vendredi, 28 mars 2014
Bright Star [Cinéma/Critiques]
Bright Star nous dévoile la rencontre, puis l'histoire d'amour intense, mais contrariée entre le poète John Keats et la couturière Fanny Brawne aussi étrangère aux subtilités de la poésie que lui aux fastes de la bourgeoisie.
Jane Campion avait déjà bouleversé critiques et cinéphiles avec son inoubliable Leçon de Piano. Une histoire d'amour adulte, tragique, mais emprunte de poésie et d'audace. Dire qu'elle était faite pour porter la vie de John Keats à l'écran n'est pas exagéré.
Ici les personnages sont plus jeunes, l'amour incontestablement plus pudique, mais l'audace est toujours là dans le sens où l'époque et les moeurs dressent des obstacles de taille pour deux êtres à la condition sociale pour le moins opposée.
John va initier Fanny à la poésie à sa demande. Mais inévitablement, les deux amants vont s'ouvrir l'un à l'autre et connaître l'amour avec un grand A, celui dont ils ignoraient tout, celui qu'ils n'imaginaient même pas.
Dans le rôle du poète John Keats, on retrouve Ben Wishaw. Un choix qui paraît, lui, peu audacieux étant donné la propension du comédien à se glisser dans des personnages romantiques en costume comme dans Le Parfum ou Cloud Atlas. Mais c'est sans compter sa capacité à dépasser les apparences de la redite. Son jeu toujours juste et nuancé donne la force et la douceur requises. Dès les premiers plans, il rayonne et en même temps semble n'être qu'une silhouette vague, un visiteur de passage. L'infortune de son personnage à promouvoir son talent n'y étant peut-être pas étrangère. Ce qu'il perd en renommée, il le gagne heureusement en intégrité, en passion.
A des années-lumière de son rôle de Sweet Pea dans Sucker Punch ou le plus contemporain Limitless, Abbey Cornish est LA révélation du film. La muse de Keats, la Bright Star c'est elle, c'est indéniable. Rapidement on se languit de son absence pourtant elle est presque de tous les plans, c'est dire à quel point sa beauté naturelle et son regard font leur effet. Elle campe avec énormément de conviction cette jeune femme qui jouissait simplement de la vie en en attendant rien de plus, sûre d'elle-même et de sa réussite. Sa rencontre avec Keats va bien entendu lui faire plus qu'entrevoir l'aube d'une nouvelle existence. Au départ unis par une amitié tendre et complice, les deux artistes vont lentement, mais sûrement mesurer combien le temps passé ensemble n'est plus aussi innocent qu'au début.
Par l'entremise de sublimes paysages de la campagne anglaise et des ambiances de saisons, Jane Campion invite la nature en tant que témoin et actrice privilégiés de cet amour de la déraison. Un ingrédient somme toute naturel pour un film sur la poésie. De manière moins démonstrative que Terrence Malick comme dans Le Nouveau Monde, mais cela fait aussi bien son effet et sert efficacement le propos. La nature inspire les deux amants semblant se faire l'écho extérieur des élans de leur coeur comme dans cette scène où des papillons volent et se posent dans la chambre en toute liberté. Une relation fusionnelle que la distance, l'entourage et la maladie vont régulièrement malmener, donnant lieu à maintes séparations et autant de tourments. Mais heureusement ou malheureusement :
L'absence est à l'amour ce qu'est au feu le vent;
il éteint le petit, il allume le grand.
(Bussy-Rabutin, Hist. Amoureuses des Gaules)
La performance de Paul Schneider dans le rôle de Brown, l'ami (ultra) protecteur de Keats est remarquable elle aussi. Antipathique, mais entier, jaloux aussi, il est aussi touchant par son humanité et son indéfectible amitié envers le poète qu'il reconnaît lui être supérieur dans leur art commun.
C'est précisément à partir du moment où Keats tombe malade, que toute la magie calme et discrète du film tombe avec lui. On le voit tantôt alité, en piteux état, tantôt ressuscité et l'espoir d'un radieux avenir avec lui, mais le charme de cette union n'agit plus. Est-ce parce que nous ne sommes pas dupes du drame qui s'annonce ? On aimerait bien, mais le fait est que l'intensité des émois du jeune couple ne paraît pas toujours en adéquation avec la teneur des évènements. Un sentiment de lassitude nous prend alors.
Une faiblesse qui entache un peu l'oeuvre dans son ensemble dont la fin notamment souffre de l'absence d'un soubresaut du coeur qu'on aurait voulu partager, même dans ce qu'il a de plus éprouvant.
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