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lundi, 20 juin 2016

Du Sommeil du Juste [Nouvelles/Anticipations]

 

 

- Il est végétarien. Je parie que tu l’ignorais. Je suis certain que tu l’imaginais épris de viande fraîche, égorgeant lui-même poulets, canards, agneaux…

- Comment sais-tu qu’il est végétarien ? Il te l’a dit peut-être ?

Je riais presque en formulant ma question tant l’assurance de mon ami m’apparaissait contestable voire ridicule.

Il ne répondit pas. Mais le sourire qu’il produisit me glaça jusqu’au sang.

Je serrai les poings.

- Cet homme est la pire aberration que la terre ait jamais portée. Je ne permettrai pas qu’il la foule à nouveau.

A nouveau ce sourire effrayant, implacable, qui me désarmait et faisait de moi un pathétique rempart contre le mal qui siégeait en ce lieu.

Mon ami profita de mon impotence manifeste pour s’imposer :

- Si cet homme n’avait pas existé, s’il n’avait pas fait ce qu’il a fait, tout le bien qui est né pour contrer ses projets n’aurait pu de ce fait voir le jour. Cet esprit de résistance, cette bravoure, cette fraternité chez les uns et cet élan de soutien chez les autres, comment auraient-ils pu naître autrement ? Les héros sont nécessaires à ce monde. Et pour les créer, il leur faut un mal à leur mesure. Le génie de cet homme, ce n’était pas de rallier des hommes à sa cause et à sa vision. Au contraire. Son véritable talent - qu’il n’a sans doute pas eu le loisir de mesurer -  c’est d’avoir su engendrer une formidable solidarité autour de la notion de bien. Grâce à lui, tout était clair. On pouvait changer de camp, mais on ne pouvait ignorer de quel côté on était. C’est précisément ce qui manque au monde d’aujourd’hui. La frontière entre le bien et le mal est devenue floue, les repères plus complexes. Il faut à nouveau que le mal absolu se dresse sur cette terre afin que de nouveaux héros s’éveillent et luttent côte à côte. Il faut une évidence, un symbole. Il faut faire cesser ce flottement nauséabond, apathique, dans lequel nos esprits s’embourbent jour après jour. Le mal absolu est une vertu. Il rend tout si transparent, si lisible.

- Bon dieu, éructai-je. Ferme ta gueule ! Tu es aussi fou que lui !

Je ne pouvais en supporter davantage. Je sortis mon arme et la pointa sur lui. Ce geste m’apparut naturel, même si j’ignorais mes intentions précises à plus long terme.

Il ne fut pas le moins du monde intimidé. Il croisa les mains dans son dos.

- Merci de me donner raison. Tu vois. Ca a déjà commencé. Tu es maintenant un héros, toi qui, auparavant, n’étais qu’un petit flic des bas quartiers. Sa simple évocation suffit à faire naître des vocations de guerriers, même chez les individus les plus insignifiants. C’est cela son véritable pouvoir. Alors imagine s’il était à nouveau en course.

J’ôtai le cran de sûreté.

- Suis-moi. Nous allons sortir d’ici.

Mon ami se raidit.

- Je n’irai nulle part. Tu devras me tuer.

A mon tour, je lui décochai un sourire carnassier.

- Je n’aurai pas besoin d’aller jusque-là.

Je levai mon revolver pour l’assommer. Il évita mon attaque et agrippa mes poignets. Nous luttâmes sans mot dire, sans un cri, sans injures. Ce qui rendit cette lutte plus âpre encore. Et tandis que nous luttions pour la possession de mon arme, je me rappelle avoir eu la vision de ce sarcophage vitré à l’intérieur duquel dormait du sommeil du juste cet être innommable, ce mal incarné, responsable de tant d’atrocités. Cela eut un effet incroyable sur moi. Mes forces furent décuplées en un instant. Bandant mes muscles, j’envoyai violemment mon adversaire à terre. Ayant récupéré l’arme, je me jetai sur lui et l’assommai d’un coup bien ajusté.

Mon ami allait répondre de ses actes devant les autorités.

Quant à celui qui reposait, imperturbable, au milieu de la pièce, il allait bientôt trouver le seul véritable repos qu’il méritait d’avoir.

Je me dirigeai vers le sarcophage, en proie à une haine implacable. Je pointai le pistolet vers le visage du monstre. Cette mèche… Cette moustache…

Je pris conscience que j’allais pouvoir enfin accomplir une tâche dont tant d’autres avant moi avaient voulu s’acquitter. Avec la plus farouche détermination, sans l’ombre d’un doute, je pressai la détente. Il n’y eut aucun bruit, aucune détonation. Je ressentis un choc terrible en comprenant que le chargeur de mon arme était vide. Ce salaud avait la chance avec lui.

Heureusement, je repris rapidement mes esprits. Ce n’était pas une stupide négligence qui allait m’empêcher de remplir ma mission. Une mission que je devais autant à moi-même qu’à tous ceux qui avaient péri et souffert sous le règne de terreur du dictateur.

Plus jamais, me répétai-je tout en recherchant fiévreusement une arme digne de ce nom. Etrangement, je me surprenais à rejeter certains objets que je jugeais trop communs pour assassiner un homme tel que lui. C’était un monstre, mais en premier lieu une légende, aussi néfaste fut-elle. Et puis il fallait que je brise ce satané couvercle qui abritait son corps.

Son corps que je voyais respirer comme la plus suprême offense.

Finalement je m’emparai d’une chaise qui, hélas, ne répondit pas à mes attentes et se brisa sur le verre manifestement renforcé. Retournant à ma voiture, je trouvai enfin de quoi accomplir ma mission. Mais comble d’ironie, ni la clé anglaise, ni le poing américain ne purent entailler la surface du couvercle. J’étais en plein cauchemar. Je commençais à trouver la situation particulièrement grotesque. Quelques centimètres seulement me séparaient du plus grand bourreau de l’humanité et j’étais incapable de les franchir. Je pouvais sortir chercher de l’aide, téléphoner, mais j’étais entré dans un état second qui interdisait toute éventualité de laisser à quelqu’un d’autre le soin d’expédier le dictateur dans sa dernière demeure.

Et de toutes façons, qui me croirait ?

Il fallait que je trouve un moyen d’ouvrir ce diable de sarcophage puisque je ne pouvais le briser. Il datait probablement de la seconde guerre mondiale. Aussi résistant était-il, il ne pouvait être très compliqué à ouvrir. Je cherchai une commande, un bouton, un levier sur le socle. Rien. Plusieurs câbles en partaient dont je suivis des yeux les méandres. Ils conduisaient dans une pièce attenante que j’avais déjà fouillée intégralement sans rien remarquer d’intéressant. Je m’apprêtai à y retourner en désespoir de cause lorsque le son d’une voix me figea sur place. Quelqu’un venait de parler en allemand. Et en me tournant légèrement, je sus, en voyant son corps toujours inanimé, qu’il ne s’agissait pas de mon ami.

Je me retournai complètement. Le plus grand criminel de tous les temps se tenait face à moi. Il s’était assis sur le rebord du sarcophage. Il se frotta les yeux comme un enfant. Il avait l’air extrêmement fatigué. Avait-il dormi depuis la date supposée de son suicide en 1945 ? C’était complètement surréaliste. Il avait l’air affaibli, désorienté, mais il était vivant, si terriblement vivant. Savait-il à quelle époque il était ?

Ses yeux… Il me dévisagea soudain gravement, regarda autour de lui, avant de prononcer à nouveau quelques mots en allemand. Le führer s’adressait à moi. Je fis un effort considérable pour me rappeler les rudiments de cette langue acquis au cours de mes années d’étude. Mais c’était si lointain. Il répéta sa phrase. Plus fermement. J’étais tétanisé. Ce n’était pas une question. Il voulait quelque chose. C’est tout ce que je comprenais. Devant mon hébètement, il se mit à faire de grands gestes avec sa bouche comme s’il mastiquait énergiquement un aliment. Là tout devint clair. Le Führer avait faim. La surprise passée, je m’entendis lui répondre :

- Pas de viande, c’est bien ça ?

 

 

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

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Le Meilleur de Tous [Nouvelles/Thriller]

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Synopsis : L'agent du FBI Gary Chase doit faire équipe avec Vincent Faulk, un policier démis de ses fonctions suite à une forme aigüe de schizophrénie. Vincent s'avère rapidement être la meilleure arme pour capturer Eric Schultz, un dangereux psychopathe, lui aussi schizophrène et arrêté par Vincent quelques années plus tôt.  

Fraîchement évadé, Eric sème rapidement les cadavres derrière lui. Le temps est compté. Le tandem réussira-t-il à neutraliser cet implacable tueur en série avant qu'il ne se volatilise ?

 

1

 

- Qu’est-ce que tu fous là, salope ? Je t’ai déjà dit de me foutre la paix. Ca te plaît de me harceler, c’est ça ? Tu prends ton pied ! Et bah profites-en parce que ça va pas durer !

- Mais à qui vous parlez ? C’est à moi ?

La jeune métisse était terrorisée, mais sa curiosité était devenue plus importante que sa propre survie. Eric la maintenait fermement par la gorge contre la porte du placard de l’entrée.

Il l’avait suivie jusque chez elle. Elle habitait la campagne. Il savait qu’il ne serait pas dérangé. Il tourna la tête en direction de la porte d’entrée.

- Putain, Jimmy, t’avais raison ! C’est vraiment un coin paumé, ici.

- Pas de problème, dit Jimmy.

Assis en tailleur, la casquette baissée, il jouait avec sa fidèle balle de base-ball. Il cessa brusquement de la lancer et jeta un regard noir vers sa gauche.

- Par contre, t’aurais pas dû dire à Jenny où on allait.

Le visage d’Eric se crispa et il suivit le regard du garçon. Une belle rousse le dévisageait avec un air goguenard en feignant de se limer les ongles.

- Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?  Je lui ai rien dit. C’est pas moi qui l’ai amenée ici. Tu sais bien que je veux plus la voir. On est plus ensemble. Hein, t’entends, salope ? C’est plus la peine de t’accrocher à moi ! Tu m’as fait croire que tu m’aimais, ça t’a pas suffit ?

La pin-up minauda.

- Mon pauvre Eric, t’es même pas foutu de reconnaître la vérité.

Eric transpirait comme un bœuf, mais c’est à peine s’il s’en apercevait, au contraire de sa victime que la vue des gouttes de sueur rendait plus nerveuse encore. Elle tentait désespérément de déceler une silhouette, une ombre qui aurait témoigné de la présence d’un autre occupant dans la maison. En vain. Elle commença alors à comprendre à qui elle avait affaire. Son cœur devint alors le baromètre de sa peur.

- La vérité ? Quelle vérité ? s’exclama Eric. Il ne réalisa pas non plus qu’il avait resserré son étreinte sur le frêle cou de la métisse. Ses borborygmes ne l’alertèrent aucunement.

La rousse exhala un nuage de fumée pris à une cigarette avant de l’informer froidement :

- Que t’es un putain d’impuissant qui ne sait jouir que de son propre malheur.

Jenny avait parlé avec un total détachement, comme répétant une rengaine.

Ce qui eut le don d’enflammer Eric.

- Quoi ? Moi…Moi, je suis un impuissant ? C’est moi que tu traites d’impuissant ?

Son expression s’altéra. Il libéra sa proie et serra les poings de colère.

- Je t’aimais, Jenny. Je t’aimais comme un fou, mais tu ne m’as pas laissé le temps de te combler. J’avais tellement à te donner. T’as pas idée. Tellement d’amour.

Il releva la tête et la regarda droit dans les yeux. Saturé par les regrets et la nostalgie, il pleurait silencieusement.

- De plaisir aussi.

Jimmy fit claquer une bulle de chewing-gum.

- La gonzesse se tire.

Eric recouvrit sa nature de prédateur en une fraction de seconde. Il fit volte-face. La jeune métisse venait d’ouvrir la porte d'entrée et s’apprêtait à s’élancer au-dehors. Il la rattrapa en un éclair et la plaqua derechef contre la porte du placard avec une violence inouïe.

- Pitié, faites pas ça ! Je ne vous connais pas, je ne vous ai rien fait !

Eric ne l’entendit pas. Il regarda une dernière fois en direction de Jenny, là où sa victime ne voyait qu’un espace vide, terriblement dénué de tout intérêt. Le regard du tueur devint soudain noir comme la nuit.

- Tu vas voir si je suis un impuissant !

 

 

2

 

 

 Gary Chase était sur la route depuis l’aube. Depuis son départ précipité de New-York, il supportait un grand manque de sommeil, de nombreux cafés aussi mauvais que coûteux, quelques chauffards, mais ce qui l’exaspérait par-dessus tout, c’était de devoir traverser presque la moitié de la Pennsylvanie sans trop savoir pourquoi.

Cas de force majeur, s’était-il répété tout au long du trajet en singeant la voix suave de son patron. L’expression avait bon dos. Le repos aussi était un cas de force majeur. Seulement Ted Meyers du FBI n’était pas du genre à se laisser attendrir avec ce genre d’argument.

Gary avait néanmoins réussi à joindre Phil Tretco, le shérif du comté de Tioga, afin d’obtenir des détails supplémentaires sur l’affaire. Tout en roulant en direction de Knoxville, il questionna son interlocuteur par téléphone :

- Mais pourquoi ne pas avoir embauché de la main d’œuvre locale ?

 

Phil Tretco caressa son crâne glabre avant d’indiquer une chaise vide à Gary.

- Nos effectifs sont considérablement réduits en ce moment. Et puis pour ne rien vous cacher, le dossier que je suis chargé de vous transmettre est loin d’être banal. Sans vouloir vous lancer de fleurs, on est pas de taille, ici.

Gary haussa les sourcils de manière hautement comique :

- Quoi ? C’est pas une simple fugue d’adolescent ?

Le shérif sourit avant de poser une chemise en carton devant l’agent.

- Eric Schultz ? fit Gary en feuilletant le dossier. Ca me dit quelque chose.

- Le contraire serait étonnant. Il est connu pour avoir le meurtre dans le sang et le diable dans la peau. Tuer est totalement compulsif chez lui. Il peut tuer n’importe qui, n’importe quand. Isolé ou en public, rien ne l’arrête. Il s’adapte à toutes les situations. C’est un vrai prédateur humain.

- Ce n’est quand même pas un surhomme.

Tretco poussa un soupir qui n’annonçait rien de bon.

- Pire. Il est schizophrène. Le pire cas qu’on ait jamais vu.

- Comment ça ? Vous voulez dire qu’il entend…des dizaines de voix ?

- Une infinité.

- Sur toute une vie, je veux bien le croire.

Tretco fixa Gary droit dans les yeux.

- Non, je voulais dire par jour.

L’agent grimaça, visiblement perplexe.

- Ca veut dire quoi, exactement ?

- Ca veut dire que dans une situation extrême, quand vous, vous n’avez qu’une seule option, lui, il en a à revendre.

- C’est tout ce que vous avez trouvé pour m’encourager ?

Le shérif ne releva pas et Gary regretta une fois de plus que son sens de l’humour soit un humour à sens unique.

- Personne ne l’a jamais arrêté ? ajouta-t-il pour refaire bonne figure.

- Si, un seul homme. C’est justement pour ça que vous êtes ici. Comme je vous l’ai dit, nos effectifs sont réduits. Je vous demande de nous le ramener.

- Qui est-ce ?

- Un flic. Il travaillait sous mes ordres. Il est à la retraite, maintenant. Mais c’est un type encore brillant qui va pouvoir vous filer un sacré coup de main sur cette affaire.

- Pour avoir réussi à arrêter Schultz, ça doit être un génie.

 

 

3

 

 

Gary descendit de son Landcruiser noir et releva le col de son imperméable. La neige s’était remise à tomber. A travers les flocons, il distingua la bâtisse blanche et élégante perdue au fond des bois.

Sympa la maison de retraite, se dit-il. Faudra pas que j’oublie de demander à finir mes jours par ici.

Lorsqu’il lut le panneau d’accueil, il déchanta. Il empoigna son téléphone portable et quelques secondes plus tard Phil Tretco était en ligne.

- Ecoutez Phil, vous avez dû vous tromper d’adresse. Je suis devant un institut psychiatrique.

- Non, ce n’est pas une erreur, monsieur Chase. Vous êtes à la bonne adresse.

Gary déglutit.

- Ok, je commence à comprendre. Vous aviez peur que je refuse, c’est ça ?

- Il y a de ça. Désolé, je ne fais que suivre les instructions de votre supérieur.

- Je savais qu’il m’appréciait, mais à ce point là…Comment s’appelle mon client ? ironisa Gary pour se détendre l’esprit.

- Il s’appelle Vincent Faulk.

- Ce n’est pas un génie, alors.

- D’un certain point de vue, si. Il a le même génie que Schultz. Sauf qu’il est de notre côté.

Gary poussa un soupir.

- Je vois.

 

Quelques instants après, le temps pour Gary d’encaisser ce nouveau choc, il se retrouva en présence de la responsable du Dickinson Mental Health Center, une femme d’une quarantaine d’années, très accorte, mais surtout très réfractaire à l’idée de se séparer de l’un de ses pensionnaires.

- Je suis désolée, monsieur Chase, mais il est hors de question que ce patient quitte notre établissement. Encore moins pour se replonger dans une enquête propre à détruire tout ce que nous avons mis en place depuis des années pour le traiter.

Gary produisit un document avec un geste et un sourire qui témoignaient fidèlement de son expérience de cas similaires.

- Le gouvernement des Etats-Unis n’est pas d’accord avec vous, madame. Vous avez d’autres arguments à lui opposer aussi vains que celui-ci ou je peux emmener votre précieux patient ?

 

Lorsque Gary pénétra dans la chambre de Vincent Faulk, un médecin s’apprêtait à lui administrer sa dose de médicaments quotidienne.

Gary observa le patient, un type plutôt banal hormis un embonpoint manifeste et des traits juvéniles, avant de remarquer l’alignement de flacons et de comprimés sur la table. Conscient que la prise du traitement nécessitait plus de temps qu’il n’en disposait, il tendit au thérapeute un sac en papier en souriant jusqu’aux oreilles :

- C’est pour emporter !

 

 

4

 

 

- Vous vous êtes cru dans un fast-food ?

Vincent Faulk regardait le paysage défiler tandis que la voiture filait à nouveau en direction de Knoxville.

- Désolé, dit Gary. Le temps nous est compté.

- J’apprécie beaucoup d’être à nouveau dehors, je ne vous le cache pas, mais ce serait trop vous demander de me dire pourquoi vous m’avez fait sortir ?

- Ca tient en deux mots : Eric Schultz.

Le visage de Vincent se décomposa.

- Il a refait parler de lui ?

- Tout juste. Il s’est évadé il y a deux jours. Hier, le corps d’une jeune métisse a été retrouvé chez elle, près de Philadelphie. Elle a été violée, puis étranglée. On a retrouvé ses empreintes. Il n’a fait aucun effort pour les cacher. Vu son profil, on peut craindre que ce ne soit que le début d’une longue série.

Vincent poussa un soupir à fendre l’âme.

- Et moi qui croyais qu’aujourd’hui était peut-être la promesse d’un bonheur insoupçonné.

- Navré, Vincent. Je suis agent du FBI, pas animateur télé. La bonne nouvelle, ça va être à nous de la fabriquer.

- Je dois vous aider à le remettre en cellule, c’est ça ?

Gary opina.

- Vous l’avez déjà fait, non ? Ce sera un jeu d’enfant. J’ai pas l’habitude d’avoir un partenaire, mais je suis sûr que ça se passera bien.

- Loin de moi l’idée de vous décevoir, mais à l’époque où j’ai arrêté Eric, je n’étais pas malade.

- Justement, maintenant que vous êtes, disons plus proche de lui, vous êtes l’homme idéal pour me seconder sur cette affaire. Encore plus qu’avant.

Vincent n’ajouta rien, mais son expression trahit ses doutes à ce sujet.

- Ok, fit Gary avec un soudain entrain. Alors, comment ça se passe ce phénomène d'illusions ? Par exemple, là, pendant que nous discutons, vous voyez d’autres personnes…je sais pas moi…disons…à l’arrière de la voiture ?

Il fit un signe de la main et adressa un sourire débile au rétroviseur intérieur.

Evidemment, Vincent fut loin de partager la légèreté de son point de vue. Son ton fut assez éloquent.

- Je vois des gens qui ont tous leur place là où je les vois. C’est la perversité de cette maladie.

- Je savais que résumer la schizophrénie à entendre des voix était simpliste. Mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Les illusions dont vous êtes victime ne sont pas seulement auditives, alors ?

Vincent opina à son tour.

- Il m’est extrêmement difficile voire impossible de différencier les gens réels de ceux que j’invente. Si nous traversions un carnaval, je verrai des musiciens, des danseurs, des chanteurs, des gens en train de s’amuser, tout comme vous. Mais je verrai aussi des musiciens, des danseurs, des chanteurs et des gens qui s’amusent, mais qui n’existent pas.

- Pourquoi vous les matérialisez ? Je veux dire, qu’est-ce qu’ils vous apportent ces gens imaginaires ?

- C’est évident, un équilibre. Je vois des personnes que j’ai besoin ou envie de voir.

- Je crois que je comprends. Votre esprit fonctionne un peu comme si vous rêviez.

- Oui, il y a de ça. C’est une sorte de rêve éveillé. Sauf que le rêve et la réalité sont étroitement imbriqués au point de ne faire qu’un.

Gary réalisa qu’il était en train de se passionner pour leur conversation. Il avait toujours été curieux, c’est ce qui faisait de lui un agent de terrain efficace. Ce qui constituait l’ombre et la lumière des êtres humains l’avait toujours fasciné au plus haut point.

- Mais si nous partons de ce principe, il vous arrive peut-être de voir des choses que vous ne voudriez pas voir, comme lorsque l’on fait un cauchemar.

- Oui, l’inconscient est loin d’être une science exacte. Il peut m’arriver de rencontrer des personnes qui me fragilisent sur un plan émotionnel.

Le visage de Gary s’illumina comme un sapin de Noël.

- Qui vous fragilisent ? Mais c’est bon, ça !

- Je ne vois pas en quoi.

- Là, vous me décevez, alors. Si certaines de vos visions vous rendent vulnérables, alors il en est certainement de même pour Schultz. J’ai tout son dossier. En l’épluchant, nous trouverons sans doute les éléments propres à susciter cette fragilité chez lui.

- Vous voulez les exploiter ?

Gary arbora son plus large sourire.

- Mieux que ça. Je veux pouvoir les lui faire créer à son insu.

 

5

 

 

Gary avait arrêté la voiture à une station-service, histoire de faire le plein et de se remplir l’estomac. Lui et Vincent s’étaient installés à la table d’une cafétéria. Gary était absorbé dans la lecture du dossier de Schultz, tandis que Vincent observait les autres clients. Il plissa les yeux en dévisageant un routier qu’il lui semblait reconnaître. Puis il se rappela qu’il n’avait pas pris tout son traitement. Il ouvrit le sac en papier et commença à sortir les médicaments. Gary s’en saisit et jeta le contenu par la fenêtre.

Vincent le fusilla du regard :

- Mais qu’est-ce que vous faites ? Vous êtes malade ?

- Moi, non, mais vous, oui. Et je tiens à ce que vous le restiez. On m’a fourni l’arme fatale pour stopper un tueur en série, je n’ai pas l’intention de l’échanger contre un flingue en plastique.

Sous le coup de la colère, Vincent se leva :

- Je ne suis pas une arme ! Je suis peut-être malade, mais je suis encore un être humain. Et je tiens à le rester !

Les clients alentours ainsi que les serveuses furent pour le moins embarrassés. Gary resta imperturbable.

- C’est tout à votre honneur. Il n’empêche que vous allez faire ce que je vous dis. Il n’y a que comme ça que tout se passera pour le mieux. Je vous respecte, Vincent, soyez certain de cela. Vous étiez flic et vous faisiez du bon boulot. Même malade, vous avez encore du potentiel. J’en suis le premier convaincu.

Vincent comprit qu’il était sincère. Il se rassit et calma ses nerfs sur son sandwich. Gary lui ficha la paix et se plongea dans le dossier de leur cible. Après quelques minutes de silence, il acquiesça de contentement, comme s'il avait trouvé le début d'un filon à creuser :

- Vous saviez que Schultz était sorti pendant plusieurs mois avec une prostituée ?

Vincent fit mine de ne pas avoir entendu avant de réaliser que c’était une réaction stupide.

- Oui. Elle s’appelait Jenny Carver. Ca s’est mal terminé.

- Il y a eu rupture visiblement.

- Dans tous les sens du terme. Il a rompu avec elle et lui a brisé le cou. Elle a été sa première victime. A partir de là, ça été l’engrenage.

Gary se désintéressa un instant du dossier et reporta son attention sur son équipier.

- Mais comment l’avez-vous arrêté au juste ?

- Très simplement. Il était encore inexpérimenté et moi je commençais à prendre mes marques en tant que flic. Et j’avais un excellent partenaire.

A ce moment, le visage de Vincent s’assombrit et il se réfugia dans le silence. Gary comprit qu’il n’obtiendrait rien de plus à ce sujet pour le moment. Il reprit sa lecture et son visage s’illumina subitement :

- Voilà, j’ai trouvé une piste ! Ses parents sont morts dans un accident de bateau. Il a été élevé par son grand-père. A la dure, à ce qu’il semble, si son témoignage est vrai.

- Battu ? s’enquit Vincent.

- Oui et pas qu’un peu. On aurait presque pitié.

- Pas de fumée sans feu.

- Donc imaginons que nous soyons en sa présence, est-ce que vous pensez qu’en évoquant son grand-père, en lui rappelant les tortures qu’il a subi, il puisse le matérialiser et se trouver dans un état de fragilité tel que ceux que vous avez pu connaître ?

- Il est raisonnable de le penser. Mais cela ne se fera pas en cinq minutes. Et il faut qu’il soit réceptif, à l’écoute.

- Bah, entre deux meurtres, j’imagine qu’il fait une pause !

Gary réalisa combien sa plaisanterie était d’un goût douteux. Une fois de plus.

- Désolé, ce n’était pas drôle.

- Je ne vous le fais pas dire, approuva Vincent avec un air de reproche. Vous savez, Agent Chase, vous et moi ne sommes pas si différents, finalement.

Gary but son café avant de grimacer de manière équivoque.

- Permettez-moi d’en douter.

Vincent ignora sa remarque :

- Nous avons tous les deux trouvé un subterfuge pour conserver un semblant d’équilibre mental dans un monde où la folie prédomine. Moi, j’invente des gens et vous, vous faites des blagues tordues.

L’agent Chase se contenta de sourire, trop effrayé à l’idée qu’il ait raison.

 

 

6

 

 

Le Landcruiser noir était bloqué par la circulation. La sortie de la station-service était bouchée par les véhicules des routiers, des touristes et des gens de passage, comme eux.

Loin de s’impatienter, Vincent en profitait pour contempler les alentours et surtout les passants. Des gens normaux, pensa-t-il. Enfin, qui lui apparaissaient comme tels.

- Vous voyez cette femme élégante devant nous ?

Voyant que Gary peinait à la repérer, il précisa :

- Celle avec un chignon et un manteau gris.

Gary pinça les lèvres.

- Qu’est-ce qui vous plairait ? Que je vous réponde que je la vois ou que je vous dise que vous l’avez inventée ?

Vincent arbora une mine renfrognée.

- Je préfère que vous ne répondiez pas. Elle est jolie et elle me sourit. Cela me suffit.

- Vous savez, il y a un moyen très simple de savoir si elle est réelle ou pas. Il suffit que vous essayiez de la toucher.

- Vous ignorez que je suis capable de croire que j’ai un contact physique avec mes créations. C’est pourtant précisé dans mon dossier et celui de Schultz. Vous auriez pu bosser un peu plus.

Gary s’amusa de sa réflexion.

- Intéressante perspective. Vous dites que vous pouvez les toucher ou du moins croire que vous le faites ? Alors qu’est-ce qui vous empêche de penser que je ne suis pas l’une de vos créations ?

Vincent lui adressa un sourire narquois.

- C’est vous qui conduisez, non ?

Gary lui rendit son sourire.

- Oui, à moins que vous ne soyez en réalité assis dans votre chambre et que vous imaginiez que nous sommes dans cette voiture en train d’avoir cette passionnante conversation.

- Vous me surestimez.

- J’ai entendu dire que l’esprit humain n’avait pas de limite, pérora Gary.

- Le mien, si.

- Alors espérons que celui de Schultz en ait aussi.

 

7

 

 

 Il était 11h00. La cafétéria était déserte. Eric commanda un petit-déjeuner tardif à une serveuse aguichante. Son poing droit se ferma lorsque ses yeux glissèrent sur la gorge de la jeune femme.

- Oublie-là !

Eric tourna la tête. Jimmy était assis à la table, en face de lui. Il jouait avec sa balle de baseball, la casquette baissée, faisant claquer une bulle de chewing-gum par intermittence.

- Tu m’as suivi ?

Jimmy ne répondit pas. Il se contenta d’indiquer de la tête la voiture de police garée à l’extérieur.

Eric émit une sorte de grognement.

- Jenny et maintenant les flics ! Tu serais pas en train de me porter la poisse, par hasard ?

Jimmy répondit par un claquement de bulle, preuve que du haut de ses quinze ans, il se fichait royalement de l’accusation.

Eric inspecta son environnement. Il fut interrompu dans son travail par une serveuse dont le badge indiquait qu’elle s’appelait Suzanne.

- Bonjour, Monsieur. Je peux prendre votre commande ?

Eric la regarda à peine. Elle accusait un certain âge et la fatigue qui allait avec.

- C’est déjà fait.

- Vous êtes sûr ? On ne s’est pourtant pas parlé.

Eric daigna lever les yeux.

- Votre collè…

Il réalisa simultanément que la serveuse aguichante qui l’avait accueilli avait disparu et que celle qui se tenait devant lui avait une masse de cheveux roux.

Son poing droit se ferma lorsque ses yeux glissèrent sur sa gorge.

Il jeta un regard à Jimmy. Ce dernier releva sa visière. Ses yeux n’étaient pas ceux d’un adolescent. C’était ceux d’un homme pris de folie furieuse. C’était ceux d’Eric.

Eric se jeta sur la serveuse et resserra ses mains autour de son cou. Elle poussa un croassement et commença à gesticuler comme un automate déréglé. Eric la maintint contre le comptoir.

- Tu vas voir si je suis un impuissant !

Une balle siffla à un centimètre de son visage, une autre fracassa une bouteille sur le comptoir.

- Police ! Lâche-là immédiatement et recule, Schultz !

Eric obtempéra lentement. La serveuse s’enfuit sans demander son reste. Eric entendit un policier venir dans son dos.

- Mets les mains sur la tête. Au moindre geste suspect, mon partenaire et moi n’hésiteront pas à t’abattre, compris ?

Schultz opina du chef avant de placer ses mains sur sa tête. A ce moment, la serveuse qui l’avait accueilli apparut derrière le comptoir, face à lui. Elle était baissée et le fixait avec intensité.

- Je ne sais pas ce qu’ils vous reprochent, chuchota-t-elle, mais je suis sûre que c’est une erreur. Du menton, elle indiqua un gros tesson de verre posé sur le comptoir.

Eric la remercia d’un discret hochement de tête.

- Ok, j’ai compris.

Le policier empoigna le bras droit d’Eric pour lui passer les menottes. Eric se déporta sur le côté avec une incroyable rapidité. Il saisit le bras de l’officier et faisant pivot, le jeta contre le comptoir. Le tesson lui perfora le visage dans un bruit atroce et une effusion de sang tout aussi écœurante. Eric se saisit de son pistolet et plaça le corps sans vie devant lui juste au moment où l’autre policier faisait feu.

Jimmy était resté à la table. Il attira l’attention d’Eric.

- Ne tire pas sur lui, tu vas tâcher son uniforme.

Comme d’habitude son ton était monocorde, dénué de toute émotion.

Eric fronça les sourcils. Il jeta un rapide coup d’œil au flic qui le menaçait à l’autre bout de la salle avant de noter qu’ils avaient sensiblement la même corpulence.

- Merci, Jimmy.

Jimmy baissa les yeux et suivant son regard, Eric avisa un couteau à steak abandonné sur la table. Il tira quelques balles avant de s’en saisir. Le policier avait visiblement des scrupules à tirer sur le cadavre de son partenaire. Il se rapprochait, tentant de repérer un défaut dans la cuirasse du tueur. Eric abaissa son bouclier sans crier gare…

- Vise la tête ! encouragea Jimmy.

Le visage d’Eric pâlit.

- Jenny ! Mais qu’est-ce que tu fous là ?

Perplexe, le policier tourna la tête en direction de la belle rousse, évidemment sans parvenir à la voir.

Alors Eric profita de sa distraction pour balancer le couteau avec une mortelle précision.

 

 

8

 

 

Vincent tentait de penser le moins possible à sa future confrontation avec Schultz. Et le fait qu’il ait contracté la même maladie que lui à un degré presque semblable ne pouvait qu’ajouter à son mal-être. Nul doute que s’il venait à l’apprendre, Schultz se ferait une joie de le railler sur l’ironie de son sort.

Gary leva un index pour faire une annonce importante.

- Un tiers des schizophrènes ne passent pas par les phases préliminaires et s’installent rapidement dans leur délire. Le facteur déclenchant est principalement le stress, mais l’origine du trouble est multifactorielle : génétique, environnementale, virale, biologique. La maladie demeure méconnue et le tabou sur les maladies mentales ne facilite pas les choses.

Vincent poussa un soupir long comme le bras.

- Wikipédia ?

Gary était tout sourire.

- Pas exactement. Mais j’ai effectivement vu ça sur le net. Vous savez ce que je crois, Vincent ?

L’intéressé s’abîma dans la contemplation de la route.

- J’ai peur de deviner.

- Je crois que de tous ces personnages que vous êtes capable d’imaginer, aucun ne vous arrivera jamais à la cheville. Vous êtes le meilleur de tous. Vous n’avez pas besoin d’eux. Vous le pensez seulement. Quand vous aurez compris cela, quand vous vous en serez convaincu, je pense que vous serez sur la bonne voie. Celle de la guérison.

Peut-être parce qu’il ne s’attendait pas à de tels mots de la part de l’agent Chase ou que personne d’autre avant lui n’avait su s’exprimer de la sorte à son sujet, Vincent se sentit brutalement ramené à une réalité, à une vérité auxquelles il ne s’était pas confronté depuis longtemps. Il sentit une douleur immense en même temps qu’une enivrante sensation de libération, hélas trop fugitive. Il se rendit compte qu’il pleurait.

Gary lui-même ne put rester de marbre face à la réaction qu’il venait de susciter. Il éprouva de la gêne, de la culpabilité, puis il sut qu’il n’avait fait que venir en aide de la manière la plus simple et la plus naturelle à quelqu’un qui en avait cruellement besoin. Il ressentit alors de la compassion et voulut exprimer sa sollicitude.

Il approcha une main, hésita, puis se ravisa.

De son côté, Vincent s’essuyait rageusement le visage dans l’espoir de balayer d’un seul coup toutes ces psychoses qui lui avaient gâché la vie.

Comme pour les distraire de leur malaise commun, le shérif Tretco choisit ce moment pour contacter Gary.

- Oui, shérif, nous serons là dans une dizaine de minutes. Merde ! Ca s’est passé quand ? Ok, nous allons sur place. A plus tard.

- Accrochez-vous, Vincent !

Gary fit demi-tour et écrasa l’accélérateur sous le regard terrorisé de Vincent.

- Schultz a abattu deux officiers de police dans une cafétéria. Et il a pris leur voiture.

Vincent secoua doucement la tête comme s’il était en train de comprendre quelque chose.

- Alors le prédateur vient de trouver son déguisement.

 

9

 

 

- Ok, merci Phil. Je vous tiens au courant.

Gary se tourna vers son partenaire.

- La voiture de police qu’a volé Schultz était équipée d’un émetteur. Elle a été localisée. Il se dirige vers Winnefield Heights par la 76.

Vincent pinça les lèvres.

- Il est beaucoup trop intelligent pour ne pas le faire délibérément. Il a une idée derrière la tête. Et je le connais suffisamment pour savoir que ce sera pas une bonne idée.

- Moi je crois que comme tous les psychopathes, il est amené fatalement à négliger la prudence au profit de ses pulsions les plus pressantes. Il se fout d’être repéré. C’est même ce qu’il veut, probablement.

- Pourquoi le voudrait-il ? Il est de nouveau libre, non ?

- Sans risques, pas de gloire, non ? Ce qu’il veut c’est être connu pour être reconnu. Il a été étouffé étant enfant, dans tous les sens du terme. Pour lui, tuer c’est sa façon de respirer, d’exister. Mais pour se sentir vraiment vivant, il a besoin que tout le monde le sache en vie. Il veut qu’on sache qu’il tue et qui il a tué. D’où cette apparente négligence lors des meurtres alors que c’est un cerveau brillant, c’est évident. Il n’aurait pas survécu aussi longtemps, sinon.

Vincent émit un sifflement exagéré.

- Jolie analyse. On voit qu’il y a du bagage.

- Mon psy aime beaucoup ce que je fais.

- Votre psy ?

- J’ai vu et entendu des choses, tout comme vous. Des choses que je préfèrerais oublier. J’imagine que je ne suis pas à l’abri, moi, non plus. Je prends des précautions. Je ne veux pas devenir dangereux.

- Ce n’est pas moi qui vais vous décourager.

Gary compris ce qu’il sous-entendait par là.

- Vous n’êtes pas dangereux, Vincent.

- Comment pouvez-vous en être certain ?

- Si l’une de vos visions vous ordonnait de me tuer, vous le feriez ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Parce que ma conscience et ma morale me l’interdiraient. Contrairement à ce que beaucoup de monde pense, tous les schizos ne sont pas des fous sanguinaires.

- Je sais. Mais pourquoi Schultz n’est pas comme vous, ou plutôt, pourquoi vous n’êtes pas comme lui ? Vous avez sans doute vous aussi des raisons de passer à l’acte, par colère, par frustration, par rancune. Ce n’est jamais les raisons qui manquent.

- Justement, pas besoin d’être schizo pour en arriver là. Vous êtes bien placé pour le savoir. Des tueurs sans pitié vous avez dû en voir défiler et je suis certain que la plupart d’entre eux étaient considérés comme sains d’esprit. En ce qui me concerne, j’ai trouvé une astuce, un subterfuge. J’ai crée un vide en moi, insondable, une sorte de puits sans fond que je matérialise et dans lequel je déverse toute ma colère, toute ma haine, tout ce que j’ai de plus noir et de plus pesant. Jusqu’à maintenant cela a très bien fonctionné et je pense que c’est ce qui manque à Eric.

- Vous savez, même si je fais tout pour arrêter des types comme lui, je ressens toujours, à un moment ou à un autre, une sorte de compassion et même d’admiration pour eux. Parce que même si leur maladie leur sert d’excuse pour commettre leur crime, il y a beaucoup de souffrance personnelle à la base de leurs actes et ils doivent vivre avec tous les jours.

- Oui, il n’y a pas pire bourreau pour un être humain que lui-même.

- Je vous envie, Vincent.

Ce dernier soupira.

- Ne recommencez pas à être sarcastique. Je commençais juste à vous apprécier.

- Je le pense sincèrement.

- Alors pourquoi ?

- Parce que vous pouvez voir tous les gens que vous aimez quand vous en avez envie.

Vincent pencha la tête et émit un clappement de langue désapprobateur.

- Ils ne sont pas réels, vous le savez bien.

- Peut-être…
Gary reporta son regard sur la route, sans doute pour éviter de montrer ses yeux.
- …Mais ils sont plus supportables que la solitude.

 

10

 

Gary composa un numéro sur sa radio de bord.
- Qu’est-ce que vous faites ? Vous appelez des renforts ?
- Pas vraiment. J’appelle Schultz.
Vincent se figea.
- Quoi ?
- Tretco m’a filé le code de sa voiture. Schultz veut un rapport privilégié avec les autorités ? Il va l’avoir.
Après avoir composé le numéro, Gary tendit le micro à Vincent.
- Quoi, moi ?
Gray sourit.
- Vous pensiez vraiment y échapper ?
Vincent n’avait rien d’un gaulois, mais il eut soudain la sensation que le ciel lui tombait sur la tête.
- Non, pas vraiment.
Gary alluma le haut-parleur.
- Officier Jonathan Taylor, j’écoute.
Lorsque Vincent entendit la voix d’Eric résonner dans l’habitacle, son corps entier trembla. Il dut se faire violence pour parler sans que sa voix ne tremble elle aussi.
- Eric ? C’est Vincent Faulk.
Le visage d’Eric s’éclaira comme un arbre de Noël.
- Vincent ! C’est un plaisir ! A ton tour tu refais surface. Mais attention, cette fois, je suis le pêcheur et tu es le poisson.
Vincent jeta un regard significatif à Gary.
- Je me doutais bien que tu avais une sale idée en tête.
- La vengeance est un plat qui se mange froid. Moi j’ai toujours préféré manger chaud. En prison, j’avais trop le temps de remuer le couteau dans la plaie. Et puis, les médias ont fait leur travail. Il n’y a pas beaucoup d’endroits qui leur échappent, maintenant. L’intimité est devenue une denrée rare en ce monde. On paiera bientôt pour la conserver. C’est ce qu’on fait déjà.
Vincent sentit sa gorge se nouer. Il savait ce que sous-entendait Eric.
- J’ai beaucoup pensé à toi, Vincent. Quand j’ai appris ce qu’il t’était arrivé, plus encore. Rassure-toi, je t’épargnerai le couplet sur l’ironie du destin. Trop facile. En revanche, je frémis d’impatience à l’idée de tout ce que nous allons pouvoir partager bientôt. Surtout ne me réponds pas que nous n’avons rien à partager. Ce serait te voiler la face et tu le sais.
Vincent était comme paralysé. De se sentir tout à coup aussi proche malgré lui du tueur le faisait se sentir à nouveau coupable et peut-être même complice.
Gary dut l’encourager par de grands gestes pour qu’il reprenne la conversation.
- Qu’est-ce que tu veux, Eric ? Me tuer ?
- Non ! Enfin, pas dans l’immédiat. Disons que tes futures réactions seront déterminantes quant à ton avenir. Je savais qu’en m’évadant les autorités viendraient te chercher pour te remettre le pied à l’étrier, avec ta maladie comme porte-étendard. Tu m’as arrêté alors que je faisais mes armes. Depuis, je suis devenu un guerrier complet et accompli. C’est merveilleux tu ne trouves pas. La boucle est bouclée.
Gary s’empara vivement de la radio.
- Et si tu la bouclais justement !
Vincent lui reprit rageusement l’émetteur en le masquant de la main.
- Qu’est-ce que vous foutez ?
- Je joue le rôle du mauvais flic. Vous, il faut qu’il vous aime. C’est primordial. Vous vous souvenez de notre plan ? Son grand-père et tout le reste ? C’est vous qui allez vous en charger. Vous êtes le plus qualifié. Quand il sera en état de faiblesse, alors j’interviendrai.
Vincent opina sans pouvoir se départir d’un sourire sans joie.
- Désolé, Eric, je ne suis pas seul. On m’a imposé un chaperon.
Eric afficha un large sourire.
- FBI ?
- Tout juste.
- Alors toutes mes condoléances. En plus, je parie que c’est un vrai connard.
Eric s’esclaffa.
Vincent fixa Gary avec ironie.
- Encore dans le mille.
Gary secoua la tête, navré de sa réponse.
Vincent lui donna un petit coup de coude.
- Vous voulez passer pour le mauvais flic, oui ou non ?
- Bon, dit Eric, passons aux choses sérieuses. Il faut qu’on se voie.
- Où et quand ?
Eric jeta un coup d’œil à la carte posé sur le siège du passager. Un pistolet était posé dessus en guise de presse-papiers.
- Vous êtes où ?
Vincent interrogea Gary de la pointe du menton.
- Dites-lui qu’on est à Tioga.
- Tioga, ça te dit quelque chose ? C’est pas loin de Knoxville, là où j’exerçais.
Eric rit à nouveau.
- Je me rappelle bien de Knoxville. Comment va ce cher Phil Tretco ?
- Il va bien, souffla Gary.
- Il va bien, répéta Vincent. Toujours aussi chauve.
Vincent regretta sa plaisanterie. Le rire d’Eric avait quelque chose d’inquiétant.
- Ok, alors retrouvons-nous à mi-chemin.
- Et c’est où à mi-chemin ? Je m’appelle pas Google Map.
- Très drôle.
Eric prit quelques instants pour consulter sa carte.
- Rendez-vous à Wilkes-Barre. Plus précisément à l’aéroport.
- Un lieu publique ? s’épouvanta Vincent.
- Tout juste.
D’un geste, Gary signifia à Vincent qu’il ne servait à rien de négocier.
- Ok. Dans combien de temps ?
- Dans une heure.
- On n’y sera jamais dans une heure, annonça Gary.
- C’est trop juste pour nous, informa Vincent. On est en pleine campagne, comme je te l’ai dit. Tu connais le coin. La route est merdique, tout en lacets.
- Je vous donne une heure et demie. Si vous êtes pas à l’heure…
- Eric ! C’est pas un jeu !
- Tu te trompes, Vincent. La vie entière est un jeu. Elle nous le prouve tous les jours. Regarde-nous. Regarde ce qu’elle a fait de nous. Tu veux encore la prendre au sérieux, après tout ce que tu as vécu ? La vie se fout de nous. On est ses jouets. Je ne fais que lui renvoyer l’ascenseur.
- Peut-être, mais tu te trompes de cible.
Le ton d’Eric trancha avec le reste de la conversation.
- Ma cible c’est toi pour l’instant et si tu veux pas que j’en change en cours de route, je te conseille de te pointer à l’heure avec ta baby-sitter.
Vincent reposa la radio. Son visage était livide.
- Il a coupé.
- Bien joué, dit Gary.
- Mais pour le délai, ça va être coton !
Gary tapota le volant avec fierté.
- Je vais vous montrer ce qu’elle a dans le ventre. C’est un vrai tout-terrain. Comme moi.
Son regard s’enfiévra. Il sortit de la route et fonça à travers champs.

 

11

 

Vincent vomit son sandwich.
- Ca va mieux ? lui lança Gary depuis l’intérieur du Landcruiser.
L’intéressé secoua la tête.
- Vous m’aviez pas dit que vous étiez malade en bagnole !
Vincent s’essuya la bouche.
- Je ne le suis pas. C’est votre conduite ! Vous vous croyez au Paris-Dakkar ?
Gary s’esclaffa.
- Ok. On va reprendre la route. Mais je vous préviens, ce n’est que partie remise. Il faudra faire autorité sur votre estomac.
Gary sortit de la voiture pour mieux se faire entendre.
- J'ai profité de cette pause impovisée pour mettre Tretco au courant de la situation. J'ai également donner des directives très strictes pour qu'aucun flic de cet état ne se mette en travers de la route de Schultz. Mon patron, Ted Mayers, a appuyé ma demande et autant vous dire que personne ne bronche quand Ted donne un ordre.
Vincent leva le doigt comme s'il allait dire quelque chose, mais trois secondes après, il se penchait de nouveau vers le sol.


Peu après, Le Landcruiser regagna le confort et la monotonie de l’asphalte, pour le plus grand soulagement de Vincent.
- Ca va mieux ? s'enquit Gary.
- Oui. Désolé. C’est pas comme ça qu’on tiendra notre engagement.
- Essayer de dormir un peu. Il doit rester des cachets dans la boite à gants. Vous allez bientôt avoir du pain sur la planche, il faut que vous soyez en pleine forme. De mon côté, je vais tâcher de trouver un « terrain » d’entente.
Gary s’esclaffa, mais son rire s’étrangla.
Il pila brutalement, évitant de peu une collision avec une camionnette qui venait de s’immobiliser sans crier gare.
- Merde, je déteste ce genre d’abrutis !
Vincent était impassible, comme détaché des évènements. Mais ce n’était qu’une illusion.
- Il y a eu un accident.
- Comment le savez-vous ?
- J’ai été flic, n’oubliez pas. J’ai gardé un peu d’instinct.
A son tour, Gary émit un sifflement.
Vincent pouffa de rire.
- Non, je déconne. De mon côté, on voit de la fumée devant.
Pendant que Vincent sortait de la voiture et remontait la file de véhicules, Gary lança un appel pour prévenir les secours si ce n’était pas déjà fait. Lorsqu’il rejoignit Vincent, celui-ci était occupé à convaincre un officier débordé qu’il était en droit d’être là.
Gary brandit son insigne avec l’autorité dont il savait faire montre.
- FBI ! Cet homme travaille avec moi. Nous sommes sur une affaire importante et notre temps est compté.
L’officier grimaça.
- Le leur aussi si les pompiers ne rappliquent pas dans la minute.
Il indiqua du menton plusieurs personnes gisant à terre.
- Alors on va vous aider, déclara Vincent.
L’officier le remercia d’un signe de tête avant de revenir maintenir le périmètre de sécurité menacé par une foule de badauds trop curieux et de véhicules tout aussi encombrants.
Gary en profita pour fusiller Vincent du regard comme s’il avait dit une grossièreté.
- Bon dieu, Vincent ! Si on arrive en retard, Schultz en fera une affaire personnelle. C’est écrit noir sur blanc dans son dossier. Vous le connaissez mieux que moi. Ce type est tout sauf épris d’indulgence. Il nous le fera payer. Et vous savez comment !
A son tour, Vincent extériorisa son écoeurement :
- Ces gens sont en danger et vous ne pensez qu’à Schultz ?!!
- Il y a quatre personnes en danger ici, j’ai bien noté. Mais si nous n’arrivons pas à l’heure au rendez-vous, il y a aura des dizaines de victimes supplémentaires.
- C’est du délire ! On va quand même pas les laisser crever !
- Il y a des services médicaux pour ça. Ils sont déjà en route.
- Vous savez très bien qu’ils arriveront trop tard.
- Vous avez une idée ?
- Je vais en chercher une, moi, au moins.
Il s’approcha d’une des voitures avant d’ajouter sans se retourner :
- FBI ça voudrait pas dire Foutrement Bien Incapable, par hasard ?
- Ne soyez pas grossier. J’ai appris à analyser une situation et à prendre les meilleures décisions quelles qu’en soient les conséquences. Les sacrifices sont toujours à envisager, du moment qu’ils permettent la sauvegarde d’un plus grand nombre.
Vincent s’agenouilla sur la route près d’une des victimes.
- C’est pathétique. On dirait un discours militaire.
- La guerre est ce qu’elle est, mais elle a certainement apporté pas mal d’enseignements à ceux qui l’ont faite.
- Ouais, comme celle de pouvoir crever au nom d’une cause débile qu’ils ne cautionnaient même pas.
- Je vous trouve plutôt étroit d’esprit pour quelqu’un qui a autant d’imagination.
- C’est que vous jugez beaucoup trop vite. Et surtout très mal.
- Merci du sermon. Je tâcherai de m’en souvenir lorsqu’on ramassera les cadavres à Wilkes-Barre.
Sur ces mots, Gary improvisa un pansement pour interrompre l’hémorragie d’un accidenté.
- Connard, mumura Vincent.
La jeune femme dont il jaugeait les blessures revenait de reprendre connaissance.
- Quoi ?
- Madame, tout va bien, je suis de la police. Dites-moi si vous pouvez plier vos jambes et vos bras.
Elle vérifia avant d’opiner.
Lorsque tout sembla en ordre pour l’arrivée des secours, Gary fit un signe de la main à l’officier et se dirigea vers son Landcruiser d’un pas résolu.
Vincent le retint par un bras.
- C’est tout l’intérêt que vous portez à la vie des autres.
- Je me sens impuissant si vous voulez tout savoir. Je ne sais pas gérer ce genre de situations. Je ne sais plus. Demandez-moi n’importe quoi, mais pas ça.
Vincent ne perdit pas de sa hargne :
- Je peux savoir comment vous êtes arrivé au FBI ?
Gary se retourna. Il avait les yeux embués.
- J’ai perdu ma femme dans un accident de voiture. Ca fait presque trois ans. Ca vous paraît assez…significatif.
Viincent allait dire quelque chose lorsque l’officier arriva en courant. Il ne cachait pas sa panique :
- Une autre voiture vient d’être découverte. Elle a été projetée dans le fossé c’est pour ça qu’on ne l’a pas vue tout de suite. Les parents sont saints et saufs, mais leur fille est encore coincée à l’arrière.
- Et je parie que ça va exploser, lança Gary avec une étonnante légèreté.
Vincent le connaissait assez bien maintenant pour savoir que ce n’était qu’une illusion.
L’officier secoua la tête.
- Exactement. Et ce n’est pas tout. Les pompiers sont retardés. Y a eu un autre accident encore plus grave à quelques kilomètres au sud. C’est la merde !
Le trio courut jusqu’à la voiture en question. Gary et l’officier ne furent pas trop de deux pour rassurer les parents éplorés.
Gary revint ensuite aux côtés de Vincent qui avait ramassé une barre de fer et s’en servait comme levier pour ouvrir la portière. Les flammes envahissaient déjà l’habitacle. La situation semblait réellement désespérée. Il n’avait pas le matériel qu’il fallait.
Vincent regarda droit devant lui sur le bas-côté, à un endroit où tous les badauds y compris Gary ne voyait rien qu’un espace dénué de tout intérêt.
- Les secours sont là, ils vont nous dire quoi faire.
Les trois pompiers descendirent du camion. Ils fixèrent Vincent et personne d’autre.
D’un signe de tête, Vincent leur indiqua qu’il était prêt.
- Montrez-moi.
Tour à tour, Les trois sauveteurs montrèrent à Vincent les gestes à faire pour permettre le secours de l’enfant. Comme dans un état second, il donna des directives à Gary, à l’officier, aux parents et même aux badauds. Il avait l’air tellement sûr de lui qu’il ne vint à l’idée de personne de contester ses décisions. Avec discipline et patience, les paires de bras sollicités vinrent à bout du métal, mais le plus dur restait à faire. Vincent enleva la fillette dans ses bras. Elle ne devait pas avoir plus de dix ans. C’était une métisse. Il la posa au sol avec la plus extrême délicatesse comme si elle menaçait de se briser. Il s’agenouilla à côté d’elle. Elle respirait encore, mais son pouls était très faible. Gary s’approcha et murmura :
- Cette gamine va mourir et les secours ne sont toujours pas là. Je sais que ça peut paraître dément, mais je n’ai jamais fait de réanimation. Et vous ?
Vincent regarda en direction du bas-côté. Les trois pompiers et leur camion avaient disparu. Il fouilla alors le cercle de badauds du regard comme dans l’espoir de trouver une aide providentielle. Soudain, il remarqua une femme. Elle portait un manteau gris et un chignon. Elle lui sourit.
Vincent lui adressa un signe de tête. Son visage était méconnaissable. Gary l’observait, médusé.
- Montrez-moi.
La jeune femme s’exécuta aussitôt. Elle simula les gestes précis à faire avec le timing idéal, rapidement relayé par un vieil homme, puis un adolescent. Position de sécurité, bouche à bouche, massage cardiaque.
Vincent les observa avec une application exemplaire, reproduisant les gestes qui sauvent à la perfection, comme si sa propre vie en dépendait. Sa concentration était incroyable et les parents de l’enfant en étaient profondément émus. Mais leur émotion n’avait rien à envier à celle de Gary. A mesure qu’il comprenait d’où venait la formidable inspiration de Vincent, l’agent se sentit soudain tout petit et réellement insignifiant face au génie qui se manifestait face à lui.
Un hélicoptère arriva sur ces entrefaites. Il avait intercepté l’appel de détresse et repéré la fumée. La chance tournait. La fillette fut emportée dans les airs, rejoignant le ciel  en laissant bon espoir sur son état. Vincent avait fait ce qu’il fallait, parce qu’il avait su trouver des alliés à la hauteur. Il commença à regagner doucement la réalité. Son esprit lui paraissait confus. Il ne sut plus très bien ce qui venait de se passer. Gary le comprit rapidement.
- Je n’en reviens pas de ce que vous venez de faire. Vous l’avez sauvée. Sans vous, elle était condamnée. Vous l’avez sauvée. Vous seul l’avez fait. Vous aviez déjà fait des réanimations ?
Vincent regardait autour de lui, tentant de se réapproprier les évènements et surtout son mental. Il ne vit même pas les badauds lui adresser des louanges et des félicitations à qui mieux mieux. Il essaya de repérer une jeune femme avec un manteau gris dans la foule. Mais sans succès.
- Je… Je croyais ne pas m’en souvenir.

 

12

 

Les deux hommes reprirent la route. Ce qui s’était passé avait changé encore davantage la manière dont chacun percevait l’autre.
- Je suis vraiment navré pour votre femme. Je regrette de l’avoir appris dans ces circonstances.
- Il ne faut pas. Je ne vous en aurais sans doute jamais parlé, sinon. Et ça m’a fait le plus grand bien de le faire.
- Alors le psy ce n’est pas que pour le boulot.
Gary opina.
Vincent l’observa avec plus d’intérêt.
- Vous faites souvent des cauchemars, j’imagine.
- Oui.
Puis le regard de Gary changea et il retrouva sa véhémence :
- Vous êtes le parfait opposé de Schultz, déclara-t-il avec un engouement extraordinaire. Il est la mort et vous êtes la vie. Ne laissez jamais personne vous comparer à lui. Vous venez de sauver une enfant d’une mort certaine parce que vous avez vu des gens que personne d’autre n’était capable de voir. Dans votre cas, ce n’est pas une malédiction, ce n’est même pas une maladie. C’est un pouvoir, un don du ciel.
- Merci, ça me touche beaucoup, Gary. Seulement, j’ai des raisons d’être plus objectif que vous. Vous avez vu le côté lumineux, mais je possède aussi le côté obscur, pour vous donner une image qui vous parle.
- Comment ça ? Vous n’avez jamais tué personne que je sache.
Le visage de Vincent s’assombrit. Il se fermait à nouveau comme la fois où il avait évoqué son partenaire dans la cafétéria de la station-service.
Mais cette fois, la curiosité de Gary fut la plus forte :
- Dans quelles circonstances vous avez quitté la police, Vincent ?
- Je crois que c’est facile à deviner. Un schizo dans les forces de l’ordre, cherchez l’erreur.
Tout en disant cela, Vincent haussa les sourcils de manière comique.
Gary faillit s’étrangler de rire.
- En tout cas, vous n’avez pas été viré parce que vous étiez un tueur psychopathe.
- Vous l’avez lu dans mon dossier ?
- Non, je l’ai lu en vous.
- Et vous faites souvent ça ?
- Autant que possible. Ca aide à affiner l’instinct. Les dossiers c’est bien beau, mais c’est souvent incomplet et ça manque…
- D’humanité ?
- Quelque chose comme ça.
- Je ne savais pas que le FBI faisait dans la charité.
- Bien sûr que si. C’est même la raison de son existence.
- Peut-être, mais j’ai toujours pensé qu’il y avait anguille sous roche. Ne le prenez surtout pas mal.
- Je n’ai aucune raison. Moi, je sais pourquoi je fais ce métier.
- Pour les bonnes raisons ?
Gary opina.
Alors Vincent d’ajouter :
- Protéger et Servir et tout le tremblement ?
Nouveau hochement de tête.
- Et bien pour en revenir à mon cas, figurez-vous que je n’étais plus capable de tout ça et c’est pour ça qu’ils m’ont gentiment mis au rebut. Pas besoin de commettre un meurtre à la hache. Il a suffi que mes visions commencent à me distraire un peu trop et j’ai commis une grave erreur avec laquelle je dois vivre.
Voyant qu’il avait toute l’attention de Gary, Vincent, très confiant,  poursuivit :
- Pour vous la faire courte, j’étais avec un collègue, très sympa au demeurant. On aimait bien créer une sorte de compétition entre nous. Un jour, on devait appréhender un suspect dangereux et supposé armé. Au moment critique de l’arrestation, j’ai vu un gros chien noir débouler de nulle part dans l’appartement. C’était un vrai molosse. Sauf qu’il n’existait que dans mon imagination. En fait, j’ai compris plus tard que le stress de l’intervention m’avait fait matérialisé un de mes pires souvenirs d’enfance, Raoul, le chien de garde de mes voisins. J’ai cru qu’il allait nous attaquer. J’ai sorti mon arme et j’ai tiré pour l’effrayer. Ca a tout foutu en l’air. Le suspect nous a repéré et a fait feu. Mon partenaire a été touché à la poitrine. Je suis parvenu à neutraliser le gars, mais le mal était déjà fait. Mon collègue, il s’appelait Fernando, s’en est tiré de justesse. La suite vous la connaissez dans les grandes lignes.
Gary acquiesça.
-Témoignages, rapports d’enquête, entretien psychologique et diagnostic psychiatrique.
- Oui, ça n’a pas traîné. Je crois que mon cas a été bouclé en moins d’une semaine. Du jour au lendemain, je suis passé de jeune recrue prometteuse à l’ennemi public n°1.
- Mais pourquoi vous n’avez pas menti ?
- Mentir ? Pour quoi faire ?
- Pour vous protéger !
- J’étais peut-être schizo, mais j’étais encore lucide et je savais très bien que la seule façon intelligente de me protéger c’était de me faire soigner et dans les plus brefs délais. J’adorais mon métier, Agent Chase, et s’il m’est possible de le reprendre un jour, je serais le plus heureux des hommes.
- Je comprends. Mais personne ne vous a donc soutenu dans cette épreuve ? Vous aviez acquis une réputation quand même.
- On m’a regardé comme un pestiféré, comme si j’allais contaminer tout le central.
- Cela aurait dû rester confidentiel.
- Oui. Mais ça faisait sans doute trop plaisir à certains de me voir exclus du service. Le succès provoque toujours la jalousie de certains, surtout de ceux qui stagnent faute de prendre de réelles initiatives. J’en ai fait les frais.
- Et Phil Tretco ? Il a l’air d’un type honnête et sérieux.
- Il l’est. C’est effectivement le seul qui m’a vraiment témoigné du soutien. Mais ça n’a pas changé grand-chose. Personne ne m’a tendu la main dans ma famille. Je crois d’ailleurs qu’elle n’attendait que ça pour couper définitivement les ponts avec moi. De me sentir aussi seul au monde, ça a probablement aggravé la maladie. Il n’a pas fallu longtemps pour que je commence à voir des gens qui n’étaient pas vraiment là.

 

13

 

Eric roulait à toute vitesse. Il se mit à siffloter. Il se sentait joyeux. Il savait qu’on lui laisserait le champ libre jusqu’à Wilkes-Barre. Il connaissait les rouages de la police et la police le connaissait suffisamment pour savoir de quoi il était capable.
- Il suffirait qu’ils envoient un sniper pour te liquider. Tu y as pensé, mon chou ?
Eric jeta un coup d’œil dans le rétro intérieur. Jenny l’aguichait sur la banquette arrière. Elle était vêtue d’un corsage moulant sa généreuse poitrine et d’une mini-jupe qui laissait entrevoir le galbe de ses cuisses blanches. Eric se souvint de bons moments passés avec elle. Mais cela lui fit plus de mal que de bien.
- Quand est-ce que t’es montée ?
- Elle est là depuis le début, renseigna Jimmy, assis à côté d’elle.
Eric préféra les ignorer tous les deux. Il voulait profiter au maximum de son sentiment de liberté.
Sur la droite, il repéra une jolie fille faisant du stop. Elle était aussi sexy et provocante que Jenny. Ses poings se resserrèrent sur le volant. Il ralentit pour la détailler à sa convenance. Pensant qu’il allait s’arrêter, la fille se fit plus aguichante encore.
- Depuis quand tu t’es pas fait une pute ? Je veux dire, depuis moi ?
Jenny avait délibérément employé un ton détaché, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps. C’était sa marque de fabrique, sa signature.
Les mains d’Eric se crispèrent un peu plus sur le volant. Il s’arrêta à la hauteur de l’auto-stoppeuse.
- Ne la prends pas, dit Jimmy avec une autorité toujours surprenante pour son âge.
- Vous commencez vraiment à me faire chier, tous les deux !
Eric redémarra en faisant crisser ses pneus. La fille avait disparu, comme consumé par sa colère.
- On t’a jamais dit que tu l’ouvrais un peu trop pour ton âge ?
Eric jetait des regards courroucés dans le rétro intérieur à l’attention de ses deux passagers.
- T’es pas ma mère, fit Jimmy avec dédain.
- S’il te plait, me parle pas de ta mère. En parlant de pute, en voilà bien une, tiens !
- Tu parles de ta sœur, je te signale.
C’était Jenny. Jenny la chieuse. Eric la détestait quand elle le méprisait et cherchait à le rabaisser à tout prix.
- A mon grand regret, rétorqua Eric. Mais comment t’appelles une fille qui passe son temps dans des palaces à se faire allumer par le premier gigolo venu ? Et pendant ce temps, qui s’occupe de son fils, hein ? Qui s’occupe du petit Jimmy ?
Eric soupira.
- Ca fait peut-être mal d’entendre ça, mais ça vaut mieux que de se voiler la face.
- Je sais très bien m’occuper de moi, dit Jimmy avant de faire claquer une bulle de chewing-gum.
- Ah ouais ? Si c’était le cas, tu serais pas assis à l’arrière de cette caisse avec un tonton en fuite déguisé en flic ! Tu crois pas ?
Le silence de ses deux passagers finit par lui donner raison.
Eric jeta un coup d’œil à sa montre.
- Je commence à doucement me faire chier, moi.
Il plissa les yeux. Quelque chose à environ cent mètres semblait obstruer la route. Il ralentit et son visage se tordit sous le coup d’une vive émotion lorsqu’il comprit ce qu’il se passait.
- Les fils de pute !
Il arrêta la voiture et se passa la langue sur les lèvres. Il y avait six voitures de patrouille et deux fois plus d’hommes. Des policiers en uniforme, armés de 9 mm et de fusils à pompe. Il avait tué deux des leurs. C’était plus qu’une arrestation. C’était une vendetta. Un mégaphone cracha son ultimatum :
- Eric Schultz ! Sors de ton véhicule les mains sur la tête. Tu as dix secondes. Au moindre geste suspect ou si tu n’obtempères pas, nous ouvrons le feu. Il n’y aura pas d’autre avertissement.
Eric sourit. Il redémarra et s’empara de la radio.
- Vincent ?
- Je t’écoute, Eric.
Vincent se tourna vers Gary.
- Pourquoi il nous rappelle ?
Gary se concentrait sur la route, mais cela ne l’empêcha pas pour autant d’ironiser :
- Peut-être que le doux son de votre voix lui manque.
Vincent grimaça.
- Ecoutez-moi bien, toi et ton connard de chaperon. Vous voulez jouer au con avec, moi, alors on va jouer. Mais je peux vous assurer qu’à ce jeu-là, j’ai toujours une longueur d’avance. Vous auriez jamais dû me coller ce barrage. Vous le savez bien. Je sais pas pourquoi vous avez fait ça. Vous croyez vraiment que ça va m’arrêter ? Maintenant c’est œil pour œil. Je vais passer en mode méchant. Surveillez bien la radio, car on va pas tarder à annoncer un massacre en règle. Vous l’aurez cherché !
Eric coupa la communication. Il avait parlé rapidement, sans donner le temps de répliquer à ses interlocuteurs.
Vincent et Gary se dévisagèrent, éberlués, puis Gary se mit à assener de grands coups sur le volant.
- Merde ! Merde ! Merde ! Putain, mais quels cons ! Je leur avais dit de ne rien faire. Ils en ont fait qu’à leur tête ! Maintenant on va payer les pots cassés !
- Il va tous les tuer, dit Vincent en imaginant très bien la scène. Et le pire, c’est que ce ne sera qu’un avant-goût. Ensuite, il nous fera payer notre trahison envers lui.
- Putain ! rugit Gary. On l’avait. Tout était réglé, il a fallu que ces enfoirés jouent les cow-boys !
- On peut rien faire, hein ?
Gary faisait fonctionner son cerveau à plein régime. Il n’avait pas le droit d’échouer si près du but. Il repensa subitement à Rachel, sa femme et à ce qu’elle lui aurait dit en cette occasion. Son regard s’illumina.
- Rappelle Eric. Tu vas lui demander de nous donner les plaques d’immatriculation des voitures du barrage. On va identifier ces enfoirés et les remettre vite fait derrière leur bureau. Il faut qu’il comprenne qu’on rien à voir avec ça.
Vincent s’exécuta fébrilement. Il composa plusieurs fois le numéro. En vain. Ses traits se décomposèrent lorsqu’il comprit qu’Eric ne répondrait pas. Gary accéléra de plus belle. Mais ils savaient tous deux qu’en dépit de leurs efforts la situation était en train de leur échapper.
Eric se frotta les mains.
- On dirait que j’ai un peu de boulot. Fermez les yeux, les copains, ça va pas être joli à voir. Il jeta un coup d’œil à l’arrière, mais ses deux passagers avaient visiblement préféré prendre congé.
Eric s’en félicita. Ces deux pots de colle l’auraient gêné de toute façon. Il arrêta la voiture à trente mètres du barrage et défia les policiers du regard à travers le pare-brise.
- Venez m’arrêter. Je sais que vous allez venir. Vous préférez me faire la peau les yeux dans les yeux, au corps à corps, hein ? Je sais ce que c’est. C’est viscéral. Et puis, loin des yeux…
Eric s’esclaffa.
Quatre flics s’avancèrent, l’arme haute, le regard mauvais. Le premier voulut ouvrir la portière du passager, mais elle l’était déjà. D’un coup de pied, Eric l’ouvrit à la volée. Le flic fut violemment jeté au sol et son arme vola loin de lui. Une balle éclata la vitre. Eric reçut quelques éclats. Il secoua la tête avant de se jeter sur la banquette arrière. Les trois flics ouvrirent le feu à plusieurs reprises. Le pare-brise explosa et les sièges de l’habitacle furent criblés d’impacts. Le silence s’installa, seulement troublé par les craquements du moteur encore chaud et par la respiration haletante des policiers aux aguets. La main armée d’Eric apparut au-dessus de la vitre arrière droite. L’un des flics ouvrit la bouche pour alerter ses partenaires, mais la balle lui perfora la pomme d’Adam. Il s’écroula face contre terre. Les deux autres répliquèrent. Ils arrosèrent l’arrière de la voiture avant de s’apercevoir qu’il n’y avait plus personne à l’intérieur. L’un des flics reçut une balle dans chaque cheville. L’autre comprit alors que le tueur était allongé sous le véhicule. Il se coucha sur le sol et brandit son arme. Eric fut plus rapide. Il visa entre les yeux et le toucha mortellement.
Celui qui avait été assommé par la portière reprit connaissance. Sa main chercha son arme à tâtons sur le bitume. Une menotte se referma sur son poignet et il se retrouva attaché à la portière en un éclair. Impuissant, il regarda Eric ramasser son fusil à pompe.
- C’est sûrement ça que tu veux ?
Le tueur le dominait de toute sa hauteur. Du sang avait éclaboussé son uniforme. Maintenant cela n’avait plus aucune importance. Il contempla l’arme entre ses mains. Il l’embrassa avant de se fendre d’un sourire carnassier.
- J’adore ce jouet !
Le flic tendit ses mains devant lui en un rempart illusoire.
- Faites pas ça. J’ai une femme et elle est enceinte. Je vous en supplie. J’obéis juste aux ordres.
Eric opina.
- Je comprends, petit. Moi aussi. Mais question hiérarchie, je suis légèrement au-dessus de toi.
Il lui colla le canon sous l’œil droit et appuya sur la détente.

 

14


Gary roulait à une vitesse indécente même pour un agent du FBI comme lui. Trop occupé à éviter un accident, il demanda à Vincent de contacter la police de Philadelphie.
- L'idée c'est de leur passer un savon, c'est ça ?
Gary acquiesça.
- Ils vont aussi devoir ramasser les morceaux avec nous.
Lorsque Vincent parvint à s'entretenir avec un responsable, les deux hommes furent ébranlés par son explication :
- J'ai envoyé personne sur cette route, vous pouvez me croire. On a bien reçu les consignes et on connaît suffisamment Schultz pour ne pas le provoquer sur son propre terrain.
- Vous êtes certain ?
- Je vous le répète : je n'ai mis aucun barrage en place. Il a libre accès jusqu'à Wilkes-Barre.
- Merci, dit Vincent  lorqu'il eut repris ses esprits. Vous pouvez pas savoir combien ça nous soulage.
Gary ralentit un peu et s'affaissa sur son siège en soupirant.
- Merci, mon Dieu.
- Vous êtes croyant ? s'enquit Vincent.
Gary sourit nerveusement.
- Non, mais parfois la tentation est grande.

Gary se passa une main sur le front comme pour se faire à une terrifiante idée.
Comme s'il avait lu dans ses pensées, Vincent opina du chef avant de déclarer :
- Oui, Eric est capable de ça. Imaginez de quoi il pourrait être capable si nous le poussions dans ses derniers retranchements.
La perspecive d'affronter Schultz n'apparaissait plus aussi séduisante à Gary, il devait bien l'admettre.
- Il ne va sûrement pas nous donner le choix.
Il s'accorda un délai de réflexion avant d'ajouter avec espoir :
- Je peux donner l'ordre de faire évacuer l'aéroport.
Vincent se râcla bruyamment la gorge.
- Mauvaise idée. Ca reviendrait au même pour lui que d'installer un barrage.
- Evidemment. Il veut qu'on le voit chasser sur le terrain de son choix, mais interdiction de modifier les règles de son jeu.
Vincent acquiesca :
- Vous commencez à bien le cerner. Ce ne sera pas du luxe.
Gary se cramponna à son volant comme pour transmettre plus d'énergie à son véhicule :
- Je compte faire plus que le cerner.

 

15

 

Eric venait de reprendre la route. Il se recoiffa d'une main et examina son uniforme. Il constata avec étonnement qu'il n'était plus taché de sang.
Il oublia vite ce détail insolite en pensant à la foule qui l'attendait à l'aéroport. La fête allait bientôt avoir lieu et c'est lui qui aurait l'honneur de donner le coup d'envoi.

En arrivant sur les lieux, peu de temps après, il fut déçu de trouver aussi peu de monde. Des gens allaient et venaient bien dans le hall, mais l'impression générale ne le satisfaisait pas vraiment.
- Qu'est-ce que tu aurais voulu ? Des strip-teaseuses ?
Une bulle rose sortit des lèvres de Jimmy.
Eric ne lui adressa pas même un regard.
- Tiens, te revoilà, toi ! Me dis pas que l'autre cinglée est avec toi !
L'intéressé ne répondit pas.
- Très bien, fit Eric. Tu commences à devenir un gentil garçon. Si tu continues à être sage, je t'emmènerais peut-être faire un tour en avion.
- Tu sais piloter ?
- Non, mais je trouverai bien quelqu'un pour nous emmener. Je sais être très convaincant, tu sais. Surtout quand je veux faire plaisir à un ami.
- Je te demande juste de ne pas tuer d'hôtesses de l'air.
- Pourquoi je ferai ça ? s'indigna Eric. J'adore les hôtesses de l'air. C'est grâce à elles que la plupart des gens oublient qu'ils peuvent mourir en avion. Ce sont des anges. Et moi, les anges, je les respecte.
- Ca veut dire que tu vas juste les faire souffrir.
Eric regarda enfin le jeune garçon. Il haussa les épaules en soupirant.
- Tu me connais, Jimmy. J'ai besoin d'un contact physique privilégié avec les gens. Je suis comme ça. Faut que je les touche pour me sentir réel.
- Tu pourrais juste...je sais pas moi...leur serrer la main ou leur faire la bise.
- Dis, si c'est pour me sortir des conneries de ce genre, tu peux aller voir ailleurs si j'y suis. Tu le veux ce tour en avion, oui ou non ?
Jimmy secoua rapidement la tête.
- Bon, alors tu la boucles et tu me laisses faire connaissance à ma manière. C'est dingue, ça ! C'est quand on me rend nerveux comme ça que je mets à faire n'importe quoi. Et après, on me reproche d'avoir dépassé les limites. Je suis un type raisonnable. Mais si on m'emmerde, si on critique mes habitudes, forcément je deviens irritable. C'est normal. Faut se mettre un peu à ma place. J'ai pas une vie facile. Je dirais même plus, personne n'aurait envie d'avoir la vie que j'ai. Non, Personne.
Une fillette l'observait parler tout seul avec amusement. Elle lui sourit.
- Dis, monsieur, tu parles à qui ? A des fantômes ?
Eric se baissa et lui sourit à son tour.
- Non, Jimmy, aucune hôtesse.

 

16

 

Gary gara le Landcruiser sur le parking de l'aéroport. Vincent sortit de la voiture et regarda autour delui d'un air ahuri :
- Mais...le parking est vide. On est au bon endroit, vous êtes sûr ?
Gary le rejoignit. Il sourit.
- J'ai fait évacuer les lieux.
Vincent faillit avaler sa langue.
- Quoi ? Mais vous êtes complètement malade !
- Vous avez le droit de le penser, mais je sais très bien ce que je fais.
- Mais tout à l'heure...
- De la pure stratégie. Quand on a appris que le barrage était seulement l'oeuvre de Schultz, j'ai su que j'avais fait le bon choix. Il espérait rencontrer un obstacle sur la route, donc il l'a imaginé. Il ne s'attend pas à trouver l'aéroport vide, donc il va s'employer à le remplir. Tretco a été très clair avec moi à ce sujet. Le pouvoir d'Eric n'a que les limites de son imagination.
- Mais vous êtes complètement inconscient. La maladie de Schultz n'est pas une science exacte.
- Vous ne jouez jamais au poker ?
- Jamais avec la vie des gens !
- Moi non, plus. C'est pour ça que j'adore le poker.
Vincent fusilla l'agent du regard et pointa un index menaçant dans sa direction :
- Si jamais on s'en sort vivant, je vous jure que je...
- Suivez-moi au lieu d'essayer de dire des âneries.
Vincent ne supportait pas de s'être fait avoir de la sorte. Son visage s'empourpra :
- Et puis d'abord, quand est-ce que vous avez appelé pour évacuer l'aéroport ? On a passé la journée collés l'un à l'autre.
Tout en se dirigeant vers les portes du hall, Gary lui lança un regard amusé :
- Vous oubliez le moment où vous avez vomi votre sandwich.
Lorsqu'ils entrèrent dans le hall, ils purent mesurer combien les autorités avaient bien fait leur boulot.
- Pas un chat, observa Vincent avec inquiétude.
- Oui, mais où est Schultz ? s'enquit Gary.
Vincent marcha soudain dans une direction précise.
- Il est aux toilettes.
- Qu'en savez-vous ?
- Mon petit doigt qui me l'a dit.
- Ce ne serait pas plutôt une jolie femme avec un chignon et un manteau gris ?
- Dois-je en conclure que celle que j'ai vu à la station-service n'existait pas ?
Vincent n'était pas dupe de sa propre pathologie ce qui le rendait encore plus attachant. Gary en fut peiné. Il n'avait pas toujours été très tendre avec lui. Il allait s'en excuser lorsqu'ils arrivèrent devant les toilettes.
Gary saisit aussitôt son arme et posa un doigt sur sa bouche pour intimer le silence à son partenaire. Il avait à peine posé sa main sur la poignée que la porte que celle-ci s'ouvrit à la volée. Schultz se rua sur l'agent et le mit à terre. Un coup de feu éclata. Les deux hommes luttèrent pour la possession de l'arme. Eric jubilait.
- La sécurité va rappliquer et vous foutre des bâtons dans les roues. Vous êtes deux beaux minables.
Après un instant d'hésitation, Vincent frappa le tueur dans le dos à plusieurs reprises pour lui faire lâcher prise. Eric semblait totalement insensible à la douleur. Il fronça les sourcils en apercevant Jimmy du coin de l'oeil.
- Tire-toi de là ! C'est pas un spectacle pour les gosses !
Vincent se figea :
- Quoi ?
Eric en profita pour lui envoyer son talon gauche dans les parties. Vincent se plia en deux sous le choc. Une nouvelle détonation se fit entendre.
Schultz se redressa et s'enfuit en courant. Une main plaquée sur l'entrejambe, Vincent vint s'enquérir de l'état de son partenaire.
- Ca va, Gary ?
Il s'épouvanta en voyant ses vêtements tachés de sang.
- Ca va, fit Gary en serrant les dents. Il va juste me ruiner en pressing. Rattrapez-le. Il ne faut pas qu'il s'échappe d'ici.
Vincent lui serra l'épaule.
- Comptez sur moi, il n'ira pas loin.
A ces mots, il ramassa le pistolet et s'élança à la poursuite du tueur.
Eric se frayait un chemin dans la foule devenue soudain plus dense, comme un fait exprès.
- Poussez-vous ! rugit-il.
Il tomba sur trois agents de sécurité.
- Un problème, monsieur ?
Eric tourna la tête. Vincent arrivait droit sur lui. Il avait l'air très déterminé.
- Un type un peu collant. Ca doit être pour ça qu'il se prend pour un super héros.
Les hommes furent insensibles à son humour.
- Vous voulez qu'on vous en débarrasse ?
Eric réfléchit un instant.
- Ouais. Mais faites-ça discrètement. Je vais en profiter pour le baratiner.
Il se retourna et se planta devant Vincent, armé d'un sourire inquiétant qui se voulait amical.
- Ca va tes couilles ?
Vincent secoua la tête en grimaçant.
- Désolé pour l'accueil, reprit Eric, mais si je t'avais simplement dit bonjour, tu aurais pris ça pour une embuscade. Je suis pas hypocrite.
Vincent se redressa comme pour se montrer à la hauteur du défi qui s'annonçait.
- Non, juste Schizophrène. J'imagine que c'est moins grave.
- J'aime pas ton humour, Faulk.
- Désolé, mais le service psychiatrique du Dickinson Mental Health Center ne m'a pas aidé à le bonifier.
Cette allusion détendit quelque peu Schultz.
- Ils t'ont bourré de médocs, hein ? C'est tout ce qu'ils savent faire. Pour eux, on est des animaux d'une espèce inconnue. Ils savent pas où nous ranger, alors ils font comme si ils savaient. Mais on est à part, tu sais. C'est normal qu'on fasse des conneries. Faut le temps d'apprendre à se connaitre.
- Tu pouvais apprendre autrement qu'en tuant des innocents. Moi j'ai fait un autre choix.
- Non, t'as juste obéi à ta conscience. Le choix de l'évidence, c'est pas un choix. Moi je choisis pas non plus. Je fais selon mon coeur. Tu devrais jeter ton flingue. La sécurité est derrière toi.
Vincent sentit qu'il perdait son assurance. Ce n'était pourtant guère le moment. Heureusement, c'est ce moment que choisit Gary pour venir à la rescousse.
Sa blessure était moins grave qu'il n'y paraissait. Vincent en fut soulagé. L'agent s'appuya contre une colonne et murmura avec gravité :
- Vous allez répéter mot pour mot tout ce que je vais vous dire.
- Tu sais aussi bien que moi qu'il n'y a personne à part nous, déclara soudain Vincent avec autorité.
Schultz le toisa avec dédain.
- Ne te prétends pas supérieur à moi. J'ai plus d'expérience que toi, mon vieux.
- Si par expérience, tu entends victimes au compteur, alors oui, tu es plus expérimenté que moi.
Schultz le braqua avec son pistolet de flic.
- Tu me sous-estimes, ça se voit. Tu me prends pour le méchant de l'histoire et tu te dis que ça suffit à faire de toi un héros.
- Oui, dans les grandes lignes, c'est comme ça que je vois les choses. Mais ça veut pas dire que j'ai pas envie que tu t'en sortes.
- Arrête, tu vas me faire pleurer. Je suis très sensible.
- Je sais. Sinon, tu aurais oublié depuis longtemps ce que ton grand-père t'a fait.
- Ah ! J'imagine que ça c'est ta botte secrète. C'est le moment où je vais m'apitoyer sur moi-même en m...
Le regard de Schultz se troubla.
- Putain, vous l'avez amené ici avec vous ! Mais vous êtes des sales fils de put...
Ses yeux étaient visiblement fixés sur son ancien tortionnaire.
- Qu'est-ce que tu fous là, salopard ! Tu veux finir le boulot, hein ? Tu veux ma peau ?
Le pistolet tremblait dans la main d'Eric.
- C'est moi qui vais te la prendre, vieil enfoiré ! Et je vais faire ça lentement, en souvenir du bon vieux temps.  
Vincent s'approcha lentement d'Eric. L'illusion pouvait disparaître à tout instant. Le temps était compté.
Eric pleurait malgré lui. Il soufflait comme pour mieux résister à la vague d'émotions qui le submergeait.
- T'es venu me demander pardon, c'est ça ? Tu crois que je suis assez cinglé pour accepter ? Jamais je te pardonnerai. La torture, c'est pas défendable. Tu aurais dû me tuer. Au lieu de m'élever, tu m'as rabaissé. Je suis devenu un reptile à cause de toi. J'ai passé ma vie à ramper comme un serpent et à me camoufler comme un putain de caméléon !
Eric ne faisait plus du tout attention à Gary et à Vincent qui en avait profité pour se rapprocher de lui. Encore quelques secondes et il pourrait le neutraliser. Mais c'est alors qu'Eric pointa son arme vers lui avec un visage impassible. Toute trace de souffrance avait disparu.
- J'ai pas oublié ce que m'a fait ce vieux salaud. Mais c'est pas pour autant que j'ai envie de revoir sa gueule.
Vincent comprit à cet instant qu'il avait effectivement sous-estimé Eric. Et il allait sûrement le payer au prix fort.
- Tu pointes ton flingue comme si c'était ta queue, mon chou. T'es chargé, tu crois ?
Eric ouvrit de grands yeux en reconnaissant la voix.
- Jenny, mais qu'est-ce que tu f...
La belle rousse l'observait. Elle se tenait contre une colonne dans une pose très glamour.
- C'est la fin pour toi, tu le sais. Tu as fait ce qu'il fallait pour.
Eric voulait l'ignorer, mais il en fut incapable. Peut-être parce qu'il sentait qu'elle était dans le vrai.
- Tu m'as bien aidé à en arriver là. On aurait pu être tellement heureux ensemble.
- Alors pourquoi tu m'as tuée ?
Sous le coup de la surprise, Eric baissa son arme.
- Quoi ?
- Je suis morte et tu le sais.
Jenny tira une bouffée de sa cigarette. On aurait dit une actrice des années cinquante.
- Tu n'as qu'un seul moyen de trouver le salut, mon chou. Un seul.
Elle mima une arme avec sa main libre et se toucha la tempe du bout des doigts.
Eric prit une grande inspiration.
- Si je le fais, ce sera pour me libérer de toi.
Vincent se jeta sur lui pour le désarmer, mais Eric n'eut qu'un geste à faire. Il retourna l'arme contre lui et pressa la détente. Le tueur s'écroula, touché à la poitrine. Jimmy s'agenouilla aussitôt près de lui, les larmes aux yeux :
- Je te jure que j'y suis pour rien ! Je te le jure !
Eric posa une main sur la casquette du garçon avant de lui adresser un dernier regard empli de tendresse :
- Je sais, Jimmy. Je sais.
Il lui serra la main.
- Accroche-toi, fiston. On va décoller.
Puis sa tête bascula en arrière et ses yeux se fermèrent.
Après avoir constaté sa mort, Vincent alla rejoindre Gary pour s'enquérir de son état et le remercier d'avoir joué les entremetteurs. Il ne le trouva pas. Il avait dû en profiter pour appeler des renforts car plusieurs voitures de police arrivèrent sur les lieux et une vingtaine d'hommes bouclèrent rapidement la zone.
Vincent s'adressa directement au chef :
- Je cherche Gary Chase, l'agent du FBI qui était avec moi.
Son interlocuteur posa une main sur son épaule avant d'indiquer du menton un brancard.
- Désolé, il s'en est pas sorti.
Vincent sentit le monde chavirer autour de lui. Il ne comprenait pas. La blessure était insignifiante. Il l'avait vu de ses yeux !
- Où l'avez-vous trouvé ?
- Devant la porte des toilettes. La balle a atteint directement le coeur. Il n'a pas souffert.

 

17



Vincent dévisagea son visiteur. Il aurait voulu dire tellement de choses sur Gary, mais le fait qu'il n'y parvenait pas n'était lié d'aucune manière au peu de temps qu'ils avaient passé ensemble.
- Je suis content de l'avoir connu, dit-il simplement.
Ted Meyers le gratifia d'un sourire amène. Il sentit que cela ne servait à rien de s'éterniser. Il se leva et se dirigea vers la porte.
Une question s'échappa alors des lèvres de Vincent :
- Il vous a parlé de l'accident de voiture de sa femme ?
L'ancien supérieur de Gary soupira longuement.
- Non. Jamais.
Puis il quitta la chambre du Dickinson Mental Health Center.
Vincent se retrouva à nouveau seul, assis sur son lit. Seul avec ses démons.
Il commença à sangloter. Il s'arrêta subitement en sentant quelque chose toucher doucement sa main droite. Il ouvrit les yeux. Sa douleur s'estompa aussitôt. Il releva la tête. Face à lui se tenait Gary Chase. Et il lui souriait.
- Vous êtes le meilleur de tous.

 

 

 

T’as aimé…ou pas

T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas

Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !

Le Jour où l'Amour s'arrêta [Nouvelles/Anticipations]



1
 
Elle leva la main comme pour me toucher, espérant par ce geste ranimer un début de flamme.
Je le devinais parce que j'eus le même réflexe. Mais à l'instant où nos regards se croisèrent, l'espoir nous déserta littéralement. Nous demeurions de parfaits inconnus l'un pour l'autre. Inexorablement.
Elle baissa sa main et me tourna le dos, honteuse de sa réaction. Je n'étais pas moins gêné.
Plus tard, quand elle vint me rejoindre dans la chambre, elle me trouva occupé à remplir une valise. Elle comprit immédiatement mon intention. La même idée lui avait traversé l'esprit quelques instants plus tôt.
Lorsque j'eus terminé, je fis mine de lui dire au revoir.
- Je suis désolée, dit-elle d'un ton monocorde.
Je savais qu'en réalité elle était soulagée que je quitte la maison car j'étais moi-même soulagé de partir.
- Ce n'est pas grave, répondis-je.
Evidemment, j'étais sincère.
En me retrouvant dans la rue, je respirai enfin. Pour je ne sais quelle raison, mon regard accrocha la poubelle en plastique qui nous appartenait.
Elle débordait.
Une pensée s'imposa alors dans mon esprit, un dernier sursaut d'espoir, comme pour me convaincre que j'aurais tout essayé.
Impossible de rester si c'était pour jouer un simulacre. Il me fallait du réel, de l'authentique. Mes souvenirs ne m'aidaient en rien. Ils étaient devenus beaucoup trop glacés pour m'émouvoir. Les connexions nécessaires ne se faisaient pas.
Ecoutant cette impérieuse voix intérieure, je lâchai ma valise et commençai à fouiller dans le contenu de nos sacs poubelles. Peut-être trouverai-je un mot, un objet, quelque chose de suffisamment intime à notre couple pour me rappeler mes sentiments envers elle.
Il me fallait une étincelle. Oui, une simple étincelle.
Sans me soucier du désordre occasionné, je vidai les sacs sur le sol et mes mains avides se mirent en devoir de filtrer la masse de détritus afin d'en extraire quelque diamant ou plutôt quelque rose.
A genoux sur le trottoir, mon costume taché par les déchets alimentaires, je faisais sûrement peine à voir. Mais je n'en avais cure. Il me fallait cette preuve, cet indice que quelque chose de très fort entre nous avait existé et pouvait vivre encore.
Le temps passa sans que j'eusse trouvé quoi que ce soit de secourable. C'était peine perdue. C'était sans issue.
Je me relevai, écrasant au passage une photo d'elle rayonnante dans  la lumière de notre jardin. J'avais pourtant vu cette photo. Je l'avais même ramassé et longuement regardé comme dans l'attente d'un signe, d'un miracle. Qui n'était jamais venu.
Mon cœur était devenu imperméable.
Comme pour se rire de moi, la pluie se mit à tomber. C'est alors que je remarquai une silhouette de l'autre côté de la rue, en face de chez nous. Une femme qui m'était familière. Une voisine. A la vue du fatras indescriptible qu'elle dominait, je compris aisément qu'elle s'était lancée dans le même genre de croisade que moi. Avec le même succès, semblait-il.
Nous échangeâmes un bref regard. La pluie redoubla de violence.
Nous faisions vraiment peine à voir. Et le pire, c'est que nous en étions terriblement conscients.
Je ramassai ma valise et me mis à courir comme un fou pour échapper à mon image.
Et à la sienne.
Mais qu'étions-nous donc devenus, tous ?
Des amants maudits ? Des âmes en peine ?
J'avais trop de questions, trop de pourquoi. Il me fallait des réponses. Pas forcément les meilleures, pas forcément les bonnes, mais des réponses quand même et de quelqu'un d'extérieur. Surtout quelqu'un d'extérieur.
Je n'assumai pas du tout ce qui m'arrivait. Je me sentais atteint d'une maladie gave et contagieuse, comme si j'avais attrapé un virus extrêmement dangereux. Sauf que dans mon cas, je n'avais rien attrapé du tout. Bien au contraire. J'avais perdu quelque chose. Et quelque chose d'essentiel, de fondamental. Je me vidai de mon humanité, de ce qu'il y avait de meilleur en moi. Car sans la capacité d'aimer, qu'étais-je vraiment ? Pouvais-je encore être qualifié d'être humain ? J'avais de très gros doutes à ce sujet.
Je ne pouvais accepter cette situation sans rien faire. Alors je décidai d'aller voir quelqu'un comme on dit si bien.
Je cherchai sur mon doigt mon alliance de mariage pour m'insuffler le courage dont j'avais besoin. Je ne la trouvai pas. Et pour cause. Je l'avais jeté dans les poubelles sans même m'en rendre compte. Le temps était compté.
 

2
 

- Bonjour, fis-je en entrant dans le bureau comme dans une morgue.
Peut-être parce que je sentais bien que quelque chose en moi était mort.
Le Docteur Mc Cabb avait une quarantaine d'années, mais il faisait plus jeune à cause de ses longs cheveux et de son allure décontractée.
C'était un éminent praticien. Eminent et donc coûteux. Mais je crois que j'étais prêt à vider mon compte en banque si cela pouvait remplir mon cœur à nouveau.
- Bonjour monsieur Lawrence, asseyez-vous.
Sa voix me mit tout de suite en confiance. Mais j'imagine que cela faisait partie de sa stratégie.
Il essuya ses lunettes avant de les chausser de nouveau.
- Comment allez-vous ? dit-il en me serrant la main.
Je déglutis péniblement.
- Et bien, pas très bien. C'est pourquoi je vous ai appelé en urgence, vous vous en doutez.
- Excusez-moi, simple formule d'usage. Disons plutôt : qu'est-ce qui vous amène exactement ?
Je redoutais terriblement de passer aux aveux tant ma crainte d'être jugé était grande. Mais je craignais sans doute encore plus de devoir être condamné à ne plus rien ressentir.
- Je...C'est...Ce n'est pas facile à dire. J'ose espérer que ce ne sera pas difficile à comprendre pour vous. Je ne pouvais pas en parler à mes proches. Je ne voyais personne d'autre vers qui me tourner.
Mc Cabb se mit à sourire. Il croisa les mains sur son bureau et se pencha sensiblement vers moi.
- Vous savez, monsieur Lawrence, je ne fonde pas mes diagnostics sur la seule qualité de mes années d'étude. Je me sers aussi de mes expériences personnelles. Ce qui, vous en conviendrez, est irremplaçable. Je suis peut-être psychiatre, mais je suis avant tout un être humain, tout comme vous, avec ses doutes, ses peurs, ses faiblesses, ses problèmes. La théorie, c'est bien beau, mais rien ne vaut la pratique.
C'était un discours plutôt convaincant. Il était bien rôdé. Et comme ça devait nécessairement être vrai, j'ai commencé à me détendre un peu.
Son sourire s'élargit alors.
- Je vous écoute, monsieur Lawrence.
Je pris une profonde inspiration avant de déclarer :
- Je ne suis plus amoureux de ma femme.
- Depuis combien de temps ?
Je ressentis l'effet d'un nœud coulant autour de ma gorge.
- Depuis ce matin, articulai-je péniblement.
- Et que ressentez-vous pour elle, à présent.
- Et bien... Rien, plus rien. Je la vois comme une étrangère avec qui je n'ai plus rien en commun. Plus rien ne m'attire chez elle. En fait, c'est tout le contraire.
Mc Cabb dodelina de la tête comme s'il se souvenait d'un cas similaire.
- Vous lui en avez parlé ?
- Oui, rapidement. C'est vite devenu insoutenable.
- Et que vous a-t-elle dit ?
Je me crispai.
- C'est là que ça devient fou.
J'ai dévisagé le docteur avec anxiété. Le mot n'était peut-être pas le plus adapté. Je craignis sa réaction.  Mac Cabb devait le redouter aussi, ce mot là, mais grâce à ses années d'expérience, il avait aussi sûrement appris à l'apprivoiser et à  relativiser son emploi.
Voyant qu'il conservait la même expression de curiosité, je poursuivis :
- Elle m'a dit la même chose. Elle m'a dit qu'elle ne ressentait plus rien pour moi, comme si c'était la première fois qu'elle me voyait. Elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait avec un type comme moi. Cela n'avait aucun sens. Surréaliste, non ?
Mc Cabb éluda habilement ma question.
- Vous vous êtes disputé ?
- Non. C'est sans doute le plus curieux dans toute cette histoire. On a discuté très calmement. En fait, on était soulagé de partager la même chose.
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Je suis parti de la maison.
J'indiquai du regard la valise posée à côté de moi.
- Je ne sais pas ce qu'elle va faire de son côté et pour être tout à fait honnête, ça m'est égal.
- Vous étiez mariés depuis combien de temps ?
- Cela faisait douze ans. Vous vous rendez compte ? Et du jour au lendemain, plus rien.
Mc Cabb jeta un regard à sa montre.
- Je suis désolé, monsieur lawrence. Comme je vous ai dit au téléphone, je dois déjeuner avec mes filles. Comme tous les mercredi.
Je vis en cette déclaration la possibilité de me sentir moins seul.
- Vous êtes divorcé ?
Mc Cabb sourit. Il avait du deviner mon espoir.
- Quand je vous disais que j'étais avant tout un être humain, ce n'était pas du pipeau.
 
3
 
Je n'étais guère plus avancé. Malgré sa compréhension et sa sympathie manifestes, le docteur Mc Cabb n'a pas su me donner ce que j'attendais. Notre entretien a tourné court et j'ai négligé beaucoup de détails comme de lui parler de la voisine par exemple. Je lui ai laissé mes coordonnées, bien sûr et on a convenu de se revoir. Maigre consolation.
J'ai voulu le rappeler une fois en centre-ville, et puis j'ai eu peur qu'il ne me réponde pas.
On n'est jamais certain de l'effet qu'on fait à ceux à qui l'on parle de choses très personnelles. C'est un peu quitte ou double. Que le docteur Mc cabb soit un professionnel ne changeait pas forcément la donne.
Oui, je redevenais pessimiste.
En marchant dans la rue, ma valise à la main, j'ai regardé autour de moi, comme dans l'espoir de lire mon propre égarement sur d'autres visages que le mien. Je ne voulais pas me sentir seul dans ce cas. J'ai pensé rendre visite à la voisine qui avait probablement, elle aussi, pris rendez-vous chez un bon psy, chez Mc Cabb peut-être.
En vérité, j'étais paumé. J'avais des idées, mais aucune ne me paraissait raisonnable. Aucune ne me paraissait assez sérieuse pour me tirer d'affaire.
Mon malaise empirait de minute en minute.
Je n'étais donc pas si insensible puisque je souffrais un peu. C'était étrangement paradoxal. Ce qui n'adoucissait en rien mon tourment.
J'étais là, à ruminer sur un banc, en regardant les passants et en imaginant leur vie quand mon téléphone sonna. Mon cœur fit un bond quand je reconnus la voix suave du docteur Mc Cabb.
- Monsieur Lawrence ? Excusez-moi de vous déranger, mais il vient de m'arriver quelque chose d'incroyable. Quelque chose qui m'a instantanément rapproché de vous et de notre entretien de ce matin.
- Ah...ah bon, fis-je avec une évidente surprise.
- Oui ! poursuivit Mc Cabb d'un ton qui me paraissait pour le moins nerveux. Tout à l'heure j'étais au restaurant avec mes deux filles, comme tous les mercredi. Elles étaient là en face de moi. Et...comment vous dire ? On ne s'est pas adressé un seul mot. Je n'avais absolument rien à leur dire et visiblement elles non plus. C'est à peine si nous avons touché à notre assiette. Il y avait un malaise entre nous qui n'a fait qu'empirer. Je ne voyais pas ce que je faisais là, j'avais l'impression d'être un imposteur, de prendre la place de quelqu'un. Vous voyez ?
Bien sûr que je voyais ce qu'il voulait dire. C'était précisément ce que j'avais ressenti en présence de ma femme. Le ciel semblait m'avoir entendu et avoir répondu à ma prière d'une bien étrange manière. Mc Cabb semblait être atteint lui aussi du même mal qui m'avait été transmis. Je n'étais réellement plus seul !
- Qu'avez-vous fait ? demandai-je avec une vive curiosité.
Les rôles étaient inversés. C'est moi qui avais le savoir puisque j'avais l'expérience. A moi donc de délivrer le diagnostique. J'aurais pu rire de la situation si elle n'avait touché un sujet aussi dramatique.
- J'ai honte de le dire, répondit Mc Cabb, mais j'ai quitté les lieux. C'était trop éprouvant. J'ai abandonné mes deux filles dans le restaurant.
Je ne sus quoi ajouter. C'était terrible d'entendre cela d'un homme qui quelques heures auparavant semblait chérir ses enfants comme ses biens les plus précieux dans la vie.
Mais la question qu'il me posa juste après fut plus terrible encore. Elle enfonça le clou si fort que j'en ressentis une douleur vivace.
- Dites-moi, monsieur Lawrence, vous pensez que c'est contagieux ?
 
4
 
Nous nous retrouvâmes dans un café. Moi qui ne pensais pas revoir Mc Cabb de sitôt. L'avenir m'avait réservé une jolie surprise. Enfin, jolie...
Lorsqu'il entra dans la salle bondée, c'est à peine si je le reconnus. Je peux dire sans ambages qu'il avait pris un sacré coup de vieux. Lorsqu'il s'assit en face de moi, je pus remarquer à quel point sa récente expérience avait creusé ses traits et éclairci son teint.
Il se pencha vers moi comme pour ne pas être entendu :
- Il y a peut-être trop de monde ici.
Je repensai instinctivement à la question fatidique qu'il m'avait posé au téléphone et qui avait été par la suite à l'origine d'un profond malaise. « Etait-ce contagieux ? » La question était certainement légitime. Mais j'avais des raisons évidentes de ne pas vouloir l'entendre tant elle était synonyme d'accusations et de culpabilité.
Etait-ce à proprement parler un nouveau virus ?
Evidemment, nous en savions encore trop peu tous les deux pour nous forger une véritable opinion objective.
Je scrutai les yeux clairs du docteur à travers les verres de ses lunettes. Etait-il en proie à la panique où s'efforçait-il encore de raisonner en psychiatre ?
Un serveur nous aborda. Instinctivement, nous nous écartâmes et Mc Cabb commanda rapidement en notre nom pour se débarrasser de lui au plus vite.
Le docteur me mettait mal à l'aise. Je voyais moins en lui un allié potentiel qu'un complice, complice d'un mal sans équivalent que nous supposions être capables de transmettre malgré nous.
Je me mis alors à penser à voix haute.
- Ca peut être l'air, ça peut être le contact physique ou bien rien de tout cela. Peut-être que le simple fait que nous ayons vécu la même chose à quelques heures d'intervalle n'est dû qu'au fruit du hasard.
Mais là je sentis que Mc Cabb ne m'approuvait pas. Il ne répondit pas pour autant. Il regardait les autres clients et les serveurs qui allaient de table en table. Si l'air et le contact physique étaient les moyens pour la maladie de se propager, alors il ne lui faudrait pas longtemps pour contaminer tout le monde. J'imaginai des couples faisant l'amour - certains pour la première fois - et être condamnés suite à cela à ne plus ressentir quoi que ce soit.
Un frisson glacial me parcourut.
- Vous avez raison. Allons nous-en d'ici !
 
5
 
Nous nous mîmes à errer loin de la foule, tels des bannis ou des fantômes. Sans cœur, qu'étions-nous d'autre de toutes façons ?
Seul c'était insupportable. A deux, ça ne l'était pas forcément moins.
J'évitai de regarder Mc Cabb de peur de lire dans ses yeux  quelque chose qui aurait ressemblé à un jugement. Il devait forcément m'en vouloir de l'avoir réduit à ce que j'étais devenu, moi. Et je le comprenais. Mais le fait qu'il restait à mes côtés me soulageait un peu, je l'avoue. En vérité, avait-il le choix ?
Nous nous assîmes sur un banc dans un parc déserté. L'air s'était refroidi. Tout comme nous.
Je regardai les arbres dénudés, desséchés alors que j'aurais juré que nous étions au printemps.
Encore un frisson. Les plantes pouvaient-elles souffrir aussi de cette anémie sentimentale ?
Un chat errant jaillit d'une poubelle avant de glisser sous mes jambes.
J'en eus le souffle coupé.
Je ne savais plus où porter mon regard pas plus que mes pensées.
Fallait-il nous isoler ? Devions-nous nous livrer comme de vulgaires criminels ?
Je tournai mon regard vers Mc Cabb pour lui faire part de mes angoisses. Il n'était plus là.
J'étais de nouveau seul, le poids du monde sur mes épaules.
C'est alors que je vis un journal abandonné tout près de moi. Plus tard, je compris que Mc Cabb avait dû le lire et que ce simple geste l'avait décidé à s'enfuir.
Les articles étaient pour la plupart terriblement ordinaires et ne méritaient pas un intérêt particulier. Mais en y attardant un peu plus d'attention qu'à l'accoutumée, on pouvait justement réaliser combien ils constituaient un puzzle sinistre.
Depuis quelques jours on recensait un nombre important de divorces et de séparations inexplicables. Les avocats étaient complètement dépassés par les évènements d'autant plus qu'ils étaient pour la plupart eux-mêmes victimes d'une rupture sentimentale. Si ça ce n'était pas un signe ! Le phénomène ne datait donc pas d'aujourd'hui. Je n'étais pas le premier. Je n'avais pas su regarder autour de moi sinon j'aurais sans doute observé bien avant des symptômes de cette maladie. Quelqu'un me l'avait forcément transmis. Ma femme ? Mon patron ? La voisine, qui sait ?
Je fus soulagé. Mais rapidement, la panique et la peur reprirent leurs droits sur moi. Devais-je attendre qu'on mette un nom sur ce mal pour me déclarer malade ? Etait-ce prématuré ?
Tout dépendait de la virulence de la maladie en vérité. Si elle disparaissait aussi vite qu'elle était apparue, il n'était pas nécessaire de faire connaître ma situation. Mais comment pouvais-je être certain de cela ?
Collé sur la poubelle d'où le chat était sorti, je vis un autocollant. C'était une pub pour un numéro vert à l'attention des personnes en détresse. Il n'y avait rien de précisé quant à la nature de la détresse.
Je composai le numéro sur mon portable. Une voix de femme me répondit. Je faillis couper l'appel, mais en comprenant qu'il s'agissait d'une messagerie, je laissai la voix poursuivre.
La ligne était saturée. Je devais patienter en attendant qu'elle se libère un peu. J'écoutai à demi, distrait par la vue d'un couple attendrissant. Ils étaient jeunes, beaux et ils avaient l'air heureux. Je me disais que de voir tout cela s'éteindre à jamais était inacceptable. Et alors même que je me faisais cette réflexion je vis les deux amoureux desserrer leurs mains et se faire face. Ils se jetèrent un regard que je ne connaissais que trop bien, pour mon plus grand malheur. Mon cœur eut un spasme. Ma gorge se serra. Devant moi, la maladie venait de faire deux nouvelles victimes. Alors que le garçon et la fille s'éloignaient l'un de l'autre sans un mot, la messagerie s'interrompit et une autre voix de femme m'invita à parler.
Je coupai la communication et quittai le parc. J'étais maudit et j'étais loin d'être le seul, désormais.
 
6
 
Je rasai les murs. J'étais une ombre. Au long de ma route indécise, je captai de temps à autre quelque conversation, quelque message diffusé par les médias qui venait amplifier l'inquiétant phénomène menaçant de gagner la planète. On spéculait déjà sur d'hypothétiques signes avant-coureurs. Moi je savais pertinemment qu'il n'y en avait pas. Cela arrivait, un point c'est tout. Dans une vitrine, un mur de téléviseurs diffusait en boucle les premiers témoignages de couples venant de subir ce nouveau fléau. Je les trouvai bien courageux de se faire connaître de la sorte et j'eus un peu honte de me comporter comme un fugitif.
Je dormis à l'hôtel plusieurs jours. Je ne pus fermer l'œil. Je suivis assidûment à la télé l'évolution des évènements, moi qui m'informe si peu d'habitude. On ne cessait de donner des recommandations aux personnes qui n'étaient pas encore touchées par le virus. Je trouvai qu'on faisait peu cas des victimes. Comme si elles n'existaient pas. Ou plutôt comme si elles n'existaient plus. Oui, nous étions bel et bien des fantômes, à présent.
Entre deux émissions, les grandes chaînes diffusaient à la pelle des pubs pour des produits aphrodisiaques en tous genres. De grandes marques de cosmétiques et des grands noms de la haute-couture s'étaient déjà associés à une vaste campagne visant à promouvoir tous les secrets de la séduction. Evidemment, c'était peine perdue. Aussi vain que de chercher un diamant dans une poubelle.
Un soir, allongé sur mon lit, j'entendis des râles et des cris provenant d'une chambre voisine. Un couple faisait l'amour. Au son de leurs voix et à la durée de leurs ébats, je compris aisément qu'ils faisaient l'amour comme pour la dernière fois.
La paranoïa s'installait. On savait que le mal pouvait frapper d'une seconde à l'autre. On savait que personne n'était à l'abri.
Les scientifiques et les philosophes avaient beau se pencher sur la question, on ignorait toujours la cause de l'épidémie. Certains malades avaient été longuement étudiés par d'éminents spécialistes. Mais rien ne venait les différencier des autres si ce n'était cette incapacité à éprouver la moindre empathie.
Plusieurs jours passèrent encore. Je restais cloîtré dans ma chambre autant que possible.
Quand je sortais, le propriétaire m'observait d'un œil soupçonneux. Il m'aurait pris pour un gangster que cela m'aurait soulagé. Car je savais que sa méfiance était d'une toute autre nature. Mon temps était compté. Je savais qu'il me jetterait dehors un jour ou l'autre sous un prétexte bidon. Héberger un homme tel que moi n'était pourtant pas un crime.
Du moins, pas encore.
Les chaînes passaient les plus beaux films d'amour comme pour relancer la machine. Sur les ondes et dans les rues, on diffusait les plus grandes chansons d'amour. Un thème émouvant et fédérateur avait même été spécialement crée par des stars de la pop américaine pour soutenir les victimes et redonner de l'espoir. Il s'intitulait "We are the Love". On pouvait faire difficilement plus symbolique.
Le 14 février approchait à grands pas. Et beaucoup de gens pensaient qu'il allait signifier la fin du monde. Moi le premier.
 
7
 
L'économie commença à souffrir de cette forme de stérilité. On se rendit compte à quel point les choses du cœur faisaient vendre.
Une fois n'est pas coutume, les chaînes de télé n'eurent que peu de scrupules à s'emparer du phénomène pour le détourner à leur avantage.
Elles organisèrent des jeux lors desquels les couples candidats devaient prouver leur amour au fil d'épreuves à la difficulté croissante avec à la clé une prime substantielle.
En singeant un hypothétique remède, les médias ne faisaient qu'égarer davantage les hommes.
Le jour où un couple se brisa en direct pendant une émission, l'audimat explosa.
Le filon était tout trouvé.
Mais bien heureusement, cela ne dura pas.
De plus en plus de gens ne se laissant plus facilement émouvoir, certaines recettes ne firent pas long feu.
On chercha de nouveaux concepts. On en trouva. Sans que cela change les choses.
Moi-même je commençais à regarder tout cela avec dédain. Je ne pouvais plus aimer, mais j'appréciais de plus en plus la perspective de ne plus jamais souffrir et faire souffrir par les sentiments. Je n'étais peut-être pas si perdant. Je n'étais peut-être pas si malade. Au contraire. Cette maladie était peut-être une bénédiction, un remède inattendu contre les affres de la passion. J'avais de plus en plus de mal à voir les choses autrement.
Je quittai l'hôtel, fort de ma conviction. Pourquoi continuer à me cacher alors qu'en vérité j'avais vaincu un mal plus grand que celui qu'on me prêtait ?
Je réalisai bientôt que cette croyance se généralisait un peu partout, au point de constituer un mouvement à part entière. Je n'eus alors qu'une hâte, qu'un seul but : trouver cette nouvelle famille et l'intégrer. Mais les choses se gâtèrent à ce moment là.
Le gouvernement mit en place plusieurs mesures pour le moins drastiques.
Bien que la théorie du virus transmis par simple contact physique  n'ait jamais pu être prouvée, les autorités s'accordèrent sur cette hypothèse et à partir de là, toute victime était considérée comme potentiellement dangereuse pour la santé émotionnelle des autres.
Comme tant d'autres, je vis, impuissant, des baraquements lugubres se dresser sur les places publiques. La tension monta d'un cran.
On disait qu'une milice spécialisée avait les moyens de reconnaître les malades et les traquait sans relâche.
Une fois démasqués, les malades étaient - selon toute probabilité - parqués dans ces baraquements, mis en quarantaine en attendant qu'un remède soit trouvé.
Une forme de dictature était en train de naître sans que personne n'ait le courage de la nommer. Ce qui était encore plus terrifiant.
Mais la révolte grondait. Je le savais. Car en moi je sentais les prémices d'une colère que je ne connaissais pas.
On disait aussi que cette milice était constituée de personnes atteintes qui s'étaient engagées de gré ou de force. Des personnes comme moi, qui n'avais plus à craindre d'être en contact avec des malades et qui par conséquent étaient naturellement immunisées. Et toutes désignées pour appréhender les individus recherchés.
Bien évidemment, je ne me voyais pas faire ça. Je n'avais peut-être plus de sentiments, mais j'avais encore une morale.
J'étais en colère, mais je mourrai de peur aussi. La situation n'avait vraiment rien de réjouissant. Même les haut-parleurs avaient cessé de nous transmettre des chants d'espoir. Maintenant ne résonnaient que des directives et des avertissements annoncés d'une voix mécanique, dénuée de toute chaleur.
Je regrettai amèrement d'avoir quitté le confort et la sécurité de ma chambre d'hôtel.
Maintenant, il m'était difficile de trouver un refuge digne de ce nom.
Une nuit, alors que les arrestations se multipliaient, j'échappai de justesse à une rafle et me précipitant dans une ruelle, je tombai nez à nez avec ce bon vieux docteur Mc Cabb.
Il fut aussi surpris de me voir. Nous nous observâmes un instant, ne sachant trop comment réagir, sans doute éprouvés par nos expériences mutuelles. Puis la raison nous revint et nous nous serrâmes la main avec chaleur. L'avantage c'est que nous nous connaissions et que nous n'avions rien à craindre l'un de l'autre. Je lui parlai rapidement du mouvement dont j'avais appris l'existence et que je m'efforçais de rejoindre.
- Oui, j'en ai entendu parler, me dit-il avec enthousiasme. Je pensais justement me rendre à leur QG.
- Vous savez où il se trouve ? demandai-je avec exaltation.
- Non, répondit Mc Cabb, attristé. La seconde d'après, son visage se fendit d'un sourire.
- Mais je connais quelqu'un qui pourra nous le dire. Une de mes anciennes patientes avec qui j'avais un lien privilégié.
Je n'osai lui demander de préciser de quelle sorte de lien il s'agissait.
Nous marchâmes jusqu'au bout de la ruelle avec précaution. L'obscurité jouait en notre faveur, mais nous savions la milice très bien équipée. Des bruits de lutte et des cris de contestation nous parvinrent et nous nous immobilisâmes. Les arrestations ne se faisaient pas toujours dans de bonnes conditions.
J'eus un mouvement de recul en distinguant le corps inconscient d'un milicien appuyé contre un container.
Mc Cabb se baissa et ramassa un objet sur le sol.
- Vous savez comment ils s'y prennent pour identifier les malades ?
Je secouai la tête tout en me demandant si le docteur était lié à l'incident. Peut-être que ce garde lui était tombé dessus et qu'il n'avait pas eu le choix.
- Ne vous en faites pas, déclara-t-il comme pour me rassurer à ce sujet. Il respire encore.
Avant que j'ai pu comprendre ce qui arrivait, il m'avait glissé un bracelet d'étrange facture autour du poignet droit. Je ressentis une petite piqûre.
- Mais qu'est-ce qu...
Mc Cabb expliqua :
- Le bracelet est un appareil qui analyse le sang et envoie le diagnostic à ce récepteur.
Il produisit un autre appareil pourvu d'un écran tactile. Des chiffres et des diagrammes s'affichaient en temps réel. Pour avoir des moyens, ils avaient des moyens. Et des informations aussi qu'ils s'étaient bien gardés de partager avec les civils.
Je regardai successivement les deux objets avec une terreur bien compréhensible.
- Alors c'est grâce au sang qu'ils peuvent savoir. Depuis quand le savent-ils ?
- Je l'ignore, répondit Mc Cabb.
- J'imagine que grâce à ce système, nous sommes fichés facilement.
Mc Cabb m'adressa un regard étrange qui aurait dû m'alerter. Je n'y pris pas garde. Il savait mettre en confiance. Il avait des années d'expérience. Je ressentis une violente décharge au poignet qui remonta en un éclair jusqu'à mon cerveau. Je perdis connaissance.
 
8
 
Je repris conscience sur ce qui ressemblait à un matelas. Je me levai et m'en éloignai. Il sentait l'urine ou quelque chose d'approchant. La tête me tourna un instant. La lumière dans la pièce était faible. Je repensai à Mc Cabb, à ce traître qui m'avait livré à la milice ou plutôt qu'il avait intégrée. De gré ou de force. Je ne pouvais plus faire confiance à personne. J'étais seul, plus que jamais.
Je traînais ma silhouette voûtée par l'âpreté de ces dernières heures. Une cloison faite de verre renforcé empêchait toute escapade. Un rideau fut tiré, me dévoilant la rue noyée sous les feux de projecteurs blafards et sillonnée par la milice. Un garde casqué - nanti d'un masque sinistre - m'observa comme on observerait un poisson exotique dans son aquarium. Je le vis enfoncer du poing un bouton. Une partie du plancher de ma cellule s'escamota, révélant un plateau-repas des plus sommaires. Dans un accès de rage incontrôlable, je me mis à frapper sur la vitre comme un forcené en criant le nom de celui à qui je devais d'être là.
Plusieurs miliciens se retournèrent pour me regarder. Mc cabb était peut-être l'un d'entre eux. Je l'espérais profondément. Je voulais qu'il voie ma colère. Je voulais qu'il ait peur.
Le rideau fut refermé. D'un coup de pied je fis voler le plateau et son contenu. Je contemplai avec une fascination presque morbide les spaghettis dégoulinant de sauce tomate descendre le long du mur. J'avais la sensation d'être l'un d'entre eux et en même temps je me sentais aussi sali que le mur lui-même.
Je me laissai tomber jusqu'au sol, anéanti.
 
Je restai le plus longtemps possible éveillé. Je n'étais pas en paix. Je ne savais pas ce qu'ils mijotaient et je n'avais aucun moyen de le savoir. Je n'avais aucun échange avec les gardes. Ils se contentaient de m'observer régulièrement et de me donner à manger. Les brefs moments où ils tiraient le rideau, j'en profitais pour examiner la rue et ce qui s'y passait. Je voyais des gens jetés sans ménagement dans des baraquements par la milice. Il y en avait de plus en plus. A travers certaines vitres je voyais même plusieurs malades cohabiter dans une même cellule. La place commençait à manquer. L'espoir aussi. Je crus reconnaître ma femme parmi les prisonniers. Ouvrant mon portefeuille, je retirai la photo d'elle qui - à une époque maintenant révolue - représentait pour moi le signe incontestable de mon attachement exclusif pour elle.
Dans un moment pareil, j'aurais dû pleurer en détaillant son visage. Mais je n'étais pas en isolement pour rien. Je déchirai la photo. Plus rien n'avait de sens, désormais.
 
J'ignore combien de temps il se passa. Je ne m'en souciai plus. J'attendais, résigné, qu'ils trouvent un remède ou qu'ils nous abattent comme des chiens. Je ne sais pas quelle finalité me paraissait la plus écoeurante ou la plus enviable.
Un jour, je me réveillai après un long somme et un repas qui l'avait été beaucoup moins.
Je tressaillis en voyant une silhouette emmitouflée, assise contre l'un des murs, immobile. Ce n'était pas un garde. Je finis par comprendre que la place venant sérieusement à manquer, ils avaient fini par m'attribuer un compagnon de cellule. Charmante attention. Maintenant au lieu de devoir seulement me réconforter, il faudrait que je panse les blessures d'un autre. Je n'avais vraiment pas la tête à ça. Il faudrait qu'il se contente de ma présence.
Je n'étais pas pressé de faire connaissance, alors je conservai mes habitudes, l'air de rien.
La silhouette finit par s'animer et s'adresser à moi :
- Vous êtes bien infecté, n'est-ce pas ?
La voix était plutôt jeune et assurément féminine.
Je m'approchai un peu, piqué par la curiosité. Je m'attendais à rencontrer quelqu'un que je connaissais sans doute. Plus rien ne pouvait me surprendre. Mais là, je me trompai.
La jeune femme abaissa sa capuche, dévoilant un visage fatigué encadré de cheveux blond cendré. Ses yeux étaient vifs. Ils me fixaient, me transperçaient même au point que cela me gêna presque.
- Je m'appelle Clara, dit-elle simplement.
- Andrew, dis-je aussi simplement.
Je ne pus rien ajouter d'autre. Elle se leva un peu gauchement et se dressa face à moi. Elle était plutôt grande. Elle me saisit les poignets.
- Vous êtes bien infecté ? répéta-t-elle.
Son geste et sa question me surprenaient tout autant.
- Oui, bien sûr, tout comme vous. Nous ne serions pas ici, sinon.
Elle resserra sa prise. Ses yeux étincelèrent de plus belle. Comme si elle était sur le point de pleurer. Ce qui était impensable.
- Non, je le suis pas, ajouta-t-elle.
Je la dévisageai, abasourdi. Son expression me révéla combien elle disait vrai. Des larmes coulaient sur ses joues.
- Quoi ?
Je me dégageai violemment de son étreinte.
- Mais vous êtes complètement folle ! Je viens certainement de vous contaminer !
- Au risque de vous choquer davantage, c'est ce que je voulais.
- Je ne vous crois pas. Si vous n'étiez pas malade, vous ne seriez pas ici. Vous seriez en train de fuir, de vous cacher. Ils contrôlent tout le monde en plus. Ils auraient vu que vous n'étiez pas atteinte. Ils sont bien équipés, croyez-moi. J'ai eu tout le loisir de m'en rendre compte.
- Pourquoi chercheraient-ils à contrôler quelqu'un qui prétendrait être malade ? C'est précisément le genre de personnes qu'ils recherchent. Que l'on puisse mentir à ce sujet est au-dessus de leur raisonnement. Et du vôtre aussi, apparemment.
Je n'appréciai pas son ton. Elle semblait me rabaisser au même rang que les miliciens. Je trouvai ça très maladroit de sa part. Insultant.
- Pourquoi feriez-vous une chose pareille ? C'est stupide !
Elle reprit sa place initiale comme si elle voulait s'isoler. Cela ne fut pas pour me déplaire.
- Si je vous disais que vous veniez de me rendre un très grand service.
Je n'avais pas envie de chercher à savoir où elle voulait en venir. La patience comme l'espoir m'avait quelque peu abandonné.
- Je n'ai rien fait du tout. Vous ne savez pas ce qui vous attend. Vous êtes bien avancée d'avoir fait ça. Vraiment stupide, grommelai-je.
Il y eut un silence et je crus que la conversation s'arrêterait là. Je lui désignai le matelas pour lui indiquer qu'elle pouvait s'allonger. J'espérais surtout que l'odeur d'urine lui fasse regretter sa décision. Et c'est alors qu'elle me dit :
- Quelqu'un à qui vous teniez ?
Je plissai les yeux. Elle avait ramassé les morceaux de la photo de ma femme et s'était amusé à la recomposer. Je grimaçai.
- Moi aussi j'aimais quelqu'un, reprit-elle. Un peu trop. Même après qu'il m'ait trompé, je l'aimais toujours. Encore plus je crois. Ca fait des mois qu'on a rompu et impossible de m'en remettre. Je restais prisonnière de mes plus beaux souvenirs avec lui. Comme si une partie de moi ne voulait pas accepter ce qu'il m'avait fait. Ou plutôt comme si j'avais décidé de souffrir seulement à cause du meilleur de ce que j'avais perdu. J'imagine que la plupart des amours nourrissent une forme d'aveuglement. Ce ne serait pas de l'amour, sinon.
Cette situation m'exaspérait. Qu'elle fasse de moi son confident après avoir fait de moi son bourreau était intolérable.
- Pourquoi vous me dites tout ça ?
- Vous ne comprenez donc pas ? Quand j'ai appris l'existence de ce virus, j'ai vu enfin le bout du tunnel. Cela a été une vraie révélation. Enfin le moyen de ne plus souffrir, de ne plus penser à lui. Aller de l'avant. Repartir de zéro. C'était tellement inespéré.
Je l'entendis sangloter.
Sale petite égoïste, pensai-je. Elle s'était servie de moi, de tout le monde, en fait, pour parvenir à ses fins. Insensible au sort des autres, des vrais malades comme moi, elle n'avait pensé qu'à elle. Je fermai les poings et lui jetai un regard noir :
- Sale...
On tira le rideau et la lumière s'engouffra dans la pièce, nous éblouissant. Le garde m'observa comme à l'accoutumée. Je levai aussitôt le majeur de ma main droite à son intention. Ce n'était pas le moment de m'énerver. Il resta devant la vitre sans réagir. Puis, lentement, avec des gestes étudiés, il retira son casque. Mon cœur fit un bond lorsque je reconnus le visage du docteur Mc Cabb. Son expression était imperméable. Il m'étudiait. Je serrai les dents de rage et me jetai contre la vitre que je martelai.
- Salaud ! Enfoiré ! Pourquoi vous avez fait ça ? Pourquoi ?
Un soldat l'appela. Il se retourna et après avoir remis son casque, il s'éloigna de la vitre.
Je restai, là, espérant qu'il revienne pour lui exprimer encore ma rancœur. Mais il ne revint pas. Le rideau fut tiré et le plancher s'escamota pour nous offrir un dîner frugal.
Je vis le nez de Clara se trémousser.
- Qu'est-ce que c'est ? Du poulet ?
Je commençai à manger.
- Vous n'avez qu'à venir voir.
Elle s'approcha. Quelque chose dans sa façon de bouger m'intriguait. Une sorte d'hésitation, d'approximation. Comme si elle était handicapée.
- Je peux savoir pourquoi vous vous êtes énervé comme ça?
Je continuai à mastiquer ma viande. Je n'avais aucune envie de partager quoi que ce soit de personnel avec elle.
- Mon psy m'a envoyé ici.
Je ne me rendis compte qu'après coup que je lui avais répondu.
Je la vis sourire en piochant une cuisse de poulet. Elle semblait regarder le mur derrière moi, à l'endroit où mes spaghettis avaient laissé une trace sanglante.
- Vous devriez en changer.
Je ne m'attendais tellement pas à cette déclaration que je faillis m'étouffer. Puis la fatigue et la tension accumulée eurent raison de moi et je partis dans un éclat de rire qui mit une éternité à s'éteindre. Elle m'accompagna dans cet accès d'hilarité et nous eûmes tout le mal du monde à nous calmer. Nous nous tenions les côtes tandis que nos yeux pleuraient sans discontinuer.
J'avoue que cela me fit un bien fou. Je me rendis soudainement compte que j'avais été odieux avec elle et que malgré cela, elle ne semblait pas m'en vouloir. Peut-être que son comportement envers moi était encore intéressé. Peut-être qu'elle avait encore besoin de moi.
Ma méfiance venait de regagner ses pénates.
Après avoir éructé le plus discrètement, j'allai m'allonger sur le matelas dont j'avais appris à apprivoiser l'odeur. Je regardai le mur contre lequel j'étais couché pour ne pas la regarder, elle.
- On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Alors quand on perd la vue, vous croyez qu'on gagne sept ans de malheur ?
Je me retournai et la dévisageai pour comprendre pourquoi elle venait de dire une chose pareille. Elle fixait un point au-dessus de moi. Un emplacement où il n'y avait absolument rien. Et c'est là que je compris. Je l'avais traitée d'égoïste et pourtant, si moi-même je ne l'avais pas été autant, j'aurai remarqué qu'elle était aveugle.
Je m'assis sur le lit.
- Je suis désolé. Je n'avais pas...
Elle émit un petit rire qui eut le don de me détendre.
- Quand je parlais d'amour et d'aveuglement, ce n'était pas seulement une image, je crois.
Je me levai et me tins près d'elle. Ses yeux ne mentaient pas. Elle était effectivement aveugle. Et d'une certaine manière, je l'avais été aussi.
- Venez vous allonger. Le matelas ne sent pas très bon, mais il est plutôt confortable. Je dormirai dans un coin. Ce sera ma punition.
Elle sourit. Son sourire était désarmant. J'avais l'impression de la voir pour la première fois.
- C'est moi qui fais une bêtise et c'est vous qui êtes puni ?
- J'imagine que j'aurais fait la même chose si j'avais été dans votre situation. Vous n'avez rien fait de mal. Vous avez simplement fait un choix.
- Merci, murmura-t-elle.
Elle se dirigea vers le matelas. Instinctivement je voulus l'accompagner. Mais c'était idiot. Elle se débrouillait très bien sans aide. Elle s'assit.
- C'est vrai qu'il sent mauvais.
Je m'installais dans une encoignure de la pièce, la plus proche du matelas.
Elle tourna la tête vers moi.
- Vous pensez que ça prend combien de temps ?
- Quoi donc ?
- La transmission du virus.
- Je ne sais pas. Quelques heures. Peut-être moins. Vous vous en apercevrez quand vous ne penserez plus à lui. Ou plutôt quand vous penserez à lui sans en souffrir.
- J'ai hâte, dit-elle.
Je me sentis tout à coup apaisé et réconforté de savoir que grâce à moi elle allait pouvoir être plus heureuse.
- De toutes façons, il n'y a aucune raison pour que cela ne marche pas.
Mais une fois encore, je me trompai.
 
9
 
 Nous dormîmes ainsi. Elle sur le matelas et moi dans un coin.
Je dormis très mal. Je pensai à notre conversation, à notre parcours de vie respectif. Le fait que nous nous soyons retrouvés ensemble dans ce baraquement avait peut-être un sens. En tout cas, je ne pouvais me défaire de cette idée.  Parce que je demeurai éveillé la plus grande partie de la nuit, j'eus tout le loisir de l'entendre sangloter. Manifestement le virus n'avait pas encore agi sur elle.
Au matin, nous partageâmes un unique gobelet de café tiède. On avait l'impression d'être des prisonniers de guerre, attendant notre condamnation. Mais de savoir que je l'attendais avec Clara me réchauffait un peu le cœur.
- C'est étrange, dit-elle. J'ai la sensation que je suis immunisée. Le virus aurait déjà dû faire effet sur moi, vous ne croyez pas ?
Je ne voulais pas lui faire perdre espoir. Et je voulais moi-même y croire encore.
- Ca dépend sûrement de la personne, de son organisme. Des tonnes de paramètres doivent rentrer en jeu. Ca ne veut rien dire.
Je lui pris la main sans y réfléchir. Peut-être parce que je savais qu'elle ne pouvait pas me voir.
- Courage, Clara. Le plus dur est fait. Tu m'as supporté.
A nouveau ce sourire éclatant. J'aurais voulu qu'il dure des heures.
Sa phrase de la veille me revint en mémoire :
« On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Alors quand on perd la vue, vous croyez qu'on gagne sept ans de malheur ? »
Et c'est alors que j'eus la révélation.  Je plongeai mes yeux dans ceux de Clara. La solution était là. L'explication tant recherchée. Le virus ne se transmettait pas par le contact physique, ni par l'air. Il voyageait par les yeux, par le regard. Et c'est pour ça que Clara n'était pas infectée. Elle avait raison. Elle était immunisée. Son handicap l'avait protégée de la maladie. J'étais tellement convaincu de mon raisonnement que j'en aurais mis ma main au feu.
Ma main resserra davantage la sienne.
- Tu ne peux pas attraper cette maladie.
Son visage se crispa et je le regrettai.
- Pourquoi ?
- C'est ta phrase qui m'a tout fait comprendre. Les yeux sont le miroir de l'âme et ils réfléchissent la maladie. Tu es aveugle, tu ne crains donc rien.
Pour n'importe qui, cela aurait été la plus merveilleuse des nouvelles. Pour Clara, c'était comme si je lui annonçais la fin du monde.
Elle se mit à pleurer.
- Il n'y a pas une minute, tu disais tout le contraire. A quoi tu joues avec moi ?
Elle se raidit et me repoussa avant de se blottir dans un coin.
- Je veux sortir d'ici. Puisque je ne peux pas être malade, je n'ai aucune raison de rester ici, avec toi !
Je soupirai.
- Nous allons pouvoir sortir tous les deux.
Elle arrêta de pleurer. Ma déclaration avait fait son effet.
- Quoi ? Mais tu ne peux pas sortir. Ils ne laissent sortir aucun malade.
Je m'assis à côté d'elle.
- C'est vrai.
Quand je lui caressai les cheveux, elle comprit.
Mon cœur cognait à nouveau dans ma poitrine, libéré de l'entrave de la maladie. Il s'exprimait comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Ou plutôt comme il ne l'avait jamais fait.
Je tremblai. Une bouffée de son parfum me transporta sur une autre planète. Une mèche dans son cou me fit connaître la plus douce des ivresses.
- Tu ne peux pas être malade, Clara. Tu ne le pourras jamais.
Le rideau fut tiré. Mc Cabb se tenait derrière la vitre. Il avait son masque, mais je savais que c'était lui. Je pensai à ses filles, je pensai à ma femme, à ma voisine au-dessus de ses poubelles. Cet amour que je ressentais était différent de tous ceux que j'avais pu connaître. Il les dépassait. Et je savais qu'il n'en était qu'à ses balbutiements.
Mc Cabb tenait ses appareils d'analyse à la main, prêt à scanner notre sang pour voir l'évolution de notre état. Il n'allait pas être déçu.
Je serrai Clara contre moi.
- Tu es le remède.
En même temps que je lui disais ces mots je remarquai pour la première fois une inscription gravée sur le mur, laissée par le détenu qui nous avait précédé dans cette geôle :


Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents, les vagues, les marées et la pesanteur, nous exploiterons l'énergie de l'amour. Alors pour la seconde fois dans l'histoire du monde, l'homme aura découvert le feu.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) - Paléontologiste et philosophe français

 

dimanche, 10 janvier 2016

Gothika [Cinéma/Critiques]

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Après le succès de l'adaptation des Rivières Pourpres de Jean-Christophe Grangé, Mattieu Kassovitz, en véritable touche à tout, s'offrait un blockbuster hollywoodien avec quelques stars au casting et une histoire pour le moins surprenante.

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Dans Gothika, Penelope Cruz (Vanilla Sky) se dévoile sans fard, et ce, dans tous les sens du terme. Grâce à son interprétation et son face à face intense avec Halle Berry, les premières minutes du film nous captivent et nous immergent efficacement dans l'univers psychiatrique qui sert de cadre principal au film.

Le scénario de Gothika commence très simplement. On entre dans le quotidien du Dr Miranda Grey campée avec beaucoup de conviction par une Halle Berry (Cloud Atlas) alors au faite de sa renommée. On visite du même coup l'institut psychiatrique dans lequel elle travaille consciencieusement et on fait connaissance avec le personnel et ses collègues, plus ou moins intimes.

Et puis un évènement singulier va venir bouleverser cette mécanique bien huilée et nous faire voir tous ces repères assez anodins sous un nouvel éclairage.

On s'arrêtera là pour le résumé car question rebondissements, il y a ce qu'il faut et c'est l'une des nombreuses qualités de ce film pour le moins captivant. Pas trop de gros effets, une ambiance qui progressivement et subtilement va s'épaissir tout comme l'intrigue et les personnages. Un premier gros retournement de situation va d'un seul coup nous happer et la suite ne nous fera jamais lâcher prise grâce conjointement à une mise en scène, une interprétation et une écriture très inspirées.

Le mélange des genres est également très bien équilibré ce qui laisse planer longuement le mystère sur la réelle nature des évènements et de la personnalité de l'héroïne et faisant de Gothika un film pouvant être apprécié d'un large public (à condition d'avoir l'âge requis).

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Le Dr Miranda Grey pourra compter sur le soutien de son collègue, le Dr Pete Graham. Cinq ans avant le premier  Iron Man, Robert Downey Jr (Iron Man 2, Avengers, L'Ere d'Ultron) nous faisait apprécier son jeu unique tout en décontraction, mais pas dénué d'intensité. Le comédien est connu pour improviser et le stéthoscope par exemple c'est son idée.

Pour sa première réalisation outre-atlantique, on peut dire que Kassovitz a fait très fort. Le réalisateur a su pleinement exploiter toutes les ressources mises à sa disposition pour créer un thriller angoissant à l'ambiance surnaturelle particulièrement efficace, original et donc mémorable.

Ce n'était pourtant qu'un film de commande qu'il a accepté en partie pour financer un futur projet plus personnel. Cela a donné lieu à Babylon AD, autre adaptation littéraire, cette fois avec Vin Diesel, Mélanie Thierry et Michelle Yeoh. Hélas de gros problèmes sur le tournage (bras de fer avec la production) ainsi que de mauvais choix de Kassovitz lui-même (la voix française de Vin Diesel) ont fait échoué sa seconde tentative de s'imposer à Hollywood. Quant à Halle Berry elle se fourvoyait juste après dans le Catwoman de Pitof notoirement célèbre.  On appréciera donc encore bien plus leur collaboration sur Gothika. 

 

 

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mardi, 22 décembre 2015

Sicario [Cinéma/Critiques]

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Un thriller pertinent, percutant et intense dans la lignée de Le Royaume et Green Zone.

Au cours d'une opération en apparence banale, une escouade du SWAT fait une découverte sordide.

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Kate Macer va mettre un certain temps avant de comprendre clairement son rôle exact dans une opération de grande envergure menée par deux hommes pétris de secrets.

La première et pas la moindre excellente idée du film est que l'intrigue naît à l'occasion d'un fait complètement aléatoire et anecdotique. Sicario démarre donc très fort et nous cloue d'emblée sur notre siège. Si la tension redescendra par la suite, l'intérêt, lui, ne faiblira jamais grâce à trois comédiens parfaitement calibrés pour leur rôle qui donnent toute la mesure de leur talent.

Emily Blunt (L'Agence), qui avait déjà joué un personnage rompu aux situations musclées dans Edge of Tomorrow aux côtés de Tom Cruise, démontre une nouvelle fois son aptitude à incarner des femmes crédibles, complexes, à la fois fortes et fragiles. Sicario lui permet de retrouver Benicio Del Toro avec lequel elle partageait l'affiche de Wolfman. Del Toro (Les Gardiens de la Galaxie), acteur caméléon s'il en est, déborde de charisme dans la peau d'un mystérieux agent recruté par Josh  Brolin (Gangster Squad), lui-même particulièrement mémorable en homme de terrain.

Ajoutons à cela une intrigue prenante, pleine de mystères et de rebondissements. La séquence de l'embouteillage tout comme le final attestent d'une vraie qualité de cinéma. Il faut dire que le réalisateur n'est autre que Denis Villeneuve, qui avait déjà frappé très fort sur le plan émotionnel avec Prisoners. Certains personnages prennent une importance inattendue qui permet au scénario de surprendre le spectateur et de sublimer l'oeuvre dans son ensemble. Un film à découvrir d'urgence pour ceux qui recherchent l'originalité et les révélations sur la manière dont peut fonctionner la sécurité dans notre société.

 

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mardi, 27 octobre 2015

Poker Night [Cinéma/Critiques]

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Un jeune flic tout juste promu participe à une partie de poker très spéciale en compagnie de vétérans. En effet, ces derniers profitent de l'occasion pour raconter leurs meilleurs exploits et transmettre ainsi des enseignements pour le moins vitaux.

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Après le strip-poker, le speak-poker, où l'art de mêler intimement l'amour du jeu et celui de la discussion.

Une fois n'est pas coutume, un film complètement inconnu en France qui n'a pas eu l'honneur des salles et qui est pourtant une véritable perle.

Avec plusieurs lignes temporelles intelligemment entremêlées, le réalisateur Greg Francis (dont c'est le premier film) parvient à passionner le spectateur du début à la fin et à l'impliquer totalement dans une intrigue qui ne cesse de s'enrichir et de surprendre.

Ceux qui aiment les films avec une identité forte seront aux anges avec Poker Night qui bénéficie d'un soin exemplaire quant à l'écriture, à la mise en scène et au montage.

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Profite, profite, car après tu rigoleras moins...

Les acteurs se donnent à fond avec une mention spéciale à Beau Mirchoff, le héros, totalement investi et dont on suit les mésaventures avec une grande émotion.

Dommage cependant que l'épilogue soit si précipité, dénotant quelque peu avec la maîtrise de l'ensemble et conduisant à une conclusion qui fait son effet, mais qui en décevra peut-être certains par son partis pris.

Thriller malin, captivant et effrayant, mâtiné d'un savoureux humour noir, Poker Night est à ranger à côté de références comme Mi$e à Prix.

Avec Ron Perlman (Hellboy) et Ron Eldard (Super 8),...

 

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samedi, 22 août 2015

Mission Impossible III [Cinéma/Critiques]

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Après un Mission Impossible II pour le moins fou fou, qui en dépit de bonnes idées (Ah, l'utilisation des masques !!!) avait troqué l'identité forte de la série contre l'esthétisme de son réalisateur John Woo (pigeons + ralentis + fusillades + ralentis + triangle amoureux + ralentis), ce troisième opus avait pour mission de resserrer sérieusement les boulons (dixit Brassel).

Afin de ne pas réitérer l'erreur, il fallait donc retrouver un metteur en scène inventif, mais dont l'approche s'inscrirait parfaitement dans le ton de la série, la renouvelant sans la trahir.

J.J. Abrams (Super 8) semblait tout désigné. Connu et reconnu grâce à la série Alias (Tarantino lui-même y a tenu un rôle pour affirmer son statut de fan) le cinéaste et son travail ont vite séduit Tom Cruise et on comprend pourquoi d'autant que JJ ne va pas démentir sa réputation par la suite, bien au contraire, poursuivant une carrière très prolifique (qui a dit Starwars 7 ?)

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Impossible de parler de MI3 sans parler du début. Ca parait banal de dire ça, mais l'intro est un tel climax à elle seule qu'il n'y a que quand on l'a vu qu'on peut comprendre son statut de scène culte qui envoie dès les premières minutes du gros pâté question tension et interprétation comme on en a rarement vu dans un film de cet acabit. Tom Cruise (Oblivion, Jack Reacher, Edge of Tomorrow, MI Rogue Nation) est au sommet de son jeu dramatique avec une palette de nuances qui rappelle, au-delà de sa fidélité aux gros films de genre, qu'il peut vraiment tout jouer. Philip Seymour Offman, face à lui, (hélas décédé) est terrifiant en tortionnaire impassible, alors qu'on ne sait encore rien de lui. De ce fait, il n'a rien à envier à un méchant de James Bond. La qualité de cet épisode lui doit beaucoup et cette confrontation pose des bases d'ores-et-déjà très solides pour la suite. On se dit alors en frissonnant que JJ a tout compris et que ça promet. Au-delà de nos espérances.

Et le reste ne fera que nous conforter dans cette idée. De la mission de sauvetage musclée à Berlin à la conclusion effrénée à Shangaï en passant par le kidnapping rusé à Rome, l'interrogatoire dans l'avion, la fusillade anthologique sur le pont ou encore une séquence surprenante dans les locaux de la FMI, c'est une véritable montagne russe de sensations, d'adrénaline que nous délivre le réalisateur. On est littéralement scotché aux basques de Ethan Hunt qui court autant pour sauver sa peau que celle des autres, tout en traquant un homme et un objet aussi mystérieux que menaçant.

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Mais Ethan n'est plus seul cette fois. Là où le second opus avait clairement fait l'impasse sur le travail d'équipe et fait de Hunt une tête brûlée solitaire, dans MI3, les partenaires et leurs spécialités sont de nouveau à l'ordre du jour. De nouveaux visages et caractères auxquels on s'attache facilement avec le retour de Luther (Ving Rhames est le seul acteur avec Cruise qui figure dans tous les opus) et sa plaisante bonhommie. Ses échanges avec Hunt font d'ailleurs mouche et apportent un humour rafraichissant tout comme la présence de Simon Pegg qui prendra lui aussi racine dans la saga à partir de là.

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JJ aime ses acteurs et ceux qui connaissent bien sa filmo remarqueront des têtes connues. Keri Russell (La Planète des Singes : L'Affrontement) devient l'agent Lindsey Ferris, entraînée par Hunt lui-même et Greg Grundberg (Alias, Hollow Man) fait une apparition amusante lors de la fête.

Michelle Monaghan (Source Code, True Detective), alias Mme Hunt, est parfaite dans le rôle de l'épouse modèle qui va apprendre, malgré elle la véritable carrière de l'homme de sa vie et Laurence Fishburne (Predators, Man Of Steel) à nouveau très charismatique dans la peau cette fois du patron taciturne de la FMI. On apprécie également la prestation de Billy Crudup (Watchmen) dans le rôle de l'arrondisseur d'angles.

Sans oublier le travail du compositeur attitré de JJ, Michael Giacchino (Les Indestructibles, Super 8, A La Poursuite de Demain), qui avec son savant mélange de cordes et de cuivres tisse une ambiance tour à tour tendue et dynamique à souhait.

En jonglant très habilement avec les fondamentaux de la série, des nouveautés indispensables et son propre référentiel, en mariant intimement spectaculaire et émotion, en conjuguant légèreté et tension viscérale, JJ Abrams fait plus que réhabiliter la série, il sublime le blockbuster, lui redonne ses lettres de noblesse, mettant la barre tellement haut que Protocole Fantôme échouera quelques années après en tentant de se mettre à niveau. 

A noter que Keri Russell et Jonathan Rhys-Meyers partageaient l'affiche deux ans plus tard dans August Rush (2008).

 

Pour découvrir Philip Seymour Hoffman et Tom Cruise dans des rôles inédits :

Le Meilleur de Tous.jpg

 

 

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mardi, 18 août 2015

Mission Impossible : Rogue Nation [Cinéma/Critiques]

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Anciens et nouveaux partenaires : à situation extrême, mesures extrêmes.

Après un Protocole Fantôme un peu bancal, on espérait que la saga Mission Impossible retrouverait un équilibre digne du troisième opus. Alors Mission Accomplie ?

Après avoir fait l'erreur de ne pas confier le scénario à Brad Bird sur l'épisode précédent, les producteurs (dont fait partie Tom Cruise) semblent avoir retenu la leçon puisque cette fois le réalisateur est également auteur du script. Déjà un excellent point de départ. Surtout quand on détaille la filmo du bonhomme.

Christopher McQuarrie n'est pas un inconnu. Au départ scénariste, on lui doit rien moins que Usual Suspects, Valkyrie, Jack Reacher et Edge of Tomorrow.  Il se trouve que ce sont tous d'excellents films et que les trois derniers ont pour acteur principal Tom Cruise (Oblivion). Les deux hommes se connaissent donc bien et au fil des ans Christopher s'est rôdé parfaitement derrière la caméra. Il était donc inévitable et même souhaitable que de leur fructueuse association naisse un projet de l'ampleur de ce Rogue Nation.

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S'il y a une poursuite à motos, on est loin des cascades WTF de Mission Impossible 2. On apprécie ! S'il y a toujours quelques gadgets dernier cri le ton est redevenu plus réaliste. D'autant plus réaliste que Tom Cruise, tel notre bébel national, continue de réaliser les cascades les plus folles.

Une deuxième priorité était de retrouver un équilibre des ingrédients ainsi qu'une tension quasi-permanente ponctuée de morceaux de bravoure en proportion raisonnable. Et bien bonne nouvelle, c'est le cas. L'action est hautement immersive grâce à une mise en scène soignée (McQuarrie rappelle qu'un silence bien placé dans un film d'action peut avoir un effet plus monstrueux qu'une série d'explosions) et le scénario nous passionne grâce un doute permanent qui plane sur les intentions et destinées des protagonistes. Un peu comme si les qualités de tous les épisodes précédents avaient été réunies dans un seul film.

Sans avoir l'importance qu'elle a dans un James Bond, la présence du méchant dans un MI n'est tout de même pas à négliger. Dans Protocole Fantôme, il était pourtant aussi transparent qu'un spectre. Sans égaler le personnage de Seymour Hoffman dans MI3, le bad guy de Rogue nation est bien plus charismatique et valorisé que dans le précédent opus.

Dernière erreur à corriger : une tueuse pas très convaincante (Léa Seydoux dans Protocole Fantôme). Ici, Rebecca Ferguson (Hercule) joue sur les deux tableaux, jouant du même coup au chat et à la souris avec Ethan Hunt. L'actrice, inconnue jusqu'alors ou presque, va sans doute grâce à ce rôle, s'attirer les bonnes grâce d'Hollywood car elle crève l'écran comme Paula Patton avant elle. Rivale et équivalente de Tom Cruise, elle est très présente dans le film, brouillant les pistes, se battant comme une tigresse, aux poings, à l'arme à feu ou à l'arme blanche et se permettant même le luxe de sauver le sauveur, donnant un aspect résolument féministe à la série. Mais cela ne l'empêche pas de sortir de la piscine, de tomber le haut et de montrer ses jambes comme la première des pin-ups.

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Tom Cruise finira bien par laisser la place un jour. James Bond est devenu blond aux yeux bleus. Et si Ethan Hunt devenait une femme ? Grâce à Rebecca Fergusson, on a un aperçu de ce que pourrait donner un film d'espionnage de cette trempe au féminin, chose encore trop rare au cinéma en dépit de réussites comme Au Revoir à Jamais et Piégée.

Mission donc Accomplie pour Rogue Nation, qui marche clairement sur les plate-bandes du Skyfall de James Bond, lequel avec Spectre, va sans doute se faire un devoir de nous rappeler (ou pas !) qui est le patron en matière d'espionnage. Personnellement j'adore les deux sagas et je me félicite de les voir exister toutes les deux. En tous cas l'occasion pour Léa Seydoux, qui joue cette fois une James Bond Girl, de nous faire oublier sa décevante prestation dans MI4.

 

 

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dimanche, 02 août 2015

Spring, Automata, Faults [Cinéma/Critiques]

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Un jeune californien perd en peu de temps tout ce qui pouvait le raccrocher à son existence. Sur les conseils de ses proches il décide de refaire sa vie en Italie. Là-bas, il va faire la connaissance d'une mystérieuse et troublante autochtone qui va lui faire oublier définitivement son infortune.

Dès la première scène (et quelle scène !) le film nous prend aux tripes. Le destin du héros nous bouleverse instantanément et l'on s'attache à lui, espérant qu'il trouvera le bonheur qu'il est en droit de mériter malgré un penchant pour l'alcool et les mauvaises fréquentations.

Ce petit caïd des banlieues va progressivement se métamorphoser sous nos yeux au contact des beautés de l'Italie et en particulier d'une. On assiste alors à la naissance d'une belle love-story qu'on suit avec intérêt grâce au charme de ce couple inattendu.

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Très crédible grâce à une narration fluide et une interprétation très naturelle, Spring est le type de film dont il est difficile de cerner les intentions si on ne sait rien à son sujet sans pour autant nous lasser ou nous ennuyer et c'est là l'une de ses grandes qualités.

Aussi lorsque l'ambiance s'altère quelque peu, l'aspect intimiste a tellement bien été retranscrit qu'on accepte d'emblée l'intrusion du surnaturel. On accepte d'autant mieux le fantastique lorsque le cadre dans lequel il apparait est hyper-réaliste. C'est vraiment le cas ici. Mais malheureusement un malaise survient lorsque c'est le surnaturel qui prend clairement le dessus, revoyant les ambitions des réalisateurs brutalement à la hausse, mais plombant le crédit de l'histoire et des personnages.

Ce n'est pas visuellement que cela pose problème puisque les effets spéciaux sont bien dosés et de qualité, mais c'est bien à cause de la révélation et du devenir du couple que naît une incrédulité croissante. Le concept est fort attrayant, mais on passe du coq à l'âne et au même titre que les personnages on nous demande d'y croire dur comme fer en quelques instants. Un peu trop grosses à avaler ces couleuvres d'autant que la fin se termine en queue de poisson (oui il est question d'animalité, mais je ne vous en dirai pas plus).

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Les premières minutes plantent immédiatement le décor : une mégalopole pluvieuse, des hologrammes géants, un homme armé vêtu d'un imperméable transparent brandit son arme vers un androïde... Les amateurs de SF sont en terrain connu, l'ombre de Blade Runner plane sur ce film. Hommage appuyé ? Certainement. Ambition de faire aussi bien ? Mieux ? On attend de voir, car le sujet a déjà été maintes fois abordé et même très récemment (Ex-Machina) et cela a donné lieu à quelques chefs d'oeuvre et de bonnes exploitations.

Qui dit robot, dit Asimov ? Pas forcément, pourtant l'auteur culte se voit régulièrement associé au septième art directement ou non. Les fameuses lois de la robotique, c'est lui et c'est un peu devenu la bible en matière d'interaction homme/humanoïde en témoignent les adaptations de I, Robot et de L'Homme Bicentenaire.

 

Dans Automata, elles sont citées d'une certaine façon et constituent le point de départ de l'intrigue. Un robot commet un acte qui remet en question les directives auxquelles il est censé être soumis. A partir de là, un simple agent d'assurance va se transformer en détective privé afin d'éclaircir ce mystère qui, bien entendu, va prendre des proportions croissantes au fur et à mesure de son enquête avec son lot de menaces et de révélations.

Oui ça rappelle énormément le pitch de I, Robot. Mais pas que. Le film renvoie également à Intelligence Artificielle. Ca aurait pu n'être qu'anecdotique, sauf que Automata, après nous avoir bien émoustillé, finit par nous mettre le doute sur sa capacité à s'inscrire dignement parmi toutes les références précitées. Et puis après c'est carrément l'autoroute pour l'ennui.

En fait la traversée du désert que subit littéralement Antonio Banderas pendant un très long moment, le spectateur la vit aussi d'un point de vue émotionnel. Car rien ne se passe. Exceptés une phrase ou deux et des envolées poétiques rapidement avortées, le film passe à côté de son potentiel, tourne en rond, pour nous offrir un final abracadabrant qui finit de nous convaincre que tout a été dit avant et beaucoup mieux. Banderas s'implique totalement (mais en vain) et c'est ce qu'on retiendra le plus. (ah et il partage quelques scènes avec sa femme Melanie Griffith).

Et les robots dans tout ça ? Un design intéressant car atypique, mais pourquoi les avoir rendus aussi impotents physiquement alors qu'ils sont censés pouvoir défendre un humain lors d'un affrontement ? D'ailleurs ils n'y parviennent pas. La script devait être en congé maladie, de même que les techniciens...

En même temps quand je vois à quel point j'ai changé d'avis sur Looper, je préfère annoncer que cette critique n'est peut-être pas définitive. C'est ça qui est bien avec le cinéma.

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Leland Orser fait partie depuis des années des éternels seconds rôles que chérit Hollywood. Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous l'avez certainement déjà vu, pas longtemps, mais à chaque fois dans des prestations mémorables : l'infortuné porteur du godemichet de Se7en ? C'était lui.  La bombe à retardement de Alien Resurrection ? Lui à nouveau. Le pote de Liam Neeson dans la trilogie Taken ? Encore lui !

Le genre d'acteur qui aligne les bons points, mais qui squatte pourtant désespérément le fond de la classe. Heureusement la roue tourne.

Dans Faults, il a le premier rôle et c'est pour lui l'occasion rêvée de montrer tout ce qu'il a et il ne s'en prive pas. Le film prend ainsi des allures tragi-comiques malgré son sujet ô combien délicat. Le sujet du film ? La mission de Leland : déconditionner une jeune femme suite à son séjour dans une secte, à la demande de ses parents. Et résoudre en parallèle un problème financier avec son agent littéraire.

La performance de l'acteur suffirait à rendre Faults indispensable, mais il y a encore deux arguments de poids pour vous convaincre de vous jeter sur cette pépite majoritairement en huit-clos (à vos risques et périls, on en sort pas indemne).

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Mary Elizabeth Winstead est bien connue elle aussi (Die Hard 4, Boulevard de la Mort, Scott Pilgrim) comme l'éternelle fiancée idéale dira-t-on. Adorable, mais d'un tempérament de feu. Dans Faults (dont elle est également productrice, oui elle est intelligente en plus !) elle incarne Claire, victime donc d'une secte qui lui a implanté un paquet d'idée bien débiles. La manière dont elle y croit fait froid dans le dos et l'actrice de nous bluffer elle aussi par un contre-emploi qu'on ne pouvait que lui souhaiter.

Troisième argument : le rebondissement et le message du film qui du coup peut difficilement être plus percutant. Là je me tais, car ça se mérite pas autrement qu'en les découvrant soi-même. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Moi j'en ai encore la nausée.

A noter la présence de Beth Grant dans le rôle de la mère de Claire connue des cinéphiles pour avoir incarné la directrice d'école de Donnie Darko ainsi que Lance Reddick connu des amateurs de séries grâce à son rôle de Broyles (le patron d'Olivia) dans Fringe, ici dans la peau d'un homme de main dissuasif.

 

 

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vendredi, 24 juillet 2015

The Purge 2 : Anarchy [Cinéma/Critiques]

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Une fois par an, le gouvernement américain autorise les citoyens à commettre les crimes de leur choix durant une nuit. Chacun est libre de participer ou non à la purge, mais tout le monde est potentiellement une cible.

Bien que le concept m'attirait, je n'ai pas vu le premier film en apprenant que l'action se déroulait en huit-clos. Je trouvais cela trop limité, étouffant pour un tel propos.

Le deuxième m'a séduit pour deux raisons : le fait qu'il se déroulait en grande partie en extérieur avec des personnages très différents et l'affiche promotionnelle (ci-dessus) avec ce clown lugubre, sorte de The Crow passé du côté obscur. Il se dégage une atmosphère particulière de cette image qui semblait donner une identité forte au film.

Avec un tel sujet, on peut se dire d'emblée que tout est permis aussi question narration et mise en scène. On peut d'ailleurs craindre à juste titre beaucoup de violence gratuite, de surenchère. Curiosité malsaine ? Oui sans doute, surtout si on est un spectateur sensible à la base. Mais au-delà de cet aspect, on peut aussi espérer un fond pertinent, qui pointerait du doigt pas mal de dérives dans le pays de l'Oncle Sam comme son incapacité à renoncer aux armes à feu et son pseudo-puritanisme même si cela a déjà été fait et bien fait. Mais surtout on pense aux pulsions de l'être humain qui dans un tel contexte seraient pour le moins tentées de se libérer pleinement. Parce que forcément, selon ce qu'on a vécu, on peut se dire : et moi, est-ce que je n'en profiterais pas un peu de cette impunité ? Mais la liberté de faire du mal, même sous l'impulsion de la justice, est-elle vraiment une liberté ?

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Entre Mad Max et The Punisher, le personnage du justicier solitaire est au coeur de l'histoire et c'est tant mieux. Très présent, charismatique, mystérieux, on s'attache très vite à lui. Mais le fait d'aller contre l'esprit de la Purge ne lui attirera peut-être pas que les bonnes grâces. A noter que son interprète, Frank Grillo, s'était fait remarqué quelques mois plus tôt dans Captain America : The Winter Soldier.

La première partie nous présente les personnages quelques heures avant le début de la purge. Des gens ordinaires, proches de nous, dont on ne sait à quelle sauce ils vont être mangés. Leur vulnérabilité est évidente et elle ne fera que croître face aux menaces qui vont les cerner de toutes parts sous les formes les plus diverses : bandes organisées, snipers solitaires, gangs, escouades militaires.

On suit avec beaucoup d'intérêt le périple des héros, le réalisateur trouvant un bon équilibre entre la psychologie, la tension et l'action. Dommage qu'il tombe dans certaines facilités pour tenter de nous surprendre car certains rebondissements sont en comparaison très réussis.

Le film prend une tournure assez inattendue dans sa dernière partie :  de survival il se transforme alors en une sorte de lutte des classes. Si sur le fond, c'est plutôt une bonne idée, dans la forme, hélas, le film perd son originalité et sa subtilité en se présentant comme un action movie lambda, déconstruisant un peu trop tout ce qui avait été mis en place avant.

Finalement, la violence dont on pouvait craindre la démesure est moindre, puisque plus souvent suggérée que montrée. Elle est davantage psychologique. On a le sentiment du coup d'un film sage, classique, qui colle paradoxalement au politiquement correct de la plupart des films hollywoodiens. Mais si c'était cela la véritable audace de The Purge 2 ?

Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être aussi :

Death Sentence18403154.jpgMad Max 2

 

 

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mercredi, 22 juillet 2015

Dream House [Cinéma/Critiques]

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Will Atenton quitte son emploi d'éditeur pour retrouver sa femme et ses deux filles dans une maison pittoresque au coeur d'une paisible bourgade. Mais la bourgade et en particulier la demeure cache un passé douloureux connu de tous qui va lentement resurgir jusqu'à bouleverser l'existence de la famille.

Ma critique sera volontairement concise afin de vous épargner le moindre spoil assassin. A ce titre, je vous déconseille, non je vous interdis de voir la bande-annonce qui vous révèle carrément l'une des plus grosses révélations du film (à ce niveau c'est un crime !).

Avec un cinéaste de renom comme Jim Sheridan  aux commandes (My Left Foot, Au Nom du Père, Brothers), connu pour son cinéma exigeant, dramatique, humain, Dream House promettait beaucoup évidemment. Malheureusement, comme c'est régulièrement le cas à Hollywood, le tournage n'a pas été une partie de plaisir (plutôt un bras de fer) et Jim de finir par jeter l'éponge face au refus des producteurs de lui laisser le champ libre. Au final, Dream House est-il un mauvais film comme on peut le lire un peu partout sur le net ? Et bien j'ose dire que non et j'irais même jusqu'à vous le recommander chaudement (non pas de bande-annonce !!!)

Tout d'abord parce que c'est l'occasion pour Daniel Craig (Cowboys et Envahisseurs, Casino Royale, Skyfall) de casser son image de héros indestructible, de nuancer davantage son jeu et d'incarner ainsi un personnage complexe, très complexe, l'une des forces de cette histoire qui je vous le dis tout de suite est à mille lieux de celle qu'elle paraît être de prime abord. (oui, mon résumé ressemble à des tas d'autres).

Si vous être cinéphile, il est vrai que Dream House vous fera sûrement penser à d'autres films, des classiques, mais qu'importe, l'angle de vue demeure très original et le sujet même ainsi mis en scène délivre une émotion très forte, rare, qui permet en outre de marier différents genres d'une manière inédite.

Il manque sans nul doute de la profondeur dans certains personnages, de la matière à différents endroits, de la richesse dans l'écriture et la mise en images, la preuve d'un projet qui a souffert du départ d'un réalisateur intègre et investi, mais Dream House a su malgré tout conserver une identité forte et si pour vous un bon film est avant tout une bonne histoire alors foncez, vous ne serez pas déçu ! (non toujours pas de bande-annonce, je vous ai à l'oeil !!!)

 

 

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lundi, 05 août 2013

Insaisissables [Cinéma/Critiques]

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Quatre personnages immédiatement attachants grâce à quatre acteurs totalement investis dans leur rôle, Jesse Einsenberg (The Social Network) en tête.

Il y a des films qui promettent beaucoup grâce à leur trailer et dont on espère forcément le meilleur.

Il y a des films dont on sent dès les premières minutes qu'ils ne vont pas nous décevoir et qu'ils ont tout pour nous captiver du début à la fin.

Insaisissables est de ceux-là et c'est incontestablement la grosse surprise de cette année d'autant qu'on la doit à un réalisateur de purs blockbusters, pas vraiment connu pour faire dans la subtilité, en la personne de Louis Leterrier le frenchy devenu chouchou d'Hollywood depuis son pourtant très dispensable Transporteur 2.

Le cinéaste nous avait régalé auparavant de bons divertissements (Le premier Transporteur, L'Incroyable Hulk) et avait même réussi à mélanger Drame et action débridée avec son Danny The Dog, offrant par la même occasion l'un de ses rôles les plus mémorables à Jet Li.

Son petit dernier, Le Choc des Titans, avec sa mauvaise 3D et sa surenchère digitale, avait beaucoup divisé et à raison, malgré une intrigue plutôt originale.

On espérait donc pas forcément grand-chose de son retour et certainement pas un film de ce genre. Mais de quel genre, me direz-vous ?

Et c'est bien là que réside l'intérêt de cet Insaisissables, le film lui-même étant volontairement difficile à cerner. C'est de ce fait encore mieux d'aller le voir sans rien en savoir ou presque, vous vous préserverez ainsi nombre de rebondissements qui font le sel de l'intrigue.

Le postalut de départ est simple : quatre magiciens aux talents complémentaires "Les Quatre Cavaliers" font salle comble en dérobant à distance des sommes colossales à la barbe et au nez du FBI (incarné par un brillant Mark Ruffalo, le Hulk de Avengers) et d'Interpol (représenté par la sublime Mélanie Laurent déjà inoubliable dans le Inglorious Bastards de Tarantino).

A partir de là, le scénario va se faire un malin plaisir de semer les indices et les fausses pistes à un rythme endiablé. Qui sont ces braqueurs-illusionnistes de génie ? Qui les dirige ? Dans quel but ?

Mais loin de se contenter de nous offrir une simple course-poursuite à travers les Etats-Unis, le film propose un contenu dense, un mélange de genres et une mise en scène des plus inventives propres à combler un large public et c'est d'ailleurs tout le mal qu'on lui souhaite.

L'affiche française pouvait faire craindre que l'intérêt du film ne reposait que sur son casting quatre étoiles. Il n'en est rien, cela n'empêche pas d'assister à de solides prestations de la part de chaque comédien(ne). On a ainsi droit à un face à face jubilatoire entre deux charismatiques vétérans du septième art, j'ai nommé Morgan Freeman et Michael Caine. Michael Caine (The Drak Knight Rises) qui retrouve pour l'occasion l'univers de la magie après Le magnifique, mais trop méconnu Prestige de Christopher Nolan à côté duquel Insaisissables ne démérite nullement, proposant une alternative différente dans la forme et le fond, moins dramatique, tout en délivrant autant de mystère et d'émotions. La musique de Brian Tyler (Assassin's Creed IV) n'étant pas étrangère à la qualité de l'ambiance pour le moins envoûtante.

Car derrière son apparence plutôt innocente de thriller mâtiné de fantastique il y a une sorte de beauté formelle, de poésie inhérente dans le message que nous délivre le film, l'air de rien.

Avec Insaisissables, Louis Leterrier nous bluffle complètement en semblant sortir ce film comme un lapin d'un chapeau. Tout ce qu'on espère c'est qu'il séduira le public afin que cela l'encourage à continuer dans cette voie, il serait très regrettable de s'arrêter en si bon chemin.

Je n'aurais donc qu'un conseil à vous donner : laissez-vous hypnotiser par la magie de ces Insaisissables, pour une fois vous serez très heureux de vous faire manipuler.

 

 

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vendredi, 01 mars 2013

Salt [Cinéma/Critiques]

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En dirigeant Salt, Phillip Noyce, le réalisateur de Jeux de Guerre (avec Harrison Ford), retrouvait le thriller d'espionnage avec cette fois Angelina Jolie (Wanted, Maléfique) dans le premier rôle, à savoir celui d'un agent de la CIA. Mais là s'arrête les points communs.

Avec Salt, l'aspect politique est clairement relégué au second plan. La force du film est concentrée dans les multiples rebondissements et l'action en adéquation. Malgré quelques facilités, le scénario de Kurt Wimmer (réalisateur du mémorable Equilibrium) nous tient en haleine du début à la fin, avec une Angelina Jolie très investie, parfaitement calibrée pour ce personnage dont on ne dira rien pour préserver les nombreuses surprises. A ses côtés, on apprécie aussi la présence du charismatique et imposant Liev Shreiber (Sphere) avec lequel elle forme un tandem attachant.

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Si vous ne savez rien de ce film, je ne saurais trop vous conseiller de ne pas visionner la moindre bande-annonce qui, si elle pourrait vous appâter, vous ôtera dans le même temps la première - et pas des moindres - grosse surprise de l'intrigue.

Le final, très ouvert, nous fait voir le film comme un pilote de série de luxe avec en prime un ultime cliffhanger qui finit de nous convaincre que Salt est décidément l'un des meilleurs films de Angelina Jolie de même qu'une référence dans le genre.

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Pour son prochain rôle, cette femme va jouer la cruelle fée de la Belle au Bois Dormant. Merci, c'est déjà fait !

22 secondes pour Mourir

Si le film est incontestablement une réussite on ne peut vraiment pas en dire autant de l'avant-première qui avait eu lieu au Grand Rex à Paris en août 2010.

Une première pour moi. Très fan de l'actrice à cette époque, je venais d'écrire une nouvelle parodique en son honneur (Angelina Jolie & moi) et par un heureux hasard je découvrais sur le net cet évènement qui avait lieu prochainement. Imaginez donc mon enthousiasme (remplacez Angelina Jolie par une célébrité que vous affectionnez c'est mieux pour l'identification) lorsque je réalisai que j'allais pouvoir rencontrer de près ou de loin mon idole et peut-être lui remettre une copie de mon manuscrit traduit en partie quoique très approximativement (merci quand même Reverso).

N'habitant pas la capitale et y venant rarement, je prépare bien mon voyage afin de profiter au mieux de cette occasion inespérée.

J'arrive assez en avance ce qui me permet de ne pas attendre trop longtemps malgré une queue évidemment très conséquente. Mais ça se retourne un peu contre moi. J'attends facilement trois quarts d'heure sur mon siège du balcon auquel va bientôt se rajouter une bonne heure de retard de la star.

Pas grave, après tout je suis au Grand Rex, quoi, pas le petit ciné de province. Ils doivent mettre le paquet sur l'animation surtout un jour pareil avec une salle aussi grande et aussi bondée, avec le plein de VIP et de journalistes et...écourtons le suspens, on a eu droit en tout et pour tout à la même bande annonce de Salt en boucle et quelques infos très concises pour ne pas nous encourager à quitter la salle. Oui le Grand Rex à Paris c'est ça ! 

Après une attente interminable donc, la belle arrive enfin. Malgré son retard elle prend quand même le temps de répondre à quelques interviews que l'on regarde sur le grand écran avec un sentiment partagé de joie et de grosse frustration. Mais après tout, si c'est le prix à payer pour partager des moments privilégiés, pourquoi pas ?

Elle entre, enfin, on sourit un peu malgré tout car on désespérait de la voir et on commence à respirer de nouveau. Le meilleur va pouvoir commencer, forcément, puisqu'on vient de vivre le pire.

Bah non, en fait. Le pire est à venir. Car le pire n'est jamais décevant (dixit Bernard Tapis dans "Hommes, Femmes mode d'emploi" de Lelouch)

Elle balance trois phrases clichées à mort, comme une machine bien programmée :

- J'aime la France, j'aime Paris (bah heureusement parce que quand t'aimes ni le pays, ni la ville, qu'est-ce que ça doit être le retard ? Une semaine ???)

- On a travaillé très dur sur ce film (j'ose espérer que t'as bossé le film plus que le discours !)

- J'espère que vous l'aimerez (une chance car si on comptait sur toi pour justifier le déplacement, on serait vraiment les rois des cons !!!)

Après cette très éloquente introduction, les lumières s'éteignent et le spectacle commence. Je digère difficilement cette présentation pour le moins expédiée en me disant qu'après tout vu le retard c'est normal et qu'on se rattrapera à la fin du film avec un questions-réponses digne de ce nom, la moindre des choses en somme.

Le film est tellement bien que j'oublie vite ce malencontreux épisode et je me réjouis de nouveau quand les lumières s'allument. On attend tous, un peu fébriles, de voir réapparaître la star prête à répondre à toutes les questions qui nous brûlent les lèvres (pas aussi charnues que les siennes ok !) On attend un peu, beaucoup, passionnément, à la folie...et il ne se passe rien du tout. J'observe atterré les VIP déserter le rez-de-chaussée et c'est alors que je comprends que le merveilleux épilogue qu'on espérait tous avoir n'aura jamais lieu. C'est fini. Le rêve est terminé, il est grand temps de se réveiller.

Je sors de la salle en piteux état, l'esprit embrumé, le corps flageolant. D'habitude on ressent ça quand on est amoureux. J'apprends à mes dépends que ça arrive aussi lorsqu'on vit une grosse désillusion (je vous rassure, j'en ai connu des plus dramatiques !) Je trouve quand même la force de demander des comptes à un employé. Il m'explique qu'elle est partie il y a longtemps. Elle était tellement en retard qu'elle n'a pas pu rester et s'est sauvée rapidement après le début de la projection.

Je viens d'apprendre sur le net (par un spectateur aussi chanceux que moi) que son speech bateau avait durée 22 secondes. Je me sens volé, floué, arnaqué, escroqué, trahi, trompé,... C'est qu'une place de ciné au Grand Rex pour une avant-première + le métro + l'aller-retour Tours- Paris en train = c'est pas donné surtout quand on marche pas sur l'or. Quant à l'espoir...je vous raconte pas ce qu'il m'a coûté, ce serait indécent !

Je vois un spectateur interviewé. Il a pas l'air mécontent. A cette époque je subis encore sans broncher les affres de la vie. Si cela arrivait aujourd'hui je me ruerais sans hésiter sur le micro pour révéler au monde entier cette supercherie :

Un retard d'une heure sans la moindre excuse à la salle remplie + aucune animation pour nous faire patienter (à Tours on a dix fois mieux) + speach bateau de 22 secondes donc + pas d'échanges avec l'actrice puisque à cause du retard et bah on file comme une voleuse en plein film donc double punition pour le public qui lui a été exemplaire = merci bien plus d'avant-première à Paris pour moi et encore moins au Grand Rex autant dire que je ne suis pas près d'y remettre ni les pieds, ni la bourse d'ailleurs ! Quand on a aussi peu d'estime et de respect pour le public (les fans ?) on annonce pas sa venue en fanfare, on reste chez soi, on s'occupe de sa famille, de ses enfants, de son Brad Pitt (au hasard !). Des avant-premières, aux quatre coins du monde, ça doit user, je vais pas dire le contraire, mais bon y a pire comme quotidien et surtout chaque public est unique. Je dirais même plus que chaque personne dans le public est unique. C'est une responsabilité, ça c'est un fait. Car oui les fans sont des êtres humains. Quoi, t'avais oublié, Angie ? Bah pas nous !

Avec le recul évidemment, on est plus philosophe. Car finalement cette expérience m'aura appris une chose : il ne faut rien attendre d'une star aussi populaire, qu'elle s'appelle Angelina Jolie ou Bernadette Michot (au hasard aussi !). Une actrice se doit effectivement de travailler dur sur un film, pour le reste ça ne nous regarde pas, en tout cas, moi, ça ne me regarde plus.

Docteur, je suis guéri ? Merci. Combien je vous dois ? Me dites pas 22 euros ou je gerbe sur votre canapé !



 

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dimanche, 13 janvier 2013

The Secret [Cinéma/Critiques]

Des enfants disparaissent mystérieusement depuis plusieurs années dans la petite ville minière de Cold Rock. Lorsque son propre fils est victime du mystérieux Tall Man, Julia part à sa poursuite, pour peut-être enfin résoudre cette tragique vague d'enlèvements.

Habituée à jouer les action-girls (Furtif, Total Recall), Jessica Biel est revenue au premier plan dans ce thriller angoissant, nous offrant une solide prestation dramatique. L'actrice s'est particulièrement investie dans le rôle de cette mère courage qui ne sera pas épargnée par cette croisade désespérée, aussi bien mentalement que physiquement.

Le scénario, quant à lui, brouille les pistes au maximum et le spectateur a bien du mal à cerner les motivations des différents personnages qui se croisent. On se doute bien alors que c'est pour mieux nous assener une chute percutante. Le message est effectivement pertinent et l'idée originale. Si vous aimez les premières oeuvres de Shyamalan, vous serez en mesure d'apprécier l'exercice de style, même si certains éléments auraient gagné à être plus explicites et cohérents pour rendre le récit plus crédible.

La mise en scène reste sobre. Peut-être trop sage. Le fond a clairement été privilégiée sur la forme, un peu comme un certain ILS. Dommage qu'ici, cela dessert quelque peu l'impact émotionnel qu'on sent réduit par ce choix.  

Qu'importe, on apprécie vraiment l'intention d'autant que le réalisateur est français et que ce genre d'oeuvre par chez nous est plutôt rare. On lui souhaite en tout cas de continuer à produire des oeuvres d'une nature aussi singulière, en espérant que cela inspire d'autres cinéastes de l'hexagone.

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Le légendaire Tall Man existe-t-il vraiment ?

 

 

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vendredi, 11 janvier 2013

Jack Reacher [Cinéma/Critiques]

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Après le massacre de plusieurs civils en pleine rue, un sniper fou est rapidement arrêté. Lors de son interrogatoire, au lieu de passer aux aveux ou de clamer son innocence, il ne demande qu'une seule chose : Jack Reacher.

Le trailer annonçait un film d'action nerveux et efficace, mais relativement simpliste. Le résultat à l'écran est sensiblement différent sur ce dernier point, ce qui est une bonne nouvelle.

Après une introduction mémorable qui donne le ton (très sombre) le film prend globalement son temps, naviguant entre plusieurs ambiances, polar, thriller, film d'action, et même comédie l'espace d'une séquence aussi burlesque que surréaliste dans une salle de bains.

L'enquête menée par Tom Cruise (Mission Impossible 4, Oblivion, Edge of Tomorrow) alias Jack Reacher se métamorphose progressivement, dans la forme comme dans le fond, ce qui permet d'apprécier une bonne variété de situations et de personnages. On aurait aimé une finalité un peu plus surprenante, mais le fait est que le film est prenant de bout en bout et se suit avec beaucoup de plaisir. En fait, il ne lui manque pas grand-chose pour se rendre indispensable. Peut-être un héros un peu plus nuancé, un peu plus surprenant, lui aussi, car Jack Reacher c'est le parfait compromis entre le Ethan Hunt de Mission Impossible et le Roy Miller de Night and Day. Mais c'est aussi et surtout un profil de héros qu'on a déjà vu mille fois (à l'image de l'accroche de l'affiche) et dont certains acteurs se sont fait une spécialité jusqu'à l'écoeurement (qui a dit Steven Seagal ?)

Reste qu'une nouvelle franchise pourrait voir le jour en cas de succès avec, pourquoi pas, de nouvelles révélations, plus passionnantes, sur le personnage. On l'espère en tout cas. Affaire à suivre.

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Rosamund Pike est particulièrement mise en valeur dans ce film. Les liens subtilement ambigus entre son personnage et celui de Tom Cruise donnent un intérêt supplémentaire au film.

Lire aussi :

Mon Top 5 Caisses de Cinoche

 

 

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samedi, 27 octobre 2012

Skyfall [Cinéma/Critiques]

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Après un reboot qui a marqué les esprits (Casino Royale) et un épisode très pêchu à défaut d'être indispensable (Quantum of Solace), Daniel Craig revient pour la troisième fois dans le smoking du plus célèbre agent secret.

James Bond 007 fêtant cette année son 50ème anniversaire, on pouvait se demander si cela affecterait le contenu de ce nouvel opus. La réponse est un grand OUI, mais bien plus encore qu'on était en droit de l'imaginer.

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Nouvelle venue dans l'univers Bond, Eve (Naomie Harris) fait une entrée remarquée, au-delà de ce qu'elle aurait souhaité !

Si le prologue qui ouvre le film amène déjà un rebondissement appréciable, le fait est que Skyfall est truffé de surprises de tailles et de formes variées, allant de clins d'oeil jouissifs aux anciens épisodes (parfois gentiment moqueurs) jusqu'à un épilogue qui annonce clairement un gros revirement dans la forme et le fond de la saga.

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Bérénice Marlohe interprète l'énigmatique Séverine, l'autre James Bond Girl du film. L'actrice avait réussi à décrocher ce rôle très convoité grâce à une candidature aussi spontanée que motivée. On regrette d'autant plus son court temps de présence à l'écran.

Difficile d'ailleurs de parler de ce qui fait le sel de cette oeuvre sans trop en dévoiler. Et comme c'est pas le genre de la maison de balancer, je me contenterais de vous inciter vivement à payer votre ticket, vous ne regretterez ni votre votre investissement, ni votre déplacement. Sachez seulement que les héros que nous connaissons vont être malmenés comme jamais par un méchant des plus mémorables.

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On l'a souvent dit : on juge la qualité d'un héros à son ennemi, une règle d'or pour les producteurs de James Bond. Javier Bardem incarne Silva, l'un des plus inquiétants méchants de toute la saga. Son face à face avec Daniel Craig (Cowboys et Envahisseurs) fait son effet ! D'une seule réplique, Bond en profite d'ailleurs pour moderniser sa sexualité.

Que vous soyez donc fans de la première heure ou cinéphile en quête d'un solide thriller, vous serez contentés par l'action et l'émotion offertes par ce 23ème chapitre, d'une audace revigorante puisqu'il réussit le pari de casser les codes de la franchise tout en les brassant allègrement. Un retour aux sources bienvenu, alliant nostalgie et modernité.

Certains pourront regretter le scénario bulldozer qui, à l'image de son héros, bouscule violemment son environnement. Mais c'est un parti pris qu'il vaut mieux accepter pour profiter pleinement du généreux fan-service et de la nouvelle orientation choisie. Notons quand même quelques choix maladroits privilégiant l'effet de style à la crédibilité (l'intervention tardif des renforts sur l'île principalement).

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Nouveau également dans l'univers, Ben Wishaw (Le Parfum, Bright Star, Cloud Atlas) apporte une fraîcheur bienvenue et permet d'ironiser à loisir sur le fossé des générations.

Il faut aussi ajouter que le réalisateur n'est autre que Sam Mendes, un homme habitué à varier les genres avec une efficacité égale (American Beauty, Les Sentiers de la Perdition, Les Noces Rebelles, excusez du peu !) à l'instar de Marc Foster (Neverland, Stay, L'Incroyable Destin de Harold Crick) son prédécesseur. Comme prochain metteur en scène, je verrais d'ailleurs assez le tout aussi talentueux et éclectique James Mangold (Copland, Identity, Night and Day). Et vous ?

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Les évènements vont inévitablement rapprocher M et 007 et déterrer brutalement leur passé respectif.

En tous les cas, je te souhaite un Joyeux Anniversaire James Bond et merci pour ce somptueux cadeau grâce auquel on comprend facilement pourquoi tu as si bien vieilli !

Je me réjouissais beaucoup de la présence d'Adele au générique de Skyfall, mais j'avoue être très déçu du résultat. Une composition plutôt fade qui manque cruellement de personnalité malgré la voix de la diva. 

 

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lundi, 23 juillet 2012

Death Sentence de James Wan

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Un père de famille perd l'un de ses deux fils lors d'un braquage et en voulant faire justice lui-même, va progressivement entrer dans une spirale de violence qui va le dépasser totalement.

Si le thème de la vengeance a déjà été abordé plusieurs fois dans ce sens (on pense à Un Justicier dans la Ville, Au-dessus des lois, Liste Noire ou encore A Vif) le contexte, lui, rappelle davantage le percutant 187 code meurtre dont le final hante longtemps l'esprit du spectateur. Ici aussi, un adulte à la fois fragilisé et fortifié par un drame se retrouve face à un gang de jeunes sans aucune pitié et surtout à un choix fatidique : laisser la justice sceller le sort du criminel en prenant conscience que la sentence n'égalera pas la douleur ou châtier soi-même pour rétablir l'équilibre en prenant le risque de laisser rentrer davantage la violence dans sa vie. 

Il y avait deux façons de traiter un tel sujet : d'une manière réaliste et psychologique, avec un père à la fois ivre de colère et inconsolable, perpétuellement sur le fil du rasoir ou bien d'une façon plus simpliste en recourant à l'action choc et aux répliques qui fusent comme des balles. Et bien visiblement, James Wan n'a pas pu se résoudre à user d'une seule méthode. Cela est d'autant plus évident que le scénario est littéralement coupé en deux, donnant lieu à non pas un, mais deux films bien distincts.

Si les 2/3 sont incontestablement ancrés dans le réalisme et nous plonge avec efficacité dans une situation de tragédie tendue et inexorable, créant une proximité idéale avec le héros, la dernière partie fait figure de director's cut (inversé) tant elle semble vouloir anéantir l'effet et la réflexion atteints précédemment, comme si le cinéaste avait regretté le manque de violence graphique et avait voulu fournir un baroud d'honneur jusque-là absent. On peut regretter ce choix car la dimension du film n'est du coup plus du tout la même et son impact réduit par ce consensus. Mais pour autant un message limpide germe de tout cela : si la vengeance peut apparaître comme une solution payante, elle peut aussi devenir par son efficacité la plus séduisante des addictions en dépit d'inévitables dommages collatéraux. A commencer par se perdre et devenir celui que l'on combattait.

Reste un élément majeur dont la qualité est constante de bout en bout : la performance de Kevin Bacon (X-Men : Le Commencement), intense et bouleversant, qui prouve avec ce rôle qu'il peut jouer toutes les nuances avec une conviction exemplaire.

A l'heure où la tuerie d'Aurora relance le débat sur le port d'armes et l'accès contrôlé aux armes à feu il est terrifiant de voir que le gouvernement ignore totalement cet aspect élémentaire du problème et intolérable d'entendre les lobbys d'armes regretter la législation en cours qui a privé les spectateurs d'être eux-même armés pour se défendre. Un tel aveuglement montre à quel point la société est malade et ne veut pas guérir, préférant se complaire dans un idéal de sécurité qui est la source même de son incurable folie. Mais après tout que peut-on espérer d'un peuple qui a appris à se nourrir de la mort de son prochain ?


Pour connaître d'autres films sur le même thème : la Vengeance


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dimanche, 22 juillet 2012

Ils de David Moreau et Xavier Palud

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Un couple vivant paisiblement dans une grande maison perdue dans une forêt de Roumanie va connaître une nuit de cauchemar...

"ils" fait partie de ces films dont il ne faut rien savoir quitte à s'en faire une fausse idée. Si le film démarre et se poursuit pendant un long moment comme un slasher classique, en mettant en exergue nos peurs primales via des procédés classiques, plusieurs éléments viennent relancer l'intérêt : violence atténuée, absence de musique illustrative et surtout un grand flou concernant l'identité précise de la menace et par-là même celle du film. Ce n'est que dans les dernières minutes que la vérité est dévoilée et ce n'est qu'à ce moment que le spectateur connait, lui, sa véritable peur. On comprend alors mieux pourquoi le film est si court et si épuré. Pas besoin d'en rajouter des tonnes pour obtenir l'effet escompté. La dernière image assène un coup de grâce que peuvent lui envier bon nombre de films dits d'horreur.

"ils" ne restera donc clairement pas dans les mémoires des cinéphiles pour sa mise en scène, mais bel et bien pour l'angle de son sujet dont le traitement visuel minimaliste lui donne toute sa force.

 

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