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vendredi, 23 octobre 2015

Retour vers le Futur : 30 ans ! [Cinéma/Hommages]

Dans Retour vers le Futur 2, Marty et Doc se propulsaient dans le futur, plus précisément le 21 octobre 2015. Nom de Zeus, voilà une occasion en or de fêter cette trilogie culte de Robert Zemeckis (Flight) produite par Spielberg (E.T., Jurassic Park) et ça c'est le pied ! Spéciale dédicace à Nico, fan absolu !

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Le thème mémorable de la trilogie avec son compositeur, Alan Silvestri (Predator), aux commandes de l'orchestre.

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Vision futuriste de la fameuse Delorean.

 

En Lien :

The Lexus Hoverboard

Le Voyage dans le Temps

Mon Top 5 Caisses de Cinoche

 

 

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jeudi, 25 octobre 2012

Deux Milliards et Deux Vies [Nouvelles/Uchronie]

J'ai déjà eu l'occasion de vous parler de mon meilleur ami Hervé Smagghe. Il contribue beaucoup à l'amélioration et à l'exposition de mon blog et j'en profite pour le remercier une nouvelle fois au passage.

Il se trouve qu'il est également auteur, pas autant qu'il le voudrait, certes, mais cela ne l'a pas empêché de pondre deux petites perles.

La nouvelle qui suit est classée dans un genre littéraire bien spécifique : l'Uchronie. Cette dernière consiste à revisiter un fait historique sous un angle différent de celui que l'on connait. Un bon exemple : le roman Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick qui raconte la victoire du IIIè Reich sur les Alliés durant la seconde guerre mondiale.

Je vous souhaite d'avance une bonne lecture. N'hésitez pas à laisser des commentaires pour donner votre avis et partagez votre ressenti avec Hervé qui se fera un plaisir de vous répondre.



– Leader one, ici Black Eagle. Je viens d’être touché par un tir provenant du sol. Demande assistance pour appontage d’urgence.
– Bien reçu, Black Eagle. La piste sera dégagée à votre arrivée. Quelle est l’étendue de vos dégâts ?
– Les deux tuyères gauches de mon appareil sont endommagées.
– Attention Black Eagle, j’ai deux échos ennemis sur mon radar à environ trois heures !
– Envoyez-moi de l’aide, je n’arriverai jamais jusqu’au porte-avion !
– Bien reçu Black Eagle. Nous faisons le nécessaire.
« Merde, il ne manquait plus que ça ! » pensa le sergent Jonathan Miller.

Les deux chasseurs irakiens seraient bientôt sur lui. Il savait pertinemment que l’aide demandée ne serait jamais sur place à temps. Il lui fallait trouver une solution, seul. A cette altitude, avec de telles avaries, il n’avait aucune chance de sortir victorieux d’un combat aérien. Il enfonça le manche de son appareil vers l’avant et son chasseur plongea aussitôt en piqué.

Jonathan pilotait un McDonnell Douglas, modèle AV-8B, plus connu sous le nom de Harrier. Cet avion fraîchement mis en service avait déjà fait ses preuves depuis le début de l’opération Tempête du Désert. Sa petite taille rendait le Harrier beaucoup plus manœuvrable que la plupart des chasseurs conventionnels. Armé d’un canon rotatif de 25 millimètres et équipé d’une charge offensive de presque 8 tonnes, il pouvait néanmoins atteindre une vitesse de pointe d’environ 1000 km/h. D’imposantes tuyères orientables ornaient chaque côté du Harrier. Elles permettaient au chasseur un décollage et un atterrissage vertical. Une vraie révolution dans le monde de l’avionique !

Jonathan savait qu’avec deux tuyères endommagées un atterrissage vertical lui était interdit. Il connaissait parfaitement les possibilités de son appareil : il était considéré par sa hiérarchie comme l’un des meilleurs pilotes au monde sur ce type de chasseur.

Arrivé à 200 mètres d’altitude, Jonathan tira sur le manche du Harrier qui peina à se redresser. Lorsqu’il y parvint, l’avion n’était plus qu’à une vingtaine de mètres au-dessus du sol. Il ne pourrait jamais espérer prendre de vitesse les deux Mirages F1-E lancés à sa poursuite. Ces chasseurs, sortis tout droit des usines françaises Dassault, étaient parmi les avions les plus rapides au monde. Leur vitesse pouvait atteindre Mach 2 soit deux fois et demi la vitesse de pointe du Harrier.

Jonathan survolait à présent une rivière qu’il décida de longer. Cette manœuvre lui fit gagner du temps. Naviguant sous le plancher radar, les chasseurs ennemis peinèrent à retrouver le Harrier. Un signal sonore retentit dans le cockpit du sergent Miller : l’un des Mirages ennemis venait de tirer une roquette à guidage thermique. Jonathan n’eut d’autre choix que de pousser les réacteurs du Harrier à leur pleine puissance. Cette brusque accélération l’obligea à effectuer des manœuvres que nul autre pilote n’aurait osé tenter. Son avion filait à présent à près de 900 km/h le long des méandres de la rivière, tandis que le missile se rapprochait inexorablement de lui. Jonathan tira d’un coup sec le manche de son appareil. L’avion se redressa et fila à la verticale. Il passa à toute allure entre les deux chasseurs irakiens qu’il avait préalablement repérés sur son radar, suivi de près par la roquette. Les pilotes, bien que surpris par la manœuvre de l’américain, n’eurent aucun mal à se dégager de la trajectoire du Harrier, évitant ainsi d’être pris pour cible par le missile.

Jonathan continua sur sa lancée et constata avec regret que la roquette n’avait percuté aucun des deux Mirages. Il adopta donc une autre tactique. Arrivé à 13 000 mètres d’altitude, il effectua un demi-tour et plongea de nouveau sur les chasseurs irakiens. Il coupa brusquement les gaz à 6000 mètres et tomba en chute libre. Rien ne garantissait que l’avion parviendrait à redémarrer. Le missile, qui réagissait à la chaleur des réacteurs, perdit sa cible et se remit aussitôt en acquisition : deux cibles s’offraient désormais à lui, droit devant. Le Harrier en perdition fila sur la gauche des deux appareils ennemis et la roquette percuta l’un d’eux. L’onde de choc provoquée par la déflagration frappa de plein fouet le second chasseur qui explosa à son tour. Jonathan n’eut pas le temps de se réjouir car son appareil se rapprochait dangereusement du sol. Un sentiment d’inquiétude l’envahit. Les deux tuyères encore opérationnelles refusaient obstinément de se remettre en marche. A la verticale, il lui était impossible de s’éjecter. Miller n’avait plus le choix : il tira de toutes ses forces sur le manche et enfonça le palonnier. L’avion partit aussitôt en vrille. Bien que téméraire, cette manœuvre permit à Jonathan de s’éjecter de son appareil.

La seconde suivante, le Harrier percutait le sol dans une explosion de fumée noire. La violence de l’éjection fit perdre connaissance au sergent Miller qui planait au dessus du sol, suspendu à son parachute tel un pantin inanimé. Lorsqu’il revint à lui, la première image qu’il vit fut le sol à moins de 3 mètres sous ses pieds. Il était déjà trop tard pour tenter quoi que ce soit. Un hurlement de douleur s’échappa de sa gorge lorsque ses deux jambes se brisèrent comme des allumettes en percutant le sol…

***

Jonathan se réveilla en sursaut, le front perlé de sueur. Il lui fallut quelques instants pour se remémorer l’endroit où il se trouvait : sa chambre. Vingt-cinq années s’étaient écoulées et pourtant la douleur aux jambes perdurait. Le médecin de la base d’El Toro, où il était stationné, lui avait expliqué que cette souffrance était psychosomatique. Le choc post-traumatique dû à son accident en territoire ennemi l’avait marqué à vie telle une plaie toujours à vif. Cela faisait pourtant bien cinq ans qu’il ne s’était pas réveillé aussi brusquement.

Jonathan massa péniblement ses jambes jusqu’à ce que la douleur s’estompe quelque peu. Il se leva ensuite et se dirigea vers la salle de bains. La nuit était encore noire. Elle promettait d’être longue, il en était certain. Après s’être rafraîchi, il vit son visage dans le miroir qui lui renvoya l’image d’un homme que la guerre du Golf avait brisé vingt-cinq ans plus tôt. Le crash avait gâché sa vie et sa carrière. Avec un tel talent de pilote, le sergent-major Jonathan Miller aurait eu tôt fait d’être promu capitaine. Au lieu de cela, ses supérieurs lui avaient annoncé sans grand ménagement qu’il ne pourrait sans doute plus jamais voler. Voler, c’est ce qui l’avait poussé à s’engager et à gravir les échelons de l’armée dans un seul but : se tenir derrière le manche d’un chasseur. Les sensations qu’il ressentait en vol étaient uniques, une coulée d’adrénaline qui le faisait se sentir vivant.

Mais tout cela lui avait été enlevé. Il avait dû se battre contre sa hiérarchie afin de pouvoir arpenter de nouveau le bitume des pistes d’envol. Pour ce faire, il passa du statut de pilote de chasse à celui de chef mécanicien en aéronautique. Le sergent-major Miller était le seul soldat de l’U.S. Air Force à posséder un grade de loin supérieur à sa fonction. Il avait en charge la maintenance des avions de chasse de la base d’El Toro en Californie.

Cependant le temps des Harriers était depuis longtemps révolu. L’année 2015 était déjà bien entamée et aujourd’hui les drones équipaient 90% de la flotte américaine. Ces escadrilles de petits chasseurs commandées à distance étaient devenues le fleuron de l’Air Force qui se targuait de ne plus mettre en danger la vie de leurs pilotes. Une nouvelle génération de soldats avait vu le jour. Des pilotes sans expérience du vol réel, des pilotes incapables de voler aux commandes d’un Harrier, des pilotes dont la seule qualité était avant tout le sang-froid.

Chaque fois que Jonathan pénétrait dans la « salle de pilotage », il avait la sensation de voir des adolescents addicts aux jeux vidéo. Seule différence au tableau, cette pièce était sans aucun doute la plus silencieuse de la base. Finies les sensations fortes, les décharges d’adrénaline et autres excitations en tout genre. Il détestait cette salle beaucoup trop terre à terre pour le vol aérien.

Heureusement de temps en temps, son ami et supérieur, le capitaine Nick Turner s’arrangeait pour lui octroyer des missions de convoyage. L’objectif était simple : piloter les vieux avions au rebus à destination des différents musées militaires du territoire américain. A chaque fois, Jonathan était transporté à l’idée de piloter à nouveau. Quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il lut l’ordre de mission qui émanait du bureau de Nick. Il était chargé de convoyer un Harrier jusqu’au musée naval de la base de Pearl Harbor dans le pacifique. Jonathan leva les yeux au ciel et remercia le Créateur de le laisser se mettre à nouveau aux commandes d’un Harrier. D’ordinaire les missions de convoyage concernaient surtout des bombardiers. Mais là, il s’agissait d’un chasseur, autant dire du pain béni pour ce doux rêveur de Miller.
Evidemment, Nick ne le laisserait jamais décoller sans une sérieuse remise à niveau, soit cinq bonnes heures de vol sur l’appareil. Jonathan eut toutes les peines du monde à réprimer son excitation. Depuis son accident, il n’avait jamais plus piloté de Harrier. Il lui tardait donc d’accomplir sa mission qui n’aurait lieu que dans trois semaines. Un vol comme celui-là nécessitait une grande préparation de la part du pilote. Il lui fallait s’entraîner au vol : décollage, atterrissage et même appontage. En effet son plan de vol prévoyait une escale pour refaire le plein de kérosène à bord du California, le dernier-né des porte-avions américains, fleuron de la Navy. Cette escale, Jonathan la trouvait inutile. Dans le temps, on lui aurait laissé faire son ravitaillement en vol. Mais ce genre d’opération était aujourd’hui considérée comme dangereuse et par conséquent inutile. Au lieu de cela, il devrait faire le plein et passer une nuit à bord du porte-avions. Encore une idée stupide que de ne pas piloter de nuit afin de ne surtout pas prendre de risques. Il se dit que sans les risques que les pilotes avaient pris, leur liberté si chèrement acquise au cours des guerres, ne serait peut-être qu’une lointaine illusion. Alors penser qu’une guerre puisse se gagner sans prise de risque, telle était la véritable illusion aux yeux de Jonathan.

–  Jonathan ? Jonathan, tu es avec moi là ? demanda le capitaine Turner.
– Euh oui, oui, Nick. Excuse-moi, j’étais perdu dans mes pensées. Où en étions-nous déjà ?
– Le California, Jonathan. Tu passeras la nuit à bord et tu repartiras le lendemain matin à 6h30.
– A vos ordres Capitaine, ironisa le pilote.
– C’est ça, fait le mariole. Si j’étais toi, je me demanderais comment remercier mon capitaine pour m’avoir dégoté cette mission de dilettante, lança Nick sur le ton de la plaisanterie.
– Quoi, tu veux que je te ramène une Hawaïenne peut-être ?
– Non, sérieusement. Trêve de plaisanterie, le porte-avions sera en alerte rouge ce jour-là. Alors il faudra que tu te fasses tout petit.
– Alerte rouge, mais pourquoi ?
– Phase de test, c’est tout ce qu’on a bien voulu me répondre en haut lieu.
– Ça sent les tests d’armement à plein nez.
– Quoiqu’il en soit, motus et bouche cousue. Et ça c’est un ordre tout ce qu’il y a de plus officiel.

***

Trois semaines plus tard, Jonathan était paré à accomplir sa dernière mission. Dernière car il savait qu’une occasion comme celle-ci ne se représenterait sans doute plus. Aussi avait-il informé Nick de son souhait de partir à la retraite dès la fin de cette mission. Le capitaine avait bien tenté de retenir son ami mais il savait déjà que c’était peine perdue. Ce fut donc avec regret que Nick accepta de faire les démarches nécessaires au départ précipité de Jonathan.

– Ainsi je boucle la boucle, pensa Miller. Tour de contrôle, ici Black Eagle. Je suis paré au décollage.
– Bien reçu Black Eagle. Vous avez l’autorisation de décoller. Bon vol et soyez prudent.
– Merci tour de contrôle. Je tacherai de revenir en un seul morceau.

Le Harrier roula doucement jusqu’à la piste d’envol. Là, Jonathan lança les réacteurs du chasseur à pleine puissance ce qui ne manqua pas de le plaquer au fond de son siège. Il ne fallut que quelques secondes au Harrier pour prendre son envol. L’adrénaline coulait déjà à flot dans les veines du pilote. Il prit rapidement de l’altitude car il était déjà aux portes de Los Angeles. Les consignes étaient claires : 7000 mètres, tel était le plancher imposé par sa hiérarchie pour survoler la Cité des Anges. Jonathan se sentait à nouveau vivant, sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis vingt-cinq ans maintenant.

Dix minutes plus tard, le Harrier survolait l’océan Pacifique et Jonathan abaissa son plancher à 1500 mètres. Là débuta pour lui une longue série d’acrobaties aériennes. Il commença avec prudence et augmenta la difficulté des figures à mesure que ses sensations en vol lui revenaient. Des larmes de joie coulaient de ses yeux embués. Il ne parvenait plus à contrôler la décharge émotionnelle que lui procurait son corps. Il volait dans une sorte de béatitude complète. Peu de gens savent apprécier ce qu’ils définissent plus tard comme étant le plus beau jour de leur vie. Dans son cas, aucun doute n’était permis : il avait pleinement conscience de vivre les plus beaux instants de sa vie. Seule la radio vint interrompre ce moment de pur plaisir.

– Black Eagle, ici la tour de contrôle de l’USS California. Veuillez ralentir votre vitesse d’approche pour votre appontage.

En jetant un coup d’œil à l’horloge de son cockpit, Jonathan constata avec regret que cela faisait presque trois heures qu’il était en vol. Trois heures qui n’avaient duré qu’un instant, le temps d’un battement de cils, pensa Jonathan. La première partie de son trajet s’achevait déjà. Ce fut avec beaucoup de regrets dans la voix qu’il répondit :

– Bien reçu, tour de contrôle, je réduis les gaz.
– Le pont étant surchargé pour la durée de nos exercices, veuillez procéder à un atterrissage vertical.
– Je procède, répondit-il d’une voix platonique.

L’appontage vertical, bien qu’excitant, ne fut qu’une simple formalité pour Jonathan. Une fois posé, il coupa les réacteurs, mais ne sortit pas tout de suite de son cockpit. Il lui fallait d’abord reprendre ses esprits. Au bout de deux minutes, un opérateur au sol grimpa sur une aile du Harrier afin de voir si tout allait bien pour le pilote. Ce dernier déverrouilla son cockpit au moment même où l’opérateur posait sa main sur la poignée d’ouverture.

– Bonjour Sergent-major. Vous vous sentez bien ? demanda-t-il, inquiet. Vous n’avez pas l’air dans votre assiette.
– Merci pour votre sollicitude, Soldat, mais ça va aller. Je suis juste un peu fatigué par le voyage, mentit Jonathan. Veuillez me conduire auprès de mon officier de liaison, je vous prie.
– A vos ordres Sergent-major. Par ici, si vous voulez bien me suivre.

***

Le porte-avions grouillait d’activité. Tout le monde s’affairait à bord afin de respecter un planning qui échappait complètement à Jonathan. Son officier de liaison lui avait intimé l’ordre de ne pas quitter ses quartiers durant la nuit car « d’importants tests » allaient être réalisés. Il n’avait posé aucune question sachant pertinemment qu’il n’obtiendrait aucune réponse. Il avait bien sûr remarqué que tout le gratin de l’armée américaine se trouvait à bord. Sans doute étaient-ils tous venus pour une démonstration. En bref, tout le monde s’affairait et lui s’ennuyait ferme. Lorsqu’il ferma les yeux, allongé sur sa couchette, les images de son extraordinaire après-midi défilèrent sans discontinuer.

Deux heures plus tard, ne parvenant toujours pas à trouver le sommeil, Jonathan se leva et sortit sur le pont pour prendre l’air. L’interdiction de quitter sa cabine lui importait peu. L’air marin lui fit le plus grand bien et le détendit. Au bout de dix minutes, il surprit une conversation entre deux hommes sur le pont supérieur.

– Général, je me dois d’insister. Nous ne sommes pas prêts pour un test grandeur nature. Comme je vous l’ai déjà signifié dans mon dernier rapport, l’ouverture d’un vortex aussi petit soit-il, nécessite un contrôle absolu du canon TDV. Hors notre appareil n’est pas encore au point. Nous ne savons même pas si nous parviendrons à refermer le trou de ver.
– Professeur Santini, déclara le général d’un ton qui se voulait rassurant. Votre rapport a été lu et vos craintes prises en compte. Les résultats en laboratoire, vous en conviendrez, sont plus que satisfaisants. De plus, les sommes colossales engagées dans un tel projet appellent à des résultats probants. Je vous avoue avoir un peu de mal à comprendre vos réticences.
– Mes réticences général, sont on ne peut plus fondées. Tout d’abord, les tests en laboratoire ont été réalisés en milieu contrôlé, une atmosphère stérile de toute interférence. Je vous rappelle par ailleurs que ce que nous appelons vulgairement un vortex n’est ni plus ni moins qu’un trou noir. On ne travaille plus seulement sur trois dimensions, mais quatre car nous parlons là de courber l’espace et le temps afin de créer un passage instantané d’un point A vers un point B. Si nous ne maîtrisons pas ce trou noir, tout sera absorbé, TOUT : la matière, la lumière, le temps.
– Oh là ! Calmez-vous, professeur. Vous dressez là un portrait bien pessimiste de la situation. Aux dernières nouvelles, tout fonctionnait parfaitement.
– PARFAITEMENT ?!! Et l’incident de Blackwell, vous appelez ça un fonctionnement parfait ?
– Quel incident de Blackwell ? Tout s’est déroulé selon nos plans à part un léger retard. A part ça, nous avons transféré une canette du laboratoire à la salle adjacente à travers le vortex.
– Oui, mais la canette n’est arrivée qu’une minute plus tard et pas à l’endroit de la salle que nous avions choisi.
– Professeur, un tout petit mètre d’écart et une toute petite minute de retard, il ne s’agissait que de détails que vous avez réglés.
– Pas du tout. Ce que vous appelez un retard n’en était pas un. Le canon TDV a parfaitement fonctionné. Lorsque la canette est partie du laboratoire, elle est instantanément arrivée à destination. Nous avons attendu une minute non pas à cause d’une lenteur du transfert ou d’un retard, mais parce que la canette a voyagé une minute dans le futur. En fait le canon TDV fonctionne parfaitement sauf que nous n’en maîtrisons pas les effets secondaires. Voilà les raisons qui me font parler de Blackwell comme d’un incident. Je tiens à ajouter que si nous avions…
– Je vous prie de m’excuser, professeur Santini, lança un troisième homme qui venait d’arriver, mais votre présence ainsi que celle du Général Stanton est requise au poste de commandement. La phase de test va bientôt débuter.
– Nous vous suivons, répondit Stanton.
– Général, s’il vous plaît, insista le scientifique.
– Professeur Santini, je crois avoir été suffisamment patient. L’heure n’est plus à la discussion mais à l’action. Nous reprendrons cette conversation après le test qui, j’en suis intimement convaincu, se déroulera sans incident.

Jonathan, encore sous le choc de la discussion qu’il venait de surprendre, entendit les pas des deux militaires et du scientifique qui s’éloignaient. Quelle folie avait poussé les Hommes à créer une telle machine en sachant les conséquences dramatiques que cela pouvait entraîner ? Il était maintenant hors de question pour lui de retourner sagement se coucher dans sa cabine. Il fallait qu’il voie ça de ses propres yeux.
Subrepticement, Jonathan se faufila jusqu’au pont d’envol où une bonne centaine de personnes s’affairaient aux derniers préparatifs du test. Là, il découvrit alors le fameux canon TDV. Il était composé de trois éléments principaux. Deux canons à électrons étaient disposés de part et d’autre d’un grand canon à base pyramidale dirigé vers le ciel. Jonathan remarqua également qu’à l’autre bout de la piste d’envol, deux drones étaient prêts à décoller. Sans doute les militaires allaient-ils tenter d’envoyer les drones à travers le vortex. Pour la première fois de sa vie, il était content que l’on envoie des drones plutôt que des pilotes. Quelle folie, songea-t-il à nouveau. Risquer l’Armageddon pour perfectionner un nouveau moyen de transport : la démesure des Hommes ne semblait pas avoir de limite.

Soudain, le pont se vida de tous ses occupants en quelques secondes. Poussé par la curiosité, Jonathan resta caché derrière une pile de caisses. Une voix retentit par les hauts parleurs du pont d’envol :

– Attention, lancement du compte à rebours. Début du test dans trente secondes, vingt-neuf, vingt-huit…

Un bourdonnement se fit entendre, sans doute les générateurs avaient-ils été mis en marche.

– Dix-neuf, dix-huit, dix-sept…

Le bourdonnement devint plus intense jusqu’à devenir un sifflement aigu qui arracha un cri de douleur à Jonathan. Il comprit alors pourquoi tout le monde s’était mis à l’abri. Il plaqua ses deux mains contre ses oreilles rendant le sifflement plus supportable. De puissants projecteurs crevèrent la nuit, illuminant le ciel chargé de nuages gris.

– Cinq, quatre, trois, deux, un, mise à feu.

A ce moment-là, le silence se fit et Jonathan vit les deux canons à électrons émettre un rayon lumineux d’un rouge vif. La base pyramidale du canon principal fut percutée simultanément par les deux faisceaux laser. Pendant quelques secondes rien ne sembla se produire. Puis, l’ensemble du porte-avions se mit à trembler, manquant de faire trébucher le pilote. Soudain, une onde de choc partit de la base du canon et se propagea vers le ciel. Le silence retomba sur le pont d’envol et tout redevint calme. Le regard de Jonathan se porta vers le ciel où un trou béant aspirait les nuages alentours. Ainsi, l’Homme venait de créer un trou noir. Miller ne parvenait plus à détacher ses yeux du spectacle grandiose qui se jouait devant lui. Il ne remarqua les deux drones que lorsque ceux-ci franchirent le trou de ver à pleine vitesse. Le vortex se referma brusquement juste après.

– Que s’est-il passé ? demanda le général Stanton dont la voix trahissait une certaine inquiétude.
– Je ne sais pas mon Général, répondit Willis, le chef des opérations. La puissance du vortex était parfaitement stable, mais il semble qu’il se soit effondré sur lui-même.
– Je vous avais pourtant prévenu, Général, lança le professeur Santini d’un ton parfaitement neutre.
– Ça suffit Santini, l’heure n’est pas aux reproches. Stanton se tourna alors vers Willis :

– A-t-on des nouvelles de nos drones ? demanda-t-il avec colère.
– Non, mon Général. Les pilotes nous disent avoir perdu le contrôle de leur appareil au moment même où le trou noir s’est refermé.
– Je veux savoir ce qui s’est passé. Que les équipes de maintenance vérifient l’état du canon TDV.
– Mais Général, il faut attendre que les canons à électrons refroidissent sinon les équipes de maintenance risquent de…
– Ça suffit, Willis ! Je vous ai donné un ordre. Obéissez.
– Tout de suite, mon Général.

Jonathan regarda ses mains maculées de sang et constata qu’il provenait de ses oreilles. En pilote averti, il savait que ce n’était jamais très bon signe. Voyant que des dizaines d’hommes s’affairaient à nouveau, il décida de ne pas s’attarder plus longtemps sur le pont du California. Les deux drones n’étaient toujours pas revenus et au vu de l’agitation ambiante, Jonathan en conclut que le test avait du être un échec.

De retour dans sa cabine, il se passa la tête sous l’eau, ce qui le soulagea quelque peu. Il était maintenant certain de ne pas fermer l’œil de la nuit.

***

Le lendemain matin, Jonathan était partagé entre l’excitation de piloter à nouveau et le désarroi dans lequel l’avait laissé l’impressionnant spectacle dont il avait été témoin la veille. Ses oreilles ne le faisaient plus souffrir et il espérait qu’il en serait de même une fois en vol. Il prit son petit déjeuner dans un réfectoire qui semblait avoir été déserté. A contrario, le pont d’envol était envahi de techniciens, militaires et scientifiques qu’il n’eut aucun mal à différencier. Son officier de liaison l’accompagna jusqu’à l’arrière du porte-avions où l’attendait déjà son Harrier. Le canon TDV avait disparu du pont supérieur, ce qui ne manqua pas de faire sourire Miller.

– Voici votre plan de vol, Sergent-major. Soyez prudent, lança très sérieusement l’officier de liaison.

Ça c’est le comble, pensa Jonathan. On me demande à moi d’être prudent pendant qu’eux mettent la planète en danger.

– Merci, Capitaine, répondit-il ironiquement.

Il monta à bord du Harrier et après les vérifications d’usage et l’accord de la tour de contrôle, il décolla. Quelques minutes plus tard, Jonathan volait au-dessus du Pacifique à pleine vitesse. Deux heures plus tard, il arriverait à Pearl Harbor où le dernier Harrier de l’armée américaine encore en état de marche finirait ses jours dans un musée.
Le vieux Harrier serait à la retraite en même temps que le vieux Miller, pensa Jonathan.

A bord, l’ambiance fut nettement moins joviale que la veille. Il semblait plongé dans une sorte de nostalgie qui dura pendant presque toute la durée du vol. Seule une voix dans son casque le sortit de sa torpeur.

– Black Eagle, ici la tour de contrôle de Pearl Harbor. Veuillez abaisser votre plancher à 1500 mètres afin de procéder à l’atterrissage. Nous vous libérons la piste 24B, veuillez confirmer.
– Bien reçu tour de contrôle. Je procède aux…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Déjà, son radar émettait deux échos droit devant lui à quelques centaines de mètres. La visibilité était restreinte par d’épais nuages gris. Pendant un instant, le pilote se remémora la dernière fois où il avait vu deux échos sur son radar, vingt-cinq ans plus tôt. Une vague de sueurs froides parcourut le corps de Jonathan qui luttait pour garder son calme. Le Harrier sortit d’un épais nuage et la panique envahit aussitôt le pilote lorsqu’il vit devant lui deux drones qui émergeaient d’un gigantesque vortex, trou béant déchirant le ciel. Les drones partirent en vrille et Jonathan ne les évita que par miracle. Dans la seconde qui suivit, les deux engins se percutèrent l’un l’autre. Le Harrier, prit dans le champ de l’explosion, fut projeté à travers le trou noir.

Jonathan ferma les yeux, croyant sa dernière heure venue.

***

Lorsqu’une alarme retentit dans le cockpit, il ouvrit à nouveau les yeux. Il était toujours là, bel et bien vivant, mais son appareil était devenu hors de contrôle et plongeait inexorablement vers l’océan. Le pilote dut jouer de toute son habileté afin de stabiliser le Harrier qui ne volait plus qu’à quelques dizaines de mètres au-dessus de l’eau.

La première chose qui frappa Jonathan quand le calme revint, fut la météo. En effet, le ciel n’était plus gris et menaçant, mais d’un bleu azur. Au loin, le soleil se levait derrière l’île d’Oahu abritant le port de Pearl Harbor. Le changement était saisissant. Il décida de reprendre de l’altitude afin d’envoyer un message radio. Pas de réponse. Une inquiétude naissante poussa le pilote à scanner toutes les fréquences radios. Il ne tarda pas à en trouver une, mais la voix qu’il entendit n’avait rien d’américaine. Il s’agissait plutôt d’une langue asiatique à laquelle Jonathan ne comprenait strictement rien. Soudain, il y eut un silence radio de quelques secondes suivi de trois mots que le pilote ne pourrait jamais plus oublier. Trois mots qu’il savait être japonais. Trois mots historiquement célèbres et qui répondaient à toutes ses interrogations : tora ! tora ! tora ! Il comprit aussitôt que le vortex l’avait projeté dans le passé, le 7 décembre 1941 à 7h53. L’attaque de Pearl Harbor par l’armée japonaise venait d’être lancée. L’histoire de cette bataille, tous les pilotes de l’US Air Force la connaissait par cœur. Le président Roosevelt l’avait tristement baptisée le Jour d’infamie. Jonathan avait étudié cette bataille lors de ses classes alors qu’il n’était pas encore pilote : la plus grande défaite militaire américaine. Il ne semblait pas croire à la réalité de sa situation, encore sous le choc de l’annonce radio. Comment pouvait-il se retrouver plongé au cœur d’un des jours les plus sombres de l’Histoire de son pays ?

Seule la première explosion d’un cuirassé parvint à sortir Jonathan de sa torpeur. Il savait que le Nevada venait d’être touché par une torpille. Ce navire avait été la première cible des bombardiers japonais. Quelques secondes plus tard, toute l’île Ford où était stationnée la majeure partie de la flotte américaine, sembla s’embraser sous les feux nippons. Jonathan devait intervenir, c’était son devoir de patriote et il en avait les moyens. Il fit un premier passage au-dessus du port, scannant les fréquences radios afin d’en trouver une américaine. Plus loin au nord, le pilote distingua nettement une nuée d’appareils japonais qui se scindait en plusieurs groupes d’attaque.

– Maintenant les choses vont changer, déclara-t-il solennellement à voix haute.

Jonathan lança ses réacteurs à pleine puissance en direction d’un groupe de onze bombardiers Kate qui arrivait au-dessus des montagnes. Les bombardiers japonais se distinguaient aisément des chasseurs Zéros de par leur couleur verte. La tâche du pilote américain n’en fut que simplifiée. En l’espace de quelques secondes, il fit un carnage avec sa mitrailleuse. Pas un pilote japonais ne réchappa vivant de l’attaque éclair. La surprise avait été totale.

J’ai bien arrosé l’arroseur, pensa Jonathan un sourire narquois aux lèvres.

Le Harrier avait déjà repris de l’altitude lorsque la radio, qui avait capté une nouvelle fréquence, lança un message que le pilote reconnut.

- Raid aérien, Pearl Harbor. Ce n’est pas un exercice.

Il s’agissait du message de détresse qu’avait lancé le commandant Logan de Ford Island. Jonathan vira de bord et ne tarda pas à rattraper un groupe de Zéros qui s’apprêtait à détruire une piste de décollage américaine. Les mitrailleuses du Harrier entrèrent en action et pulvérisèrent littéralement les avions japonais. Les explosions successives obligèrent le pilote à effectuer de spectaculaires manœuvres d’évitement.

Au sol, les militaires assistaient à une scène de science-fiction en voyant le Harrier évoluer dans les airs, venant à leur aide tel un ange tombé du ciel. Aucun pays n’avait jamais développé un tel engin, alors en voir voler un relevait de l’impossible.

De son cockpit, Jonathan aperçut deux Kates qui se dirigeaient vers l’Arizona, le plus célèbre des cuirassés coulé durant la bataille de Pearl Harbor. Le pilote américain orienta son appareil en direction des bombardiers nippons, en verrouilla un et lança une roquette. La déflagration qui s’ensuivit projeta des débris sur les navires alentours. Jonathan n’eut pas le temps de verrouiller le second Kate qui largua sa torpille. Vu du ciel, on pouvait très nettement distinguer le long sillage blanc sous-marin caractéristique, filer à pleine vitesse sur l’Arizona.

Les quartier-maitres Sims et Templeton avaient reçu l’ordre le matin même de passer une couche de peinture sur la coque de l’Arizona. Lorsqu’ils devinèrent une torpille à quelques dizaines de mètres d’eux, ils furent persuadés que leur mort était inéluctable. Perchés dans leur nacelle de travail, que pouvaient-ils faire ? C’est donc comme spectateurs qu’ils assistèrent au plus incroyable des miracles. Un chasseur inconnu passa en rase-mottes à une vitesse folle et largua une bombe qui fit exploser la torpille dans une impressionnante gerbe d’eau. Les deux quartier-maitres, bien que complètement trempés, se jetèrent dans les bras l’un de l’autre de joie. Ils se hâtèrent ensuite de remonter leur nacelle de travail.

A bord de son bombardier, le pilote japonais constata avec stupeur que sa torpille n’avait pas atteint sa cible. Pire, l’OVNI qui en était responsable fonçait à plein régime sur lui. Jonathan fondit sur sa proie qui tenta une manœuvre désespérée pour l’éviter et perdit le contrôle de son appareil. Le Kate termina sa course dans les eaux peu profondes de la baie. A bord du Harrier, Miller poussa un long cri de victoire. Cependant, une nouvelle explosion toute proche l’obligea à se reconcentrer. La bataille était loin d’être gagnée.

Dans la panique, les militaires américains à bord des cuirassés, prenaient tous les avions en vol pour cible. Jonathan dut rapidement se dégager d’un tir d’artillerie et reprendre de l’altitude. Une fois hors d’atteinte, il aperçut en contrebas un petit submersible nippon qui se frayait un passage dans les eaux de la baie. Il prit tout son temps pour viser et largua une seconde bombe. Sans surprise, l’obus atteignit son objectif et le sous-marin de poche japonais implosa.

Avec le recul que lui offrait l’altitude, Jonathan constata les dégâts de la bataille. Trois navires étaient en flamme, dont un donnait déjà de la gîte. Deux pistes de décollage et une bonne trentaine de Curtiss P40 américains étaient hors d’usage. Des volutes de fumées noires réduisaient considérablement la visibilité à basse altitude et au loin de nouvelles vagues d’avions japonais déferlaient sur Pearl Harbor. Les ennemis étaient trop nombreux et Jonathan ne pouvait espérer changer seul le cours de la bataille. Il lui fallait des renforts aériens et rapidement. Il décida de ne s’atteler pour le moment qu’à une seule tâche : la protection d’une piste d’envol afin de permettre aux P40 américains de prendre les airs.

La piste d’Ewa n’avait pas encore été atteinte par les raids aériens ennemis. Les mécaniciens et pilotes américains s’affairaient en tout sens afin de préparer leurs avions au décollage. Mais lorsqu’ils virent une nuée de Zéros surgir à contre-jour, ils coururent se mettre à l’abri dans les hangars voisins. Déjà les premiers chasseurs lançaient leur vague d’assaut lorsque, surgissant de nulle part, le Harrier leur coupa l’herbe sous le pied. A son premier passage, Jonathan descendit trois avions japonais, provoquant un mouvement de panique dans la formation ennemie. Quel était cet étrange et terrifiant appareil qui les décimait comme autant de moustiques ? Une roquette percuta un nouveau Zéro qui, en explosant, détruisit un appareil voisin. Ne croyant pas à leur bonne fortune, les militaires s’activèrent de façon plus intensive à la mise en route de leurs P40.

Des tirs provenant de l’arrière firent prendre conscience à Jonathan qu’il était pris pour cible par deux chasseurs nippons. Il ne tenta aucune manœuvre d’évitement, mais au contraire sortit ses aérofreins et orienta ses quatre tuyères en sens inverse. En deux secondes, les Zéros se retrouvèrent devant lui. Jonathan remit alors les gaz et joua de sa mitrailleuse, réduisant à néant les deux téméraires qui avaient osé relever le défi de le détruire.

Un premier P40 décolla, mais fut presque aussitôt détruit par une nouvelle formation de Zéros. Six autres chasseurs américains tentèrent leur chance et parvinrent à prendre les airs. Aussitôt ils engagèrent le combat et se focalisèrent sur la défense de la piste d’Ewa, ce qui permit à une bonne trentaine d’appareils supplémentaires de décoller. Il s’agissait pour Jonathan d’un tour de force car au cours de la bataille originelle, seuls six Curtiss P40 avaient réussi à prendre leur envol. Côté américain, la bataille était maintenant devenue aérienne et prenait une tournure qui permettait d’envisager une autre issue qu’un immense massacre.

***

– Taylor, fais gaffe à trois heures, tu en as un aux fesses, lança une voix dans la radio.
– J’arrive pas à le semer. Il s’accroche le fumier, répondit l’intéressé.

Jonathan repéra rapidement le P40 en difficulté. Taylor tentait désespérément d’échapper à son poursuivant sans succès. Le Harrier faisait maintenant face au chasseur américain toujours poursuivi de près par un Zéro.

– Merde, c’est quoi ça ? s’affola Taylor.
– A mon commandement, virez de bord à gauche Taylor, ordonna Jonathan.
– Mais vous êtes qui ?
– Obéissez, Taylor, ou vous allez finir par vous faire descendre !

Les deux secondes suivantes parurent durer une éternité pour le lieutenant Kenneth Taylor qui voyait l’avion inconnu grossir dangereusement.
– Maintenant ! lança précipitamment Jonathan.

Taylor réagit et vira de bord aussitôt. Le P40 ne passa qu’à quelques centimètres du Harrier qui ouvrait déjà le feu sur le Zéro. L’aile droite du chasseur nippon fut arrachée par les projectiles du canon rotatif américain. Dans une gerbe de flamme, le Zéro tourbillonna à grande vitesse avant de percuter le sol.

– Qui que vous soyez, merci l’ami, déclara Taylor.
– Peu importe qui je suis, répondit Jonathan. Ce serait trop long à expliquer. Ce qui compte, c’est que je suis de votre côté. Sachez juste que vous et le lieutenant Welch êtes destinés à de grandes choses.

En effet, Jonathan connaissait les deux pilotes de légende qu’étaient devenus les lieutenants George Welch et Kenneth Taylor. Au cours de la bataille de Pearl Harbor, telle qu’il la connaissait, ces deux jeunes pilotes faisaient partie des six P40 qui avaient réussi à prendre les airs. A eux seuls, ils étaient parvenus à descendre pas moins de sept Zéros. Taylor avait même été blessé pendant la défense de la piste d’Ewa. Jonathan avait empêché cela et il en éprouva une grande fierté.

– Tu entends ça, George ?
– Ouais. Je n’y comprends rien, mais peu importe. Comme notre mystérieux inconnu l’a dit, ce qui compte c’est qu’il soit de notre côté. Allons botter le cul de ces salauds !

La défense s’organisa peu à peu et les forces japonaises commencèrent à faiblir. Jonathan s’occupait à présent de protéger les navires bloqués dans le port, son appareil lui conférant un avantage technologique considérable sur l’ennemi.

***

Jonathan jeta un coup d’œil à son horloge de bord qui indiquait 8h40. Il marmonna un juron car il savait que dans dix minutes une seconde vague d’assaut déferlerait sur Pearl Harbor. Il fallait à tout prix empêcher que cela ne se produise.

– Ceci est un message à l’ensemble des pilotes américains déjà dans les airs. Décrochez, je répète, décrochez. Une seconde vague d’assaut arrive par le nord. Il faut les empêcher d’atteindre le port.
– Libérez la fréquence, lança un pilote.
– Ici le lieutenant Welch. Obéissez tout de suite et regroupez-vous derrière le chasseur inconnu. Faites-moi confiance les gars, ce type sait de quoi il parle.

Une minute plus tard, une formation de soixante trois Curtiss P40 mené par un Harrier survolait les montagnes et bientôt l’océan.

– Prenez de l’altitude, ordonna Miller. Nous allons leur tomber dessus par surprise !

D’une seule voix, les pilotes américains confirmèrent l’ordre. Jonathan suivait la progression ennemie sur son radar. Elle comptait plus d’une centaine d’appareils. Mais peu importait le nombre de japonais, il avait une stratégie qui, si elle fonctionnait, réduirait à néant la seconde vague d’assaut nipponne. Il lança ses réacteurs à plein régime. Welch et Taylor, qui étaient à la tête de la formation américaine, virent soudain le chasseur inconnu disparaître de leur champ de vision en quelques secondes.

Jonathan survola la nuée de chasseurs ennemis sans que ceux-ci ne se rendent compte de sa présence. Il attendit quelques secondes et fit faire demi-tour à son appareil. Il abaissa progressivement son plancher jusqu’à atteindre l’altitude des appareils japonais, se plaçant ainsi juste derrière eux.

L’ironie du sort voulut que le lieutenant Welch déclencha l’attaque par trois mots « GO, GO, GO » ce qui ne manqua pas de faire sourire Jonathan. Les P40 plongèrent vers leurs cibles et Miller lança ses réacteurs à pleine puissance. Il verrouilla deux Kates en milieu de formation et tira ses missiles. La déflagration fut si puissante que quatre avions japonais explosèrent et deux autres en perdition finirent leur course dans l’océan. Au même instant la vague de P40 fondit sur les japonais, provoquant des dégâts considérables dans leur formation. Les « japs » ne s’attendaient certainement pas à une contre-attaque au-dessus de l’océan. Pas moins de la moitié de leurs chasseurs et bombardiers furent détruits avant qu’ils ne se décident à changer de cap. Mais c’était sans compter sur la présence du Harrier qui leur barra le passage. Jonathan coupa les gaz et le canon rotatif de son chasseur entra en action. Le carnage qui s’ensuivit resterait à tout jamais dans les mémoires des pilotes présents lors de la bataille. Zéros et Kates se faisaient littéralement perforer par les projectiles 25 millimètres du Harrier. Les avions japonais explosaient de toute part et quand l’un d’eux parvenait à s’en sortir, deux ou trois P40 se chargeait de l’achever. Pas un seul américain ne périt au cours de l’attaque qui ne dura que cinq minutes. Il était 8h55 et la seconde vague d’assaut nipponne venait d’être réduite à néant.

Jonathan savait que la victoire était presque acquise. Il ne lui restait plus qu’un seul objectif : les six porte-avions japonais qui croisaient à quelques milles au nord.

– Bien joué les gars ! lança-t-il. La victoire est à nous, retournez à Pearl Harbor pour terminer le travail.
– Nous direz-vous enfin qui vous êtes ? demanda Taylor.
– Un ami venu de bien plus loin que vous ne sauriez l’imaginer, répondit simplement Miller. Bien plus loin. Adieu mes amis, un jour… nous nous reverrons.
– Merci pour tout, mais pourquoi…

Mais la voix de George Welch se perdit dans un grésillement. Jonathan venait de libérer la fréquence radio. Il ne voulait pas être distrait de son dernier objectif. Il savait qu’une troisième vague d’avions japonais était prête à décoller si on lui en intimait l’ordre. Il voulait à tout prix empêcher cela. Il tira sur le manche du Harrier qui prit aussitôt de l’altitude. Il ne lui restait que trois bombes et deux missiles pour endommager les pistes d’envol des porte-avions ennemis. Il n’avait par conséquent pas droit à l’erreur. Il fallut un quart d’heure au Harrier pour parcourir la distance qui le séparait de la flotte de l’Empire du Japon. Le chasseur, bien trop moderne, échappa aux radars encore rudimentaires des navires japonais. Jonathan visa stratégiquement les pistes de décollage des porte-avions. Lorsqu’il porta son attaque, seule une bombe manqua son objectif. Les ponts de quatre des six navires visés furent endommagés, interdisant tout décollage ennemi. Deux pistes demeuraient opérationnelles, résultat que le pilote trouva insuffisant. Il avisa un bombardier Kate qui s’apprêtait à prendre son envol. Jonathan enfonça le manche du Harrier qui plongea aussitôt. Le Kate roulait déjà sur la piste d’envol lorsqu’il fut perforé de toute part par les mitrailleuses du chasseur américain. Quelques instants plus tard, une explosion de grande envergure, amplifiée par la torpille du Kate, ravagea le pont du porte-avions. « Plus qu’un, pensa instinctivement Jonathan ». Mais les batteries antiaériennes des cuirassés alentours commençaient à cracher leur feu. Il jugea que le risque d’un nouveau passage était trop grand maintenant que l’effet de surprise ne jouait plus en sa faveur. Après quelques périlleuses acrobaties, le Harrier reprit de l’altitude jusqu’à être hors de portée des feux nippons. Là, il comprit que la bataille touchait à sa fin lorsqu’il vit l’ensemble de la flotte japonaise amorcer progressivement un demi-tour.

La bataille de Pearl Harbor était terminée et les Etats-Unis avaient vaincu l’Empire du Japon. Et lui, le sergent-major Jonathan Miller, avait à tout jamais changé le cours de l’Histoire. A aucun moment de sa vie, le pilote américain n’avait ressenti une telle fierté, un tel sentiment d’accomplissement de soi. Grâce à lui, plus de deux mille vies venaient d’être épargnées. Mais le temps était venu pour Jonathan de rentrer chez lui. Du moins l’espérait-il. Il n’appartenait pas à cette époque et devait rétablir un équilibre dans l’espace temps. Craignant que le vortex se soit refermé, il mit le cap sur l’endroit d’où son appareil avait émergé. Une demi-heure plus tard, il arriva sur zone et fut soulagé de constater que le trou noir crevait toujours les cieux. Cette fois-ci, il ne ferma pas les yeux lorsqu’il franchit le seuil du vortex.

***

Le ciel était à nouveau gris au dessus du Pacifique et Jonathan comprit qu’il était revenu à son époque, le 15 avril 2015. Allait-on l’accueillir en héros lorsqu’il raconterait son histoire au Général Stanton ? Allait-on seulement croire à son histoire ? Il n’avait aucune preuve tangible de son intervention à Pearl Harbor. Finalement, cela importait peu, seuls ses actes comptaient. Grâce à lui, un grand drame avait été évité.

C’est dans cet état d’esprit que le pilote mit à nouveau le cap sur Pearl Harbor. Sa jauge de kérosène indiquait un niveau de carburant assez bas. Rien d’alarmant en soi, mais il fallait refaire le plein rapidement. Il se cala sur la fréquence radio de la base aéronavale et lança un appel. L’inquiétude remplaça bientôt la joie car son appel demeurait sans réponse. Avait-il bien réintégré son espace-temps ? En y réfléchissant, il se dit que le ciel nuageux ne constituait en rien une preuve du lieu et de l’époque à laquelle il se trouvait. Pourtant il se trouvait au dessus de l’océan. Mais quel océan ? Etait-ce bien le Pacifique ? Le doute était permis. Jonathan ne disposait plus d’aucun repère temporel et géographique. Bientôt la silhouette d’une côte se dessina à l’horizon. Le pilote plissa les yeux et souffla de soulagement en reconnaissant la topographie caractéristique de l’île d’Oahu. Mais toujours pas de réponse à ses appels radios répétés.

Soudain, l’horreur prit le pas sur le soulagement lorsqu’il découvrit un port de Pearl Harbor qui avait été complètement ravagé par les flammes. C’était l’enfer sur Terre. Tout était détruit, brûlé et broyé. Le port, la ville d’Honolulu, les villages un peu plus loin dans les terres : rien n’avait été épargné. Tout sur l’île n’était que le terrible témoignage d’un lointain drame. Lointain car la nature avait repris ses droits. Une luxuriante végétation avait envahi les rues du port. Le paysage de désolation qui se dessinait au sol laissa Jonathan sans voix. L’île semblait désertée de toute vie. Cependant, le faible niveau de carburant poussa le pilote à aviser une zone suffisamment large pour lui permettre d’atterrir. Toutes les pistes de la base étaient hors d’usage, aussi dut-il procéder à un atterrissage vertical.

Lorsqu’il coupa les réacteurs du Harrier, un silence de mort régna sur l’île. Jonathan fut parcouru d’un frisson en descendant du chasseur. Sans bien savoir ce qu’il cherchait, le pilote erra dans les rues désertes de la ville plusieurs heures durant. Que s’était-il produit ? C’était à n’y rien comprendre. Les américains avaient gagné la bataille et pourtant la ville n’était maintenant qu’un vaste champ de ruines. Il envisagea subitement une hypothèse qui pouvait expliquer sa situation. Le trou de ver l’avait sans doute projeté dans un avenir où une catastrophe s’était produite sur l’île. C’était la seule explication plausible à ses yeux. Sa théorie ne répondait cependant pas à la question qui lui torturait l’esprit : qu’est-ce qui avait provoqué une catastrophe de cette ampleur ? L’heure n’était pas aux questions. Il devait maintenant se préoccuper de son propre sort.

Il se mit en quête de carburant pour son appareil. Ses réserves lui interdisaient tout retour sur le continent trop distant. Mais le sort semblait s’acharner contre Miller qui, après plusieurs heures de recherche, ne parvint pas à trouver la moindre goutte de kérosène. Le soir venu, le sergent-major alluma un feu non loin de son appareil et se contenta d’une ration de survie pour seule nourriture. Peu à peu ses craintes devinrent des angoisses. Etait-il condamné à survivre seul sur cette immense île déserte ? La fatigue l’emporta sur le stress et le pilote finit par s’endormir.

***

La fraîcheur matinale réveilla Jonathan qui tremblait quelque peu. Lorsqu’il ouvrit les yeux, encore embués par le sommeil, il eut un vif mouvement de recul en découvrant un vieillard qui se tenait debout devant lui. Une longue barbe blanche dissimulait un visage buriné, celui d’un homme marqué par la dureté de son existence. Il était vêtu de haillons, lambeaux vétustes de ce qui avait été des vêtements en d’autres temps. L’homme n’esquissa pas le moindre geste. En l’observant plus attentivement, Jonathan vit que des larmes coulaient le long de ses joues ridées. Le pilote était sur le point de lui adresser la parole, mais l’homme le prit de court.

– La prophétie était donc vraie, déclara-t-il d’une voix chargée d’émotion.
– La prophétie ? demanda Jonathan. De quoi parlez-vous ? Et puis qui êtes-vous ?
– Mon nom est Dean Thomas et je suis ici pour vous.
– Ecoutez, monsieur Thomas. Je ne comprends absolument rien à ce que vous dites.
– Vous êtes notre sauveur. Cela fait plus de trente ans que j’attends votre venue. J’avais fini par croire que mes prières resteraient sans réponses. Mais vous êtes là !

Dean Thomas fondit en sanglots et tomba à genoux. Jonathan, qui ne comprenait toujours rien à la situation, aida le vieillard à se relever. Il fallut à ce dernier un certain temps pour parvenir à réprimer ses larmes.

– Suivez-moi, balbutia-t-il. Nous serons mieux au chaud pour discuter.

Les deux hommes se mirent en route.

– Vous êtes nombreux à vivre sur l’île ? demanda Jonathan.
– Nous étions deux, mais mon ami est mort il y a trois ans déjà. Je vis seul désormais.
– Mais pourquoi restez-vous sur cette île si vous êtes seul ?
– J’attendais votre retour.
– Mon retour, s’enthousiasma Miller. Vous savez donc qui je suis ?
– Vous êtes l’ange descendu des cieux en 1941 et une prophétie annonçait votre retour.
– Incroyable, répondit le pilote. On se souvient encore de moi. Mais en quelle année sommes-nous ?
– En 2015, le 15 avril.

Je suis revenu dans le présent, mais tout est différent, pensa Jonathan.

Une évidence s’imposa alors au pilote. Il n’avait pas seulement changé le cours de la bataille de Pearl Harbor, mais le cours de l’Histoire. Sans réfléchir, il avait combattu les Japonais et avait provoqué un effet papillon. La question était maintenant de savoir quel impact avait eu son intervention sur le cours du temps. A quel point les choses étaient-elles différentes ?

Il n’osa plus poser de question à Dean Thomas jusqu’à ce qu’ils arrivent, une demi-heure plus tard, à ce qui avait été la bibliothèque municipale. Vu de l’extérieur, le bâtiment semblait être en ruine. Mais ce n’était là qu’une illusion. A l’intérieur, Jonathan découvrit une immense salle que le vieil homme avait aménagée avec soin. On aurait dit un gigantesque loft dont les pièces étaient délimitées par d’immenses rayonnages chargés de livres. Le pilote resta bouche bée devant ce lieu de vie hors du commun. Le vieillard le guida jusqu’à une petite pièce qui ressemblait plus à un temple qu’à un bureau. A l’intérieur, un petit autel orné de bougies avait été dressé. Il fut frappé de stupeur en découvrant une photographie de son Harrier disposée au dessus de l’autel. Cette prise de vue noir et blanc montrait le port de Pearl Harbor ravagé par les flammes. On distinguait parfaitement son chasseur qui faisait face à l’objectif au premier plan. Trop occupé par la bataille aérienne qui faisait rage, le pilote n’avait pas remarqué le photographe au sol. Le cliché, bien que froissé et usé, semblait être l’objet du culte de Dean Thomas. Voilà pourquoi le vieillard l’appelait « l’ange descendu des cieux ». Jonathan était apparu comme par miracle, sauvant les militaires américains d’un sort funeste. Il avait tout aussi mystérieusement disparu dès la fin de la bataille, ne laissant pour toute trace de son passage qu’une simple photographie prise à son insu.

– Racontez-moi tout, Dean, supplia-t-il d’une voix tremblante. Je dois tout savoir de ce qui s’est passé depuis le 7 décembre 1941.
Le vieil homme se lança alors dans un long monologue. Il expliqua à Jonathan comment les américains, forts de leur victoire à Pearl Harbor, avaient écrasé le Japon sous le poids des bombes avant de retourner dans leur mutisme. La rage ne s’était pas emparée du cœur des américains qui, attentistes, avaient observé ce que le président Roosevelt avait qualifié de « guerre européenne tout au plus ». Le débarquement de Normandie n’avait par conséquent pas eu lieu et Hitler, fort de ses positions européennes avait rapidement vaincu la France. L’Angleterre avait capitulé peu de temps après. Les Etats-Unis s’étaient rendus compte de leur erreur trop tard et n’étaient entrés en guerre contre l’Allemagne nazie qu’en 1947. Pendant près de quarante ans, les deux camps s’étaient affrontés, faisant plus d’un milliard de victimes et le 23 septembre 1986, les Etats-Unis avaient capitulé sans condition. L’année suivante avait marqué un tournant dans l’Histoire lorsque Adolph Hitler s’était éteint, rongé par le cancer. Un tournant car son fils adoptif, un sadique sans nom, avait pris sa succession. Un milliard d’êtres humains périrent dans les camps de la mort qui s’étaient multipliés partout à travers le monde. En sauvant deux mille vies, Jonathan avait condamné l’Humanité à la nuit. Lui, le sergent-major Miller était responsable de plus de deux milliards de morts. Seul, il avait changé le cours de l’Histoire et seul, il était responsable du plus atroce des crimes contre l’Humanité : le monde était aujourd’hui dirigé d’une main de fer par les nazis.

***

Comme si les larmes ne suffisaient pas à exprimer le poids de sa culpabilité, Jonathan eut un haut-le-cœur et se retourna pour vomir à plusieurs reprises. C’était plus que son corps et son esprit ne pouvaient en supporter. Il se leva brusquement et quitta la bibliothèque en courant.

Bien que hors d’haleine, il continua de courir longtemps. Son corps cherchait à expier son terrible pêché. Quand de fatigue il tomba à genoux, il hurla sa douleur plusieurs heures durant. Il erra ainsi, l’âme en peine, pendant deux jours avant de s’écrouler inconscient sur une plage d’Honolulu.

Lorsqu’il s’éveilla, le soleil était déjà bas à l’horizon. La nuit n’allait pas tarder à recouvrir l’île en ruine d’Oahu. Sur sa droite, Jonathan vit Dean Thomas qui longeait la plage avant de venir s’asseoir à côté de lui.

– Et vous Dean, commença le pilote, quelle est votre histoire ?
– Je suis un privilégié d’avoir vécu si longtemps sur cette île. Voyez-vous, en 1978 j’ai obtenu mon diplôme de journaliste et me suis embarqué dans le premier navire qui partait pour le front Atlantique en tant que reporter de guerre. Cela me semble si loin aujourd’hui. Mais le cuirassé est tombé dans une embuscade et les nazis m’ont capturé et déporté dans le camp de Lorient sur la côte française. Les années qui suivirent, furent les pires de toute ma vie. Famine, insalubrité, tortures et expériences humaines en tout genre étaient notre lot quotidien. Sans mes amis pour me soutenir, je crois que j’aurais fini par mourir là-bas. Mais par chance, j’ai fait la connaissance de Sam et Richard. Sam était anglais et son seul crime était d’être peintre. C’est lui qui vivait avec moi sur l’île jusqu’à ce triste jour, il y a trois ans, où il est décédé après une longue période de fièvre. Quant à Richard, et bien Richard est l’homme qui a changé nos deux vies à Sam et moi. C’est lui qui nous a parlé de la prophétie annonçant votre retour. Au début nous ne l’avons pas pris au sérieux jusqu’à ce qu’il nous montre cette photo de votre étrange avion prise au cours de la bataille. Ce cliché qu’il chérissait comme un trésor, il le tenait de son père, Kenneth Taylor, qui le lui avait transmis avant de mourir.

– Vous voulez dire que votre ami s’appelait Richard Taylor ?
– Oui, son père était pilote pendant la bataille de Pearl Harbor.
– Je l’ai connu, déclara Jonathan abasourdi par cette révélation.
– Toujours est-il qu’au fil des années passées au sein du camp, nous avons élaboré un plan d’évasion. Nous devions nous enfuir et retourner ensuite sur l’île d’Oahu pour attendre votre retour. Mais le plan ne se déroula pas comme nous l’avions prévu et Richard donna sa vie pour nous permettre, à Sam et moi, de nous échapper. Je n’ai jamais oublié le sacrifice de Richard, paix à son âme. Après un long périple, nous sommes finalement parvenus jusqu’à cette île que nous savions déserte depuis les années soixante. La suite vous la connaissez, trente et un an à attendre votre venue. Mais cela en valait la peine puisque vous êtes là. Vous êtes revenu pour nous sauver de la tyrannie des nazis.

Jonathan fondit à nouveau en larmes, mais se reprit très vite.

– Dean, c’est maintenant à mon tour de vous compter une triste histoire car croyez-moi mon ami, je ne suis pas un ange descendu des cieux pour vous sauver.

Et il raconta au vieil homme qui il était, d’où il venait et comment par sa faute, le cours du destin avait pris cette dramatique tournure. Le choc dut être violent pour Dean, mais jamais celui-ci ne fit le moindre reproche à Jonathan car il savait que dans une telle situation, il aurait agi de la même manière. C’est donc le cœur lourd que les deux hommes s’en retournèrent à la demeure de Dean.

La nuit était déjà bien avancée lorsqu’ils parvinrent à l’ancienne bibliothèque. Aucun des deux hommes n’avait prononcé la moindre parole. Les mots semblaient futiles et chacun combattait ses propres démons intérieurs. Dean montra au pilote les nombreuses toiles qu’avait peintes son ami Sam au cours de ses vingt-huit années passées sur l’île. Jonathan prit le temps de toutes les regarder dans un silence presque religieux. Le vieillard le laissa dans sa contemplation et alla s’agenouiller devant l’autel de son petit sanctuaire.

Lorsque Jonathan revint, Dean priait devant la fameuse photographie qui était à l’origine du terrible quiproquo. Mais en la regardant attentivement, le pilote eut une révélation.

– Dean, je dois m’en aller, lança-t-il soudain d’une voix excitée. Je sais maintenant, je sais.
Le vieil homme ne sembla pas surpris outre mesure par l’étrange phrase du pilote. Il se retourna et déclara simplement :

– Alors va, mon ami. Va.
– Adieu, répondit avec émotion Jonathan.

Il quitta la demeure de Dean Thomas et se précipita vers son Harrier.

***

La nuit se changea en jour lorsque le chasseur franchit à nouveau le vortex. Par chance le trou noir était resté ouvert, offrant ainsi au pilote la possibilité de franchir à nouveau le seuil d’un lointain passé.

Le 7 décembre 1941, le ciel était d’un bleu azur et en contrebas, Jonathan vit un autre Harrier, hors de contrôle, qui perdait rapidement de l’altitude. Le pilote à bord de l’autre appareil, c’était lui lorsqu’il avait franchi le trou noir la première fois. Il eut une étrange impression en voyant son double manœuvrer tant bien que mal afin de stabiliser son appareil. Pendant quelques secondes, il fut tenté de contacter son double afin de le convaincre de ne pas prendre part à la bataille, mais le temps ne jouait pas en sa faveur. Son double écoutait déjà le message d’attaque japonais et était sur le point de se lancer corps et âme dans la bataille. Il ne lui restait plus qu’une seule solution.

– Le temps de la rédemption est venu, déclara solennellement Jonathan.

Il enfonça le manche du Harrier et s’élança à pleine puissance comme un missile sur son double. Il ferma les yeux alors que des larmes coulaient doucement sur son visage. Les images de son existence défilèrent devant ses yeux tel un film accéléré. Un sentiment d’éternité l’envahit soudain.

Personne ne fut témoin de la gigantesque explosion au dessus du Pacifique. Jonathan aurait sans doute dit que c’était mieux ainsi. Il avait réussi, il avait à nouveau infléchi la courbure du temps. Son double ne prendrait pas part à la bataille et les américains subiraient le Jour d’infamie. Le cœur emplit de haine pour cet acte barbare, les Etats-Unis s’engageraient dans la seconde guerre mondiale pour finalement triompher des forces de l’Axe.

Ce jour là, près de deux mille vies furent perdues.
Ce jour là, près de deux milliards de vies furent épargnées.


FIN


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vendredi, 29 juin 2012

Source Code de Duncan Jones

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Après Moon, son premier film acclamé, Duncan Jones revient aux commandes d'un film à priori plus ambitieux, mélangeant habilement thriller et anticipation.

Dans Source Code, Jake Gyllenhaal (Prisoners) doit retrouver dans un train l'auteur d'un attentat afin d'en empêcher un second beaucoup plus important. La mauvaise nouvelle : il n'a que 8 minutes. La bonne : ces 8 minutes sont... renouvelables. On en dira pas plus pour ne pas gâcher les surprises qui, malheureusement, nous sont un peu trop épargnées. Si vous avez vu la bande-annonce, vous en savez déjà presque trop.

Le concept introduit est assez original et la trame est agréable à suivre, rappelant des classiques comme Un Jour sans Fin ou la série Code Quantum. L'idée de la double enquête est excellente, mais on regrette beaucoup que le scénario nous mâche autant le travail, réduisant l'intensité du sujet. Quant au thème abordé, il a déjà connu plusieurs heureuses adaptations telles que Déjà-Vu, Next ou encore The Jacket. Il aurait donc fallu quelques ingrédiens supplémentaires pour parvenir à nous scotcher réellement et réinventer le genre.

On sent que le réal est sur la bonne voie pour nous offrir un film à la mesure de ses intentions. Gageons que le troisième soit enfin le bon !

 

Pour connaître d'autres films sur le même thème : Le Voyage dans le Temps

 

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