à la place où étaient diffusées les images du jeu. A côté de lui, l’ouvrier et l’étudiant s’interrogeaient sur le devenir de BIG BUG. Etait-il en train de comprendre qui il était ? En était-il capable ? Les programmeurs avaient vraiment de l’imagination. Le scénario était du jamais vu dans l’histoire des jeux vidéos. Un oscar a la clé pour Dead Zone ?
Iko était littéralement hypnotisée par les images de son idole. Elle priait comme elle n’avait jamais prié. Elle aurait tellement voulu être là pour le réconforter. Elle voyait moins en lui un dieu courroucé qu’un enfant perdu et incompris. Elle aurait tellement voulu le réconforter. Au lieu de cela, sa tête était mise à prix. Comme un vulgaire criminel. Ses yeux se posèrent sur une affiche du concours accrochée à la hâte sur un mur. Elle la fusilla des yeux avant de cracher dessus.
John entendit un bruit venant du dehors. Il reposa le T-Shirt et sortit de la maison.
Un jeune homme était dans la rue. Il était revêtu d’une combinaison de moto. Il le dévisageait intensément. Son regard en disait long sur ses intentions. Au-dessus de sa tête flottait son nom : T-Hawk. Il serra les poings. Le nom disparut.
- A cause de toi, mon frère va peut-être mourir !
John le scruta à son tour.
- J’ai tué beaucoup de gens. Je ne l’ai pas voulu. Celui qui a tué ma femme a tout déclenché. C’est lui le véritable meurtrier.
Voyant que cela ne calmait pas le visiteur, John demanda :
- Comment était ton frère ?
Jérôme avait les larmes aux yeux. Il repensa à la dernière fois qu’il avait vu Eric, à la dernière fois qu’il lui avait parlé.
- Tu n’as pas pu l’oublier. Il n’avait que quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
- Des yeux magnifiques, compléta Johnson.
Les deux adversaires se jaugèrent.
Tout discours ou débat était désormais superflu. Seuls leurs pouvoirs pourraient parler en leur nom.
- Pas ici, décréta Johnson.
Puis il disparut. Il réapparut sur un parking. Jérôme était là lui aussi. Il plongea le bras à travers le pare-brise d’une limousine et empoignant le volant, souleva la voiture dans les airs. Johnson enfonça son bras droit dans la calandre d’un semi-remorque et brandit le véhicule avec un air de défi. Jérôme afficha sa contrariété. Il reposa la limousine. Il regarda autour de lui et son visage s’éclaira à la vue d’un bus scolaire. A son tour, il enfonça son bras droit dans la calandre et souleva le véhicule dans les airs. D’un mouvement défiant le regard, il porta un coup dévastateur devant lui. Le camion s’écrasa au sol dans une pluie de débris métalliques. Aucune trace de son adversaire.
Jérôme poussa un cri de rage mêlée de contentement. En portant son attention vers son arme improvisée, il frémit à la vue de son ennemi courant sur le flanc du bus. Johnson disparut subitement et la seconde d’après son pied droit percutait la mâchoire de Jérôme. Le garçon fut projeté dans les airs et son arme lui échappa. Il passa à travers un immeuble, percuta la route et son corps s’immobilisa contre une devanture de magasin qu’il fractura. Sur l’une des vitres figurait le portrait de Johnson, l'adresse d'un site internet et entre les deux, le message suivant :


Avez-vous vu ce type ?
 
 

Johnson effectua un bond démesuré pour le rejoindre, mais ce faisant, il vit la nuit tomber en un clin d’oeil. Il comprit que son adversaire avait le pouvoir de plier la réalité comme lui. Il n’était donc pas seul. Ils étaient pareils. Alors pourquoi se battaient-ils ?
Johnson atterrit sur le capot d’un coupé sport qu’il enfonça sans difficulté. Ses yeux fouillèrent la nuit à la recherche d’un signe de vie. Il en profita pour renouer un dialogue qui ne lui paraissait pas si vain que cela :
- Toi et moi, nous avons le même pouvoir. Pourquoi nous entretuer ? Nous sommes des jouets, manipulés par des forces qui nous dépassent. Faisons un meilleur choix que celui que l’on veut nous imposer.
Johnson s’écarta à temps pour éviter de se faire broyer sous un bulldozer. Il se concentra un instant et son corps exsuda une aura aveuglante qui illumina le quartier. Ses yeux désormais dépourvus de pupille furent en mesure de voir à travers les bâtiments et les différents obstacles présents autour de lui et susceptibles de dissimuler sa cible. Il inspecta minutieusement l’environnement. Il cru discerner un mouvement près d’un arrêt de bus, puis s’aperçut que ce n’était que le vent qui faisait voler un journal abandonné. Néanmoins cela lui donna une idée. Il se concentra à nouveau et le vent se mit à souffler plus fort. Les débris les plus légers commencèrent à voler à travers la rue, puis la cime des arbres se coucha. Les vitres tremblèrent, les antennes télé ployèrent. Johnson poussa un hurlement comme pour donner plus de force encore au phénomène. Et l’effet fut immédiat. Les poteaux électriques furent pliés par le souffle dévastateur, les voitures s’envolèrent comme des feuilles mortes. Tout cela dans un silence absolu qui donnait à la scène une allure surréaliste de fin du monde.
Les bâtiments s’effondrèrent un par un, répandant des monceaux de pierre, de verre et de métal sur le sol fendu. Un cri résonna à peu de distance suivit de la chute d’un corps.
Une silhouette auparavant intégralement camouflée dans le paysage urbain se matérialisa.
Jérôme était couché, le dos appuyé contre un monticule de gravats anciennement magasin d’alimentation. Le cataclysme cessa instantanément. Le jeune garçon toisa son ennemi d’un regard plus noir encore que la nuit qu’il avait fait s’abattre sur la ville.
- Je ne sais pas qui tu es. Certains te prennent pour un dieu, d’autres pour une simple erreur technique qui a dégénéré. Ceux qui t’on crée affirment de leur côté que tu n’es que l’homme à abattre pour accéder au prix d’un concours qu’ils ont organisé. Le gros lot d’une fête foraine virtuelle. Personnellement je me fous de tout ça. Tout ce que je vois devant moi, c’est le meurtrier de mon frère. J’ai les moyens de t’empêcher de nuire et je ne vais pas m’en priver.
Les épaules de Johnson s’affaissèrent, indiquant sa consternation. Il ne comprenait rien. A l’entendre ils ne faisaient pas partie du même monde. Comme si une frontière invisible les séparait. Il s’approcha de Jérôme.
- Mais d’où viens-tu ?
Jérôme durcit davantage son regard.
- De la réalité, mon vieux. Tu crois être vivant, peut-être ?
A ces mots, Jérôme produisit un fusil à pompe. Il tira plusieurs fois. Alors que son adversaire reculait à peine, un fusil-mitrailleur apparut dans ses mains. Il vida plusieurs chargeurs et sans attendre épaula un lance-roquettes.
Johnson secoua la tête.
- Si je ne suis pas vivant, comment pourrais-je mourir ?
La roquette fusa, mais à mi-parcours elle fut stoppée net dans sa course par un éclair. Johnson contempla le projectile auquel il venait de se relier.
- Suis-je réel ? Si je ne le suis pas, qu’est-ce qu’il l’est ?
La roquette se mit à tournoyer comme une toupie.
Jérôme restait allongé. Malgré la surpuissance de BIG BUG, il ne se sentait pas menacé. Peut-être justement parce que contrairement à lui, BIG BUG n’avait pas la possibilité de se réfugier dans une autre réalité que la sienne. Evidemment, en pensant cela, il oubliait ce qui était arrivé à Eric.
Johnson semblait avoir perdu toute hargne. Il regardait la roquette effectuait un véritable ballet aérien à sa seule demande.
- Mais peut-être suis-je déjà mort ? Prisonnier d’un rêve éternel, luttant dans un cauchemar sans fin, affrontant mes peurs les plus intimes. Enfer.
- Il philosophe. Il est capable de philosopher.
Iko ne se rendit pas compte qu’elle pleurait.
Elle posa une main sur l’écran, sur le visage de Johnson.
- Il ne faut pas que tu meures.
Le visage de Johnson s’assombrit. Un rictus déforma ses traits. Il regarda Jérôme.
- Je tuerai mille hommes pour la revoir ne serait-ce qu’une seconde. Si Dieu ne comprend pas ça, comment lui expliquer autrement ?
La roquette arrêta de tournoyer et se figea brutalement, cerclée d’électricité.
L’explosion qui s’ensuivit éblouit tous les spectateurs.
Dans la ville d’Orléans, pratiquement au même moment, les parents de Jérôme trouvèrent son corps inanimé dans la chambre de son frère, Eric, assis devant les restes calcinés d’un ordinateur. Et pratiquement au même moment, dans une chambre d’hôpital, Eric ouvrit ses magnifiques yeux bleus.

Harvey Wizard se tenait la tête à deux mains. Plusieurs ordinateurs du studio venaient de rendre l’âme suite au coup de grâce donné par BIG BUG à son ultime adversaire.
Mais évidemment, ce n’était pas ça qui le mettait dans tous ses états. Il regarda l’écran géant sur lequel lui et l’ensemble de l’équipe avaient suivi toute l’action. Ils avaient tout enregistré. En sachant désormais que ces images joueraient un rôle posthume pour le jeune Jérôme.
Dave Matheson se leva. Les mots lui manquaient. Le standard était saturé d’appels, la boîte mail débordait de messages : des menaces de mort autant que d’éloges. En tous les cas, personne n’était indifférent à la situation. Les chaînes avaient relayé l’info et diffusaient déjà en boucle le combat homérique. Dans les villes, les rues étaient encombrées de véhicules. Les conducteurs au même titre que les passants avaient assisté au duel sur l’écran le plus proche, ce qui avait occasionné des embouteillages monstrueux un peu partout.
Tout le monde allait reprendre le cours de sa vie lorsque Johnson apparut de nouveau à l’image. Il était désormais seul au monde et aucun de ces pouvoirs ne pourraient changer cela. Son visage exprima suffisamment bien cet état de fait pour que la plupart des spectateurs soient émus par son sort.
- Vous allez pas chialer, fit un homme à ses voisins. C’est même pas un film !
Si Crim’In n’était effectivement pas un film, ces derniers temps il en avait pourtant restituer toute la saveur, toute l’émotion. Personne ou presque ne s’y était trompé. Un chef d’œuvre. Un chef d’œuvre qui avait coûté des millions et hélas plusieurs vies.
Les parents de Jérôme et d’Eric pleuraient leur fils disparu autant que celui qui venait de revenir. Et Eric aurait tout le loisir de maudire son retour à la vie lorsqu’il apprendrait la mort de son frère. Cruelle ironie du sort.
Tout cela, évidemment, John Carson était loin de le deviner. Mais comment aurait-il pu ?
Il n’ y avait qu’une seule personne capable d’arrêter ce tourment. Une seule. En quatre lettres.
- Rends-la moi, hurla Johnson s’adressant à la lune, au ciel, aux étoiles.
- Réponds-moi ou je te jure que je trouverai le moyen de te rejoindre et tu devras répondre de tes propres crimes !
John tomba à genoux. Il n’était plus le titan invincible. Il était l’homme désespéré. Pourtant son pouvoir ne le quittait pas. Bien au contraire. Les écrans se brouillaient par intermittence et une tension presque palpable régnait dans le studio comme dans les avenues surchargées des mégalopoles.
C’était comme un compte à rebours avant l’explosion finale. Invisible, mais terriblement perceptible.
- Vous le sentez comme moi, fit Dave. Il peut tous nous tuer, maintenant. Sans même s’en rendre compte. Nous n’avons plus besoin d’être connectées pour constituer des cibles de choix. Oui, il peut tous nous tuer, en un éclair. Il en est capable.
Harvey soupira. Il n’était plus le chef de projet intuitif et optimiste. Il était l’homme désespéré. Et son pouvoir l’avait complètement quitté.
- Qu’est-ce que nous pouvons faire ?
Dave produisit un sourire mi-figue mi-raisin.
- Je crois que c’est le bon moment pour l’appeler.



15. Succès déverrouillé : Origines



Donald Buff se redressa dans son lit. Sa femme dormait toujours à poings fermés quelque soit le bruit. Lui devait toujours mettre des boules quiès de peur de s’éveiller au moindre grincement. Il devait tenir ça de son père. Il les ôta. Il n’avait pourtant rien entendu grâce à elles, mais ce cauchemar lui avait paru si réel que son cerveau avait préféré prendre la tangente. Les dernières bribes de souvenir de son rêve fuyaient déjà. Lorsque le téléphone sonna, il l’oublia totalement. Le jour se levait à peine. Qui pouvait bien l’appeler à cette heure-là ? Il décrocha sans grand entrain.
- Oui ?
- Donald, c’est Harvey. Désolé de vous dérangé si tôt, mais on a actuellement un sacré bug sur Crim’In.
- Allons, Harvey, des bugs, il y en a toujours eu.
- Pas des comme ça, je vous assure.
Donald posa le combiné sur ses genoux, jeta un coup d’œil à sa femme avant de demander :
- De quel genre de bug s’agit-il ?
Il y eut un silence qui ne présageait rien de bon. Puis Harvey finit par répondre :
- Le bug veut vous parler.
 

Lorsque Donald pénétra dans le studio, Harvey et Dave n’eurent pas besoin de le briefer. Sur le trajet, le président de D.I.E.U. avait eu toutes les informations nécessaires en écoutant la radio et en visionnant les principaux enregistrements. Il n’avait pas encore tout assimilé, mais son esprit était encore vif et il avait retenu l’essentiel. Le temps était compté.
Les trois hommes se postèrent devant l’écran géant et étudièrent les images comme s’il s’agissait d’un documentaire.
John Carson était agenouillé devant la montagne et le temple qu’il avait crée à la mémoire de Linda. On aurait dit qu’il méditait.
- On dirait qu’il essaye de la faire revenir, commenta Dave.
- Apparemment, il en est incapable, observa Donald en nettoyant ses lunettes.
Il donnait l’image d’un homme totalement détaché des évènements. Mais c’était sa manière d’y faire face. Et cela lui avait plutôt bien réussi jusqu’à maintenant.
- D’après ce que j’ai pu voir, c’est d’ailleurs la seule chose qu’il lui soit interdite.
Harvey essayait de se faire tout petit. Rien de tel pour se faire remarquer.
Donald le toisa sans animosité.
- Ce jeune qui a avoué être l’auteur du bug…
- Jimmy Bottleweek ! Il arrive d’une minute à l’autre.
- Vous ne trouvez pas ça extraordinaire, fit Dave en observant le héros de Crim’In. Il pleure sa femme. Si seulement John Blossom pouvait voi…
Il s’interrompit lorsque son regard croisa celui de Donald.
- Dave, dois-je vous rappeler que plusieurs morts sont à déplorer. Certains joueurs sont encore dans un état critique. C’est loin d’être la politique de la maison. Mon avatar est prêt ?
Dave opina du chef avant d’inviter les deux hommes à rejoindre son poste. Il désigna alors son écran.
- Voilà. J’ai fait comme vous m’avez dit. Il vous ressemble beaucoup. Pour la tenue, j’ai choisi quelque chose de simple. Je me suis dit que c’était important.
D’une simple moue, Donald lui signifia qu’il avait eu raison.
- Bon, déclara-t-il, on ne va pas tergiverser. Il représente une menace. Il l’a suffisamment prouvé. Dans d’autres circonstances, j’aurais loué ce qu’il représente, d’autant plus qu’il n’est pas de notre fabrication. Mais bon, Dieu en a décidé autrement.
- Dieu, c’est vous désormais, nota Dave.
Il tourna son regard vers l’écran géant.
- En tout cas pour lui.
- Comment va-t-on vous faire entrer ? s’enquit Harvey qui essayait de justifier sa présence comme il pouvait. Il a bloqué tous les accès au réseau TotaLink. On ne peut même plus ajouté d’IA. Il s’est construit une véritable tour d’ivoire.
- Il me laissera entrer, dit Donald avec un calme olympien. Il réclame une entrevue. Il l’a clairement exprimé. Il a besoin de parler, de se confier. Il ne veut plus se battre. Il va localiser le signal que nous lui enverrons et il l’interprètera comme la venue de celui qu’il attend. Je crois qu’il commence à comprendre que son monde n’est pas réel. Le problème c’est que tout comme lui, son amour a dépassé très largement le cadre d’un simple programme.
Il se mit à sourire.
- J’ai fait un cauchemar cette nuit. Mais je crois que je n’en ai pas fini avec lui.

John poussait son esprit dans ses derniers retranchements. Il ne savait s’il priait ou s’il invoquait des forces en lui encore insoupçonnées. Il capta le signal émis par Dead Zone. Il se persuada que c’était la réponse qu’il l’attendait. Pourquoi pas Linda ? Il déverrouilla mentalement l’accès au monde déserté de Crim’In comme on laisserait une idée s’épanouir dans notre tête. Il avait les yeux fermés. Il les ouvrit lorsqu’il entendit une voix près de lui.
- Je suis là.
Il se redressa et fit face à Donald Buff. Le président de D.I.E.U. – Dieu tout court pour l’occasion – portait un pantalon de toile blanche et une chemise hawaïenne. Ses cheveux presque blancs et ses lunettes lui conféraient l’image d’un savant déluré. Mais pour John Carson, il représentait les réponses à toutes ses questions et peut-être le terme de son agonie.
Son regard alla successivement de son visiteur à l’océan s’étendant à perte de vue tout près d’eux.
- Où sommes-nous exactement ?
Donald entendit la voix d’Harvey.
- Vous ne devriez pas lui dire la vérité. S’il pète les plombs, notre compte est bon !
Donald leva une main et Harvey comprit qu’il n’avait pas intérêt à jouer les entremetteurs.
- Cet endroit est le monde qui t’a vu naître, ni plus, ni moins. Que tu en sois devenu le maître, n’y change rien.
John l’étudia longuement.
- Le maître de ce monde, c’est plutôt vous, n’est-ce pas ? Pourquoi n’êtres-vous pas venu plus tôt ? Pourquoi avoir laissé ce chaos s’installer ? Pourquoi avoir permis tant d’injustice ?
A ces mots, John ne put s’empêcher de tourner son regard vers la montagne arborant le visage adoré de Linda. Ses poings se fermèrent sans qu’il en prenne conscience. Des éclairs commencèrent à zébrer l’espace des deux côtés de l’écran.
Harvey arrêta de respirer. Dave resta suspendu aux lèvres de Donald. Il le connaissait beaucoup moins qu’Harvey, mais il avait une totale confiance en lui. Après tout, c’était lui, le véritable architecte de Crim’In.
Donald essuya ses lunettes.
- Si pour toi, il n’existe qu’une seule réalité, pour moi c’est une toute autre affaire. Pour te donner une image plus parlante, ton monde n’est peut-être pour moi qu’un rêve dans lequel éclosent des éléments de mon inconscient que je contrôle donc plus ou moins bien. Ces éléments viennent naturellement à se transformer et certains le font de manière si radicale qu’ils ont vite fait de changer le rêve en cauchemar.
- Il est dingue, chuchota Harvey à l’oreille de Dave. Il se prend vraiment pour Dieu !
Dave sourit.
- Qui ne le ferait pas à sa place. Il n’est pas dingue. Il est inspiré comme jamais. Je crois qu’il est en train de pondre son nouveau chef-d’œuvre.
 

John observa le mouvement des vagues. Elles se déplaçaient constamment, se fondant les unes dans les autres, reproduisant un même phénomène à l’infini. Etait-ce cela qu’on essayait de lui dire ? Le monde était un océan et lui une simple vague. Plus grande, plus puissante, mais une vague quand même, avec un rôle précis, inscrit dans un schéma à plus grande échelle, au-delà de sa perception. Une vague avait-elle conscience d’être une vague ? Et quand bien même, pouvait-elle savoir que malgré ses efforts et ses intentions, elle ne faisait que participer à un rythme séculaire sans autre finalité que le prolonger encore et encore.
John se perdait dans ses pensées. Il ne devait pas perdre le fil.
- Ces gens qui sont morts, ces gens que j’ai tué, ne sont-ils alors que des créations de votre esprit tourmenté ? Suis-je aussi l’une de vos créations ?
Les yeux de Harvey menaçaient de sortir de leur orbite.
- Terrain glissant !
La porte de la salle s’ouvrit. Deux hommes en costume entrèrent dans la pièce. Ils encadraient un garçon qui aurait pu être séduisant si son visage n’avait pas été la proie de l’acnée.
- C’est Jimmy Bottleweek ! annonça l’un des employés.
Les deux représentants de Dead Zone s’animèrent brusquement.
- On peut dire que tu arrives à temps, fit remarquer Harvey avec soulagement.
Ils l’installèrent devant l’écran de Dave ce qui ne manqua pas de le stupéfier.
- Ouhaou ! Si j’avais su que j’atterrirai ici ! Ca valait presque le coup de le balancer, ce virus.
Deux paires d’yeux hostiles le firent sérieusement réfléchir à ce qu’il venait de dire.
- Au fait, si je détruis BIG BUG, je gagne le concours, non ? L’avantage c’est que je suis déjà sur place pour la visite !
Dave ne put s’empêcher de sourire.
- Et bien on peut dire que tu perds pas le nord, toi !
Harvey était beaucoup moins sensible à l’humour de l’ado.
- Dis-donc, le geek, fais ton boulot, après on en reparlera, tu veux ! Tu sais comment faire, au moins ?
Jimmy fit craquer ses doigts.
- Oui, y a juste un souci, c’est que…
Il détailla pour la première fois l’homme debout devant l’écran géant.
- Eh, mais c’est Donald Buff !
Harvey posa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence.
- Tu n’as pas besoin de ta bouche pour travailler ! Mais si c’est trop dur pour toi, on peut te donner un coup de main!
Jimmy comprit très bien l’allusion.
- Ok, ok !
- Alors exécution !
Tout en raccordant un appareil au PC de Dave – sous l’œil soupçonneux de Harvey – Jimmy murmura :
- Vous savez tous ces trucs que j’ai balancés sur Buff et sa société. En fait je les pensais pas. Je suis super fan de Crim’In. Je voulais juste faire chier certains mecs du forum.
Dave le dévisagea avec un peu moins de tendresse.
- Et ce virus, c’était aussi pour faire chier certains mecs du forum ?
Harvey vint en renfort :
- La prochaine fois que t’es contrarié, fais une partie de jeu vidéo pour te calmer les nerfs au lieu d’essayer d’en bousiller un !
Jimmy savait qu’il n’allait pas être accueilli à bras ouverts, mais il espérait malgré tout un peu d’indulgence.
- Je vous jure que je voulais pas que ça aille aussi loin. C’est vrai, je regrette vraiment tout ce qui s’est passé et…
- Bon, coupa sèchement Harvey, tu disais qu’il y avait juste un souci.
Jimmy termina ses branchements et commença à entrer dans l’interface du jeu sous le regard vigilant de Dave.
- Oui. En fait, la solution va consister à implanter un nouveau virus dans le jeu. Un virus localisé. Le premier que j’ai balancé s’est placé un peu au hasard. Il aurait pu causer d’autres dégâts s’il avait pas ciblé ce John Carson. Mais bon, Dieu en a décidé autrement. Ce coup-ci je vais cibler délibérément John Carson. Mais étant donné sa puissance, non seulement, il risque de le repérer, mais en plus il peut être assez fort pour le neutraliser voire de s’en servir comme une source de pouvoir supplémentaire.
Harvey le toisa avec un air de pit-bull enragé :
- T’avais dit que t’avais la solution.
Jimmy sourit nerveusement.
- Oui. Il me faut juste un véhicule pour mon virus. De préférence au-dessus de tout soupçon.
 

Donald parlait peu et lentement. La dernière question de John restait toujours en suspens. Donald savait que John était devenu un être très évolué. Il pensait énormément. Et de ce fait, il élaborait les propres réponses à ses questions à partir d’éléments succincts. Oui, en d’autres circonstances, il aurait vraiment apprécié son existence et tout ce quelle impliquait.
Le regard de John changea. Son visage s’éclaira. Donald comprit qu’il venait de comprendre quelque chose d’essentiel.
- Si nous sommes tous issus de votre imaginaire, vous avez pouvoir de vie et de mort sur chacun d’entre nous. Vous pouvez nous détruire, mais vous pouvez nous créer.
A nouveau, son regard se tourna vers la montagne.
- Et même nous faire renaître !
Il dévisagea Donald réellement comme un démiurge, capable des plus grands miracles.
- Je ne peux pas la faire revenir, mais vous, vous le pouvez, n’est-ce pas ? Vous l’avez dit, ce monde est votre rêve. Tout est donc possible. Il n’y a pas de limite !
Donald le gratifia d’un sourire.
- Pour ça, je dois m’en aller, John.
Il tendit sa main droite.
- Je suis content de t’avoir rencontré.
John hésita un instant, puis il lui sembla inconcevable de ne pas saisir cette chance qui s’offrait à lui. Il lui serra la main et le vit disparaître dans un éclair.
Il regarda la montagne et le visage de Linda. Son cœur ne pourrait pas attendre longtemps. Il fallait qu’elle revienne très vite. Pour transformer ce cauchemar en rêve, cet enfer en paradis. Elle en avait le pouvoir.
Quelque chose troubla son esprit. Quelqu’un venait à sa rencontre. Il était bien trop en confiance pour lui refuser l’accès. Même si ce n’était qu’à nouveau son divin visiteur, il s’en ferait une joie. Leur conversation l’avait éclairé comme jamais sur la nature des choses. Il se sentait privilégié d’un tel savoir. Le partager avec quelqu’un d’autre serait un bonheur incommensurable. Seul c’était un terrible fardeau.
Il porta son attention sur l’océan, sur les vagues. Une silhouette avançait sur la surface de l’eau, se découpant en ombre chinoise sur l’éclat du soleil couchant. Il plissa les yeux en oubliant qu’il avait le pouvoir de voir même à travers la pierre. Il était John Carson et il ne voulait être personne d’autre. Lorsqu’il reconnut la silhouette s’approchant de lui, il fut plus que jamais John Carson. Car ce n’était autre que Linda qui le rejoignait ainsi, défiant elle aussi les lois les plus élémentaires. Elle rayonnait littéralement. Les boucles blondes de ses cheveux étincelaient comme de l’or. Ses yeux bleus semblaient extraits des eaux mêmes qu’elle dominait de son allure altière. Elle portait la chemise de nuit qu’il affectionnait. Son visage souriait. Ses pieds nus, délicats, se posèrent sur le sable. On aurait dit un ange.
John était bouleversé par cette apparition. Il avait l’impression qu’il ne s’arrêterait jamais de pleurer.
- Merci, murmura-t-il. Merci, mon Dieu !
Lorsqu’ils s’enlacèrent, son cœur lui offrit une symphonie.
 
Les spectateurs n’étaient pas en reste et avaient bien du mal à ne pas se laisser submerger par l’émotion des retrouvailles. Iko, elle, ne refusa aucune larme. Ce moment était trop précieux pour être vécu à demi.
Le couple à nouveau réuni retrouva en un instant le confort de sa chambre à coucher. Le lit conjugal accueillit bientôt leurs étreintes effrénées.
John plongea son visage dans les boucles blondes de Linda :
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
John oublia tout : le gamin aux yeux bleus magnifiques, son frère, les gens qu’il avait tué, les gens qu’il avait vu mourir. Il ne se rendit sensible qu’à cet intense moment d’extase partagé.

- On devrait peut-être afficher une interdiction aux mineurs, proposa Harvey.
- Vous savez, dit Jimmy, j’ai déjà vu pire que ça sur Internet !
Donald essuya ses lunettes.
- Ca va marcher ?
Jimmy tentait de suivre la progression des ébats malgré la silhouette imposante de Harvey.
- Ca me paraît en bonne voie.


16. Succès déverrouillé : Le Repos du Guerrier


La nouvelle fit le tour du monde. On en oublia presque le sort des victimes de la colère de BIG BUG. En début d’après-midi, certains américains purent à nouveau se connecter au réseau TotaLink et sillonner à nouveau le monde de Crim’In avec un avatar flambant neuf.
Dead Zone avait visiblement trouvé le remède adéquat. Le volcan s’était rendormi et avec lui la crainte d’être foudroyé.

John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu’il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d’annoncer plus sérieusement 6:00.
John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.
En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d’une épaule et d’une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l’inviter davantage à s’y attarder.
- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.
John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C’était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d’avoir ouvert les yeux de si bonne heure. Il l’embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L’explosion fut si violente qu’elle ébranla l’appartement.
John bondit du lit :
- Putain, qu’est-ce que c’était ?
Linda s’alarma.
- J’espère que ce n’est pas la bibliothèque. J’ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.
John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l’entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.
John ouvrit la porte. N’eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu’il s’agissait en fait d’un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu’il distingua à peine le garçon sur les marches du perron.
Il ne devait pas avoir plus de quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
Des yeux bleus magnifiques.
- De la part de Jérôme !
Il produisit un fusil à pompe SPAS 12 et tira deux coups consécutifs.
John et Linda s’écroulèrent violemment dans l’entrée, le visage éclaboussé par leur propre sang. Eric regarda leurs corps avec intensité comme dans l’attente d’un miracle. Et le miracle se produisit bel et bien. Les deux corps disparurent.
Il leva alors les bras en signe de victoire et hurla comme un fou.
Derrière lui, un groupe de Chasseurs l’imita.
 
Sur l’île sans nom, les Protecteurs oeuvrèrent aussi. A leur manière. Dans la montagne créée par John Carson ils ajoutèrent son visage aux côtés de celui de sa bien-aimée, réunis pour toujours. En tous cas dans la mémoire des joueurs. Leur travail consistait désormais à préserver cette œuvre des attaques de joueurs mal intentionnés qui ne souhaitaient qu’une chose : la détruire entièrement. Et parmi ces vandales, les Chasseurs figuraient bien entendu en bonne place.
Il ne se passa d’ailleurs guère de temps avant que certains ne parviennent à s’infiltrer sur l’île à la barbe des Protecteurs dont l’attention était parfois savamment détournée par leurs ennemis jurés.
Eric contempla le monument accompagné de quatre camarades : Scarefaith, Jazz-on, Dwayne et Bornkiller. Il avait été facile de les rallier à sa cause.
- Placez les explosifs sur la montagne, je m’occupe du temple.
Eric déploya son jet-pack et s’éleva dans le ciel. Arrivé à la hauteur des deux visages, il cracha sur celui de John :
- Personne se souviendra de toi. Personne !
En disant cela, Eric occultait volontairement que depuis sa disparition, John Carson, alias BIG BUG, faisait l’objet d’un véritable culte. Des objets et des figurines à son effigie inondaient le marché. Ce qui faisait fureur depuis peu, c’était les vêtements arborant ses répliques cultes. Des phrases d’anthologie telles que :
 
VOUS ETES MORTS !
 
ENCAISSE CA !
 
Et la plus cotée :
 
J’IGNORE SI DIEU EXISTE,
MAIS VOUS VENEZ DE CREER LE DIABLE !
 
Eric continua son ascension. Il atteignit le sommet de la montagne. Mais une surprise de taille l’attendait en haut. Un sabre lui transperça la poitrine avant qu’il ait pu flairer la menace.
Sur la plage, un groupe de Protecteurs jaillit du sable et fondit sur les Chasseurs.
Freeman était à leur tête. Le combat était inégal.
Iko regarda Eric droit dans les yeux. Il y eut comme un éclair et le jet-pack se retrouva dans le dos de la belle asiatique qui enfourchait présentement sa fidèle Manta vert et rose.
- John Carson vivra. Et tu ne pourras rien n’y changer.
Eric tomba comme une pierre avant d’exploser en pleine chute. Ses alliés connurent un sort similaire. Iko enclencha le propulseur et sa moto prit les airs.
En contrebas, les Protecteurs saluèrent leur leader victorieux.

- C’est fini, déclara Harvey.
Il termina son café et s’en resservit un aussitôt.
- Maintenant leur petite guéguerre c’est du pipi de chat à côté. On a plus à s’en soucier.
Jimmy s’était endormi dans un coin.
Dave donnait des directives à des collègues et Donald songeait qu’il était grand temps de finir sa nuit.
- Je vais vous laisser, messieurs. Je n’ai plus votre âge et ma femme m’attend.
Il salua ceux qui étaient en mesure de le voir partir.
- Harvey, on se téléphone plus tard, hein ?
L’interpellé renversa sa tasse.
- Mais, euh…Que fait-on du gamin, Donald ?
Donald jeta un coup d’œil à la silhouette fluette recroquevillée sur un fauteuil.
- Vous n’avez qu’à l’engager, Harvey.
Puis il franchit la porte.
Harvey se tourna alors vers Dave. Ce denier paraissait soucieux. Il avait du boulot, certes, mais Harvey sentait qu’il était profondément affecté par la tournure des choses.
- Qu’est-ce qu’il y a, Dave ? dit-il en en lui tapotant amicalement le dos. On dirait que tu es déçu qu’il soit mort !
Dave observa pensivement une affiche du concours BIG BUG et plus particulièrement les différents visages connus de John Carson.
- Ce n’est pas ça. C’est juste que…C’était une première dans l’histoire. Il y a eu des conséquences très lourdes. Mais il reste que cela été une aventure unique et exceptionnelle. Nous en avons été les témoins privilégiés. Oui, c’était vraiment une première.
Harvey n’avait bien évidemment pas tout à fait la même vision des choses.
- Ouais, bah, espérons que ce soit aussi la dernière.
Il dévisagea Dave avec une expression hilare inédite :
- On va dire que c’est juste le bug du millénaire qui est arrivé avec un peu de retard.
Il attendit une réaction de Dave qui ne vint jamais et s’autorisa enfin à exploser de rire.

Donald Buff sortit des studios. C’était une belle journée, ensoleillée à souhait. Il grimpa dans sa décapotable. Il y avait encore beaucoup à faire pour rétablir une certaine sérénité surtout depuis que BIG BUG avait grossi la rubrique nécrologique et donnait raison aux détracteurs de Crim’In. Malgré tout il se sentait en confiance. Le meilleur avocat du jeu finalement c’était le jeu lui-même. Tout système était perfectible. Il fallait simplement le reconnaître. Quelques heures de perturbation ne pouvaient rivaliser avec l’incroyable équilibre social qu’avait engendré la mise en place de Crim’In dans les foyers.
Donald démarra sur les chapeaux de roue et s’élança sur la route de campagne baignée d’une lumière printanière.
 
 
Epilogue 2ème version
 
 
Le joueur répondant au nom de Full-Gore venait de récupérer la M-60 de Sylvester Stallone dans Rambo II et il comptait bien faire un carton histoire de rentabiliser son achat.
Il avisa la vitrine d'un supermarché. Son avatar afficha un sourire avant de commencer à tirer. Les clients et les caissières poussèrent des cris et tombèrent les uns après les autres. Mais cela ne suffit pas. Full-Gore entra dans le magasin et continua à faire feu sans répit, réduisant les corps en charpie et le mobilier et les articles en miettes sans distinction.
Après plusieurs minutes de fusillade ininterrompue, il se figea brusquement en embrassant du regard la VHS extrêmement rare d'un film fantastique qu'il recherchait depuis des années.
Il pouvait l'avoir à condition d'allonger la monnaie, encore une fois avec de vrais dollars. Mais contrairement au flingue de Rambo, la VHS lui serait livrée dans la réalité. Et ça, ça valait bien de flinguer son compte épargne.
Il en était encore à baver sur le monstre de la jaquette lorsqu'il entendit du verre crisser sous des pieds. Il se retourna vivement et sa mâchoire inférieure faillit tomber à la vue des clients et des caissières qui se tenaient devant lui, armés jusqu'aux dents.
La dernière chose qu'entendit Ernest Cunningham, 42 ans, père de 2 enfants avant de mourir fut cette phrase déclamée comme d'une seule voix par tous les PNJ :
- De la part de John Carson !
 
 
 
Epilogue 1ère version


John Blossom venait d’atteindre le sommet de la montagne. Seul, sans aide, sans sherpa. A la seule force des poignets et des chevilles. Un exploit digne des meilleurs alpinistes, lui qui n’était qu’un amateur chevronné. Il fut rempli d’un sentiment de fierté et de plénitude qui l’enivra totalement. Loin de l’agitation du monde moderne, loin de son boulot, de Dead Zone et du phénomène Crim’In, il s’éveillait à d’autres envies, à d’autres besoins qu’il estimait tellement plus essentiels.
Il fallait absolument qu’il prenne des photos. Linda n’avait pas pu l’accompagner cette fois, mais il comptait bien partager cette expérience avec elle. Car tout comme lui, elle aimait particulièrement cette région du Tibet. Le panorama était fantastique. C’était comme d’être dans un autre monde, sur une autre planète. La sérénité et la majesté que dégageaient ces pics enneigés étaient surnaturelles. Et puis c’était un pays mythique pour plus d’une raison.
John avait le souffle court. L’ascension lui avait pratiquement ôté toutes ses forces. Il commençait à en prendre conscience. Il but une longue gorgée d’eau et fouilla dans son sac à dos à la recherche de son appareil numérique. C’est ainsi qu’il observa un phénomène étrange. Pour une raison qui lui échappait totalement, son ombre semblait clignoter sur le sol enneigé. Il se rappela les effets néfastes du manque d’oxygène en hauteur et comprit qu’il avait sans soute une hallucination. Lorsqu’il se retourna pour prendre une photo, il faillit lâcher l’appareil. Pendant un instant, il aurait juré que le soleil avait disparu avant de réapparaître aussitôt. Il n’ y avait pourtant aucun nuage.
John secoua la tête et prit une série de clichés.



 

Ce blog c'est pas juste un passe-temps
j'y bosse dur tous les jours
Je ne te demande pas d'argent
mais juste en retour
un petit commentaire
Ce sera mon salaire
C'est plus précieux que ça en a l'air

vendredi, 20 février 2009

Les Vertus du Virtuel

Les Vertus du Virtuel 

 

J'appuie sur la gâchette

Une balle dans la tête

Le mort s'écroule dans la foule

Les gens crient à tue-tête

Mais personne ne m'arrête

 

Je suis le roi des tueurs

Je connais le jeu par cœur

 

Le temps d'un chargement

Je deviens fou du volant

Quand vient le GAME OVER

Je me remets au vert

 

Les vertus du virtuel

Me rendent la vie plus belle

J'oublie qu'elle est cruelle

Quand je deviens comme elle

 

Les vertus du virtuel

Sont devenues mon rituel

Pulsions et impulsions

Deviennent si réelles

Quand je les vois tel quelles

Sur ma télévision

 

Pirate dans les étoiles

Ou bien voleur de toiles

Assassin silencieux

Ou bien maître des cieux

Je suis celui que je veux

 

Par écran interposé

Je peux enfin tout oser

Tout m'est permis

Rien ne m'est interdit

La liberté se crie

La liberté s'écrit

Sur un écran je vis

 

GTAdolescent

Hyper introverti

Je deviens menaçant

Pour public averti

 

Toutes ces simulations

Stimulent mes émotions

Je sens mon cœur qui bat

Chaque fois que je me bats

J'enchaîne les coups de poings

Et j'encaisse tous les points

 

L'univers est à moi

C'est moi qui fais les lois

Je suis le noyau, le centre

C'est fou ce que j'en ai

Dans le ventre

 

Mais je suis qu'un ado

Qu'est pas bien dans sa peau

Je suis amoureux d'une fille

Mais je me trouve pas beau

 

Assis devant ma télé

Je joue aux contes de fée

Je suis chevalier sans peur

Elle princesse au grand cœur

 

Puis vengeur masqué

La rage au bout de l'épée

J'oublie tous mes malheurs

Et je fonce à cent à l'heure

 

Je tue, je vole, je jouis

Je joue donc je suis

Personne pour me juger

Ni pour me condamner

J'oublie les préjugés

Qui rongent ma destinée

 

Dans la peau d'un héros

Anti ou bien antique

On se sent tellement beau

Oui c'est tellement pratique

Je fais aucun effort

Pour devenir le plus fort

Je fleurte avec la mort

Et à chaque fois je m'en sors

 

Je suis chasseur de primes

Ca m'évite la déprime

Je suis gangster notoire

Ca me redonne de l'espoir

 

Quelques combinaisons

De flèches et de boutons

Je suis roi de la baston

J'oublie mes contusions

 

Dans l'enfer de la guerre

Baroudeur solitaire

Je n'ai besoin de rien

Je suis enfin quelqu'un

 

Dans une formule un

Ou bien sur un terrain

J'oublie le quotidien

Qui me fait un mal de chien

 

J'étends mon horizon

Et change ma perception

Ma bonne humeur se joue

Sur un bout de caoutchouc

 

Retour dans le réel

C'est fou ce qu'elle est belle

Je me sens si fragile

Débranché de mon fil

 

Elle a trouvé un gars

Qui a su lui parler

Je ressens les dégâts

De mon incapacité

 

Personne à qui me fier

Personne pour me confier

Pour y remédier

Y a pas trente-six solutions

 

Pour que j'aille mieux

Pour me rendre heureux

Pour que j'existe

Pour que rien ne me résiste

 

Il n'y a que la télé

Et ma super station

 

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !