samedi, 24 octobre 2009
Lucky Luke [Cinéma/Critiques]
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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mercredi, 23 septembre 2009
District 9
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mercredi, 16 septembre 2009
The Resistance de MUSE
Leur nouvel album THE RESISTANCE est encore tout chaud et il y a déjà beaucoup à dire.
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dimanche, 23 août 2009
Revolver [Cinéma/Critiques]
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samedi, 15 août 2009
Portraits
06:13 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dessin, illustration, portrait
samedi, 01 août 2009
CRIMinalité INtensive [Nouvelles/Anticipations]
Prologue
Jimmy prit le temps de s'interroger une dernière fois sur l'utilité de son geste.
C'était vraiment tentant, un peu comme donner un bon coup de pied dans la fourmilière et regarder les dégâts se propager. Et puis, il avait pris ses précautions. Personne ne saurait que c'était lui. Il n'en était pas à son coup d'essai. Mais cette fois, ça risquait de foutre une belle pagaille. Tant mieux. Il avait toujours été un peu rancunier, alors forcément de se voir interdire l'accès au forum pour propos injurieux, il n'avait pas pu le digérer. Après tout, il n'avait fait que dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.
Il appuya sur la touche, scellant le destin de beaucoup de personnes.
Un sourire s'étira sur son visage d'ado boutonneux.
- A vous de jouer, les gars !
CHAPITRE 1
John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu'il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d'annoncer plus sérieusement 6:00.
John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.
En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d'une épaule et d'une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l'inviter davantage à s'y attarder.
- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.
John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C'était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:
- Je ralentis ou j'accélère ?
Il l'entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d'avoir ouvert les yeux de si bonne heure. Il l'embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L'explosion fut si violente qu'elle ébranla l'appartement.
John bondit du lit :
- Putain, qu'est-ce que c'était ?
Linda s'alarma.
- J'espère que ce n'est pas la bibliothèque. J'ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.
John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l'entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.
John ouvrit la porte. N'eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu'il s'agissait en fait d'un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu'il distingua à peine le vieil homme qui s'époumonait en traversant la rue à vélo :
- C'est la bibliothèque ! Ils ont détruit la bibliothèque, ces petits fumiers !
John s'avança aussi loin que le lui permit la main ferme de Linda.
- Je crois que c'est Henry Swift.
John plaça ses mains en porte-voix, exhibant sans le vouloir le pistolet qu'il tenait dans sa main droite :
- Henry ? C'est John et Linda. On est là !
Ils entendirent les vieilles roues métalliques grincer indiquant que le vieil homme avait entendu leur appel et ralentissait.
- Vous avez vu ce foutoir ?
N'eut été la catastrophe, John se serait laissé gagner par la joie de revoir leur voisin préféré.
Un moteur de deux roues pétaradant couvrit sa réplique.
John s'avança un peu plus. La fumée semblait se dissiper légèrement grâce à la brise matinale.
Henry était bien là, sur son vieux machin rouillé qu'il appelait affectueusement « son poney ».
Il portait son affreuse chemise à carreaux qui semblait ne jamais le quitter, qu'il vente ou qu'il neige.
John lui sourit. Henry ouvrit la bouche, mais ses mots furent engloutis par le bruit du moteur qui se rapprochait rapidement. John vit Henry se tourner en direction des arrivants. Des voix de pré-pubères crièrent par-dessus le vacarme de l'engin :
- Eh papy, t'as oublié de prendre tes suppos !
Le staccato d'une arme automatique résonna affreusement. Il ne s'était pas interrompu que Henry Swift gisait déjà au sol, son vélo couché sur la route et sa fidèle chemise à carreaux poissée de sang. A la vue de son corps sans vie, les yeux de John s'agrandirent et son visage se tordit.
Il pointa son arme vers la moto, mais la main prompte de Linda fit avorter son geste.
Le bruit du moteur s'éloigna et la moto disparut dans un concert d'éclats de rire.
John se tourna vers Linda. Les yeux bleus de la jeune femme jetaient des éclairs.
- Tu veux leur ressembler ? Tu veux devenir comme eux, à distribuer la mort comme on distribue des journaux ?
- On ne peut pas les laisser continuer à foutre cette ville en l'air, merde ! Henry vient d'y passer sous nos yeux. Après, ce sera le tour de qui ? Toi, moi ?
- On n'a qu'à partir ! Qu'est-ce qui nous en empêche ? Il y a bien un endroit en sécurité !
- En sécurité? Tu lis les journaux comme moi. C'est partout pareil. Tout le monde est devenu fou et ceux qui ont encore leur tête finissent comme Henry.
Sur ces mots, John alla s'agenouiller auprès du vieil homme dont il ne put que constater le décès.
Linda s'approcha avec peine.
- John, ne reste pas là. Ils pourraient revenir !
- Qu'ils reviennent, ces petits salauds. Je les attends !
Heureusement ils ne revinrent pas. Une ambulance miraculeusement épargnée emporta le cadavre de Henry Swift. La police ne vint pas recueillir leur déposition. Il y a longtemps que la police ne venait plus pour ce genre de choses. Dehors c'était la guerre et les flics étaient depuis longtemps en première ligne.
John et Linda s'étaient consolés du drame du mieux qu'ils avaient pu. Ils avaient beaucoup discuté. Ils avaient chacun élevé la voix. Mais ils avaient fini par tomber d'accord. Ce meurtre gratuit avait été la goutte d'eau pour eux. Ils partiraient vers une île perdue dès le lendemain. Le temps de régler quelques affaires courantes, de faire leurs bagages et ils monteraient dans un petit avion loué à un ami qui habitait en dehors de la ville.
- Tu as raison, avait dit John. Si je reste ici encore quelques jours, je finirai par ne plus pouvoir répondre de mes actes.
Le soir, Linda était allée faire des courses pendant que John terminait de remplir sa voiture. Tandis qu'il vérifiait le contenu du coffre, la lumière du jour déclina brusquement et levant la tête, il vit la lune monter brusquement dans le ciel comme tirée par un fil invisible. Il secoua la tête. Il était vraiment fatigué. Il était temps que cette journée se termine.
Linda abandonna sa voiture sur le parking du supermarché. Elle avait vu peu de gens. Elle n'avait pas osé leur annoncer son départ. De peur sans doute qu'on lui rétorque que sa tentative était vaine.
Elle essaya de chasser ses sombres pensées. Le soir était étrangement calme et l'air vivifiant. Elle trouvait que c'était une bonne idée de rentrer à pieds pour goûter une dernière fois l'atmosphère de cette ville dans laquelle ils avaient séjourné depuis tant de temps.
Elle regarda les sacs qu'elle portait. Elle avait presque envie de se convaincre que c'était un soir comme ceux d'avant, du temps où rien ne perturbait le quotidien, où rien ne menaçait le bonheur cousu au fil des ans avec l'homme de sa vie. Les sacs étaient lourds. John la sermonnerait sûrement d'avoir laissé sa voiture. Mais cela la fit sourire. Un nouveau départ les attendait quelque part. Incertain. Mais ils étaient ensemble. Le reste importait peu en regard de cela. Elle n'était plus très loin. Elle pouvait même apercevoir la silhouette de John arc-bouté sur la voiture éclairée par le réverbère. La lune était pleine et brillait au-dessus de la rue.
Elle songeait à l'avertir de son arrivée lorsqu'elle perçut une présence à ses côtés.
Le cri déchira le silence comme un éclair peut déchirer la nuit. John se redressa violemment. Il ne pouvait se méprendre sur le son de la voix.
- Linda !
Il courut dans la rue comme un fou. La vision de Henry Swift sans vie revint le hanter. Il la chassa rapidement. Il n'eut pas à courir longtemps. Il trouva le corps allongé sur la route au milieu des aliments et des objets épars. La tête reposait à même le trottoir. Le poignard avait frappé à plusieurs endroits avec la même effroyable indifférence. Un autre tueur fou était en liberté et Linda venait d'en payer le prix. Ses paroles du matin résonnaient maintenant de manière prophétique à son esprit pourtant assoiffé de rationalisme. Ses poings frappèrent le bitume sans qu'il en prenne conscience, y laissant deux inquiétantes cavités.
John ancra son regard sur le visage blafard de la femme de sa vie. Il évita d'attarder son attention sur les blessures profondes à l'image d'un équilibriste qui se désintéresse du vide pour mieux accomplir sa progression.
- Pourquoi tu n'as pas pris ta voiture, pourquoi ?
Une larme coula sur la joue de Linda.
- Il faisait si bon, John. Il faisait si bon.
John saisit son portable - qu'il ne se rappelait pourtant pas avoir emmené - et composa le numéro des urgences.
- Comment il était ? Dis-moi comment il était ce fils de pute !
- Il était jeune. Si jeune. Un enfant avec des yeux bleus. Magnifiques. Tu sais, j'ai cru qu'il voulait m'aider à porter mes courses. Comment je peux être encore aussi naïve après...
John plaça un index sur ses lèvres.
- Ne parle plus, chérie. Economise tes forces. L'ambulance va arriver.
John entendit la voix d'un opérateur. Il essaya de parler calmement.
- Ma femme a été agressée. Elle est grièvement blessée. Elle s'appelle Linda Carson. Oui, je suis avec elle. Très bien. Nous sommes à ...
John ne sentait plus le pouls de Linda. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais ils le fixaient sans ciller en un regard désespéré qui lui figea le sang.
- Elle est partie, murmura-t-il sans y croire.
L'opérateur le bombardait de questions, mais John lâcha le téléphone, incapable d'écouter autre chose que le silence de mort qui venait de recouvrir sa femme comme un linceul.
- Linda.
Il la prit dans ses bras et ce fut pire encore. John enfouit son visage dans ses boucles blondes. Pour la dernière fois.
Le bruit d'une moto l'arracha à son cérémonial. Le deux-roues venait dans sa direction. C'était celui de ce matin, il en était persuadé. Sa vengeance n'aurait pas le temps de refroidir. Il ramassa instinctivement l'objet le plus proche de sa main sans regarder si cela pouvait faire office d'arme et le jeta sur le pilote de toutes ses forces :
- De la part d'Henry !
Le pilote se baissa et le passager reçut le projectile en pleine figure. Sous l'impact, ses dents se brisèrent et son nez implosa comme une bombonne. Celui-là allait regretter de ne pas avoir mis de casque. Il tomba inanimé sur la route et tandis que le pilote s'emparait d'un Uzi et faisait feu sur lui, John observa avec fascination l'orange qu'il avait projeté roulait sur elle-même dans une flaque de sang. On aurait dit un astre effectuant sa rotation en une danse macabre. Belle métaphore, se dit-il avant de s'apercevoir qu'il aurait dû être mort. La moto disparut à l'autre bout de la rue. John adressa un dernier regard à Linda. Il l'embrassa et se releva, le regard aussi noir que celui d'un serpent. Il écrasa une pomme sous son talon et s'élança à la poursuite du deux-roues.
Il le retrouva facilement sous un porche pourtant mal éclairé. John avait le sentiment d'être dans la peau de quelqu'un d'autre. Comme s'il était entré dans une parenthèse de sa vie. Il avait une mission, un but qui excluait toute idée de pardon, de compassion. John n'avait guère eut le temps de dévisager les criminels, mais il sut qu'ils ne devaient pas avoir trente ans à eux deux.
Ils connaissaient sûrement l'assassin de Linda. Ils se connaissaient tous. Il en était convaincu.
John s'approcha à tâtons. Le jeune fouillait dans un buisson. Et il jurait tant qu'il pouvait.
- Fais chier, il est où ce fusil ? Je l'avais laissé là, bordel ! Ils font chier ces cons à piquer les flingues des autres !
- Tu devrais pas être au lit à cette heure là ?
Le jeune se retourna. Il portait une cagoule, un débardeur blanc, un treillis et des bottes cloutées. Mais John n'avait d'yeux que pour les siens. Ils brillaient comme des saphirs. Des yeux bleus. Magnifiques.
- Qu'est-ce que tu fous là, toi ? Je t'ai buté !
John s'avança. Il n'avait pas peur. Mais l'autre non plus. Comme si tout ceci n'était vraiment qu'un jeu pour lui. John lui sourit. Un sourire de requin.
- Tu devrais changer de job, alors. Parce que tu t'es loupé en beauté.
Le jeune pointa son Uzi.
- Dégage où je te massacre, enfoiré !
- Pour ça, il faudrait que tu aies des balles. Tu n'en as plus et c'est sans doute pour ça que tu cherches ton fusil.
Les yeux bleus s'agrandirent de stupéfaction.
- Comment tu... c'est toi qui me l'a piqué, enfoiré ! Putain, mais tu te prends pour qui ? Tu pouvais pas rester chez toi ? Je vais te massacrer !
Il lança le pistolet-mitrailleur en espérant sans doute atteindre John au visage. Mais John rattrapa l'arme aussi adroitement que possible. Son index caressa la détente avec un plaisir sadique :
- Dis-moi pourquoi tu as fait ça ? Je ne prétends pas t'épargner, mais cela satisfera ma curiosité.
Le jeune produisit un couteau de chasse presque aussi long que son bras.
- T'es con ou tu le fais exprès. Tu l'as dit toi-même : le chargeur est vide !
Le regard de John se vissa sur la lame. Elle brillait, elle était propre. Ce fumier avait eut le temps de la nettoyer, dieu sait comment. Le visage de Linda traversa son esprit. Comme en réponse, son doigt pressa la détente. Le bruit de l'arme ne le surprit même pas. Elle s'accordait à sa volonté. Le jeune tomba, l'épaule gauche trouée de 9 mm.
John se rapprocha de lui. Le garçon ne semblait pas souffrir de sa blessure. Mais plutôt du fait que le chargeur aurait dû être vide. John voulut lui retirer sa cagoule, mais il craignit que de voir son visage l'empêchât d'accomplir sa besogne.
Le garçon dut comprendre son intention, car il l'implora malgré tout :
- Putain, faites pas ça ! Vous voyez bien que je suis qu'un gosse. J'ai que quinze ans. Faites pas ça, je vous dis. Je suis qu'un gamin !
John hésita. Il voulait venger la mort de Linda. Tout en lui réclamait cette finalité. Mais les paroles mêmes de sa femme s'opposaient à cet acte. Ces paroles qui le désigneraient comme un criminel au même titre que celui qu'il avait sous les yeux. En tirant, n'allait-il pas devenir ce qu'il condamnait ? Le regard sans vie de Linda lui apparut, abrutissant sa lucidité. Elle était partie. Pour toujours. Il n'avait donc rien à espérer. Rien à faire. Rien d'autre qu'honorer sa mémoire. Et cela exigeait un sacrifice.
John mit le garçon en joue. Ses yeux de serpent jetèrent des éclairs.
- Non, tu n'es pas qu'un gamin. Tu es l'assassin de ma femme.
Le bruit de l'arme ponctua sa funeste sentence.
- Putain, c'est quoi ce bordel !
Eric gesticulait sur sa chaise comme si elle était électrique.
Son frère Jérôme l'entendit depuis les toilettes. Il tira la chasse d'eau et le rejoignit :
- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as encore perdu ?
- Ouais, y a un connard qui m'a shooté avec mon Uzi. Il avait l'air balèze alors j'ai pris l'option reddition et il m'a quand même buté !
- Qu'est-ce que tu veux. Y a des joueurs qui respectent rien.
- C'était pas un joueur, c'était l'IA du jeu ! J'ai buté une femme avec mon couteau et apparemment c'était la sienne. C'est un truc de malade !
Jérôme sourit. Il n'avait pas la même passion que son frère, mais cela l'amusait toujours de l'entendre râler à ce sujet.
- Ca prouve que c'est bien fait. Il y a une vraie cohérence. C'est pour ça que le jeu marche aussi bien, non ?
- Ouais, mais j'arrive plus à me connecter avec mon avatar.
- T'as qu'à en changer ?
- T'es ouf, toi ! J'avais débloqué trop de trucs avec Tunk15.
Les magnifiques yeux bleus d'Eric brillaient. Il était au bord des larmes.
- Je suis dégoûté. En plus j'avais réussi à refaire mon visage. J'ai passé des heures sur ce perso !
Eric quittait son rôle de gangster pour redevenir un simple adolescent. Emotif. Vulnérable.
Il se leva de son siège, balança son micro-casque et quitta la chambre, non sans renverser quelques étagères au passage.
Jérôme le regarda s'éloigner avec un sourire. Il savait qu'il allait noyer son chagrin dans un pot de crème au chocolat ou en regardant un épisode de Vyvychibi, son manga préféré. Il prit sa place devant l'ordinateur et détailla les menus de l'écran avec le sentiment d'ouvrir la boîte de Pandore.
Il regarda la jaquette du jeu posé sur le bureau. L'affiche représentait un fusil-mitrailleur sur lequel venait se greffer les mots Criminalité Intensive.
En dehors de cela, le rendu graphique était d'une étonnante sobriété, loin du réalisme et de l'image spectaculaire véhiculés par le jeu. Mais en bas de l'affiche, comme pour les rappeler, s'étalait le slogan connu dans le monde entier : « Maintenant on ne joue plus ! »
2. Succès Déverrouillé : Premières Armes
Pour John Carson, plus rien ne pouvait avoir de sens.
Il venait de perdre Linda, l'être le plus cher à ses yeux. Et en donnant la mort, il venait aussi de perdre son bien le plus précieux : sa vertu. Sa vengeance assouvie, du moins l'espérait-il, sa conscience faisait de nouveau son boulot. Et elle venait de le mettre sur le banc des accusés.
Il jeta le pistolet-mitrailleur et se recroquevilla comme un enfant. Ce faisant, il ne vit pas le corps du jeune garçon disparaître subitement sans laisser de trace.
John attendit que la police vienne l'arrêter. Car sur l'instant, c'était bien son seul souhait. Il avait commis la chose la plus monstrueuse à ses yeux et aussi à ceux de Linda. Il avait alimenté la violence qui ravageait la société et contre laquelle il s'était indigné.
Et il l'avait fait de la pire des façons.
Il ne sait pas combien de temps il attendit. La nuit était sans doute bien avancée lorsque la pluie s'abattit sur la ville sans crier gare. Peut-être une manière de nettoyer le sang qui avait coulé et de le laver de ses crimes. Mais là, il savait qu'il en faudrait beaucoup plus.
Il se leva et se dirigea vers la moto du gamin. Il fallait qu'il bouge. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais il ne devait pas rester là. Les flics n'étaient pas venus, alors son destin n'était pas encore scellé. Et puis, il repensa au corps de Linda allongé dans la rue. Comment avait-il fait pour ne pas y penser plus tôt ? Etait-il réellement devenu un monstre, lui aussi ? Peut-être que lorsqu'on avait tué quelqu'un, les pulsions éveillées empêchaient-elles de revenir vers une nature plus humaine.
John enfourcha la bécane. C'était un engin fait pour les sauts et les acrobaties sur des terrains accidentés, du motocross ou du trial, il ne s'y connaissait guère. Tout en la faisant démarrer sans la moindre anicroche, il se demanda si le jeune qui la pilotait naguère avait l'âge requis pour monter dessus. Il repensa à l'Uzi entre ses doigts frêles et il se mit à rire. L'instant d'après, il s'élançait vers sa maison dans un bruit de moteur pétaradant.
Il ne retrouva pas le corps de Linda à l'endroit où il l'avait laissé. Ni même à un autre. Il ratissa tout le quartier. Rien. Pas une trace de sang, pas un indice. Le jeune qui avait reçu l'orange en plaine figure s'était volatilisé lui aussi. Il eut la sensation d'être victime d'un complot avant de comprendre qu'il venait simplement de grossir la liste des victimes de la barbarie qui gangrenait la planète depuis quelques mois. Sa colère explosa.
- Bande de salauds ! Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi ?
Comme pour lui répondre, une explosion abîma la nuit au loin dans une fulgurance de jaune et de rouge. Un autre bâtiment important sans nul doute.
John s'écroula au beau milieu de la route et se recroquevilla comme un fœtus. La mort de Linda creusa en lui un sillon de douleur indicible.
Lorsqu'il put retrouver quelque force, les premières lueurs du jour éclairaient la ville, peignant les toits des maisons de couleurs chaudes propres à le réconforter un peu. Tout n'était pas complètement mort. Indifférente au sort des hommes, à leur folie, la nature continuait de produire ses chefs-d'œuvre.
John retourna près de sa voiture. Elle était pleine à craquer. Prête à partir. Il regarda la maison. Et détourna rapidement la tête. Y entrer n'était pas envisageable. Il se sentait bien trop fragile. Sa conscience lui certifiait que la meilleure chose à faire dans l'état actuel des choses était de quitter la ville comme prévu et de se rendre en avion sur une île épargnée par cette montée de violence. Mais une autre voix, une voix qu'il commençait tout juste à apprivoiser, lui assurait que la seule chose désormais qui pouvait donner un sens à sa vie était de devenir la parfaite némésis de ce mal incurable et ravageur. Il savait que cela allait le plonger davantage dans l'obscurité. Mais il ne pouvait se défaire de l'idée que c'était la seule chose véritablement sensée à faire. A quoi lui servirait de fuir ? Il se retrouverait seul, irrémédiablement. Pire que seul. Il ne serait plus avec Linda. Et cette souffrance là, il ne voulait pas la vivre. Rien ne pouvait l'obliger à le faire. S'il devait souffrir, alors il choisirait une autre façon. Et il comptait bien ne pas être le seul à souffrir. Il allait s'en assurer.
Il voulut récupérer son pistolet dans sa table de chevet, mais cela impliquait de retourner dans la maison. Une épreuve qu'il refusait en bloc. Il se prit la tête à deux mains et ce faisant, réalisa qu'il avait le pistolet dans sa main droite. Il l'observa, incapable d'expliquer sa présence. Depuis qu'il avait tué ce gamin, la réalité ne semblait plus tout à fait la même. En fait depuis qu'il avait perdu Linda, l'univers entier semblait lui montrer un autre visage. Comment aurait-il pu en être autrement puisqu'elle incarnait pour lui la vie au sens le plus noble ?
A moins qu'il fut lui-même la source de tous ces changements. L'idée d'être dans un rêve lui traversa l'esprit et il se dit que si tel était le cas, alors il se ferait un devoir d'en faire un cauchemar pour certains. En fait, la réponse lui importait peu, pour le moment.
S'il bénéficiait de ressources supplémentaires pour mener à bien sa mission, alors il n'y avait plus de doute à avoir, plus d'hésitation possible. Sa voie était toute tracée.
Il regarda sa main gauche et la seconde d'après, elle tenait un pistolet identique à celui qu'il possédait déjà. Maintenant que Linda n'était plus là pour agir sur lui comme inhibiteur, il allait pouvoir s'abandonner à ses pulsions les plus refoulées.
Il sourit.
La chasse pouvait commencer.
CHAPITRE 3 : L'Avènement de CRIM'IN
Dave Matheson était programmeur.
Il avait rejoint l'équipe de Blue Pill trois ans auparavant. Les projets sur lesquels il avait travaillé (souvent au détriment de sa vie privée) ne lui avaient valu que peu de considération et des émoluments pour le moins aléatoires.
Ils n'étaient qu'une dizaine dans l'équipe et les projets - bien que novateurs et attendus - étaient constamment remis en question par la direction, si bien qu'ils avaient l'impression de travailler pour rien. Jusqu'au jour où le studio fut racheté par la société DIEU [Divertissements Informatiques Educatifs Universels] qui après avoir inondé le marché de logiciels révolutionnaires sur la forme, décida d'exploiter l'univers du jeu vidéo et plus particulièrement du jeu en réseau.
Le directeur de DIEU, Donald Buff, était devenu rapidement l'idole de tous. Les adolescents l'adulaient. Les adultes l'adoraient. Lorsqu'il créa TotaLink TM - un réseau qui rendit possible l'accès à toute une gamme de jeux depuis un PC ou une console - le nom même de sa société lui fut attribué. Il avait réussi, en quelque sorte, à enterrer la hache de guerre, réunissant deux supports jusque-là profondément antagonistes. Un véritable tour de force technologique qui lui avait valu de nombreuses récompenses lors des salons de jeux et des critiques dithyrambiques de la plupart des grandes revues spécialisées comme ZéroOne ou Screenshot.
Ce véritable pont avait alors fait naître dans l'esprit des concepteurs des idées nouvelles.
Car il faut dire qu'à cette époque, cela remontait à presque cinq ans, si les jeux en réseau pullulaient sur le net, il n'en était pas moins vrai qu'un seul d'entre eux monopolisait l'attention et entretenait l'attente des joueurs, tous profils confondus : le monde fantastique de Wind Of Reign (WOR pour les intimes et rebaptisé rapidement WHORE par ses détracteurs et il y en avait).
Rarement un jeu avait développé un tel esprit communautaire. Mais parallèlement à cet engouement massif, il divisait aussi beaucoup. On lui reprochait la médiocrité de ses graphismes, son univers hermétique, sa terminologie et ses règles d'évolution complexes. Quant au système de magie, il était régulièrement décrié à cause de la fâcheuse tendance qu'avaient les sorts à ne pas toujours produire les mêmes effets. La goutte d'eau avait été l'annulation de Devils & Devouts, une extension espérée par tous les joueurs et la médiocre adaptation ciné qui avait suivi.
Des erreurs, des défauts qui avaient fini par en dégoûter beaucoup, par en lasser d'autres.
Au fur et à mesure, la brèche s'agrandit, permettant à une nouvelle attente des joueurs de naître. Instinctivement, tous les regards convergèrent vers Donald Buff, le dieu de DIEU.
Et Donald Buff ne déçut personne.
Le lancement de CRIMinalité INtensive (qui allait rapidement devenir CRIM'IN dans la bouche et le cœur de millions de fans) fit l'effet d'une bombe.
La campagne de marketing envahit les médias. Tel un conquérant, Buff se rendit maître de tous les espaces publicitaires possibles et imaginables. Et ceux qui n'existaient pas, il les créa de toutes pièces. En seulement deux semaines, trois mois avant sa sortie officielle, CRIM'IN fut sur toutes les lèvres et devint la poule aux œufs d'or faisant de DIEU le nouvel El Dorado des Jeux Vidéos. Relayé par un formidable bouche à oreille, la promotion du futur hit n'épargna rien, ni personne. Et progressivement les éléments le constituant furent portés à la connaissance du public, gonflant un peu plus une popularité déjà phénoménale : un monde hyperréaliste, contemporain (à l'opposé de celui de WOR en quelque sorte), une surface de jeu immense sous la forme de plusieurs états imitant les Etats-Unis, une personnalisation extrêmement poussée de l'avatar, un sentiment de liberté total, des possibilités d'action innombrables, un gameplay intuitif, un nombre de caméras jamais vu...Bref, tout concourait à en faire le Saint-Graal des divertissements, l'idéal vidéoludique fantasmé par des générations de joueurs dans le monde entier.
Ceux qui s'étaient détournés des loisirs électroniques se surprirent à contempler les affiches et les couvertures des magazines avec une avidité presque coupable.
Le débat était lancé : Crim'In allait-il être le chef-d'œuvre annoncé, le digne successeur de WOR - désormais à bout de souffle - et satisfaire un public en mal de sensations fortes?
Ou bien Donald Buff n'avait-il fait qu'attiser l'intérêt général pour redorer un blason qui n'en avait guère besoin ? On le soupçonnait bien un peu d'être mégalomane, milliardaire et donc un peu mythomane. Mais quand même. Ses réussites passées jouaient indéniablement en sa faveur.
Lorsque Crim'In débarqua en grandes pompes dans le commerce - un 14 juillet ensoleillé à souhait - la question n'eut plus lieu d'être. Les magasins explosèrent leur chiffre, les serveurs furent saturés. En l'espace d'une semaine, DIEU remboursa le coût de sa campagne promotionnelle. En à peine un mois, les frais liés au développement même du jeu furent eux aussi remboursés et la société toucha des bénéfices substantiels, aidé en cela par un redoutable merchandising.
Non seulement, Crim'In trouva immédiatement son public, mais l'euphorie qu'il suscita fit passer l'intérêt de WOR pour une simple lubie.
La machine commerciale s'emballa. Tout se passa très vite. Trop vite au dire de certains.
Avant même que l'on devine toutes les implications liées à la vente de ce produit, Crim'In était devenu LA référence dans tous les domaines. Sa Bande Originale se vendait comme des petits pains. Les hommages des joueurs fleurissaient un peu partout sur le net sous forme de vidéos amateurs, de fics. Le jeu avait même son émission télé présentée par une star du journalisme. Chaque jour, elle interviewait une vedette américaine chez elle, en train de jouer et qui vendait Crim'In avec autant de conviction que s'il s'agissait d'un candidat à la Maison Blanche.
Celui qui ne connaissait pas Crim'In était traité d'ermite. Celui qui n'y avait jamais joué était considéré comme un autiste.
En raison de sa violence et de son langage cru - le système TotaLinkTM autorisait les joueurs à transmettre intégralement leurs paroles à leur avatar - le jeu était interdit aux moins de 18 ans. Mais sa popularité avait eu rapidement raison de la législation et les parents, dépassés par l'ampleur des évènements, avaient bien du mal à s'assurer que leurs enfants n'étaient pas trop exposés.
Il y eut bien une levée de boucliers de certains syndicats, d'associations familiales et de personnalités qui jugeaient Crim'In comme un catalyseur de perversion pour une jeunesse déjà en manque de repères.
Donald Buff garda longtemps le silence avant de s'exprimer sur cette polémique face aux caméras lors d'une soirée de bienfaisance. Ses mots furent choisis avec le soin dont il était coutumier et devaient rester longtemps en mémoire. Il annonça des chiffres bientôt repris par les médias du monde entier. Pas les chiffres de vente du soft, ni le nombre de connexions par jour. Il annonça que depuis la sortie de Crim'In, le taux de criminalité avait baissé de 30 % dans les grandes villes. Nouvelle bombe !
L'enquête fut approfondie et l'on fut rapidement en mesure d'affirmer que ce pourcentage était en deçà de la réalité. La vente d'armes avait aussi baissé de manière sensible, et dans le même temps on nota une réduction des guérillas urbaines et de la violence dans les écoles qui avait justement atteint un stade critique. Même les conflits domestiques se raréfièrent.
La nature propre de l'homme semblait sur le point de connaître un changement et pas des moindres.
Au début, on ne put clairement certifier que cette évolution des mœurs était directement liée au succès de Crim'In ni même si elle avait fait partie des ambitions de Donald « DIEU » Buff.
Mais le temps finit par dissiper toute hésitation à ce sujet. Les ventes continuaient de grimper et la seule chose qui explosait désormais était le chiffre d'audience des émissions qui avaient pour thème le jeu aux mille records.
On en profita pour montrer du doigt ceux qui avaient crié au scandale.
La même année, lorsqu'on voulut décerner une récompense importante à Donald Buff, celui-ci la refusa poliment en se contentant de dire :
« Je suis président des Divertissements Informatiques Educatifs Universels. Et j'aime mon métier ».
John repéra une Dodge Viper accidentée qui avait dû servir de rempart lors d’une fusillade à en juger par les innombrables impacts de balle qui grêlaient sa carrosserie. John ne renonça pas à l’utiliser pour autant. Il avisa plusieurs autres voitures dans le même état et sentit une violente décharge électrique le parcourir des pieds à la tête. Ses yeux s’illuminèrent d’un feu surnaturel et brandissant ses mains, il commença à les faire danser devant lui tel un marionnettiste. Les épaves qui jonchaient la route se désassemblèrent violemment et il comprit qu’il était en mesure de manipuler les débris résultant de cette opération. Il créa avec un plaisir manifeste un ballet surréaliste de portières, de calandres, de capots et de pare-chocs avant d’orienter les pièces détachées sur la Viper. Sous l’emprise d’un nouveau et stupéfiant pouvoir, il les positionna et les souda habilement, confectionnant en un temps record un blindage du plus bel effet. Encore sous le choc de sa réussite, il monta dans la voiture qui avait maintenant des airs de forteresse. Il ne trouva pas les clés et s’en moqua bien. Le simple fait de poser ses mains sur le volant fit vrombir le moteur. Le bruit eut le don d’agrandir encore son sourire.
Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur intérieur et grimaça en voyant ses cheveux châtains et bouclés qui ne lui avaient jamais vraiment plu. Son regard s’intensifia et sitôt après il vit avec ravissement sa chevelure noircir et retomber sur ses épaules avec un léger éclat bleuté. Il en profita aussi pour transformer un peu son visage qu’il affina et dota d’une cicatrice esthétique sous l’œil droit. Mû par une vive inspiration, il saisit le lobe de son oreille droite entre deux doigts afin d’y incruster un piercing scintillant. Ses vêtements anodins avaient eux aussi besoin d’une petite retouche. Il inspira à fond et lorsqu’il expira, son corps se muscla avant de se couvrir de cuir noir comme une deuxième peau. Maintenant que son apparence physique s’accordait parfaitement à sa psychologie, il était prêt à œuvrer en toute quiétude.
Des vestiges du visage et de la voix de Linda menacèrent un instant de briser sa nouvelle personnalité, mais c’était sans compter sa volonté farouche de refuser l’état de martyre.
Et à ce jeu là, il était en train de passer maître.
Il démarra en trombe. Comme un signal adressé à son intention, l’horizon vomit une nouvelle explosion.
Lorsque Eric revint prendre place devant son PC, son frère Jérôme n’était plus là. Mais il trouva un mot de sa part scotché sur l’écran :
Une petite surprise t’attend dans ton jeu préféré.
Intrigué, Eric accéda à l’interface de Crim’In. Il ouvrit démesurément ses beaux yeux bleus en découvrant qu’il avait un nouvel avatar. Il répondait au nom de Dielsel45 et était un sosie plutôt fidèle de son acteur préféré : Vin Diesel. Il poussa un cri de joie. Eric lui avait fait un énorme cadeau qu’il n’était pas prêt d’oublier, d’autant plus qu’il le savait plutôt réfractaire à ce genre de jeu. Désireux au plus vite de tester son personnage, il se connecta, un sourire fendant son visage d’ange heureux. Il fit le tour des différentes maps fréquentées. Avant d’en sélectionner une, il prit le soin de déposer dans chaque état de nombreux avis de recherche ainsi libellés :
TRES DANGEREU-REDITION IMPOSSIBLE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45
En dessous du message figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.
Les trois policiers en uniforme attendaient d’hypothétiques renforts avec un espoir qui forçait l’admiration. Le déluge de feu qui s’abattait sur eux depuis dix minutes ne semblait en rien entamer leur moral au contraire de la voiture de patrouille qui leur servait de gilet pare-balles et qui prenait de sérieuses allures de passoire.
De l’autre côté de la rue, derrière une barricade faite d’un conglomérat de débris, deux gangsters rivalisaient d’acharnement. Le premier était un sosie de Al Pacino. Il portait une chemise hawaïenne et vidait son fusil-mitrailleur sur les flics avec exultation.
Le second portait une combinaison noire et un masque de paint-ball. Son expression était invisible mais les deux Uzis qu’il pointait devant lui étaient un excellent reflet de la hargne qui le possédait. Tandis que son complice harcelait les agents, lui s’amusait à tirer près d’un quatrième policier au sol que ses collègues hésitaient à secourir.
Le tireur masqué cessa brusquement de faire feu. Les policiers comprirent qu’il venait de vider ses chargeurs. Encouragé par ses partenaires qui se mirent à le couvrir du mieux qu’ils purent, l’un d’eux s’élança vers le blessé. Il l’empoigna par un bras et commença à le traîner vers la voiture qui menaçait pourtant d’exploser à tout moment. La casquette du flic inconscient tomba, dévoilant un chignon noir. Le secouriste serra les dents, sachant combien le temps lui était compté. La balle d’un sniper lui traversa le crâne et il tomba à son tour.
- Putain je lai eu ! s’écria Eric. Trop fort !
Jérôme revint sur ces entrefaites.
- Ca y est, tu es reparti pour une nuit blanche !
- Merci pour Vin, t’as trop assuré, franchement ! Je te revaudrais ça !
Jérôme sourit à l’idée de ce qu’il allait lui demander.
- Et si en échange, tu me promettais de te coucher avant qu’il fasse jour.
- Tu me crées un super perso et tu veux que je m’arrêtes ?
Le sourire de Jérôme pâlit.
- Effectivement, c’est un peu dur, mais ça me plairait de savoir que tu as dormi. Les parents rentrent pas avant demain soir. Je dois m’assurer que tu fasses pas que jouer. Tiens j’ai apporté une pizza. Faut que tu manges aussi.
Mais Eric l’avait à peine entendu.
- Regarde bien. Je vais m’en faire un autre ! Y vont rien voir, ces cons ! Regarde !
Les deux policiers jetaient des regards affolés vers les deux victimes. Ils essayèrent de repérer la position du sniper dans l’immeuble dévasté en face d’eux et tirèrent au jugé.
- Merde, lâcha Eric. Ils vont m’avoir !
A l’idée qu’ils pourraient perdre définitivement cet avatar comme le précédent, il décida de s’adresser aux deux fous furieux en bas de l’immeuble qui canardaient à tout va. Le gamertag des joueurs qui les manoeuvraient apparaissait clairement au-dessus de leur tête.
- Scarefaith et Jazz-on, couvrez-moi, je suis au-dessus de vous, les mecs. Je vais les allumer !
Les deux intéressés levèrent le nez et éclatèrent de rire en voyant un colosse chauve leur faire signe.
- Eh, Diesel45, la prochaine fois, télécharge un mod vocal. Parce que Vin Diesel avec une voix de fillette, franchement ça le fait pas !
Eric comprit qu’il n’était pas forcément le bienvenu et que ça allait être du chacun pour soi. Il s’en fichait. Il allait montrer à ces crétins ce dont il était capable.
Il enclencha le zoom de son fusil et explorant la voiture des flics, repéra le symbole de tête de mort qui indiquait des chances de destruction maximales. Avec un peu de chances, les deux autres guignols en prendraient plein les yeux. Littéralement. Il pressa la détente : l’explosion qui en résulta le fit frissonner de plaisir. Il déchanta subitement lorsqu’il vit la boule de feu se figer sans avoir pu causer le moindre dommage aux flics.
- Non, putain de bug de merde !
Scarefaith et Jazz-on se désintéressèrent de leurs cibles lorsqu’ils remarquèrent un personnage aux cheveux longs, entièrement vêtu de cuir noir s’avancer dans leur direction. Il était descendu d’une voiture de sport déguisée en char d’assaut, ce qui était la moindre des raisons de s’intéresser à lui.
Max et Shane se dévisagèrent. Ils jouaient côte à côte, le premier sur un PC dernier cri, l’autre sur une console next-gen. Ils étaient potes, dans la vie comme dans le virtuel.
- Si c’est pas un joueur, il est mort ! dit Shane. De le tuer, ça doit débloquer quelque chose, à tous les coups.
- Si c’est un joueur, dit Max on lui demande comment il a eu le code pour faire ça !
Ils rapprochèrent la caméra de l’arrivant pour repérer s’il avait un gamertag. Mais tandis qu’il avançait d’une démarche souple, rien n’était visible au-dessus de sa tête. La fumée rémanente n’aidait en rien l’observation. Alors que l’homme entrait dans la zone de la fusillade, quelque chose se matérialisa au-dessus de sa tête. Ce n’était pas un gamertag. Juste trois mots.
VOUS ETES MORTS !
Jazz-on reçut une flopée de balles dans la tête et dans la poitrine. Son masque de paint-ball ne lui fut d’aucun secours. Les flics en avaient profité pour reprendre leurs esprits et maintenant ils jouaient les cow-boys. Le tueur tomba avant de disparaître.
- Merde ! s’écria Shane. Les enfoirés !
Max ne quittait pas son écran des yeux.
- Vite, reconnecte-toi ! On va tous se les faire à deux, comme d’hab.
Ils échangèrent rapidement une poignée de main secrète et hurlèrent leur cri de guerre :
- Crim’In, pas de panique ! Crim’In, on vous nique !
Shane était entré dans les menus de l’interface, et progressivement son visage trahit un sentiment de panique.
- Je le crois pas !
- Dépêche-toi, les flics me font chier, là !
Le visage de Shane était livide.
- Je peux plus me connecter ! Mon profil est corrompu. J’ai tout perdu, putain !
- Bâtards !
Scarefaith ne prit même pas la peine de viser. Il actionna le lance-grenades dont était muni son fusil-mitrailleur. L’explosion aurait dû tuer les deux flics. Mais une fois encore, l’image de la déflagration fut stoppée dans son animation et dans ses effets.
Scarefaith bondit par-dessus la barricade et fit face à John Carson.
- C’est toi qu’es mort !
Il tira.
John esquiva la grenade d’une simple torsion du coup. Le projectile rebondit au sol avant de s’immobiliser sous la Viper. L’explosion souleva le véhicule dans les airs comme un jouet. La voiture effectua une magnifique série de soleils avant de faire mine de s’abattre sur John. Ne sentant visiblement pas la menace approcher, il dégaina l’un de ses pistolets.
- Pauvre naze, dit Max, tu sais pas à qui t’as affaire.
- Il va falloir qu’ils améliorent encore l’IA, souligna Shane.
Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu. John pointa son arme vers le ciel et la calandre de la Viper se vissa dessus comme sur un aimant.
C’est à peine si sous le poids son coude plia.
Eric suivait la scène, abasourdi.
- C’est quoi ce mec encore!
- Tire dans le réservoir ! s’exclama Shane. Explose-le !
Scarefaith allait s’exécuter, mais rapide comme l’éclair, John dégaina son deuxième pistolet et lui explosa la tête.
- A moi de jouer, fit Eric.
Il effectua un zoom sur la Viper et remarqua le symbole caractéristique en forme de crâne. Il allait tirer, mais se ravisa. Cela ne servait à rien. Le gars était capable d’arrêter les explosions. Il baissa alors le canon de son fusil et ajusta la tête de John. Ce dernier baissa son bras. Son pistolet et la Viper accompagnèrent le mouvement comme une extension de lui.
C’est alors que Eric aperçut quelque chose se matérialiser au-dessus de la tête de sa cible. Pas un gamertag. Juste deux mots.
ENCAISSE CA !
La détonation retentit et la Viper fila à la vitesse d’une balle, s’encastrant violemment dans le bâtiment où le sniper s’était retranché. L’édifice – qui était déjà mal en point – s’écroula complètement dans un volumineux nuage de poussière.
John rejoint les deux policiers qui tentaient de réanimer leur partenaire.
- Merci, dit l’un d’eux. Sans vous…
- Mais comment vous avez fait ce truc avec la voiture ?
John afficha un sourire las.
- Faites comme moi. Ne cherchez pas à comprendre.
Les flics essayèrent le massage cardiaque, le bouche à bouche, sans succès.
John s’agenouilla auprès de la jeune femme inconscience. Il se surprit à la trouver jolie.
Il lui suffit de placer une main au-dessus de son visage pour qu’elle ouvre les yeux.
Les flics observèrent la scène bouche bée.
- Comment vous…commença l’un d’eux avant de se rappeler le conseil de John.
- Elle va bien, mais elle est encore très fragile. Je vais l’emmener vers un lieu sûr.
- Un lieu sûr ? Mais il n’y plus aucun lieu sûr depuis longtemps. Ici, à Slaughterfalls, comme partout ailleurs, c'est le chaos total, l'anarchie !
John se releva, la femme dans ses bras.
- Alors elle restera à mes côtés. Je ne connais pas d’endroit plus sûr.
Il émit un bref sifflement. Dans un grand envol de gravats, la Viper jaillit des décombres de l’immeuble et retomba sur ses roues. John installa la femme sur le siège du passager.
Les deux flics dévisagèrent John, comme attendant qu’il s’occupe aussi d’eux.
Et c’est ce qu’il fit.
Il tendit une main vers la voiture de patrouille et elle fut comme neuve. Il s’approcha ensuite des deux flics et posa une main sur une de leurs épaules.
- Ainsi SWAT-ils !
Le temps d’un clin d’œil, il se retrouva assis au volant de la Viper et démarra en trombe.
Les deux flics assistèrent à son départ, muets comme des carpes, avant de réaliser qu’ils portaient des uniformes d’élite et des armes de gros calibre.
- Ce mec est un dieu ! déclara l’un d’eux.
Ils montèrent dans leur voiture et quittèrent les lieux à leur tour.
La jeune femme remua sur son siège et jeta des regards affolés autour d’elle.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui êtes-vous ?
John sourit. Il était ravi d’avoir un peu de compagnie.
- Vous avez été attaquée par des voyous. Vous êtes en sécurité, maintenant. Je m’appelle…
Il hésita. Il voulait s’éloigner encore un peu plus de l’homme qu’il avait incarné jadis. Il avait changé d’état d’esprit, d’apparence. Il était capable de faire des choses hors du commun sans même y penser. Il avait en quelque sorte enfanté une autre version de lui. Une version infiniment supérieure. Il ignorait comment, il ignorait pourquoi. Pour l’instant, il se contentait de l’accepter et ça lui réussissait plutôt bien.
Il était donc tout naturel qu’il change aussi de nom.
- Appelez-moi John...son.
La femme sourit avec chaleur.
- Merci d’être venu à mon secours, Johnson. Moi je m’appelle…
- Rachel Evans, dit Johnson avec une extraordinaire assurance.
La femme ouvrit de grands yeux, ne pouvant cacher sa consternation.
- Mais comment…
Johnson se mordit la lèvre inférieure. Ses pouvoirs commençaient à le mettre dans l’embarras.
- C’est écrit au-dessus de votre tête.
- Quoi ?
Puis elle éclata de rire.
- Vous avez failli me faire marcher, vous savez.
Elle posa alors une main près de l’insigne cousu sur son uniforme où était écrit :
Rachel Evans – Pour vous Protéger et vous Servir
Une silhouette massive jaillit des vestiges de l’immeuble, les vêtements déchirés, le corps ensanglanté. Diesel45 s’avança en traînant les pieds jusqu’à l’endroit où les deux explosions étaient encore inertes. Son crâne glabre était maculé de sang et de poussière. Mais ses yeux jetaient des éclairs.
- J’ai pas dit mon dernier mot, fit la voix juvénile de Eric.
Rachel allait ajouter un mot, mais Johnson leva un index.
- Un instant. J’ai quelque chose à terminer.
Il fit claquer ses doigts.
Les deux explosions achevèrent bruyamment leur œuvre, catapultant Dielsel45 plus de dix mètres au-dessus du sol et l’envoyant heurter un panneau d’affichage arborant la célèbre jaquette de Crim’In et son non moins illustre slogan : On ne joue plus !
Les yeux rougis pas les larmes, Eric tentait vainement de calmer sa rage en envoyant à travers sa chambre tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Il venait de reperdre un avatar qu’il chérissait, que son frère avait pris la peine et le temps de lui créer. Et voilà qu’à nouveau ce bug qui l’empêchait de se reconnecter. Pour la bonne raison que Dielsel45 était introuvable.
Il s’apprêtait à lancer le clavier à travers l’écran de son PC lorsque Jérôme arriva, les cheveux en bataille, portant simplement un caleçon. Il attrapa le clavier à temps et adressa un regard de grand frère responsable et contrarié à Eric, tremblant comme un épileptique :
- Calme-toi, Eric. Assis-toi et calme-toi !
Eric obtempéra, non sans jurer entre ses dents. Jérôme s’assit sur le lit, à côté de lui :
- Tu es fatigué, vas dormir. Tu joueras mieux demain.
Jérôme tendit une main pour éteindre l’ordinateur, mais Eric l’arrêta :
- Pas encore, geignit-il.
Jérôme lui jeta un regard noir. Eric s’empressa alors d’ajouter :
- Je jouerai pas, je te jure. Je veux juste envoyer un mail à Buff. C’est pas normal que l’IA débloque comme ça. Je suis dégoûté, je viens de perdre Diesel45. Tu venais juste de le faire.
Jerôme sourit. Il n’arrivait pas lui en vouloir. Il ne supportait pas ses gamineries, mais Eric était un frère plutôt sympa en dehors de ça.
- C’est pas grave. Je t’en referai un encore mieux. Jason Statham, tu l’aimes bien aussi, je crois ?
Eric opina avec un grand sourire.
- Ok, on verra ça demain. Envoie ton mail si tu veux, mais après dodo, d’accord ?
Eric acquiesça de nouveau.
Tout comme Donald Buff, Dave Matheson aimait lui aussi son travail. Et il l’aimait chaque jour un peu plus depuis qu’il oeuvrait sur les fondations mêmes de Crim’In.
Assis devant son PC dernière – et même prochaine – génération, il s’appliquait présentement à résoudre les bugs de toutes sortes détectés par les programmes, les autres techniciens ou encore les joueurs eux-mêmes via quelques mails parfois virulents. Mais la plupart des messages que le studio Dead Zone recevait était plutôt sympathique.
Les joueurs remerciaient régulièrement les concepteurs d’avoir « crée un jeu aussi génial » et ils s’imaginaient souvent grâce à quelques compliments bien appuyés pouvoir accéder aux coulisses de fabrication du soft. Mais un tel privilège n’était pas encore à l’ordre du jour. Le studio Dead Zone – filiale de D.I.E.U. – était devenu l’un des endroits les mieux gardés des Etats-Unis. Et forcément aussi, l’un des plus recherchés.
On l’avait localisé à une centaine d’endroits d’après des sources sûres.
Bien entendu, tous s’étaient avérés faux.
La carte de Crim’In était découpée en 13 états de taille et de forme variables. Sous sa forme quadrillée, elle représentait 26 carrés de large – notés de A à Z – et 30 carrés de haut – évidemment notés de 1 à 30. En tout, 180 carrés comme autant de zones à surveiller, chacune d’elles étant placée sous la responsabilité d’un programmeur attitré. Selon le planning, les responsabilités pouvaient permuter. Et le planning était plutôt souple.
En ce jour, Dave Matheson avait la charge de la zone L-17 autrement dit la bourgade de Slaughterfalls. Et il apparaissait que cette contrée - d’ordinaire si dépourvue d’anomalies techniques – était devenue depuis peu un formidable aimant à bugs. Les joueurs depuis plusieurs heures inondaient la boite mail d’infos à ce sujet et bien souvent dans un langage peu châtié. Dave avait conscience que les concepteurs comme lui étaient des stars aux yeux des gamers, mais dès lors que les problèmes survenaient, ils devenaient rapidement la lie de l’humanité.
Dave inspecta toutes les données compilées. Il arrivait régulièrement que des bugs apparaissent en quantité dès que le nombre de membres connectés atteignait un certain niveau. Mais en consultant les archives, il s’aperçut qu’aux heures où les anomalies avaient été signalées, le nombre de connexions était relativement faible. C’était donc un souci lié au moteur graphique du jeu. Un moteur révolutionnaire baptisé Golgotha dont Dead Zone était l’inventeur et l’unique détenteur. Encore expérimental, il pouvait néanmoins afficher un nombre record d’éléments sans aucun ralentissement. Les mises à jour étaient fréquentes, mais il était encore largement perfectible. D’autant que les extensions – produites plus ou moins à la hâte pour satisfaire les attentes – repoussaient à chaque fois un peu plus les limites de ses capacités.
Dave était une sorte de nettoyeur et c’est d’ailleurs ainsi que les joueurs surnommaient affectueusement les techniciens comme lui. Ce n’était pas une tache ingrate. Bien au contraire. Dave avait connu bien pire du temps de Blue Pill et puis, maintenant, il avait la reconnaissance. A commencer par celle de son supérieur direct.
Lorsque Harvey Wizard entrait dans les bureaux de Dead Zone – qui ne méritait pas leur nom vu le nombre d’employés et l’agitation qu’ils généraient – il avait l’impression d’être un responsable de la NASA. En observant les programmeurs, les designers et tous les artistes concentrés sur leurs travaux respectifs, il voyait moins en eux les bâtisseurs du loisir le plus coté au monde que des techniciens chargés de maintenir une navette dans les airs le plus longtemps possible. Une navette avec beaucoup de gens dedans. Oui, la navette Crim’In. C’est ainsi qu’ils avaient tous baptisé le jeu qui avait ni plus ni moins sauvé la face du monde.
Ils soignaient le mal par le mal. Un mal réel par un mal virtuel. Mais plus qu’un mal nécessaire, Crim’In était devenu le super antidote, une boule anti-stress manipulée par des millions de personnes. Qu’importait si ce remède consistait à massacrer des ersatz d’humains. Dans les rues, les cités, le calme avait repris ses droits. On réglait les conflits manette en main. Le clavier et la souris avaient remplacé le fusil et la grenade. Le son des balles déchirant les chairs en THX avait fini par être plus séduisant que le bruit des vraies détonations. La mort était devenue trop esthétique sur les écrans HD. On pouvait régler la couleur du sang, tuner ses armes comme des voitures de course, enregistrer ses faits d’armes, les revoir sous des angles cinématographiques avec des ralentissements à rendre jaloux John Woo en personne.
Ce jour-là, lorsque Harvey Wizard entra dans les locaux de Dead Zone, il eut ce frisson qu’il ressentait à chaque fois. Il pensait aux innombrables joueurs connectés qui prenaient un immense plaisir à arpenter le monde de Crim’in, improvisant des alliances, des compétitions, des défis et des objectifs. Il s’imaginait à la place des vétérans, fins stratèges ou bulldozers, éliminant leurs rivaux avec une efficacité admirable, maîtrisant à la perfection les combinaisons de touches et connaissant la map sur le bout des doigts, faisant exploser les records tous les quarts d’heure. Il s’imaginait à la place des novices dont la première partie à Crim’In faisait figure de dépucelage, avec comme récompenses, une montée sensationnelle d’adrénaline et une jouissance à la même mesure qu’elle soit synonyme de victoire ou d’échec.
Il sourit en pensant à eux avant de s’adresser à ses troupes :
- Salut tout le monde. Comment va Crim’In, aujourd’hui ?
C’était une simple formule d’usage, car tout en disant cela, Harvey contempla le tableau holographique affichant la map entière de Crim’In, les zones et le nom du programmeur associé à chacune d’elle ainsi que le nombre de connexions et les gamertags des joueurs en activité. Il effleura une icône et consulta les derniers mails reçus. L’un d’eux retint particulièrement son intention. Il était adressé à Donald Buff, mais Harvey avait l’habitude de cette maladresse et il avait appris à l’accepter. Cela le faisait même sourire.
Maintenant que D.I.E.U. rentrait largement dans ses frais, que le studio se portait bien et que la mécanique était bien huilée, Buff chapeautait toujours le projet, mais de manière de plus en plus distante et ponctuelle. Il appelait régulièrement Harry et ils déjeunaient ensemble de temps en temps dans sa villa en se congratulant des résultats, mais leurs rapports devenaient purement anecdotiques. Harvey soupçonnait même Buff de travailler sur un nouveau projet. Ce qui aurait été tout à fait digne de lui.
Le mail avait été envoyé par un garçon de 15 ans originaire d’Orléans en France. Il était rédigé ainsi :
Monsieur Donald Buff,
Je m’apelle Eric, j’ai 15 ans et je vous écri car j’adore CRIMIN et que je j’y joue tout les jours. Mais en ce moment ya des petit problème qui m’énerve un peut. Il ya des pnj qui sont trop cheatés et qui ont tué mes deus derniés avatars et je peux plus jouer avec. C’est pas normal. Je vous envoi les images car j’ai acheté le mod DIRECTOR que je trouve super pour enregistré les actions et les envoyé aux potes. J’espère que ça vous aidera a réparé ce qui va pas. Merci pour tout ce que vous faisez sur le jeu. J’espère que la prochaine extension va biento sortir.
Avec tout le respé que je vous doit,
Eric
Harvey se dit que cela valait peut-être la peine de jeter un coup d’œil à l’enregistrement en question. Il arrivait souvent que les joueurs envoient les vidéos de leurs exploits afin d’épater les développeurs et peut-être Buff lui-même pour obtenir une hypothétique rencontre avec le directeur de D.I.E.U. en personne. Certains avaient même poussé le vice en créant un avatar à l’image de Buff. Ce qui, évidemment, n’était pas forcément de très bon goût. Mais Harvey savait que les mails étaient en général filtrés au préalable par des opérateurs bien attentionnés avant qu’il prenne la peine d’y accéder. Une sorte d’accord tacite.
Lorsqu’il visionna les images, il ne regretta pas sa décision et contacta sitôt après Dave Matheson avec qui, par ailleurs il entretenait d’excellents rapports. Il se réjouissait presque de devoir résoudre ce problème avec lui. Il pressa son lobe gauche :
- Salut Dave, tu vas bien ? Bon, écoute, je viens de consulter les mails et l’un d’eux s’est avéré fort pertinent. Tu es sur la zone sensible, c’est pour ça que je m’adresse à toi.
- Je m’attendais à votre appel. J’ai regardé la vidéo. Effectivement, un gros problème d’IA défaillante. J’avais encore jamais vu ça. Je suis en train d’essayer de localiser le sujet.
- Comment il s’appelle ?
- Le premier qu’on voit c’est John Carson. Le second, je ne sais pas. Il n’apparaît pas dans la mémoire et ce n’est pas un avatar de joueur. Très étrange.
- Ok, je te laisse chercher, je viens te voir dans un quart d’heure.
Ce qui implicitement voulait dire « tu as un quart d’heure pour démêler ce nœud avant que je ne vienne t’aider en faisant les gros yeux ».
Harvey allait couper la communication, mais il crut bon d’ajouter :
- Pendant que tu y es, recherche le nom du programmeur qui a crée ce gars-là. Avec un peu de chance, avant midi, tout sera rentré dans l’ordre.
Evidemment, Harvey Wizard ne pouvait pas savoir qu’avant midi, la face du monde allait de nouveau être bouleversée.
Johnson ne savait pas trop pourquoi, mais de se retrouver aux côtés d’une femme, même très différente de Linda, lui ôtait toute envie de se confronter à nouveau à la violence et encore moins de la nourrir.
En fait, il eut subitement envie de reprendre le cours de son ancienne vie. Il voulait quitter la ville, fuir les combats, prendre cet avion et aller sur cette île dans le fol espoir de trouver la paix, la sérénité et un nouveau sens à sa vie.
Rachel s’alarma en voyant un panneau annoncer une prochaine sortie.
- Où nous emmenez-vous ?
- Loin de tout ça, loin de slaughterfalls. Je connais quelqu’un qui possède un petit avion. Je sais piloter.
- Mais je ne peux partir comme ça…avec vous, se sentit-elle obligée de rajouter pour le convaincre de son ineptie. J’ai une vie, ici, un travail !
De son côté, Johnson se sentit plus qu’obligé de rétorquer :
- Une vie ? Un travail ? Vous voulez rire ! Vous faites simplement comme tout le monde. Vous essayez seulement de survivre.
La remarque était cinglante, mais Rachel ne comptait pas s’en contenter.
- On ne se connaît pas. Je ne sais pas qui vous êtes.
- Moi non plus je ne sais plus qui je suis.
Johnson poussa un soupir qui en disait long, mais pas assez à son goût. Alors il comprit qu’il était légitime de se confier un peu à Rachel :
- J’ai perdu ma femme cette nuit. Un gosse l’a poignardée.
Il préféra ignorer l’expression d’épouvante de la jeune femme et poursuivit du même ton :
- Je l’ai retrouvé et je l’ai abattu à mon tour. De sang-froid. Et puis à partir de là, tout s’est accéléré. Je me suis mis à faire des choses, à voir des choses.
Il s’interrompit pour regarder ses mains posées sur le volant.
- jusqu’à maintenant, j’ai préféré tout ignoré et me laissé emporter par cette formidable force qui m’a envahi et qui grandit en moi un peu plus à chaque seconde. Ce n’est pas juste la colère et la vengeance qui m’habitent. C’est autre chose. C’est plus compliqué. Car il n’y a pas que ça.
Il se tourna vers Rachel, le temps pour lui de s’assurer qu’il avait toute son attention. Et il ne fut pas déçu.
- Il se passe des choses autour de moi, autour de nous dont nous ne sommes absolument pas responsables. Des choses inexplicables. Et je ne parle pas de la violence et des gangs. Les corps des morts disparaissent. Des mots apparaissent au-dessus des gens. Comme des noms de code. Vous voyez quelque chose au-dessus de ma tête ?
Rachel hésita avant de secouer la tête. Elle le scrutait comme si elle avait affaire à un fou.
Johnson s’en rendait bien compte.
- Et maintenant ?
Trois mots lumineux s’inscrivirent devant son visage.
FAITES-MOI CONFIANCE !
Rachel hoqueta de surprise.
- Comment vous faites ça ?
- Vous le faites aussi. C’est comme ça que j’ai su comment vous vous appeliez. En fait, tout le monde le fait, mais apparemment, je suis le seul pour le moment à le comprendre et à le contrôler.
A son tour, Rachel poussa un soupir lourd de sous-entendus.
- A mon niveau, j’ai entendu pas mal de choses inquiétantes. C’est peut-être une méthode de surveillance créée par le gouvernement.
- Tiens, parlons de lui. Où est-il ? Que fait-il ? Les autorités sont aux abonnés absents depuis un moment maintenant. Ils nous laissent dans notre merde. Ils se foutent bien de ce qui peut nous arriver. Et vous savez pourquoi ?
- Ils sont complices.
- Exact. Et ce chaos n’est ni plus ni moins devenu une sorte de contrôle pour eux. Pendant que nous essayons désespérément de nous protéger, les politiques peuvent s’adonner à leurs plus basses besognes en toute impunité. Dans ces conditions, pourquoi interviendraient-ils ?
Rachel se recroquevilla un peu sur son siège.
- Ca fait peur. C’est donc la fin ?
- Je ne sais pas. Il faut que je sache pourquoi je suis ce que je suis. Et il faut que je sache si je suis le seul.
Johnson freina sans crier gare et s’arrêta sur le trottoir. Il tendit un bras et décolla une affiche sur le mur couvert de graffitis provocateurs. Le message qu’il put lire était ainsi libellé :
TRES DANGEREU-REDITION INéFICASSE-NEUTRALIZE AVATAR
CONTACTé DIELSEL45
En dessous du texte figurait le portrait d’un homme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux marron.
- Vous le connaissez ? interrogea Rachel.
Johnson ressentit à nouveau cette sensation étouffante d’être la victime d’un complot à grande échelle. Il répondit sans vraiment y penser :
- Oui, c’était moi.
- Quoi ?
La détonation n’avait pas fini de retentir que la Viper traversait violemment le mur dans une explosion de briques et de débris métalliques.
De l’autre côté de la route, un char d’assaut pointa son canon entra deux maisons - qu’il démolit allègrement sur son passage – avant de s’arrêter près d’une borne à incendie.
La trappe d’accès s’ouvrit et un ado de dix-neuf ans apparut. Il était torse nu. Il portait un bermuda version camouflage et un casque de GI sur lequel était inscrit son gamertag : BORNKILLER. Une cigarette était rivée au coin de sa bouche. Il exhiba un fusil à canon scié recouvert de logos et tira dans la borne à incendie, libérant un puissant geyser d’eau. Il appuya son dos contre la trappe, allongea ses jambes et laissa l’averse le rafraîchir.
La voix du pilote – qui répondait au nom de DWAYNE et qui avait tout d’un catcheur – se fit entendre :
- T’es sûr que c’était la bonne caisse ?
L’autre observait le soleil à son zénith sans même cligner des yeux :
- Absolument. La description sur le forum était très détaillée. Le joueur a dit qu’il l’avait vue d’assez près.
- Pourquoi il vient pas nous rejoindre ?
- Il a dit qu’il avait des problèmes de connexion et qu’il devait se refaire un avatar. Et d’après lui c’est à cause du mec qu’on vient d’exploser.
- Jamais entendu parler d’un truc pareil. Comme si l’IA pouvait interférer avec le réseau. N’importe quoi !
- En tout cas, reprit BORNKILLER, on va attendre un peu ici. Je lui envoie notre position. Il nous rejoindra dès que possible.
- Tu crois que c’était un boss caché ?
- Non. On aurait remporté des points bonus et là c’est pas le cas.
- Tu crois qu’on l’a eu ?
BORNKILLER tapota la surface du char comme s’il se fut agi d’un animal de compagnie :
- Tu parles qu’on l’a eu. Rien ne peut résister à Texas.
Il avait baptisé le char ainsi en hommage à son labrador, mort quelques jours auparavant.
Il n’avait pas plus tôt dit cela que quelque chose s’élevait des ruines encore fumantes devant eux. BORNKILLER n’en crut pas ses yeux lorsqu’il vit une silhouette humaine se découper sur le disque jaune du soleil. Il se redressa.
- Merde, c’est lui là-haut ! On va lui envoyer un Baby Jaw !
Johnson tenait Rachel dans ses bras. Et il flottait dans le ciel sans le moindre effort à faire. Mais c’était là la dernière de ses préoccupations. Il contempla le visage de la jeune femme en essayant vainement de ne pas penser à celui de Linda juste avant qu’elle ne meure dans ses bras. Les lèvres de Rachel remuèrent. Elle eut comme un sursaut, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut une giclée de sang. Johnson sut qu’elle venait de le quitter. Et comme pour chasser le doute à ce sujet, son corps disparut. Comme tous les autres. La surprise de Johnson fut de courte durée. Sa fureur beaucoup moins.
- T’es sûr que c’est lui ? s’enquit DWAYNE. Il a l’air différent de la description.
Johnson était maintenant un colosse chauve au torse nu exhibant une pléthore de cicatrices et de tatouages tribaux qui à eux seuls auraient pu faire fuir une armée. Une cape noire déchirée se soulevait dans son dos de manière surnaturelle, s’agitant nerveusement comme la queue d’un félin contrarié.
- Feu !
Le canon du char cracha un obus titanesque doté d’un aileron sur lequel était dessiné un bébé à la mâchoire de requin. Johnson gonfla son biceps et lança son poing droit devant lui. Le choc de la collision brouilla l’image sur l’écran HD. L’étudiant et l’ouvrier assis au comptoir du Mike’s Bar échangèrent un bref regard avant de river de nouveau leur attention sur la télé, imités par une trentaine de clients, spectateurs assidus du jeu. C’est Mike, le patron, qui avait eu l’idée d’organiser ces séances publiques. Cela amenait pas mal de monde, les strip-teaseuses ne faisant plus vraiment recette.
Lorsque le nuage de poussière se dissipa, les deux joueurs et l'assistance derrière eux eurent une vision qui les laissa momentanément sans voix.
Johnson s’était fait un gantelet de l’obus destiné à l’anéantir.
Au-dessus de sa tête des lettres lumineuses apparurent, formant rapidement quelques mots à l’attention des assassins de Rachel :
J’IGNORE SI DIEU EXISTE MAIS VOUS VENEZ DE CREER LE DIABLE !
- Qu’est-ce que c’est que ce délire ? fit Mike les yeux rivés sur l’écran, essuyant distraitement un verre.
- T’es sûr que c’est pas un boss ? demanda l’ouvrier à son partenaire.
Mais au lieu de lui répondre l’étudiant hurla :
- Feu !
Johnson venait de projeter le Baby Jaw en direction du char, usant de son bras armé comme d’un lance-missiles.
DWAYNE s’exécuta aussi rapidement que possible et le canon cracha un nouvel obus.
Les deux projectiles se heurtèrent avec une violence inouïe. Un éclair envahit l’écran et aveugla momentanément toutes les personnes présentes dans le bar. L’écran s’éteignit une seconde avant de se rallumer, occasionnant une indicible frayeur chez les spectateurs.
Johnson poussa un râle en voyant qu’il avait échoué. Mais le regain de rage qu’il ressentit juste après lui fit oublier sa déveine. Il se recula un peu comme pour se préparer à fondre sur le char. Un missile l’atteignit de plein fouet. Il fut projeté à plusieurs mètres. Sa colère connut un nouvel essor. Il lança un regard lourd d’un funeste présage en direction de la menace. Car ce n’est pas le char qui venait de tirer. Un hélicoptère de type gazelle venait de se profiler. A l’intérieur un clone de l’acteur Jason Statham vêtu d’un smoking. Au-dessus des pales en mouvement apparaissait le gamertag du joueur : HITMAN.
- Salut les mecs ! fit Eric. On dirait que j’arrive à temps !
Jerôme entra dans la cuisine. Il était presque 11h00. Il se gratta la tête. Il avait fait un drôle de rêve. Dans son rêve, Eric était prisonnier du jeu Crim’In. Il frappait contre l’écran pour esssyer d’en sortir et surtout pour l’avertir. Mais lui, ne comprenant rien, continuait de lui tirer dessus avec son avatar. Plus tard leurs parents rentraient et se mettaient à jouer eux aussi avec un enthousiasme malsain.
Eric finissait criblé de balles, massacré par sa propre famille.
Jérôme secoua la tête. Il fallait qu’il oublie cette horrible vision sinon il allait passer une très mauvaise journée. Les parents rentraient le soir. Cela le réconfortait un peu. S’occuper d’Eric ne lui avait jamais posé de problèmes. Bien au contraire. Mais en ce moment, il avait ses propres soucis. Des problèmes de cœur (au sens métaphorique) et une certaine incertitude quand à son devenir professionnel.
- Eric, tu as mangé ?
Il devait être sur son PC. Mais au moins avait-il dormi un peu. Aujourd’hui ils iraient faire un peu de skate. Jérôme regarda par la fenêtre de la cuisine. Le quartier était calme, comme d’habitude. Il faisait beau.
Ca pouvait être une bonne journée, en fait.
BORNKILLER regarda l’hélicoptère qui filait en direction du colosse tout en l’arrosant copieusement de projectiles assassins. Il tira en l’air avec son fusil à canon scié comme pour l’encourager puis s’adressant à son comparse :
- Balance un autre Baby Jaw !
- J’en ai plus, fit DWAYNE de sa grosse voix.
- Fais le code que je t’ai donné.
La peau de Johnson se couvrit progressivement d’éclats métalliques tels des implants, lui conférant une image encore plus menaçante. Ses yeux jetaient littéralement des éclairs.
Eric jubilait de voir son ennemi ainsi harcelé. Mais il déchanta lorsqu’il s’aperçut qu’il n’avait plus de munitions.
L’ouvrier se tourna vers l’étudiant :
- C’est quoi le code déjà ?
La cape noire de Johnson prit soudain vie et le recouvrit. La seconde d’après, il réapparaissait, les muscles bandés à l’extrême. Les fragments de missiles dont son corps était criblé s’abattirent sur l’hélicoptère et Eric eut tout le mal du monde à le maîtriser. Il était touché, désarmé. Il ne voyait plus qu’une option.
- Le code ? Je te l’ai donné tout à l’heure. Je sais plus, moi. C’était pourtant facile à retenir !
Eric déséquilibra l’appareil, orientant les pales vers le bas.
- Eric, tu viens manger ?
- S’il est si facile ce code, pourquoi tu peux pas me le redonner ?
Eric était maintenant suffisamment près. Il allait découper son ennemi comme un vulgaire morceau de viande. Le regard acéré de Johnson plongea à travers le pare-brise. Mais ce n’est pas Jason Statham qu’il vit assis à l’intérieur du cockpit. NON. Il vit un gamin de quinze ans à l’air innocent et aux magnifiques yeux bleus. Le visage de Johnson se tordit :
- TOI !
Son bras se détendit à la vitesse de l’éclair et sa main se referma sur une des pâles destinées à le déchiqueter. Instantanément elles cessèrent de tourner et l’appareil se figea.
- C’était à toi de le retenir ! C’est toi le tireur !
- Eric ! Lâche le jeu, ça va refroidir ! J’ai fait du pain grillé comme t’aimes !
Le corps de Johnson commença à produire des éclairs tout autour de lui comme s’il se prenait tout à coup pour une centrale électrique. Il rapprocha l’appareil de lui et colla son visage haineux contre la vitre :
- Tu m’as crée. Tu as fait de moi ce que je suis. Je te dois la vie. Mais je te dois aussi la mort.
La mort de Linda, ma femme. Et la mort de John Carson, celui que j’étais.
Johnson ne se rendit pas compte qu’il pleurait. Eric le regardait, terrifié. Ce n’était pas une simple Intelligence Artificielle. Ce regard, cette expression de douleur et de colère mêlées.
Ce n’était pas possible.
D’un simple mouvement, Johnson balança l’hélicoptère vers le sol. A la vitesse d’un missile, l’appareil s’écrasa sur le char prénommé Texas. L’explosion qui s’ensuivit eut un certain nombre de conséquences. Elle rasa les habitations alentours. L’écran HD de Mike explosa, répandant des débris sur les joueurs et les spectateurs. Harvey Wizard venait de rejoindre Dave Matheson lorsque les écrans et les lumières du studio Dead Zone s’éteignirent quelques secondes avant de se rallumer.
Jérôme entra dans la chambre d’Eric. Ce dernier était bien assis devant son PC, immobile, hypnotisé par l’action dont il était l’acteur et le témoin privilégiés.
- Tu devrais jouer sans le casque de temps en temps. Tu vas finir par te bousiller les tympans.
Jérôme retira les écouteurs. Du sang coula des oreilles d’Eric. Il regarda son visage. Ses magnifiques yeux bleus étaient désespérément grand ouverts.
Lorsqu’il lui prit le pouls, il réalisa que son coeur ne battait plus.
12h29 France Orléans
Eric était entre la vie et la mort. Jérôme essayait de ne pas se sentir trop coupable, mais quand ses parents le rejoignirent en catastrophe à l’hôpital – écourtant un important séminaire – ce fut peine perdue.
- On t’avait pourtant dit de ne pas le laisser toute la journée devant son écran !
- Ces jeux sont dangereux ! C’est une vraie drogue et ton frère vient de faire une overdose !
Quand ils rentrèrent à la maison - après avoir eu la garantie des médecins qu’ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour tirer Eric de son coma – les parents de Jérôme continuèrent à le sermonner. Mais face à son silence désespéré, ils ne trouvèrent rien de mieux à faire que s’invectiver l’un l’autre :
- Je t’avais dit que nous n’avions pas besoin d’être deux là-bas !
- Ca c’est certain ! Tu as passé ton temps à te maquiller !
Jérôme soupira avant de trouver refuge dans la chambre d’Eric.
Johnson filait dans le ciel à la vitesse du son. Il atteignit l’île en moins d’une minute. A peine posé sur la plage de sable fin, il tomba à genoux. Son corps de guerrier invincible se flétrit et il redevint provisoirement John Carson, un simple être humain, rongé par la perte de la femme aimée, de sa moitié.
Il n’avait pas pu retrouver son corps, mais il lui devait toujours une sépulture digne de ce nom. Le visage de Linda revint danser dans son esprit. Et avec lui, tout un cortège de souvenirs à l’ineffable beauté. Il se rappela leurs dernières vacances. Un voyage exceptionnel au Tibet grâce à des années d’économie. Un voyage et une seconde Lune de Miel.
Il contempla ses mains à travers le rideau de ses larmes. Ses pouvoirs allaient peut-être enfin lui servir à autre chose qu’à tuer et à détruire. Ses mâchoires se crispèrent et il plongea ses bras jusqu’aux coudes dans le sable. Des éclairs jaillirent à nouveau de son corps. Il redressa la tête et regarda la montagne s’élever devant lui.
Jérôme regarda autour de lui. Chaque objet de la pièce avait une histoire qu’il connaissait. Il se rappela chacune d’elle avec une émotion plus vive qu’il ne l’eut souhaité.
Ici, un poster glané à un concert de rock. Là, une planche de skateboard offerte à son anniversaire : le fruit de plusieurs années d’économie. C’était un modèle unique. Il avait fait gravé le nom de son frère et celui de son idole dans cette discipline.
Des idoles, Eric en avait des tas. Mais Jérôme avait toujours tout fait pour être en haut de la liste.
Il prit place devant le PC et se mit à pleurer doucement, sans un bruit. Et puis son regard tomba sur la jaquette de Crim’In dédicacée par Donald Buff en personne :
Pour Eric, un joueur plein d’avenir.
D.B.
Ses larmes séchèrent instantanément. Il pianota sur le clavier pour s’inscrire sur le forum officiel du jeu.
03h32 Los Angeles - Studio Dead Zone
- Il est au Tibet.
- Quoi ?
- John Blossom, le créateur de John Carson. Il est en vacances au Tibet. Et il en a encore pour une semaine. Je crois qu’on peut faire une croix sur lui.
Harvey eut un regard de dieu courroucé.
- Foutu alpiniste !
Puis il fixa Dave avec toute la sympathie dont il était capable dans sa situation.
- Donne-moi une bonne nouvelle. Tu as localisé cet emmerdeur ?
- J’ai consulté les vidéos et les témoignages les plus récents des joueurs. Il a été vu pour la dernière fois à la sortie de Slaughterfalls. Là même où habitait John Carson. Il apparaît de plus en plus probable que ce bug est apparu au moment même où ce John Carson a disparu des effectifs de l’IA.
Harvey ne fit aucun effort pour cacher son inquiétude.
- Tu es en train de parler d’évolution ?
Dave se contenta d’un simple haussement d’épaules. Harvey renonça à s’emporter. La panique était la dernière des options.
- A moins de trois mois de la sortie de la prochaine extension, on ne peut pas se permettre ce genre d’anicroche. Les joueurs parlent entre eux. Les forums sont faits pour ça. S’il y a un élément qui fait obstacle à leur plaisir de joueur, la réputation de Crim’In est menacée.
- On peut mettre tout le monde sur le coup. On peut en faire notre nouvelle priorité.
Harvey caressa son menton rasé de près.
- Non. Il est hors de question de changer nos plans. Et puis Donald ne doit rien savoir. Il y a sûrement un moyen de préserver notre intégrité et nos enjeux premiers.
Après quelques secondes le visage de Dave s’illumina.
- Tournons la situation à notre avantage.
Les sourcils d’Harvey lui intimèrent de s’expliquer.
- Faisons croire que ce bug est sous notre contrôle, qu’il est un choix délibéré de notre part. Ici, nous avons quasiment les mains liées. Mais pas certains joueurs. Organisons un concours. Celui qui parviendra à éliminer John Carson – ou plutôt ce qu’il est devenu – se verra offrir un séjour tous frais payés dans les locaux de Dead Zone avec en prime le privilège d’assister au développement de la prochaine extension. Imaginez la réaction. Le rêve pour des millions de fans. Une telle offre, une telle récompense ! Qui voudrait passer à côté ?
Sur les forums et dans les conversations en général, la tension commençait sérieusement à monter et la liste des doléances des joueurs grossissait de minute en minute. L’existence d’un mystérieux personnage capable de neutraliser les joueurs les plus aguerris était maintenant connue de tous. Il avait eu droit à bien des surnoms depuis ses premiers exploits, mais tout le monde s’était finalement accordé pour l’appeler Big Bug. Un nom plutôt justifié à défaut d’être réellement inspiré. En quelques heures Big Bug avait considérablement éclairci le nombre de joueurs connectés sur le réseau. Et c’était une raison suffisante pour faire de lui le scoop le plus important du moment au même titre que la sortie de Fire From Ashes, la prochaine extension de Crim’In. Quand il fut avéré que les deux étaient intimement liés par un défi lancé aux joueurs du monde entier par Dead Zone, ceux qui se trouvaient dans l’incapacité d’y participer virent leur frustration monter d’un cran. Les autres discutaient déjà stratégie et graissaient virtuellement leurs armes. Crim’In n’en finissait pas de monopoliser l’attention. Question d’habitude. Mais cette fois la situation exigeait des joueurs un investissement tout a fait inédit.
Des affiches improvisées fleurirent dans les différents états du jeu. On pouvait y voir les différents visages connus de l’ennemi virtuel numéro un, accompagnés du message suivant : "Avez-vous vu ce type ?" et d'une adresse internet.
Mais cette chasse à l’homme - aussi séduisante était-elle – ne faisait malgré tout pas l’unanimité parmi les joueurs. Si la plupart voyaient en Big Bug une poule aux œufs d’or, d’autres l’avaient élevé au rang d’icône intouchable et de ce fait voyaient d’un très mauvais œil cette campagne destinée à l’anéantir sans autre forme de procès. Pour eux, ce n’était ni une anomalie, ni une carotte pour amadouer les geeks. Mais bien l’avènement d’une ère nouvelle ou l’IA avait enfin son mot à dire. Cette croyance devint très vite une croisade et ses sympathisants eurent tôt fait de se trouver un leader à la mesure de la tâche. C’était une jeune femme de 21 ans prénommée Iko, originaire du Japon. Elle baptisa son groupe les Protecteurs et déclara rapidement la guerre aux Chasseurs qui trouvèrent également un chef digne d’eux.
Iko pilotait sa fidèle Manta verte et rose estampillée 52, le tout dernier modèle de moto de course de Kawasaki. Il n’était même pas encore sorti chez les concessionnaires. Crim’In était devenu la parfaite vitrine virtuelle pour toutes les grandes entreprises. C’est aussi grâce à ce stratagème que Donald Buff avait engrangé un maximum d’argent. Suite au succès fulgurant du jeu, les fabricants de tous horizons avaient fait la queue devant D.I.E.U. pour signer un contrat exclusif de partenariat. Crim’In générait plus de publicité qu’un bouquet de chaînes satellites.
Iko progressait sur le toit des immeubles, bondissant comme un fauve. En contrebas, un convoi mêlant jeeps, camionnettes et 4x4 remontait l’avenue. A sa tête, une rutilante Ferrari noire qui abritait sans nul doute le chef des Chasseurs.
Iko jeta un bref coup d’œil au convoi avant de s’adresser à ses troupes encore invisibles :
- Ils ont localisé Big Bug un peu plus loin, à MicroSouth. L’info vient d’être confirmée. Ils ne soupçonnent pas que nous le savons.
Sur un autre toit, un Protecteur mettait le défilé en joue avec son fusil de sniper.
- Qui est la taupe ?
- Peu importe, répondit sèchement Iko. A vous de jouer !
Ces mots à peine achevés, des explosions tonitruantes vinrent décimer la petite armée. Deux motos jaillirent de nulle part et se rabattirent sur les flancs de la Ferrari qui accéléra de plus belle. Le passager d’un des pilotes braqua un lance-roquettes sur le bolide. Et jubila.
- Tu vas t’envoler, T-Hawk !
Au moment où son doigt allait presser la détente, le toit de la voiture s’éjecta. Les quatre Protecteurs furent stupéfaits en voyant qu’il n’y avait ni pilote, ni passager.
- C’est un piège ! Foutons le camp !
La Ferrari devait être truffée de C4, car l’explosion qui s’ensuivit rasa pratiquement tout le quartier.
La Manta s’arrêta au bord d’un toit. Iko ôta son casque et ce faisant, son gamertag se modifia et devint T-Hawk. Quant à son visage, ce n’était pas celui d’une jeune japonaise. C’était celui d’un jeune français aux traits durcis, au regard de braise. Il s’appelait Jérôme.
Lui qui n’avait connu le jeu que par les exploits de son frère s’était métamorphosé en machine de guerre virtuelle en un temps record. Les astuces, les codes, les mods, tout ce qui permettait à un joueur de supplanter les autres et de dominer le jeu, Jérôme les avait traqués. Il n’avait pas l’expérience, ni le temps et la patience de l’obtenir. Alors il avait utilisé d’autres moyens.
Détruire Big Bug ne lui garantirait aucunement la survie d’Eric. Mais il était convaincu que cela pencherait dans la balance. Et à partir de là, tout ce qui se ferait obstacle à sa quête serait une menace pour son frère. Et un ennemi pour lui.
Des tirs de gros calibre l’arrachèrent à ses réflexions. Un avion de chasse venait de le prendre pour cible. Le Harrier Miller41 était encore au stade de prototype dans les usines réelles, mais qu’importait, dans le ciel de Crim’In il évoluait déjà avec une aisance stupéfiante pour un appareil de son envergure. Avant que la poursuite ne s’engage, Jérôme eut le temps de voir une inscription sur le fuselage :
IKO Guide des Protecteurs de BIG BUG
Contrairement à lui, elle ne se cachait pas.
Aux commandes, la belle asiatique affichait autant de détermination que son ennemi. Et les rafales de mitrailleuse qu’elle lui adressa constituaient déjà de sérieux avertissements.
Jérôme avait triché avec son image, retournant la situation à son avantage. Cette manipulation faisait de lui un génie pour certains. Pour Iko, cela ne faisait qu’accroître la haine qu’il lui inspirait.
La Manta franchit le vide la séparant de la route et tandis qu’elle s’éjectait du toit, l’immeuble derrière elle disparut dans une explosion dantesque. Le lance-missiles du Miller41 n’était pas encore breveté qu’il faisait déjà des prouesses.
La moto bondit par-dessus les décombres. Sur elle planait l’ombre du Harrier, tel un oiseau de proie futuriste. Iko renversa son appareil à la verticale, le nez pointé vers le sol. Grâce à ses tuyères orientables, le Harrier pouvait s’affranchir un maximum de la gravité. Iko ouvrit le toit du cockpit et après avoir évalué les risques, elle enclencha l’éjection et se retrouva derrière Jérôme.
Dans le cybercafé le plus populaire d’Hiroshima, les cris des spectateurs saluèrent son exploit. Tous les joueurs sans exception s’étaient détournés de leur propre partie en réseau pour venir assister au spectacle. Dans la rue, c’était la cohue et des journalistes avaient même fait le déplacement pour couvrir l’évènement. Le quotidien de Crim’In devenait facilement une exclu alors quand les chefs des deux factions les plus importantes s’affrontaient, les chaînes se déchaînaient pour avoir la primeur de l’évènement. Les paris étaient lancés. L’affaire était forcément juteuse.
Chez Dead Zone, on se frottait les mains. L’agitation atteignait aussi son paroxysme. Harvey Wizard crut sage d’user de son autorité afin de restaurer le calme et un professionnalisme plus que salutaire.
- Que les joueurs ne se contrôlent pas, c’est dans l’ordre des choses. C’est ce qui fait vivre Crim’In. Que vous les imitiez, non.
Lorsque l’équipe technique reprit son activité, Dave leva le nez de son écran pour s’adresser à son supérieur :
- Devons-nous intervenir ?
- Pourquoi le devrions-nous ?
- A votre avis qu’en pense Donald ?
Harvey repensa à l’image de la navette Crim’In. Fallait-il songer au crash ? Non. Harvey s’interdisait de le penser.
- Je l’appellerais quand je le jugerais nécessaire.
Dave tressaillit en regardant son écran. Harvey l’imita.
- Que se passe-t-il encore ?
- Un pic d’activité sur l’île sans nom, au large du continent.
- Activité des joueurs ?
- Non.
- Activité de L’IA ?
- Je ne sais pas. La signature est inconnue.
- Alors c’est sûrement lui. Que fait-il ?
- Il est en train de modifier le relief. On dirait qu’il … Il est en train de façonner une montagne.
Harvey quitta l’écran des yeux et s’abîma dans ses réflexions. Il ne savait pas pourquoi Donald Buff n’était pas encore au courant de la situation. Avec les médias, qui pouvait l’ignorer. Peut-être l’ignorait-il délibérément. Peut-être était-ce une forme de test. Et si ce bug était ni plus moins la dernière œuvre de Buff afin d’asseoir sa réputation ? Il était assez fondu pour ça. Mais encore une fois, Harvey refusa d’aller où son imagination l’entraînait.
C’était juste un problème. Et il fallait le résoudre.
- Transmettez sa position aux joueurs.
- Un joueur est à l’hôpital. Des incidents ont été signalés un peu partout. A commencer par ici. Vous le savez. Si on fait ça, il y aura peut-être des morts, Harvey ! Nous naviguons en terre inconnue, désormais.
Dave dévisagea son supérieur avec une gravité inaccoutumée. Harvey soutint son regard avec une assurance qui en disait long sur son propre jugement.
- Dois-je t’en tenir responsable ?
Dave se recroquevilla sur sa chaise. Harvey croisa ses bras sur sa poitrine.
- Lâchons les chiens. Que la curée commence.
Iko dégaina le sabre ornant son dos pour décapiter Jérôme. Ce dernier la prit de vitesse. Il s’appuya sur les poignée de la moto et se soulevant, lança une furieuse ruade. Frappée de plein fouet, Iko fut catapultée en arrière pour réintégrer malgré elle le cockpit du Harrier qui l’avait sagement suivi. Elle lança une bordée d’injures dans sa langue natale. Reprenant le manche, elle redressa le nez de l’appareil tandis que la Manta filait plein gaz vers l’entrée d’un immeuble vitré d’une vingtaine d’étages.
- Jérôme, tu viens manger ?
Il n’était pas loin de 14h. Jérôme savait qu’il était contre-nature de faire ce qu’il faisait alors que la vie de son frère ne tenait qu’à un fil. Il devrait être en train de prier, de se recueillir avec ses parents, d’éplucher les albums de photos, n’importe quoi qui puisse témoigner de l’amour qu’il lui avait toujours porté. Mais il savait aussi que ce qu’il était en train de faire était paradoxalement la meilleure preuve d’amour qu’il puisse lui témoigner. Il reprenait son flambeau, il marchait sur ses traces. Il devenait le personnage que son frère avait toujours voulu incarner. Si Eric s’éveillait et apprenait son ascension dans Crim’In, il serait fier de lui comme jamais. Fier d’être son frère. Et cette perspective valait à elle seule l’entreprise désespérée dans laquelle il s’était embarqué si précipitamment.
- Ne m’attendez pas. Je n’ai pas faim.
Aussi il avait faim. Faim de victoire, de succès. Faim de suprématie. Lui qui était en quête de son avenir venait enfin d’en trouver un qui le comblait.
L’avion mitrailla la façade du bâtiment alors que la moto plongeait à l’intérieur.
Iko enclencha le détecteur de chaleur. Le signal était perturbé par des émissions diverses provenant des canalisations et des appareils électriques.
Le jeu était parfois si réaliste que cela faisait froid dans le dos.
Elle stabilisa l’appareil. Au 21ème étage, le détecteur repéra une source de chaleur extrêmement véloce. Elle allait presser la commande du lance-missiles, puis se ravisa. C’était un peu trop facile. Elle attendit. Lancée à plein régime la Manta traversa une fenêtre et s’élança vers l’avion inerte. Iko écarquilla les yeux de stupeur. Le pilote n’était pas sur la moto. Elle le repéra du coin de l’œil, suspendu à la façade au moyen d’un grappin. Dans son autre main, il tenait un détonateur. Et il jubilait.
- Envole-toi, Iko !
Iko enclencha derechef l’éjection. La moto transformée en bombe percuta le Harrier, le réduisant à un amas de métal carbonisé. Jérôme produisit une grenade qu’il lança avec adresse. L’explosion déchira le parachute de son adversaire. Iko regarda le sol se rapprocher. Elle était beaucoup trop haute. La chute allait la tuer. Si son avatar mourrait, elle n’était pas certaine de pouvoir se reconnecter. BIG BUG semblait avoir bloqué toutes les entrées depuis peu.
Il lui fallait des ailes dans le dos.
Un joueur qui se trouvait tout près d’elle lui murmura quelque chose à l’oreille. Elle le dévisagea un instant avant de l’embrasser sur la bouche, provoquant une mini émeute dans le cybercafé.
Elle entra le code et sitôt après son avatar fut nanti d’un jet pack qui le propulsa vers son adversaire abasourdi.
Jérôme reprit rapidement ses esprits. D’un mouvement souple, il se balança à l’intérieur du bâtiment. A peine atterri, Iko le projeta violemment au sol. Jérôme lança sa jambe en avant, mais se retournant habilement, Iko se servit de son propulseur comme d’un bouclier efficace. Jérôme se jeta sur elle. Ils improvisèrent une danse avant de basculer à travers une vitre. Iko enclencha son jet-pack, leur épargnant une chute mortelle, et d’un coup de tête se dégagea de l’étreinte de Jérôme. Ce dernier perdit la seule prise qu’il avait et tomba vers le sol.
Iko poussa un soupir repris par ses admirateurs.
Jérôme en profita pour lui mettre littéralement le grappin dessus. Ecoeurée, l’asiatique contempla son ennemi relié à elle et qui s’efforçait visiblement de l’entraîner vers le bas. Elle dégaina alors son sabre. D’un coup de lame, elle trancha comme un fruit mûr la grenade que venait de lui lancer Jérôme avant de couper le câble du grappin qui lui mordait la cuisse.
Jérôme regarda son avatar se rapprocher dangereusement du sol. Sans trop s’inquiéter. Et pour cause. Lorsqu’il heurta le bitume crevassé de la route, son corps ricocha comme une balle. Iko ne put rien faire pour l’arrêter. Il la percuta avec une brutalité qui fit frémir les fans de la joueuse experte. Il y eut une sorte d’éclair et la seconde d’après, Iko était précipitée vers le sol. Epouvantée, elle regarda son ennemi ajuster le jet-pack sur son dos. Elle comprit qu’il avait toutes les cartes en main. Elle comprit qu’il avait tous les atouts. Tous ? Non, il lui en restait un : le sabre explosif ! Elle tâtonna dans son dos à la recherche de son arme avant de l’apercevoir dans la main de Jérôme. Et il jubilait.
- C’est sûrement ça que tu cherches !
La seconde d’après, il balançait le sabre vers elle. Lorsque la lame transperça la poitrine de la belle asiatique, l’explosion qui résultat de l’impact mit fin aux espoirs d’un très grand nombre.
Un homme creva péniblement la foule de curieux avant de pouvoir approcher une Iko en piteux état. Il s’inclina respectueusement avant de déclarer :
- Je sais où est BIG BUG !
Iko le toisa avec sévérité.
- C’est de source sûre ?
- Oui. Une fuite du studio.
Cette annonce ne fit qu’attiser la douleur de la jeune femme. Elle remercia l’informateur avant d’essayer de se reconnecter. Bien entendu, elle n’y parvint pas. Pas plus que les autres joueurs présents dans l’établissement. Elle renifla pour s’empêcher de pleurer. L’homme qu’elle rêvait de rencontrer, qu’elle avait tout fait pour protéger l’empêchait involontairement de l’aider.
Elle se tourna vers l’informateur :
- Les chasseurs sont au courant ?
- C’est de source sûre ? demanda Jérôme à son informateur. Celui-ci n’était autre qu'un joueur connu sous le pseudo de AZERTY.
- Oui. C’est une annonce non officielle. Une fuite de Dead Zone.
Suspendu entre ciel et terre au moyen du jet-pack, Jérôme semblait consulter l’horizon comme pour y trouver la solution à un épineux problème.
- S’il est là-bas, je le trouverai et je le détruirai. Fais passer le mot aux autres.
Jérôme allait couper la communication, mais il ajouta :
- Tu m’as bien aidé depuis le début. Je te donnerai le prix du concours quand je l’aurai gagné.
AZERTY sourit tellement que cela s’entendit presque.
- Mais si Dead Zone fait des histoires ?
- Ils n’en feront pas. Ils n’en font jamais. Les histoires c’est les joueurs qui les font.
- J’espère vraiment que ton frère va s’en sortir.
- Je l’espère aussi. Sinon c’est Donald Buff qui va en subir les frais. Et ce sera pas virtuel, cette fois.
- Ils ont tous mordu à l’appât, fit Dave en réfrénant maladroitement sa fierté.
Harvey posa une main sur son épaule. Ce qui était évidemment plus qu’un simple geste de reconnaissance.
- Bien joué le coup de la fuite, Dave. Au terme de cette mésaventure, tu pourrais devenir un bon chef de projet. Chez Blue Pill, apparemment, il leur manque un mec inspiré et réactif. Tu ferais parfaitement l’affaire. En plus, tu as déjà travaillé chez eux.
Dave allait rétorquer qu’il se trouvait très bien à Dead Zone et que la perspective de retourner chez son ancien employeur ne l’enchantait pas particulièrement, mais quelque chose lui dit que ce n’était pas la réponse qu’attendait Harvey. Peut-être était-ce dû à la pression sensible de sa main sur son épaule.
- Ce serait un honneur, Harvey.
- Bien, bien. D’autres bonnes idées ?
Harvey avait raison. Dave se sentait vraiment inspiré.
- On pourrait reprogrammer l’IA pour donner des alliés aux Chasseurs.
Le regard et la main de Harvey se firent moins tendres.
- Allons, Dave. Tu viens à peine de gagner des points que tu en perds déjà. Si c’est l’IA qui supprime BIG BUG, à qui je remettrai le prix ?
La montagne était achevée. Sa cime se perdait dans les nuages. A son sommet, il avait édifié un temple semblable à celui qu’ils avaient visité durant leur séjour au Tibet. Et dans la montagne même, creusant la roche de ses mains nues, il avait sculpté le visage de Linda à la manière des figures des présidents américains taillés sur le mont Rushmore.
Cette nouvelle merveille du monde ne manquerait pas d’attirer l’attention sur lui. Il s’en moquait. Rien n’était trop beau pour Linda. Cette montagne était comme une pyramide, le tombeau d’une reine. Suspendu entre ciel et terre par des moyens dont il ignorait toujours la provenance, John semblait consulter l’horizon comme s’il y était inscrit la solution à un épineux problème. C’est comme ça qu’il vit les hélicoptères de combat et les avions de chasse approcher. Ils venaient pour lui. Il le savait. Tout comme il savait qu’ils ne feraient pas le poids face à lui. Il contempla une dernière fois son œuvre avant de fermer les poings et de s’élancer vers l’armée venue l’anéantir.
Bien qu’étant incapable d’œuvrer directement dans le jeu, Iko n’en était pas impotente pour autant. Via une web-cam, elle organisa un briefing avec ses troupes. Elle savait que les Chasseurs allaient choisir la voie aérienne pour se rendre sur l’île. Alors elle ordonna aux Protecteurs de prendre la mer.
- Harvey, on vient de recevoir un message du frère du jeune joueur français qui est à l’hôpital.
Harvey grimaça.
- On s’est excusé, non ?
- Il veut plus.
La grimace de Harvey aurait fait rire Dave dans d’autres circonstances.
- Non, pas d’argent, le rassura Dave. Il veut juste des codes.
- Des codes ?
- Oui. Il dit qu’il en a récupéré pas mal, mais que les meilleurs sont sans doute encore chez nous. Il veut qu’on les lui donne. Il n’y a qu’à cette condition qu’il pourra être certain de vaincre BIG BUG. Inutile de vous rappeler que ça arrangerait tout le monde qu’il réussisse.
- S’il réussit, il gagnera le concours et nous devrons l’accueillir ici à bras ouverts. Et à dire vrai, cela ne m’enchante pas. Il nous tient en grande partie responsable de ce qui est arrivé à son frère, même s’il est resté plutôt discret sur le sujet. Je sais lire entre les lignes. Sitôt qu’il aura fait sa fête à Superman, je me dis qu’il aurait bien l’intention de venir foutre la merde ici.
- S’il avait dû le faire, vous ne croyez pas qu’il l’aurait fait depuis longtemps.
Harvey expira bruyamment.
- Qui sait ce qui peut passer par la tête d’un français ?
Il mit ses mains derrière le dos et commença à arpenter nerveusement la pièce. L’image de la navette Crim’In revint alors le hanter.
- Donne lui les codes. Même ceux de la prochaine extension.
Dave ne put s’empêcher de sourire. La bataille qui s’annonçait resterait à coup sûr dans les mémoires.
L’océan fourmillait de navires en tout genre. Pour leur baroud d’honneur, les Protecteurs avaient mis le paquet.
Certains Protecteurs étaient des joueurs parmi les plus expérimentés aussi la flotte entière bénéficiait-elle de leur savoir-faire. Les porte-avions et torpilleurs progressaient de concert avec des catamarans, des yachts et des scooters de mer, tous armés et transformés en conséquence. Sous la surface plusieurs sous-marins. Dans l’un d’eux – le Normandie – un joueur connu sous le nom de Freeman dirigeait cette opération de grande envergure. Il tenait ses ordres de Iko. Durant les derniers mois, ils avaient régulièrement joué en COOPération. Ils avaient donc partagé un certain nombre de victoires. Maintenant qu’il était seul, il comptait bien ne pas la décevoir.
Quand Jérôme arriva en vue de l’hétéroclite armada, il se dit que ce serait l’occasion idéale de tester ses tous nouveaux pouvoirs avant d’en découdre avec BIG BUG.
Il ôta le jet-pack de ses épaules et le regarda tomber vers l’océan s’étendant sous lui. Il sourit jusqu’aux oreilles en voyant qu’il demeurait en totale apesanteur. Les codes que lui avait fourni Dead Zone fonctionnaient à merveille. Il avait désormais le pouvoir de voler et il n’allait pas s’en priver.
- On vient de repérer BIG BUG. Il est juste au-dessus de nous !
Freeman scanna le ciel à l’aide des drones caméras survolant la flotte et obtint une image de la cible.
- Non, ce n’est pas BIG BUG. Mais c’est quand même un ennemi. C’est T-Hawk, le chef des Chasseurs. C’est lui qui nous a privé d’ Iko. Ne lui faisons aucun cadeau.
Dans les secondes qui suivirent, le ciel se moucheta de noir. Jérôme se retrouva pris dans un concert de tirs et de déflagrations. Il vit la barre d’énergie de son avatar diminuer sensiblement malgré les codes d’immunité fournis par le studio. Il prit conscience que tout comme lui les Protecteurs devaient bénéficier d’un certain nombre de ressources exclusives acquises grâce à leur expérience commune du jeu. Mais c’était loin d’être suffisant pour le ralentir.
Il tomba en piqué vers l’océan. Les projectiles – d’où qu’ils venaient – ricochèrent sur lui en produisant de vives étincelles. Le porte-avions qui accueillit sa chute se brisa littéralement en deux, précipitant dans l’eau les appareils qu’il transportait. Jérôme poursuivit sa trajectoire sous l’océan. Il sourit en apercevant la silhouette furtive d’un sous-marin. Son sourire s’élargit lorsqu’il repéra l’avatar se tenant à l’intérieur.
A bord du Normandie, Freeman s’inquiétait de ne plus voir leur adversaire. Et puis il s’aperçut que le submersible se rapprochait inexplicablement de la surface. Sans qu’il en ait donné l’ordre.
- Qui est-ce qui…
Le sous-marin creva la surface de l’océan dans un puissant geyser d’eau et monta dans le ciel, au-dessus de la flotte, tel un dirigeable. Jérôme le soulevait à bout de bras. Il souriait. Il était comme un enfant s'amusant avec ses jouets dans son bain.
- Torpille droit devant !
Il balança le sous-marin vers les bâtiments de guerre les plus redoutables. La collision fut inévitable.
Tandis qu’il privait un chasseur de ses ailes, Johnson aperçut l’explosion. Apparemment il n’y avait pas qu’un champ de bataille. Il ignorait ce que cela impliquait, mais cela ne le tracassait pas. Il le saurait bien assez tôt. Et puis, il avait d’autres chats à fouetter. Ou plutôt d’autres oiseaux.
Le pilote d’un hélicoptère lourdement armé le verrouilla. Le joueur qui était aux commandes ne put se retenir de le faire savoir.
- Je l’ai dans ma ligne de mire !
Seulement Johnson l’entendit. Une seconde plus tard, l’hélicoptère coupé en deux se crashait dans l’océan.
Une escouade de chasseurs lança une vague de missiles à tête chercheuse sur la cible. Mais les projectiles sitôt arrivés à proximité de Johnson se détournèrent de lui et retournèrent à l’envoyeur. Avec infiniment plus de résultat.
- Utilisez vos boucliers ! hurla un joueur.
La situation n’était pas réjouissante. Johnson avait déjà réduit l’escadrille de moitié en quelques mouvements. Mais le plus inquiétant restait à venir.
Johnson s’enferma dans une sphère translucide imperméable aux tirs adverses. Son diamètre augmenta rapidement, tant et si bien qu’elle engloutit bientôt la totalité des Chasseurs, les attirant à elle comme un aimant. Une fois à l’intérieur, les avatars des joueurs étaient incontrôlables.
Johnson ferma les yeux.
- Rendez-moi Linda. Rendez-moi ma femme.
Sa voix claire et tonnante fut entendue par tous les joueurs.
- Rendez-la moi ou vous mourrez tous.
La menace n’était pas à prendre à la légère. Grâce à de nombreux témoignages – dont celui de Jérôme - tout le monde le savait. Mais aucun des joueurs n’était en mesure de répondre favorablement à sa requête.
- Pourquoi vous l’avez tué ? Pourquoi vous voulez ma peau ? Qu’est-ce que je représente pour vous ? Dites-moi qui je suis ?
Ses yeux s’étaient rouverts. Ses pupilles étaient devenues des feux follets.
Après un silence interminable, un joueur osa prendre la parole :
- Demande à D.I.E.U.
Johnson secoua la tête comme pour refuser la réponse.
- Dieu ?
Ou une idée plus terrible encore.
- Alors qu’il me pardonne.
L’instant d’après, la sphère éblouissait l’écran de chaque joueur susceptible de la voir.
Et pour un certain nombre, ce fut la dernière chose qu’ils virent.
- C’est une catastrophe !
Harvey Wizard, Dave Matheson ainsi que tout l’équipe du studio regardaient les images des journaux télévisés. Partout les mêmes scènes de violence surréaliste. Des affrontements qu’on n’avait pas vu depuis des années. Depuis l’avènement de Crim’In, en fait.
Les Chasseurs et les Protecteurs poursuivaient leur guerre dans la réalité. Mais les conséquences n’étaient plus les mêmes. Et quand ils ne se battaient pas, c’était le studio Dead Zone qu’ils pointaient du doigt. Des joueurs avaient été grièvement blessés suite à la dernière attaque de BIG BUG. D’autres avaient eu moins de chance. Les avocats du studio étaient déjà en pleine plaidoirie. Ca sentait vraiment le roussi. Le vandalisme était revenu lui aussi au goût du jour. Les affiches du jeu en avaient fait les frais. On pouvait lire :
Ou encore :
Mais d’autres messages étaient moins aimables.
Harvey et Dave se dévisagèrent. Ils avaient le sentiment de partager la responsabilité de ce chaos. Et ce n’était pas qu’un sentiment.
La voix d’un employé se fit entendre dans l’oreillette du responsable.
- Oui, Ed. Ok, passe-le moi !
Dave dévisagea son supérieur. La crainte le disputait à l’espoir.
Après avoir coupé l’appel, Harvey s’assit. Il paraissait avoir le souffle coupé.
- C’était un dénommé Jimmy Bottleweek. Il prétend être la cause de toute cette pagaille.
Dave l’invita à poursuivre.
- Il a été banni du forum du jeu pour avoir tenu des propos diffamatoires sur D.I.E.U. et Buff. Pour se venger, il a crée un virus dont il ignorait les effets exacts. Il est convaincu que c’est ce qui a donné naissance à BIG BUG. Il ne voulait pas que ça aille aussi loin. Il assume complètement ses actes, mais avant de payer son crime, il tient à réparer les dégâts. C’est pour ça qu’il a appelé.
Dave prit quelques instants pour digérer l’information.
- Il a donné une solution ?
Harvey soupira.
- J’ai envoyé quelqu’un le chercher. Il sera bientôt là. On a de la chance, il habite l’état.
Dave reporta son attention sur son écran.
- Il ne reste plus qu’un joueur pour affronter BIG BUG. C’est le frère d’Eric.
Harvey secoua la tête.
- Envoie-lui l’info. En espérant que cela suffise à le faire renoncer.
Mais aucun des deux hommes n’en était convaincu.
Il ne restait donc que Jérôme et BIG BUG. Chacun de son côté avait œuvré pour en arriver là.
Chacun avait décimé une armée en usant de pouvoirs propres à le faire passer pour un dieu.
La nouvelle de leur affrontement imminent eut tôt fait d’être colporté sur Internet, de forums en forums et de sites en sites. Rapidement des écrans géants furent installés un peu partout, principalement dans les grandes villes et les capitales. Los Angeles, New York, Washington, Miami, Paris, Tours, Orléans, Marseille, Madrid, Londres, Berlin, Rome, Moscou, Athènes, Sydney, Tokyo et Hiroshima furent bientôt les témoins du duel de pixels le plus mémorable de toute l’histoire vidéoludique. Ce qui pour eut effet d’éteindre momentanément le brasier de haine qui avait soufflé sur le monde. Les émeutiers déposèrent les armes et les yeux rivés sur l’écran le plus proche, ils découvrirent la scène suivante :
Johnson se posa près de sa maison. Sa voiture était toujours là, remplie de leurs affaires, prête au départ. Cette vision lui causa un véritable choc. Il se rappela cette sensation d’entrer dans une sorte de parenthèse de sa vie juste avant qu’il ne devienne à son tour un assassin. Elle n’était toujours pas fermée, il en était toujours prisonnier. Tant qu’il ne reverrait pas Linda, il ne pourrait en être autrement.
Il poussa la porte de la maison et se rendit dans la chambre sans s’arrêter. Il ouvrit sa commode et fouilla les tiroirs. Il crut pendant un moment que Linda avait fini par le jeter à son insu. Elle l’avait toujours détesté. Et puis il le trouva enfin. Il déplia le T-Shirt. Il y avait une série de logos dessus et les mots suivants :
CRIMINALITE INTENSIVE
Maintenant, on ne joue plus !
Ce message l’avait toujours intrigué sans qu’il ait pu véritablement savoir pourquoi. Aujourd’hui, ce simple vêtement imprimé lui apparaissait sous un nouveau jour, comme détenteur d’une vérité suprême.
« Demande à Dieu. » avait dit l’un des pilotes.
Oui. A présent, cela était évident. Seul Dieu pouvait avoir les réponses à ses questions.
Mike avait fermé son bar, mais ses fidèles clients l’avaient accompagné jusqu’à la place où étaient diffusées les images du jeu. A côté de lui, l’ouvrier et l’étudiant s’interrogeaient sur le devenir de BIG BUG. Etait-il en train de comprendre qui il était ? En était-il capable ? Les programmeurs avaient vraiment de l’imagination. Le scénario était du jamais vu dans l’histoire des jeux vidéos. Un oscar a la clé pour Dead Zone ?
Iko était littéralement hypnotisée par les images de son idole. Elle priait comme elle n’avait jamais prié. Elle aurait tellement voulu être là pour le réconforter. Elle voyait moins en lui un dieu courroucé qu’un enfant perdu et incompris. Elle aurait tellement voulu le réconforter. Au lieu de cela, sa tête était mise à prix. Comme un vulgaire criminel. Ses yeux se posèrent sur une affiche du concours accrochée à la hâte sur un mur. Elle la fusilla des yeux avant de cracher dessus.
John entendit un bruit venant du dehors. Il reposa le T-Shirt et sortit de la maison.
Un jeune homme était dans la rue. Il était revêtu d’une combinaison de moto. Il le dévisageait intensément. Son regard en disait long sur ses intentions. Au-dessus de sa tête flottait son nom : T-Hawk. Il serra les poings. Le nom disparut.
- A cause de toi, mon frère va peut-être mourir !
John le scruta à son tour.
- J’ai tué beaucoup de gens. Je ne l’ai pas voulu. Celui qui a tué ma femme a tout déclenché. C’est lui le véritable meurtrier.
Voyant que cela ne calmait pas le visiteur, John demanda :
- Comment était ton frère ?
Jérôme avait les larmes aux yeux. Il repensa à la dernière fois qu’il avait vu Eric, à la dernière fois qu’il lui avait parlé.
- Tu n’as pas pu l’oublier. Il n’avait que quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
- Des yeux magnifiques, compléta Johnson.
Les deux adversaires se jaugèrent.
Tout discours ou débat était désormais superflu. Seuls leurs pouvoirs pourraient parler en leur nom.
- Pas ici, décréta Johnson.
Puis il disparut. Il réapparut sur un parking. Jérôme était là lui aussi. Il plongea le bras à travers le pare-brise d’une limousine et empoignant le volant, souleva la voiture dans les airs. Johnson enfonça son bras droit dans la calandre d’un semi-remorque et brandit le véhicule avec un air de défi. Jérôme afficha sa contrariété. Il reposa la limousine. Il regarda autour de lui et son visage s’éclaira à la vue d’un bus scolaire. A son tour, il enfonça son bras droit dans la calandre et souleva le véhicule dans les airs. D’un mouvement défiant le regard, il porta un coup dévastateur devant lui. Le camion s’écrasa au sol dans une pluie de débris métalliques. Aucune trace de son adversaire.
Jérôme poussa un cri de rage mêlée de contentement. En portant son attention vers son arme improvisée, il frémit à la vue de son ennemi courant sur le flanc du bus. Johnson disparut subitement et la seconde d’après son pied droit percutait la mâchoire de Jérôme. Le garçon fut projeté dans les airs et son arme lui échappa. Il passa à travers un immeuble, percuta la route et son corps s’immobilisa contre une devanture de magasin qu’il fractura. Sur l’une des vitres figurait le portrait de Johnson, l'adresse d'un site internet et entre les deux, le message suivant :
Johnson effectua un bond démesuré pour le rejoindre, mais ce faisant, il vit la nuit tomber en un clin d’oeil. Il comprit que son adversaire avait le pouvoir de plier la réalité comme lui. Il n’était donc pas seul. Ils étaient pareils. Alors pourquoi se battaient-ils ?
Johnson atterrit sur le capot d’un coupé sport qu’il enfonça sans difficulté. Ses yeux fouillèrent la nuit à la recherche d’un signe de vie. Il en profita pour renouer un dialogue qui ne lui paraissait pas si vain que cela :
- Toi et moi, nous avons le même pouvoir. Pourquoi nous entretuer ? Nous sommes des jouets, manipulés par des forces qui nous dépassent. Faisons un meilleur choix que celui que l’on veut nous imposer.
Johnson s’écarta à temps pour éviter de se faire broyer sous un bulldozer. Il se concentra un instant et son corps exsuda une aura aveuglante qui illumina le quartier. Ses yeux désormais dépourvus de pupille furent en mesure de voir à travers les bâtiments et les différents obstacles présents autour de lui et susceptibles de dissimuler sa cible. Il inspecta minutieusement l’environnement. Il cru discerner un mouvement près d’un arrêt de bus, puis s’aperçut que ce n’était que le vent qui faisait voler un journal abandonné. Néanmoins cela lui donna une idée. Il se concentra à nouveau et le vent se mit à souffler plus fort. Les débris les plus légers commencèrent à voler à travers la rue, puis la cime des arbres se coucha. Les vitres tremblèrent, les antennes télé ployèrent. Johnson poussa un hurlement comme pour donner plus de force encore au phénomène. Et l’effet fut immédiat. Les poteaux électriques furent pliés par le souffle dévastateur, les voitures s’envolèrent comme des feuilles mortes. Tout cela dans un silence absolu qui donnait à la scène une allure surréaliste de fin du monde.
Les bâtiments s’effondrèrent un par un, répandant des monceaux de pierre, de verre et de métal sur le sol fendu. Un cri résonna à peu de distance suivit de la chute d’un corps.
Une silhouette auparavant intégralement camouflée dans le paysage urbain se matérialisa.
Jérôme était couché, le dos appuyé contre un monticule de gravats anciennement magasin d’alimentation. Le cataclysme cessa instantanément. Le jeune garçon toisa son ennemi d’un regard plus noir encore que la nuit qu’il avait fait s’abattre sur la ville.
- Je ne sais pas qui tu es. Certains te prennent pour un dieu, d’autres pour une simple erreur technique qui a dégénéré. Ceux qui t’on crée affirment de leur côté que tu n’es que l’homme à abattre pour accéder au prix d’un concours qu’ils ont organisé. Le gros lot d’une fête foraine virtuelle. Personnellement je me fous de tout ça. Tout ce que je vois devant moi, c’est le meurtrier de mon frère. J’ai les moyens de t’empêcher de nuire et je ne vais pas m’en priver.
Les épaules de Johnson s’affaissèrent, indiquant sa consternation. Il ne comprenait rien. A l’entendre ils ne faisaient pas partie du même monde. Comme si une frontière invisible les séparait. Il s’approcha de Jérôme.
- Mais d’où viens-tu ?
Jérôme durcit davantage son regard.
- De la réalité, mon vieux. Tu crois être vivant, peut-être ?
A ces mots, Jérôme produisit un fusil à pompe. Il tira plusieurs fois. Alors que son adversaire reculait à peine, un fusil-mitrailleur apparut dans ses mains. Il vida plusieurs chargeurs et sans attendre épaula un lance-roquettes.
Johnson secoua la tête.
- Si je ne suis pas vivant, comment pourrais-je mourir ?
La roquette fusa, mais à mi-parcours elle fut stoppée net dans sa course par un éclair. Johnson contempla le projectile auquel il venait de se relier.
- Suis-je réel ? Si je ne le suis pas, qu’est-ce qu’il l’est ?
La roquette se mit à tournoyer comme une toupie.
Jérôme restait allongé. Malgré la surpuissance de BIG BUG, il ne se sentait pas menacé. Peut-être justement parce que contrairement à lui, BIG BUG n’avait pas la possibilité de se réfugier dans une autre réalité que la sienne. Evidemment, en pensant cela, il oubliait ce qui était arrivé à Eric.
Johnson semblait avoir perdu toute hargne. Il regardait la roquette effectuait un véritable ballet aérien à sa seule demande.
- Mais peut-être suis-je déjà mort ? Prisonnier d’un rêve éternel, luttant dans un cauchemar sans fin, affrontant mes peurs les plus intimes. Enfer.
- Il philosophe. Il est capable de philosopher.
Iko ne se rendit pas compte qu’elle pleurait.
Elle posa une main sur l’écran, sur le visage de Johnson.
- Il ne faut pas que tu meures.
Le visage de Johnson s’assombrit. Un rictus déforma ses traits. Il regarda Jérôme.
- Je tuerai mille hommes pour la revoir ne serait-ce qu’une seconde. Si Dieu ne comprend pas ça, comment lui expliquer autrement ?
La roquette arrêta de tournoyer et se figea brutalement, cerclée d’électricité.
L’explosion qui s’ensuivit éblouit tous les spectateurs.
Dans la ville d’Orléans, pratiquement au même moment, les parents de Jérôme trouvèrent son corps inanimé dans la chambre de son frère, Eric, assis devant les restes calcinés d’un ordinateur. Et pratiquement au même moment, dans une chambre d’hôpital, Eric ouvrit ses magnifiques yeux bleus.
Harvey Wizard se tenait la tête à deux mains. Plusieurs ordinateurs du studio venaient de rendre l’âme suite au coup de grâce donné par BIG BUG à son ultime adversaire.
Mais évidemment, ce n’était pas ça qui le mettait dans tous ses états. Il regarda l’écran géant sur lequel lui et l’ensemble de l’équipe avaient suivi toute l’action. Ils avaient tout enregistré. En sachant désormais que ces images joueraient un rôle posthume pour le jeune Jérôme.
Dave Matheson se leva. Les mots lui manquaient. Le standard était saturé d’appels, la boîte mail débordait de messages : des menaces de mort autant que d’éloges. En tous les cas, personne n’était indifférent à la situation. Les chaînes avaient relayé l’info et diffusaient déjà en boucle le combat homérique. Dans les villes, les rues étaient encombrées de véhicules. Les conducteurs au même titre que les passants avaient assisté au duel sur l’écran le plus proche, ce qui avait occasionné des embouteillages monstrueux un peu partout.
Tout le monde allait reprendre le cours de sa vie lorsque Johnson apparut de nouveau à l’image. Il était désormais seul au monde et aucun de ces pouvoirs ne pourraient changer cela. Son visage exprima suffisamment bien cet état de fait pour que la plupart des spectateurs soient émus par son sort.
- Vous allez pas chialer, fit un homme à ses voisins. C’est même pas un film !
Si Crim’In n’était effectivement pas un film, ces derniers temps il en avait pourtant restituer toute la saveur, toute l’émotion. Personne ou presque ne s’y était trompé. Un chef d’œuvre. Un chef d’œuvre qui avait coûté des millions et hélas plusieurs vies.
Les parents de Jérôme et d’Eric pleuraient leur fils disparu autant que celui qui venait de revenir. Et Eric aurait tout le loisir de maudire son retour à la vie lorsqu’il apprendrait la mort de son frère. Cruelle ironie du sort.
Tout cela, évidemment, John Carson était loin de le deviner. Mais comment aurait-il pu ?
Il n’ y avait qu’une seule personne capable d’arrêter ce tourment. Une seule. En quatre lettres.
- Rends-la moi, hurla Johnson s’adressant à la lune, au ciel, aux étoiles.
- Réponds-moi ou je te jure que je trouverai le moyen de te rejoindre et tu devras répondre de tes propres crimes !
John tomba à genoux. Il n’était plus le titan invincible. Il était l’homme désespéré. Pourtant son pouvoir ne le quittait pas. Bien au contraire. Les écrans se brouillaient par intermittence et une tension presque palpable régnait dans le studio comme dans les avenues surchargées des mégalopoles.
C’était comme un compte à rebours avant l’explosion finale. Invisible, mais terriblement perceptible.
- Vous le sentez comme moi, fit Dave. Il peut tous nous tuer, maintenant. Sans même s’en rendre compte. Nous n’avons plus besoin d’être connectées pour constituer des cibles de choix. Oui, il peut tous nous tuer, en un éclair. Il en est capable.
Harvey soupira. Il n’était plus le chef de projet intuitif et optimiste. Il était l’homme désespéré. Et son pouvoir l’avait complètement quitté.
- Qu’est-ce que nous pouvons faire ?
Dave produisit un sourire mi-figue mi-raisin.
- Je crois que c’est le bon moment pour l’appeler.
Donald Buff se redressa dans son lit. Sa femme dormait toujours à poings fermés quelque soit le bruit. Lui devait toujours mettre des boules quiès de peur de s’éveiller au moindre grincement. Il devait tenir ça de son père. Il les ôta. Il n’avait pourtant rien entendu grâce à elles, mais ce cauchemar lui avait paru si réel que son cerveau avait préféré prendre la tangente. Les dernières bribes de souvenir de son rêve fuyaient déjà. Lorsque le téléphone sonna, il l’oublia totalement. Le jour se levait à peine. Qui pouvait bien l’appeler à cette heure-là ? Il décrocha sans grand entrain.
- Oui ?
- Donald, c’est Harvey. Désolé de vous dérangé si tôt, mais on a actuellement un sacré bug sur Crim’In.
- Allons, Harvey, des bugs, il y en a toujours eu.
- Pas des comme ça, je vous assure.
Donald posa le combiné sur ses genoux, jeta un coup d’œil à sa femme avant de demander :
- De quel genre de bug s’agit-il ?
Il y eut un silence qui ne présageait rien de bon. Puis Harvey finit par répondre :
- Le bug veut vous parler.
Les trois hommes se postèrent devant l’écran géant et étudièrent les images comme s’il s’agissait d’un documentaire.
John Carson était agenouillé devant la montagne et le temple qu’il avait crée à la mémoire de Linda. On aurait dit qu’il méditait.
- On dirait qu’il essaye de la faire revenir, commenta Dave.
- Apparemment, il en est incapable, observa Donald en nettoyant ses lunettes.
Il donnait l’image d’un homme totalement détaché des évènements. Mais c’était sa manière d’y faire face. Et cela lui avait plutôt bien réussi jusqu’à maintenant.
- D’après ce que j’ai pu voir, c’est d’ailleurs la seule chose qu’il lui soit interdite.
Harvey essayait de se faire tout petit. Rien de tel pour se faire remarquer.
Donald le toisa sans animosité.
- Ce jeune qui a avoué être l’auteur du bug…
- Jimmy Bottleweek ! Il arrive d’une minute à l’autre.
- Vous ne trouvez pas ça extraordinaire, fit Dave en observant le héros de Crim’In. Il pleure sa femme. Si seulement John Blossom pouvait voi…
Il s’interrompit lorsque son regard croisa celui de Donald.
- Dave, dois-je vous rappeler que plusieurs morts sont à déplorer. Certains joueurs sont encore dans un état critique. C’est loin d’être la politique de la maison. Mon avatar est prêt ?
Dave opina du chef avant d’inviter les deux hommes à rejoindre son poste. Il désigna alors son écran.
- Voilà. J’ai fait comme vous m’avez dit. Il vous ressemble beaucoup. Pour la tenue, j’ai choisi quelque chose de simple. Je me suis dit que c’était important.
D’une simple moue, Donald lui signifia qu’il avait eu raison.
- Bon, déclara-t-il, on ne va pas tergiverser. Il représente une menace. Il l’a suffisamment prouvé. Dans d’autres circonstances, j’aurais loué ce qu’il représente, d’autant plus qu’il n’est pas de notre fabrication. Mais bon, Dieu en a décidé autrement.
- Dieu, c’est vous désormais, nota Dave.
Il tourna son regard vers l’écran géant.
- En tout cas pour lui.
- Comment va-t-on vous faire entrer ? s’enquit Harvey qui essayait de justifier sa présence comme il pouvait. Il a bloqué tous les accès au réseau TotaLink. On ne peut même plus ajouté d’IA. Il s’est construit une véritable tour d’ivoire.
- Il me laissera entrer, dit Donald avec un calme olympien. Il réclame une entrevue. Il l’a clairement exprimé. Il a besoin de parler, de se confier. Il ne veut plus se battre. Il va localiser le signal que nous lui enverrons et il l’interprètera comme la venue de celui qu’il attend. Je crois qu’il commence à comprendre que son monde n’est pas réel. Le problème c’est que tout comme lui, son amour a dépassé très largement le cadre d’un simple programme.
Il se mit à sourire.
- J’ai fait un cauchemar cette nuit. Mais je crois que je n’en ai pas fini avec lui.
John poussait son esprit dans ses derniers retranchements. Il ne savait s’il priait ou s’il invoquait des forces en lui encore insoupçonnées. Il capta le signal émis par Dead Zone. Il se persuada que c’était la réponse qu’il l’attendait. Pourquoi pas Linda ? Il déverrouilla mentalement l’accès au monde déserté de Crim’In comme on laisserait une idée s’épanouir dans notre tête. Il avait les yeux fermés. Il les ouvrit lorsqu’il entendit une voix près de lui.
- Je suis là.
Il se redressa et fit face à Donald Buff. Le président de D.I.E.U. – Dieu tout court pour l’occasion – portait un pantalon de toile blanche et une chemise hawaïenne. Ses cheveux presque blancs et ses lunettes lui conféraient l’image d’un savant déluré. Mais pour John Carson, il représentait les réponses à toutes ses questions et peut-être le terme de son agonie.
Son regard alla successivement de son visiteur à l’océan s’étendant à perte de vue tout près d’eux.
- Où sommes-nous exactement ?
Donald entendit la voix d’Harvey.
- Vous ne devriez pas lui dire la vérité. S’il pète les plombs, notre compte est bon !
Donald leva une main et Harvey comprit qu’il n’avait pas intérêt à jouer les entremetteurs.
- Cet endroit est le monde qui t’a vu naître, ni plus, ni moins. Que tu en sois devenu le maître, n’y change rien.
John l’étudia longuement.
- Le maître de ce monde, c’est plutôt vous, n’est-ce pas ? Pourquoi n’êtres-vous pas venu plus tôt ? Pourquoi avoir laissé ce chaos s’installer ? Pourquoi avoir permis tant d’injustice ?
A ces mots, John ne put s’empêcher de tourner son regard vers la montagne arborant le visage adoré de Linda. Ses poings se fermèrent sans qu’il en prenne conscience. Des éclairs commencèrent à zébrer l’espace des deux côtés de l’écran.
Harvey arrêta de respirer. Dave resta suspendu aux lèvres de Donald. Il le connaissait beaucoup moins qu’Harvey, mais il avait une totale confiance en lui. Après tout, c’était lui, le véritable architecte de Crim’In.
Donald essuya ses lunettes.
- Si pour toi, il n’existe qu’une seule réalité, pour moi c’est une toute autre affaire. Pour te donner une image plus parlante, ton monde n’est peut-être pour moi qu’un rêve dans lequel éclosent des éléments de mon inconscient que je contrôle donc plus ou moins bien. Ces éléments viennent naturellement à se transformer et certains le font de manière si radicale qu’ils ont vite fait de changer le rêve en cauchemar.
- Il est dingue, chuchota Harvey à l’oreille de Dave. Il se prend vraiment pour Dieu !
Dave sourit.
- Qui ne le ferait pas à sa place. Il n’est pas dingue. Il est inspiré comme jamais. Je crois qu’il est en train de pondre son nouveau chef-d’œuvre.
John observa le mouvement des vagues. Elles se déplaçaient constamment, se fondant les unes dans les autres, reproduisant un même phénomène à l’infini. Etait-ce cela qu’on essayait de lui dire ? Le monde était un océan et lui une simple vague. Plus grande, plus puissante, mais une vague quand même, avec un rôle précis, inscrit dans un schéma à plus grande échelle, au-delà de sa perception. Une vague avait-elle conscience d’être une vague ? Et quand bien même, pouvait-elle savoir que malgré ses efforts et ses intentions, elle ne faisait que participer à un rythme séculaire sans autre finalité que le prolonger encore et encore.
John se perdait dans ses pensées. Il ne devait pas perdre le fil.
- Ces gens qui sont morts, ces gens que j’ai tué, ne sont-ils alors que des créations de votre esprit tourmenté ? Suis-je aussi l’une de vos créations ?
Les yeux de Harvey menaçaient de sortir de leur orbite.
- Terrain glissant !
La porte de la salle s’ouvrit. Deux hommes en costume entrèrent dans la pièce. Ils encadraient un garçon qui aurait pu être séduisant si son visage n’avait pas été la proie de l’acnée.
- C’est Jimmy Bottleweek ! annonça l’un des employés.
Les deux représentants de Dead Zone s’animèrent brusquement.
- On peut dire que tu arrives à temps, fit remarquer Harvey avec soulagement.
Ils l’installèrent devant l’écran de Dave ce qui ne manqua pas de le stupéfier.
- Ouhaou ! Si j’avais su que j’atterrirai ici ! Ca valait presque le coup de le balancer, ce virus.
Deux paires d’yeux hostiles le firent sérieusement réfléchir à ce qu’il venait de dire.
- Au fait, si je détruis BIG BUG, je gagne le concours, non ? L’avantage c’est que je suis déjà sur place pour la visite !
Dave ne put s’empêcher de sourire.
- Et bien on peut dire que tu perds pas le nord, toi !
Harvey était beaucoup moins sensible à l’humour de l’ado.
- Dis-donc, le geek, fais ton boulot, après on en reparlera, tu veux ! Tu sais comment faire, au moins ?
Jimmy fit craquer ses doigts.
- Oui, y a juste un souci, c’est que…
Il détailla pour la première fois l’homme debout devant l’écran géant.
- Eh, mais c’est Donald Buff !
Harvey posa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence.
- Tu n’as pas besoin de ta bouche pour travailler ! Mais si c’est trop dur pour toi, on peut te donner un coup de main!
Jimmy comprit très bien l’allusion.
- Ok, ok !
- Alors exécution !
Tout en raccordant un appareil au PC de Dave – sous l’œil soupçonneux de Harvey – Jimmy murmura :
- Vous savez tous ces trucs que j’ai balancés sur Buff et sa société. En fait je les pensais pas. Je suis super fan de Crim’In. Je voulais juste faire chier certains mecs du forum.
Dave le dévisagea avec un peu moins de tendresse.
- Et ce virus, c’était aussi pour faire chier certains mecs du forum ?
Harvey vint en renfort :
- La prochaine fois que t’es contrarié, fais une partie de jeu vidéo pour te calmer les nerfs au lieu d’essayer d’en bousiller un !
Jimmy savait qu’il n’allait pas être accueilli à bras ouverts, mais il espérait malgré tout un peu d’indulgence.
- Je vous jure que je voulais pas que ça aille aussi loin. C’est vrai, je regrette vraiment tout ce qui s’est passé et…
- Bon, coupa sèchement Harvey, tu disais qu’il y avait juste un souci.
Jimmy termina ses branchements et commença à entrer dans l’interface du jeu sous le regard vigilant de Dave.
- Oui. En fait, la solution va consister à implanter un nouveau virus dans le jeu. Un virus localisé. Le premier que j’ai balancé s’est placé un peu au hasard. Il aurait pu causer d’autres dégâts s’il avait pas ciblé ce John Carson. Mais bon, Dieu en a décidé autrement. Ce coup-ci je vais cibler délibérément John Carson. Mais étant donné sa puissance, non seulement, il risque de le repérer, mais en plus il peut être assez fort pour le neutraliser voire de s’en servir comme une source de pouvoir supplémentaire.
Harvey le toisa avec un air de pit-bull enragé :
- T’avais dit que t’avais la solution.
Jimmy sourit nerveusement.
- Oui. Il me faut juste un véhicule pour mon virus. De préférence au-dessus de tout soupçon.
Donald parlait peu et lentement. La dernière question de John restait toujours en suspens. Donald savait que John était devenu un être très évolué. Il pensait énormément. Et de ce fait, il élaborait les propres réponses à ses questions à partir d’éléments succincts. Oui, en d’autres circonstances, il aurait vraiment apprécié son existence et tout ce quelle impliquait.
Le regard de John changea. Son visage s’éclaira. Donald comprit qu’il venait de comprendre quelque chose d’essentiel.
- Si nous sommes tous issus de votre imaginaire, vous avez pouvoir de vie et de mort sur chacun d’entre nous. Vous pouvez nous détruire, mais vous pouvez nous créer.
A nouveau, son regard se tourna vers la montagne.
- Et même nous faire renaître !
Il dévisagea Donald réellement comme un démiurge, capable des plus grands miracles.
- Je ne peux pas la faire revenir, mais vous, vous le pouvez, n’est-ce pas ? Vous l’avez dit, ce monde est votre rêve. Tout est donc possible. Il n’y a pas de limite !
Donald le gratifia d’un sourire.
- Pour ça, je dois m’en aller, John.
Il tendit sa main droite.
- Je suis content de t’avoir rencontré.
John hésita un instant, puis il lui sembla inconcevable de ne pas saisir cette chance qui s’offrait à lui. Il lui serra la main et le vit disparaître dans un éclair.
Il regarda la montagne et le visage de Linda. Son cœur ne pourrait pas attendre longtemps. Il fallait qu’elle revienne très vite. Pour transformer ce cauchemar en rêve, cet enfer en paradis. Elle en avait le pouvoir.
Quelque chose troubla son esprit. Quelqu’un venait à sa rencontre. Il était bien trop en confiance pour lui refuser l’accès. Même si ce n’était qu’à nouveau son divin visiteur, il s’en ferait une joie. Leur conversation l’avait éclairé comme jamais sur la nature des choses. Il se sentait privilégié d’un tel savoir. Le partager avec quelqu’un d’autre serait un bonheur incommensurable. Seul c’était un terrible fardeau.
Il porta son attention sur l’océan, sur les vagues. Une silhouette avançait sur la surface de l’eau, se découpant en ombre chinoise sur l’éclat du soleil couchant. Il plissa les yeux en oubliant qu’il avait le pouvoir de voir même à travers la pierre. Il était John Carson et il ne voulait être personne d’autre. Lorsqu’il reconnut la silhouette s’approchant de lui, il fut plus que jamais John Carson. Car ce n’était autre que Linda qui le rejoignait ainsi, défiant elle aussi les lois les plus élémentaires. Elle rayonnait littéralement. Les boucles blondes de ses cheveux étincelaient comme de l’or. Ses yeux bleus semblaient extraits des eaux mêmes qu’elle dominait de son allure altière. Elle portait la chemise de nuit qu’il affectionnait. Son visage souriait. Ses pieds nus, délicats, se posèrent sur le sable. On aurait dit un ange.
John était bouleversé par cette apparition. Il avait l’impression qu’il ne s’arrêterait jamais de pleurer.
- Merci, murmura-t-il. Merci, mon Dieu !
Lorsqu’ils s’enlacèrent, son cœur lui offrit une symphonie.
Le couple à nouveau réuni retrouva en un instant le confort de sa chambre à coucher. Le lit conjugal accueillit bientôt leurs étreintes effrénées.
John plongea son visage dans les boucles blondes de Linda :
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
John oublia tout : le gamin aux yeux bleus magnifiques, son frère, les gens qu’il avait tué, les gens qu’il avait vu mourir. Il ne se rendit sensible qu’à cet intense moment d’extase partagé.
- On devrait peut-être afficher une interdiction aux mineurs, proposa Harvey.
- Vous savez, dit Jimmy, j’ai déjà vu pire que ça sur Internet !
Donald essuya ses lunettes.
- Ca va marcher ?
Jimmy tentait de suivre la progression des ébats malgré la silhouette imposante de Harvey.
- Ca me paraît en bonne voie.
La nouvelle fit le tour du monde. On en oublia presque le sort des victimes de la colère de BIG BUG. En début d’après-midi, certains américains purent à nouveau se connecter au réseau TotaLink et sillonner à nouveau le monde de Crim’In avec un avatar flambant neuf.
Dead Zone avait visiblement trouvé le remède adéquat. Le volcan s’était rendormi et avec lui la crainte d’être foudroyé.
John Carson ouvrit les yeux et regretta aussitôt son geste. Il se rappela qu’il vivait dans un monde à bout de souffle. Il jeta un regard au cadran du réveil. Il afficha 6:66 pendant quelques secondes avant d’annoncer plus sérieusement 6:00.
John poussa un soupir. Même les machines devenaient folles.
En se tournant vers la gauche, il oublia momentanément ses idées noires à la vue d’une épaule et d’une jambe gracieuse émergeant de sous le drap. Sa bouche couvrit la première et sa main épousa la seconde. La lumière qui filtrait à travers les persiennes miroitait sur les parties du corps ainsi exposées comme pour l’inviter davantage à s’y attarder.
- Il est un peu tôt, non ? fit la voix enrouée de Linda.
John sourit. Il connaissait ce ton là par cœur. C’était facile de lire entre les lignes après sept ans de vie commune. Tout en continuant à la caresser du bout des doigts, il plongea son visage dans ses boucles blondes:
- Je ralentis ou j’accélère ?
Il l’entendit sourire à son tour.
- Je te laisse deviner.
Elle se tourna vers lui. En scrutant son visage, même maquillé par la pénombre, il se félicita d’avoir ouvert les yeux de si bonne heure. Il l’embrassa, sa main continuant de masser paresseusement sa cuisse. Elle commença à gémir. L’explosion fut si violente qu’elle ébranla l’appartement.
John bondit du lit :
- Putain, qu’est-ce que c’était ?
Linda s’alarma.
- J’espère que ce n’est pas la bibliothèque. J’ai vu une bande tourner autour ces derniers jours.
John enfila son pantalon de pyjama, prit quelque chose dans sa table de chevet avant de se diriger vers l’entrée. Linda le rejoignit rapidement dans une chemise de nuit vaporeuse.
John ouvrit la porte. N’eut été le vacarme précédent, il aurait pu penser que le brouillard avait recouvert le quartier. Mais il sut qu’il s’agissait en fait d’un monstrueux nuage de fumée. Il était si épais qu’il distingua à peine le garçon sur les marches du perron.
Il ne devait pas avoir plus de quinze ans. Et il avait les yeux bleus.
Des yeux bleus magnifiques.
- De la part de Jérôme !
Il produisit un fusil à pompe SPAS 12 et tira deux coups consécutifs.
John et Linda s’écroulèrent violemment dans l’entrée, le visage éclaboussé par leur propre sang. Eric regarda leurs corps avec intensité comme dans l’attente d’un miracle. Et le miracle se produisit bel et bien. Les deux corps disparurent.
Il leva alors les bras en signe de victoire et hurla comme un fou.
Derrière lui, un groupe de Chasseurs l’imita.
Il ne se passa d’ailleurs guère de temps avant que certains ne parviennent à s’infiltrer sur l’île à la barbe des Protecteurs dont l’attention était parfois savamment détournée par leurs ennemis jurés.
Eric contempla le monument accompagné de quatre camarades : Scarefaith, Jazz-on, Dwayne et Bornkiller. Il avait été facile de les rallier à sa cause.
- Placez les explosifs sur la montagne, je m’occupe du temple.
Eric déploya son jet-pack et s’éleva dans le ciel. Arrivé à la hauteur des deux visages, il cracha sur celui de John :
- Personne se souviendra de toi. Personne !
En disant cela, Eric occultait volontairement que depuis sa disparition, John Carson, alias BIG BUG, faisait l’objet d’un véritable culte. Des objets et des figurines à son effigie inondaient le marché. Ce qui faisait fureur depuis peu, c’était les vêtements arborant ses répliques cultes. Des phrases d’anthologie telles que :
Sur la plage, un groupe de Protecteurs jaillit du sable et fondit sur les Chasseurs.
Freeman était à leur tête. Le combat était inégal.
Iko regarda Eric droit dans les yeux. Il y eut comme un éclair et le jet-pack se retrouva dans le dos de la belle asiatique qui enfourchait présentement sa fidèle Manta vert et rose.
- John Carson vivra. Et tu ne pourras rien n’y changer.
Eric tomba comme une pierre avant d’exploser en pleine chute. Ses alliés connurent un sort similaire. Iko enclencha le propulseur et sa moto prit les airs.
En contrebas, les Protecteurs saluèrent leur leader victorieux.
- C’est fini, déclara Harvey.
Il termina son café et s’en resservit un aussitôt.
- Maintenant leur petite guéguerre c’est du pipi de chat à côté. On a plus à s’en soucier.
Jimmy s’était endormi dans un coin.
Dave donnait des directives à des collègues et Donald songeait qu’il était grand temps de finir sa nuit.
- Je vais vous laisser, messieurs. Je n’ai plus votre âge et ma femme m’attend.
Il salua ceux qui étaient en mesure de le voir partir.
- Harvey, on se téléphone plus tard, hein ?
L’interpellé renversa sa tasse.
- Mais, euh…Que fait-on du gamin, Donald ?
Donald jeta un coup d’œil à la silhouette fluette recroquevillée sur un fauteuil.
- Vous n’avez qu’à l’engager, Harvey.
Puis il franchit la porte.
Harvey se tourna alors vers Dave. Ce denier paraissait soucieux. Il avait du boulot, certes, mais Harvey sentait qu’il était profondément affecté par la tournure des choses.
- Qu’est-ce qu’il y a, Dave ? dit-il en en lui tapotant amicalement le dos. On dirait que tu es déçu qu’il soit mort !
Dave observa pensivement une affiche du concours BIG BUG et plus particulièrement les différents visages connus de John Carson.
- Ce n’est pas ça. C’est juste que…C’était une première dans l’histoire. Il y a eu des conséquences très lourdes. Mais il reste que cela été une aventure unique et exceptionnelle. Nous en avons été les témoins privilégiés. Oui, c’était vraiment une première.
Harvey n’avait bien évidemment pas tout à fait la même vision des choses.
- Ouais, bah, espérons que ce soit aussi la dernière.
Il dévisagea Dave avec une expression hilare inédite :
- On va dire que c’est juste le bug du millénaire qui est arrivé avec un peu de retard.
Il attendit une réaction de Dave qui ne vint jamais et s’autorisa enfin à exploser de rire.
Donald Buff sortit des studios. C’était une belle journée, ensoleillée à souhait. Il grimpa dans sa décapotable. Il y avait encore beaucoup à faire pour rétablir une certaine sérénité surtout depuis que BIG BUG avait grossi la rubrique nécrologique et donnait raison aux détracteurs de Crim’In. Malgré tout il se sentait en confiance. Le meilleur avocat du jeu finalement c’était le jeu lui-même. Tout système était perfectible. Il fallait simplement le reconnaître. Quelques heures de perturbation ne pouvaient rivaliser avec l’incroyable équilibre social qu’avait engendré la mise en place de Crim’In dans les foyers.
Donald démarra sur les chapeaux de roue et s’élança sur la route de campagne baignée d’une lumière printanière.
John Blossom venait d’atteindre le sommet de la montagne. Seul, sans aide, sans sherpa. A la seule force des poignets et des chevilles. Un exploit digne des meilleurs alpinistes, lui qui n’était qu’un amateur chevronné. Il fut rempli d’un sentiment de fierté et de plénitude qui l’enivra totalement. Loin de l’agitation du monde moderne, loin de son boulot, de Dead Zone et du phénomène Crim’In, il s’éveillait à d’autres envies, à d’autres besoins qu’il estimait tellement plus essentiels.
Il fallait absolument qu’il prenne des photos. Linda n’avait pas pu l’accompagner cette fois, mais il comptait bien partager cette expérience avec elle. Car tout comme lui, elle aimait particulièrement cette région du Tibet. Le panorama était fantastique. C’était comme d’être dans un autre monde, sur une autre planète. La sérénité et la majesté que dégageaient ces pics enneigés étaient surnaturelles. Et puis c’était un pays mythique pour plus d’une raison.
John avait le souffle court. L’ascension lui avait pratiquement ôté toutes ses forces. Il commençait à en prendre conscience. Il but une longue gorgée d’eau et fouilla dans son sac à dos à la recherche de son appareil numérique. C’est ainsi qu’il observa un phénomène étrange. Pour une raison qui lui échappait totalement, son ombre semblait clignoter sur le sol enneigé. Il se rappela les effets néfastes du manque d’oxygène en hauteur et comprit qu’il avait sans soute une hallucination. Lorsqu’il se retourna pour prendre une photo, il faillit lâcher l’appareil. Pendant un instant, il aurait juré que le soleil avait disparu avant de réapparaître aussitôt. Il n’ y avait pourtant aucun nuage.
John secoua la tête et prit une série de clichés.
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Wolverine Wars [FanFic]
Ils étaient tous attachés et alignés contre le grand mur de la place du village. Les hommes et les femmes avaient été bâillonnés. Pas les enfants, afin que leurs cris et leurs pleurs résonnent dans le soir comme un funeste prélude à la mort qui allait bientôt s'abattre sur eux tous.
Des écharpes de brume dansaient autour des neuf soldats allemands comme des esprits tourmentés cherchant le salut auprès de leurs tortionnaires.
L'air sentait l'humidité. L'humidité et la peur.
Un soldat équipé d'un lance-flammes s'avança vers la douzaine de prisonniers. Il appuyait régulièrement sur la gâchette, produisant une flamme sporadique dont le souffle était propre à terroriser n'importe qui.
- T'as du feu pour moi ?
Une silhouette massive sortit de l'ombre, un cigare rivé au coin des lèvres. Cela faisait peut-être dix minutes qu'il était là, attendant le bon moment pour se manifester. Dix minutes ou bien des heures. C'est cette incertitude qui troubla profondément les neufs soldats pourtant armés jusqu'aux dents. Pouvait-il exister quelqu'un de plus sadique qu'eux ? Ils n'osaient l'imaginer.
Ensuite ils remarquèrent son allure. Il n'avait pas tout à fait l'air d'un soldat malgré l'uniforme américain. De quoi exactement, ils l'ignoraient. Mais ils le sauraient bien assez tôt. Pour leur plus grand malheur. Car son regard ne trahissait rien de ses intentions. Logan était partisan de la loi du plus fort. Jusqu'à un certain point. Ces pourritures avaient dépassé la limite. Et il comptait bien le leur faire comprendre. A sa manière.
En le voyant apparaître dans l'éclairage diffus d'un réverbère, les enfants cessèrent instantanément de pleurer et les yeux de tous les prisonniers s'agrandirent. Ils virent en Logan un sauveur, improbable mais sauveur quand même.
Le mutant vit l'espoir qu'il suscita en eux. Il crut bon de leur préciser :
- Je vous conseille de fermer les yeux. Ca va pas être joli à voir.
Logan s'élança en poussant un cri animal.
Le gradé donna des ordres. L'homme au lance-flammes s'avança et pressa la gâchette de son arme. Le canon cracha un geyser de feu. Logan s'élança dedans comme s'il s'agissait d'un simple nuage de moustiques. Les piqûres, il les sentit. Et pas qu'un peu. Aux yeux de ses adversaires et des civils, il fit l'effet d'un démon vomi des enfers. Lorsque ses griffes jaillirent de ses mains, cette vision acheva de les convaincre. Logan planta ses griffes sous la bordure du casque. Il entendit le staccato des armes automatiques autour de lui et il sentit le picotement caractéristique des balles lui trouant la peau. Il s'empara de l'arme du soldat mort et visa les soldats les plus proches.
- C'est vous qui allez cramer, bande de chiens !
En réponse il reçut un chapelet de balles dans la tête. Ce qui acheva de le mettre hors de lui. Il attendit qu'ils s'approchent et saisissant le pistolet de l'allemand tira dans le réservoir d'essence sur son dos. La déflagration tua trois soldats et projeta le corps carbonisé de Logan contre le mur d'une maison.
L'officier envoya deux de ses hommes vérifier l'état du kamikaze. L'un d'eux se pencha et secoua la tête. L'officier poussa un râle victorieux avant de se tourner vers les prisonniers.
- Personne sauvera vous !
Pour son plus grand contentement, les regards des français exprimèrent la peur qui revenait les saisir. Avant de se diriger vers un point précis derrière lui. Intrigué, le gradé se retourna. Son sang se glaça lorsqu'il remarqua Logan debout, son uniforme en lambeaux et son corps musclé couvert de brûlures aussi bénignes pour lui que des tatouages. Autre détail d'importance, ses griffes étaient plantées dans la gorge des deux soldats qui avaient fait l'erreur de le croire mort.
Logan cracha.
- Tu me dois un cigare, mec !
Ses griffes se rétractèrent et les nazis tombèrent au sol.
L'officier recula instinctivement de quelques pas. D'un geste nerveux de sa main gantée il fit signe aux deux soldats restants de s'occuper de la créature. Les deux hommes s'approchèrent en ayant le sentiment d'être pris entre deux feux. Ils brandirent leur fusil-mitrailleur moins comme une arme que comme un bouclier. Logan s'avança, la tête rentrée entre les épaules, tel un prédateur en chasse. Il n'avait d'yeux que pour l'officier.
- Tu vas connaître quelque chose de plus atroce que la mort et la souffrance. Tu vas connaître ma colère et mes griffes.
- Utilisez vos couteaux ! hurla l'officier en allemand. Coupez-lui ses griffes !
Les deux hommes mirent leur arme de côté et dégainèrent chacun une sorte de coutelas. En voyant la longueur de la lame, Logan ne put empêcher un rictus d'étirer ses lèvres :
- D'accord !
Les prisonniers retenaient leur souffle. Cet homme - mais pouvait-on encore le nommer ainsi - était leur seul rempart contre la mort qui les attendait. Les plus croyants ne savaient pas trop s'ils devaient remercier le ciel de sa venue. Mais peut-être que parfois, Dieu lui-même faisait appel aux démons pour rétablir l'équilibre.
Lorsqu'il s'estima suffisamment proche, l'un des soldats se fendit. Sa lame trouva le vide, mais les griffes de Logan trouvèrent le poing qui la tenait. Le soldat hurla. Son équipier porta un coup violent. Logan manipula le poing du nazi et son coutelas para l'autre lame avec une vive étincelle. Le mutant profita de ce répit pour plonger ses trois autres griffes dans le cœur du premier soldat qui s'écroula à ses pieds. L'autre boula au sol avec souplesse et en se redressant, arbora un coutelas dans chaque main. Il avait bien l'intention de venger la mort de son partenaire. Les deux hommes se firent face quelques secondes, puis s'élancèrent avec une hargne égale. Le nazi esquiva et feinta avec une adresse admirable. Plus d'une fois il faillit parvenir à ses fins. Mais Logan sortait et rétractait ses griffes avec une stratégie payante, empêchant son adversaire de le désarmer d'un coup de lame. Tout à sa tâche, c'est à peine si le mutant remarqua les deux lames plantées dans sa poitrine. Il eut un hoquet de surprise en les voyant avant de considérer son adversaire triomphant :
- Je crois pas que tu aies mesuré dans quelle merde tu t'es mis !
Le soldat se recula, terrifié par le sourire de Logan. Ce dernier empoigna les manches des coutelas et commença à les extirper très lentement de son corps qui en vérité en avait vu d'autres.
Le soldat rejoignit son supérieur en courant, mais d'un bond Logan fut sur lui et lui brisa le cou. Il allait s'occuper de son dernier adversaire, mais il se figea lorsqu'il vit l'officier pointer son pistolet contre le front d'une jeune prisonnière. Logan montra les dents. Son poing droit était collé contre la tempe de l'allemand.
L'officier le jaugea avec mépris, mais surtout avec un manque d'assurance évident.
- Je suis comme le Führer, dit-il en allemand. J'adore les expériences. Voyons si tes griffes sont plus rapides qu'une balle.
Les prisonniers observaient leur sauveur avec un mélange d'effroi et de fascination. Il était assurément de leur côté, mais était-il disposé à sacrifier l'un d'entre eux pour remporter une victoire définitive ?
Un coup de feu claqua. Les yeux de Logan s'écarquillèrent. La jeune femme ferma les yeux.
L'officier s'abattit à ses pieds. Sous l'émotion, la prisonnière éclata en sanglots.
Quatre français en civil rejoignirent le mutant. C'est l'un d'eux qui venait de tirer, épargnant à Logan une douloureuse décision.
Tandis qu'ils libéraient les prisonniers, celui qui paraissait être leur chef s'adressa à Logan :
- Je m'appelle Charles Girard. On est de la résistance. Vous avez fait du bon boulot, merci. Vous êtes en piteux état. Vous avez perdu votre section ?
Logan observa les cadavres épars jonchant le sol.
- Je suis tombé au bon endroit. Au bon moment.
- On va vous soigner.
- Non. Occupez-vous plutôt d'eux, ils en ont besoin.
Le chef secoua la tête :
- Vous avez raison. On peut vous donner des armes et des munitions. On a pas beaucoup de moyens, mais on vous doit bien ça !
Logan fixa ses phalanges en souriant.
- J'ai tout ce qu'il me faut.
Plus tard, alors que les résistants s'assuraient de l'état des villageois, l'un d'eux s'approcha discrètement de Logan qui finissait d'enfiler des vêtements civils.
- Merci monsieur. Personne ici n'oubliera ce que vous avez fait pour nous. On ne sait pas trop comment vous remercier. Sachez que vous serez toujours le bienvenu. Quel est votre nom ?
Logan le détailla comme s'il soupçonnait un piège.
- Pourquoi ? Vous voulez me recommander pour une médaille ?
Sa réaction surprit l'homme, mais il essaya de rester aussi chaleureux.
- Vous la mériteriez en tout cas.
- J'en ai rencontré plus d'un qui la mériterait plus que moi. Pourquoi pas vous ?
- Moi ? Mais...
- Croyez-moi, j'ai rien d'un héros.
Logan regarda de nouveau ses mains.
L'homme l'imita avant de reprendre :
- C'est à ce propos aussi que je venais vous parler.
Il tourna rapidement la tête pour s'assurer qu'ils n'étaient pas observés, puis ajouta :
- Avant que vous arriviez, des soldats ont emmené un enfant. Il s'appelle Simon.
- Il est juif ? s'enquit Logan sans trop paraître s'émouvoir.
L'homme se frotta nerveusement les mains.
- Non. C'est difficile à dire. Disons qu'il est un peu différent de nous.
Logan fit jaillir ses griffes encore ensanglantées.
- Différent comme ça ?
L'homme secoua la tête.
- Il avait aussi un pouvoir. Il pouvait réparer ou détruire les choses. Sans les toucher. Je pense que c'est pour ça qu'ils l'ont emmené.
- Vous savez où ?
- Je comprends un peu l'allemand. Je les ai écoutés et apparemment ils ont un camp pas très loin d'ici, à l'est.
Il indiqua un chemin de terre qui s'enfonçait dans la campagne.
- En prenant cette route, vous devriez le trouver. Mais êtes-vous certain de vouloir y aller ?
Logan lui décocha un regard qui en disait long sur ses motivations.
- C'est un boulot pour moi.
Il allait prendre congé, puis se tourna subitement vers le villageois :
- Finalement, vous pouvez peut-être faire quelque chose pour moi.
A cette annonce, le visage de l'homme s'éclaira.
Logan sourit de toutes ses dents.
- Z'auriez pas un cigare ?
Un grand merci à l'auteur du blog Les Contes de Hell's Kitchen pour le gros coup de pub !
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mardi, 28 juillet 2009
Cashback [Cinéma/Critiques]
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dimanche, 26 avril 2009
Les Séries Américaines
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dimanche, 12 avril 2009
Souviens-toi de ton âme [Nouvelles/Scénario]
Souviens-Toi
De ton Ame...
Un homme important et ce qui semble être son confident sont à bord d'une voiture. Ils ont une conversation passionnée. Une évidente sympathie les unit.
L'homme important :
« Je vais à l'hôtel. J'ai pensé organiser une petite soirée. Il y a des amis que je voudrais te présenter. Tu vas me faire l'honneur de rester à mes côtés »
Le confident :
« Je ne manquerai ça pour rien au monde, Marcus »
La voiture s'arrête devant un édifice luxueux.
Les deux hommes descendent de la voiture en plaisantant. Dès qu'ils entrent dans l'hôtel, six gardes du corps leur emboîtent le pas.
Le confident :
« J'ai un besoin pressant. Je vous rejoins à l'étage »
Marcus :
« Très bien. En t'attendant, j'ouvre une bouteille de champagne »
Il adresse un clin d'oeil complice à son confident :
« La première d'une longue série »
Tandis que le confident gagne les lieux d'aisances, Marcus se rend aux ascenseurs. Au moment où il monte dans la cage, ses gardes du corps font mine de le suivre.
Marcus les arrête d'un geste :
« Non, restez en bas. Si j'ai besoin de vous, je vous appellerai. Ce soir, on fait ça entre amis »
L'ascenseur se referme et Marcus parvient à l'étage. Il ouvre sa porte et pénètre dans une vaste pièce confortablement aménagée.
Il sourit en voyant une bouteille de champagne dans un seau à glace :
« La première d'une longue série »
Il la débouche et le bouchon file par la porte au moment où son confident l'ouvre.
« Entre, mon ami, tu arrives pile au bon moment »
Il remplit deux coupes et ils trinquent :
« A l'amitié et à la longue nuit qui nous attend »
A ce moment, le téléphone portable de Marcus se met à sonner.
Tout en le saisissant, il dévisage son confident avec aménité :
« Je vais l'envoyer paître. Promis, c'est la dernière fois que je réponds »
Le confident sourit, puis Marcus répond :
« Bon, qu'est-ce que tu v... Quoi ? Mais comment...Où est-il ? Tu as prévenu mes hommes ?
La peur et la panique se lisent graduellement sur son visage.
« Bien, Merci. Préviens toutes les équipes. Je vais tenter une sortie »
Il jette un regard à son confident :
« Je suis avec un ami »
Il raccroche. Son visage est décomposé.
« Un tueur est à ma recherche. Ils viennent d'avoir l'info. Apparemment, c'est un pro »
Son confident lui serre le bras.
« Je suis avec vous, Marcus. Je vous protègerai »
Marcus se détend un peu.
« Oui. Tu me protègeras.
Ils sortent de la chambre, le confident en tête, pistolet en main. Il appelle l'ascenseur et pointe son arme sur les portes, son autre bras placé devant Marcus en retrait en un geste protecteur.
Ils attendent avec angoisse.
Lorsque les portes s'ouvrent, ils voient les six gardes du corps criblés de balles reposant dans la cage.
Marcus porte une main à sa bouche :
« oh mon dieu ! Il est déjà dans l'hôtel. Il va arriver !
Le confident sans bouger :
« Non, Marcus, il est déjà là »
Puis il se tourne vers lui et le met en joue.
Marcus écarquille les yeux. Il est terrifié.
« Toi ! Mais c'est pas possible. Après tout ce qu'on a vécu ensemble ! Simon, tu peux pas... Et notre amitié ? ! »
Le tueur demeure parfaitement imperturbable :
« Je suis un pro »
Fondu au noir. Bruit de silencieux.
Le tueur est dans son appartement. Il termine son petit déjeuner et va chercher son courrier.
Il s'assit à la table de la cuisine et examine les enveloppes. Il les met toutes de côté sauf une, plus grande que les autres, en kraft, sur laquelle est inscrit un mot :
NEX
Il l'ouvre et en sort une photo. Au verso il y a écrit :
TU AS TROIS JOURS
Il retourne la photo et contemple le portrait d'une jeune femme. Elle a environ vingt ans. Elle a les cheveux longs et châtains, de grands yeux bleus et un sourire généreux. Son visage dégage beaucoup de vie.
Nex remet la photo dans l'enveloppe et l'emporte dans le salon. Il la pose sur la table basse et s'assoit sur le canapé. Il allume la télé. Il commence à regarder un film d'action. Puis, brusquement son regard vient s'ancrer sur l'enveloppe. Il l'observe quelques instants en caressant nerveusement la télécommande puis reconduit son attention sur l'écran.
Moins d'une minute après, il fixe de nouveau l'enveloppe posée sur la table basse. Il regarde l'écran et subitement éteint la télé et s'empare de l'enveloppe. Il en sort la photo qu'il contemple avec fascination.
Il se lève, va dans sa chambre et accroche la photo sur une cible au-dessus de sa commode en face de son lit. Il s'assoit sur son lit prend son pistolet silencieux et le pointe sur la photo. Son visage se crispe, sa main tremble, son front se couvre de sueur.
On entend les battements de son coeur.
Le visage innocent de la jeune femme apparaît en gros plan. Il serre les dents. Son doigt commence à presser la détente. Brusquement il relâche son arme.
« Merde ! »
La jeune femme de la photo marche dans la rue. Il fait beau. Elle a l'air heureuse. Brusquement elle fait tomber un livre. Elle se baisse pour le ramasser et ce faisant, elle est recouverte par une ombre. Elle redresse la tête, l'inquiétude se lisant dans ses grands yeux bleus. On voit Nex debout la dominant de manière menaçante. Il pointe son pistolet vers la jeune femme.
« Je suis un pro »
Bruit de silencieux. Le livre tombé par terre est taché de rouge.
Nex se réveille, trempé de sueur. Il fait nuit. Il est allongé dans son lit. Sa respiration est haletante. Il se tient la tête. Brusquement il regarde droit devant lui. Il allume la lampe de chevet, bondit de son lit et décroche la photo. Il la regarde et une grande émotion peut se lire sur son visage. Il pose la photo contre sa lampe de chevet et se remet au lit. Il la regarde à nouveau longuement. La caméra s'éloigne lentement.
Nex est assis à la table de la cuisine. Il est occupé à nettoyer son pistolet. Son téléphone portable posé près de lui se met à sonner. Il fixe l'écran du téléphone, semble hésiter. Il se mord les lèvres puis se saisit de l'appareil avec une grande vivacité et le porte à son oreille.
« D'habitude tu es plus rapide. Je veux pas seulement dire pour répondre. »
Nex regarde droit devant lui. La photo de la jeune femme est accrochée sur la porte du frigo. Son visage se crispe.
« D'habitude... »
« D'habitude, quoi ? »
« J'ai pas besoin de chaperon. »
« Alors prouve-le. Il te reste deux jours. »
« J'ai jamais échoué. Je suis un pro. »
Nex raccroche. Il regarde sa main. Elle tremble.
Il reporte son attention sur la photo. Il serre les dents, son visage se durcit.
« Je suis un pro. »
Il prend son pistolet et se lève.
La rue. Il fait beau. La jeune femme de la photo est assise à la table d'une terrasse de café. Brusquement une ombre vient la recouvrir.
« Je peux me joindre à vous ? »
Elle dévisage Nex. Il porte un livre.
« Pourquoi pas ? Un homme qui porte un livre ne peut pas être complètement mauvais. »
Nex s'installe en face d'elle et pose son livre sur ses genoux.
La jeune femme sourit.
« Moi aussi j'aime beaucoup lire. Qu'est-ce que vous lisez ? »
Nex ouvre le livre posé sur ses genoux. Il est évidé. A l'intérieur est disposé un pistolet.
« C'est... c'est un recueil de poèmes. »
« Moi aussi j'adore la poésie. On est fait pour s'entendre » !
Nex visse le silencieux et pointe l'arme sous la table en direction de la jeune femme.
« Je ne crois pas. »
Les grands yeux bleus de la jeune femme traduisent son inquiétude.
« Pourquoi ? »
Nex se fige. Il dévisage la jeune femme comme dans l'attente d'un signal. Ses yeux brillent, deviennent humides.
Elle s'alarme et lui touche le bras.
« Ca ne va pas ? »
Il respire bruyamment.
« Je ne peux pas. J'y arrive pas. C'est la première fois.»
Elle l'observe, incrédule.
« La prem... »
A ce moment, le livre de Nex tombe. La jeune femme regarde vers le sol et découvre qu'il est évidé et que les contours du trou affectent la forme d'un pistolet.
Elle comprend la situation. Elle est terrifiée. Elle ouvre la bouche pour crier.
Nex la regarde, aussi ému qu'elle.
Il secoue la tête.
« Je ne peux pas. »
Il ramasse le livre et s'enfuit.
La jeune femme demeure pétrifiée, le corps tremblant.
Nex est dans son lit. Il est éveillé. Sa lampe de chevet est allumée et la photo est appuyée contre le pied. Il est en pleine réflexion. Son portable posé sur la table se met à sonner. Il lui jette un regard mauvais avant de décrocher.
« Quand on voit le soleil pour la première fois, on souffre d'avoir tant vécu sans sa lumière. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? »
« J'ai entendu dire que tu aimais la poésie. »
Nex est pris de panique.
« Tu étais là ? »
« Je fais mon boulot. Toi, par contre... »
« J'ai encore un jour. »
« D'habitude ma cible ne me fait aucun effet. C'est ça que tu t'es empêché de me dire, hier. »
Silence.
« Ne me rappelle plus. »
« Alors fais ton boulot, Nex. Car si tu ne le fais pas, un autre le fera à ta place. Tu connais la règle. »
« C'est mon contrat. »
Nex raccroche. Il se met à pleurer, recueille ses larmes du bout des doigts et les observe, perplexe. Puis il balance son portable contre le mur.
La rue. Il fait beau.
La jeune femme est assise à la terrasse.
Une ombre se penche sur elle. Elle sursaute.
« J'ai laissé mon livre à la maison. »
Nex s'assied face à elle.
« Je n'étais pas sûr de vous retrouver ici. »
« Moi si. »
« Vous avez peur ? »
« Oui, mais j'ai besoin de comprendre. »
« Tout ce que je peux dire c'est qu'avant de vous rencontrer je n'avais pas d'âme. »
« Alors promettez-moi de ne jamais l'oublier. »
« Je vous le promets. »
Elle sourit.
« Parole de tueur ? »
Il sourit à son tour puis leurs visages redeviennent graves. Ils se dévisagent avec une fascination mutuelle.
« Vous êtes toujours en danger. Si je ne le fais pas, quelqu'un d'autre s'en chargera. »
« Vous allez me protéger ? »
Il lui prend la main.
« J'ai déjà commencé. »
A travers leur expression, on les sent devenir plus proches.
« Comment tu t'appelles ? »
« J'ai tellement de noms. Appelle-moi Simon. Et le tien ?
« Isabelle. »
Nex sourit.
« Il y a trois lettres de trop. »
Puis son visage se rembrunit.
« Je ne veux plus jamais tuer. Qui que ce soit. Mais je ne permettrais pas qu'ils te fassent du mal.
Nex a l'air perdu.
Isabelle lui prend la main.
« Alors il faut fuir. »
Nex secoue la tête.
« Oui. »
La scène change. La rue. Il fait nuit.
Nex marche à grands pas. Il porte une valise.
Le dialogue entre lui et Isabelle se poursuit en voix off.
« Ils ne tenteront rien avant demain matin. »
« Que se passera-t-il demain matin ? »
« Le délai du contrat sera écoulé et un autre tueur en aura la charge. C'est la règle. »
« Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait ? »
« Je ne sais pas. Je n'ai trouvé aucune raison. Je pensais que tu le saurais. Enferme-toi chez toi. N'ouvre à personne. Ne réponds pas au téléphone. Je te rejoindrai cette nuit. Prépare quelques affaires. N'espère pas revenir ici. »
« Je viendrai avec toi. J'ai confiance en toi. »
« La seule pensée que nous allons partir ensemble me fait chaud au coeur. Je te dois tellement. Tu m'as libéré. Tu es mon soleil. »
Nex arrive à la hauteur d'une cabine téléphonique. Le téléphone sonne. Nex se fige. Son visage se crispe. Il tourne la tête. Il fait mine de repartir, puis brusquement s'engouffre dans la cabine et décroche le combiné.
« Je t'avais dit de ne plus me contacter. »
On distingue une silhouette dans la pénombre d'une pièce.
« Tu n'as pas honoré le contrat. »
« Il me reste sept heures ! »
« Trop tard, Nex. Tu sais aussi bien que moi que tu as échoué. Je les ai contacté. Ils ont engagé un autre tueur.
Silence.
« C'est toi, hein ? C'est toi qui dois la tuer ! »
« Pas seulement elle. »
Gros plan sur une photo d'Isabelle identique à celle de Nex. Un trou fait par une balle remplace le visage.
« Il ne reste plus que toi. »
Le visage de Nex se décompose.
« Non ! Dis-moi que tu ne l'as pas fait. Dis-moi qu'elle est encore en vie ! »
« Tu sais où me trouver. »
Nex pousse un cri de rage et jette violemment le combiné. »
On le voit courir, le visage rendu méconnaissable par la colère. Il se met à pleuvoir.
Voyant que sa valise le ralentit, il l'abandonne.
Une porte s'ouvre brusquement. Nex pénètre dans une chambre plongée dans la pénombre. Il s'approche du lit.
« Isabelle ! »
Un corps repose dans le lit. Nex le touche. Son visage se révulse. Il pousse un hurlement. Il prend le corps dans ses bras et enfouit son visage dans les longs cheveux châtains.
« Tu n'étais qu'une enfant. Innocente. Pourquoi ? »
« Pour le dernier test. »
Un homme sort de l'ombre . Il a les cheveux longs et porte un long manteau. Il se dégage de lui une impression de puissance et de menace.
Nex redresse son visage mouillé de larmes. Un air de sauvagerie remplace sa tristesse.
« C'était un piège ! Vous m'avez tendu un piège ! »
« En dépit de ton extrême efficacité, ils ont toujours voulu s'assurer de ta totale intégrité. Il restait une épreuve. Il fallait un appât. »
« Pourquoi elle ? »
« Il faudrait que tu leur demandes. Mais l'intérêt que tu lui portais est la preuve qu'ils l'ont bien choisie. »
Le tueur pointe son pistolet vers Nex.
« Tu n'es plus un tueur. Tu n'es plus qu'une cible au même titre qu'elle. »
Nex regarde le visage d'ange d'Isabelle dont les yeux bleus sont grand ouvert. Il dépose le corps à ses pieds. Il pousse un râle et tout en se relevant, pointe son pistolet vers le tueur.
Flash.
La terrasse du café.
Nex et Isabelle sont assis face à face.
« Tout ce que je peux vous dire c'est qu'avant de vous rencontrer je n'avais pas d'âme. »
« Alors promettez-moi de ne jamais l'oublier. »
« Je vous le promets. »
Flash.
La chambre d'Isabelle. Nex et le tueur sont debouts face à face. Ils se visent mutuellement.
Plan sur Nex.
« Je lui ai promis. Je ne tuerai plus. Ce monde n'est pas fait pour les innocents. Je vais le détruire. »
Le tueur exprime une certaine perplexité.
Nex pointe le canon de son pistolet sur sa tempe.
Bruit de silencieux et d'un corps qui tombe.
Le tueur s'avance et se baisse pour fermer les yeux d'Isabelle et de Nex.
Il les contemple, méditatif.
La terrasse du café.
Nex et Isabelle sont assis face à face.
« La seule pensée que nous allons partir ensemble me fait chaud au coeur. Je te dois tellement. Tu m'as libéré. Tu es mon soleil. »
Gros plan sur leurs mains nouées.
Ecran noir.
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samedi, 04 avril 2009
Lado L'Odyssée d'une âme
Lado
L'Odyssée d'une âme
« Faire de sa vie une œuvre,
forger une personnalité digne d'assumer pleinement la totalité de l'existence. »
Alexandre Jollien - Le métier d'homme -
Introduction
Ma sœur, Lado, est décédée le 21 décembre 2008.
Suite à une dépression, en l'espace de quelques mois, elle s'est complètement isolée, repliée.
La maladie (car la dépression en est une et peut se soigner) l'a terrassée brusquement. Personne ne l'a vue venir. A commencer par elle.
Plus d'envie, de passion, de motivation, d'espoir.
La peur et la souffrance pour seules compagnes au quotidien.
Des problèmes de santé récurrents, des déboires sentimentaux. Certes, mais cela n'explique pas tout et certainement pas pourquoi le soir du 21 décembre, elle a décidé de mettre fin à ses jours en absorbant une dose massive de médicaments.
Un traumatisme d'enfance (violée par son beau-père/mon père) est revenu la hanter comme attiré par sa fragilité. Et il a représenté le coup de grâce. Car on guérit très mal de l'enfance. On continue de porter en soi nombre de cicatrices, de blessures qui parfois n'attendent qu'une occasion pour se rouvrir et nous engloutir.
Il y a sans doute d'autres raisons qui l'ont amenée à en venir à une telle extrémité.
Le suicide n'est pas un acte de courage ou de lâcheté. C'est simplement la preuve d'un profond désespoir. Une personne qui s'en va ainsi ne le fait que pour trouver une issue qu'il lui semble impossible à construire autrement. Une personne qui part de cette manière veut s'en sortir et c'est pour cela qu'elle nous quitte. Car même auprès de nous, ses proches, elle ne se sent plus tout à fait en vie. Et notre vie même la renvoie à son propre anéantissement.
Des réponses il y en a donc certainement dans les pages que vous allez lire. Car une dépression se construit bien souvent sur du long terme.
La décision de publier les écrits personnels de ma sœur a été rapidement prise. Cela a été une évidence. Parce que ma sœur a toujours voulu partager son expérience. Parce qu'elle aimait les livres et qu'ils le lui rendaient bien, l'accompagnant constamment, comme des amis, des conseillers, des guides, des confidents. Vous verrez par vous-mêmes que plus d'une fois elle semble s'adresser au lecteur. Je n'y vois aucune coïncidence.
Lui donner la possibilité de raconter une partie cruciale de son parcours était le minimum à faire.
C'était ma sœur et bien plus que cela. C'était ma meilleure amie.
Nous étions très proches. Pas assez, me direz-vous peut-être. Je vous répondrais : on est toujours trop seul.
Et puis si la vie a un sens, la mort en a certainement un aussi, même s'il est plus dur de l'accepter. Ce livre est peut-être aussi pour moi le moyen de m'apaiser davantage face à cette tragédie, je ne vous le cache pas.
J'ai apporté le minimum de correction à ses écrits. Parce que ce n'est pas un roman, parce que ce n'est pas une fiction. Je voulais garder intact certaines tournures car elles sont ni plus, ni moins le reflet de la personnalité de ma sœur et de son ressenti. La vraie faute aurait été, je pense, d'essayer d'atteindre une forme de perfection littéraire.
Ce livre est un journal et en tant que tel, je voulais interférer le moins possible. Ma volonté était de simplement livrer une somme d'évènements décisifs vécus par ma soeur et sa manière de les percevoir, de les accepter, de les subir, de les combattre ou de les employer à son avantage. Je voulais qu'elle ait encore des choses à dire, à un maximum de personnes. Je voulais aussi que les gens la connaissent pour savoir qu'elle avait existé et que sa présence avait été un bienfait pour beaucoup de gens.
Il est indéniable que sa manière unique d'écrire nous étonne, nous amuse, et nous fait nous interroger aussi sur notre propre existence, nos choix et nos combats.
J'ai été le premier surpris et heureux de découvrir à quel point elle savait manier les mots, elle qui désespérait de n'avoir aucun talent artistique. Nous aurions sans doute pu écrire de grandes choses ensemble.
Je pense finalement que ses écrits ne sont un journal qu'en surface.
Ou alors notre journal à tous.
En rencontrant Lado, peut-être irez-vous à votre propre rencontre et peut-être que son journal, son livre, deviendra pour vous une sorte d'ami, de confident, de guide. Ce serait la plus belle chose qui puisse arriver. Et c'est tout le bonheur que ma sœur et moi nous vous souhaitons.
Cahier N°1
Profession : Arstiste de Rue
Une personne rentre dans un guichet ANPE et dit :
- Bonjour. Je cherche un emploi.
- Oui. Vous avez quelles qualifications ?
(Le fonctionnaire a une attitude blasée, mécanique. L'autre est naïf)
- J'sors de Sciences Po.
- Ah oui, donc aucune.
(Il consulte son ordinateur)
- Ah, vous avez de la chance ! Y a justement un poste qui vient de se libérer Place des Halles. C'était un intérimaire, il est en accident de travail : il s'est assommé avec une quille.
- Ah, bon ? C'est quoi comme travail ?
- Artiste de rue, un métier en plein essor ! Vous acceptez ?
- Ca a l'air dangereux, dites-donc.
- Non, mais l'Etat a tout prévu. Y a même un équipement.
- Euh...
Equipement hivernel, indispensable contre les grands froids.
(Il pose sur le comptoir une bouteille de rouge dans un sac en papier. Le naïf découvre la bouteille et lance un regard étonné vers le fonctionnaire)
- Allez pas en abuser, vous feriez fuir la clientèle.
- Mais j'bois pas d'alcool.
- C'est un symbole national. Vous aurez parfois affaire à des touristes, il ne faut pas les décevoir.
(Le fonctionnaire montre des chapeaux)
- Bon, vous prenez lequel ?
(Il montre des chapeaux, des bonnets. Le naïf les essaye)
- Non, non ! C'est la caisse...
(Il montre le geste de faire l'aumône)
- (Les horaires)
Nous sommes partis de Marseille le matin. Je ne dirais pas aux aurores, ce serait mentir. Notre génération, je dois l'admettre, a beaucoup moins de dispositions que nos (ainés ou parents) à se lever en même temps que notre ami le soleil. Bref, arrivés à Nîmes, nous nous acquittâmes d'une prouesse faites à notre aïeule adorée sur des recherches devant alimenter notre arbre généalogique. Ceci fait, cap sur Uzès...Comment vous dire...Un dépliant touristique décrivait cette ville avec des termes avoisinant les suivants : "petite ville au charme pittoresque composée d'entrelacs de ruelles toutes plus belles les unes que les autres..." Et ce dépliant aurait raison/ne mentirait pas !
Mais c'est insuffisant !! Vous me direz, les touristiques ne sont pas là pour écrire un roman, et quand bien même, le client ne le livrait pas. Alors pour faire honneur à toutes nos charmantes petites villes ou grandes métropoles, on a inventé quelque chose de très efficace : l'écrivain !
En effet, on ne compte plus les écrivains qui affectionnent tout particulièrement une ville, une rue, un pays ! Et qui le déclarent courageusement au monde entier dans un innovant roman. Vous ne me croyez pas ? Alors je m'en vais vous donner quelques exemples [X]
Voilà, forte de ces exemples, je m'en vais en faire autant avec la ville de mon choix : Uzès. Je vous invite d'ailleurs à m'imiter, c'est vrai après tout, ne pourrait-on pas, chacun d'entre nous, y aller de notre petite histoire romanesque qui aurait pour cadre notre ville préférée ? Je me lance. j'ai le déor, mais il me faut un héros. Et oui, je sais pertinemment que je ne retiendrai pas votre attention par la seule existence d'Uzès, aussi charmante soit-elle ! Alors, voyons, ce héros sera...un homme. Pourquoi un homme me direz-vous ? Au-delà de la décision arbitraire, cela vous semble d'un commun et vous, mesdames, en avez-vous assez que sans cesse la plupart des héros soit masculin ? Et bien, soit ! Ce sera une femme ! Elle s'appellera Annabella. Oh oui, c'est joli comme prénom, c'est un prénom qui se prête à toutes tonalités pour peu qu'on le prononce [fidèle à son humeur] avec le coeur. Chers amis lecteurs (et écrivains du même coup/par la même occasion !) prenez soin de bien réfléchir au prénom de votre héros car après tout, il nous accompagne pour un bon moment. Voici quelques conseils, qui du reste, n'en sont pas puisque puisqu'en fait ce n'est juste que ma méthode : si notre héros est plutôt du genre aventurier où s'entremêlent intrigues et action, choisissez lui plutôt un prénom court. En effet, voyez ce que peut donner un prénom à rallonge : (scène empruntée à un roman d'aventure et le nom de : Michel Edouard se substituera à celui d'origine) vous constaterez comme moi que quelque chose ne va pas. Autre remarque, outre le fait évident d'adapter le prénom aux origines, à l'époque voire au milieu social du héros, il faut aussi prendre en compte l'histoire que l'on va raconter, si elle sera extrêmement romanesque ou au contraire...
Un Gentil Garçon (suite de la page 22)
(Lui), il a l'air d'un très gentil garçon (et pourtant lui) il parait presque fragile (et pourtant lui) il lui arrive de rougir, et pourtant. Et pourtant il fait pas ça méchamment. Il ne se rend même pas compte qu'il aime personne, on finira par le lui rendre. En attendant, on continue de lui donner le bon Dieu sans confession. Alors il se construit sa vie là-dessus/sur ça. On lui prête de l'argent parce qu'il n'a pas l'air méchant. On l'épouse, il l'inspire tellement confiance. On lui trouve même l'air un peu bête, il ne peut pas faire de mal, à personne. D'ailleurs c'est presque vrai, il n'a jamais fait appel à la violence, ni à l'intimidation pour arriver à ses fins, mais il y est arrivé et beaucoup ont payé. Il ne sait pas envisager les gens autrement que pour servir ses propres intérêts. Pour compléter sa panoplie d'intrigant, la nature lui a fait don d'un physique plus qu'agréable ce qui ôte inexorablement toute capacité de défense à la gente féminine. Reconnaîtra-t-il un jour d'avoir mal agi. Le destin l'aidera-t-il à une remise en question nécessaire pour son bien et celui des autres.
Le 13 mai 2003 Tours
Les propos qu'elle tenait avec véhémence traduisaient ses doutes, somme toute légitimes, qui la traversaient parfois.
On a besoin d'un ennemi pour se mesurer, s'affirmer, bref, pour exister, car quand ennemi il y a, ami il y a aussi, nous sommes dans un camp et donc plus seul. On s'invente des ennemis pour avoir la joie d'appartenir à un groupe. A tous les stades, l'opposition rallie.
PLAISANTERIE n°1 : je ne peux rire à cette plaisanterie
PLAISANTERIE n°2 : je ne peux pas non plus rire à celle-ci
PLAISANTERIE n°3 : idem
PLAISANTERIE n°4 : je n'ai même pas compris !
PLAISANTERIE n°5 : à celle-ci je ris à gorge déployée, en même temps, c'est moi qui l'ai dit (ça compte pas) en revanche personne n'a ri
...Je n'attends pas la 6ème plaisanterie, nous sommes trop différents. Je m'en vais.
Cette très courte fiction est censée illustrer la situation dans laquelle je me trouve actuellement et qui ne va pas en s'arrangeant. Je m'explique : une blague bien grasse sur le sexe, si elle me révolte pas, au mieux, elle me laisse indifférente, une autre sur l'alcool qui me laisse entrevoir les dangers de l'insouciance ou de l'acceptation de cette pratique, une autre encore sur les femmes et le célèbre pois chiche installé dans leur crâne... bref, sur le chemin que j'ai emprunté il y a quelques années, et qui me semble être le chemin de la sagesse, je m'éloigne des autres, je me marginalise, je passe pour une rabat-joie, une coincée etc... Ca me blesse de savoir que c'est comme cela qu'on me perçoit, ce sentiment, cette crainte d'être trop différente me freine dans ma démarche, je me freine !
Le 20 mai 2003 (soirée) Tours
Je vais la rejoindre, je vais à sa rencontre. Elle est là. Ailleurs, elle aurait pu être absente. Mais ici, elle est toujours au rendez-vous. Elle n'est pas toujours la même. Je la préfère agitée, car ainsi, même dans l'obscurité, je sens sa présence, j'entends sa mélodie, ce scintillement musical qui la caractérise. Je l'aime de jour comme de nuit. Oh, je ne suis pas la première à lui vouer un tel amour, d'ailleurs le mien est bien modeste et indigne de sa grandeur, je ne lui ai jamais donné de belles preuves d'amour comme ont su lui donner d'autres avant moi (et d'autres après). Je ne l'ai rencontrée que très tard dans ma vie, c'est ce qui explique ma réserve. Il est assez étrange d'imaginer le nombre d'années que j'ai vécues sans elle alors qu'une fois découverte, je l'ai trouvée indispensable à une vie, à mon équilibre mental. J'aime sa musique, j'aime sa beauté. Ces mots, bien que justes, sont insuffisants, bien fades, pour décrire la réalité de mon amour et de sa magnificence. Elle a un effet magiquement apaisant sur moi, elle est une compagnie, peut-être plus. Et puis, elle ne me demande rien, enfin je crois. Peut-être ai-je été sourde à ses doléances. Il me semble que je peux me présenter à elle dans n'importe quel état (naturel). Je la voudrais plus accessible, mais il faut la mériter, c'est son seul défaut. En est-ce un ? Ses vagues s'échouant sur les rochers où on a pris place, sa transparence, j'ai chaque fois envie de la rejoindre, la toucher, m'immerger. Je projette toujours le même rêve, celui de la parcourir, peut-être seule, d'être en tête à tête, mais je sais qu'alors elle ne sera pas la même, que je serai dépendante d'elle, en danger peut-être...sûrement. Mais je continue de caresser ce rêve, car de là où je rêve, je n'ai pas peur d'elle, je l'aime.
Le 23 mai 2003 (au petit matin)
Idée d'un roman qui s'intitulera Journaux. Ce sera le journal de plusieurs personnages qui se connaitraient, soit bien, soit à peine (voisinage, rencontre éphémère). Je pourrais aussi développer plusieurs personnalités/âmes très différentes. Je dois déterminer l'étendue temporelle. ces journaux ne devront pas peut-être pas porter sur toute une vie ou alors pour un seul personnage. Saurais-je décrire avec exactitude les états d'âme d'un graçon ? Ce roman, comme tout autre, va me demander beaucoup de travail. Il y aura un personnage torturé, solitaire, avide de lecture comme pour combler son isolement et dans son journal il citera des passages de livres, de chansons,...qu'il trouvera en harmonie avec son âme.
Le 24 mai 2003 (?) Tours
Ma chambre, c'est comme une bulle, silencieuse, harmonieuse, paradisiaque, hermétique à toute agression extérieure. Mais tous les bruits, les cris de l'extérieur me parviennent. Dehors on vit. Non pas que je me sens mourir, ou morte, mais je vis différemment, presque à l'opposé. Je ne fais pas bruit, je ne parle pas ou peu, je lis. Je fuis la lumière du jour, la compagnie (sauf celle de Greg). J'ai coupé la sonnerie de mon téléphone. Je m'entoure de mes livres, rangés sur une étagère ou un bureau en face de moi, rangés dans une bibliothèque, à côté, éparpillés sur mon lit (2 places), un fauteuil (autre objet indispensable à ma bulle paradisiaque). Oui, entourée d'objets chers à ma conception du paradis terrestre. Je lève les yeux et ce que je vois m'apaise, m'enthousiasme, m'éclaire et me remplit de sa bienfaisante signification. Il y a quelques photos aussi, un appareil sur pied, quelques objets, présents venus de pays que je ne connais pas encore : une rose des sables (présent de K., de son séjour à Sidi Bel Abbes), un miroir et une carapace de tortue décorée de coquillages, oeuvre du père à M., vivant à Maharès). J'ai besoin de cette bulle, j'ai besoin de faire cette retraite, le temps de quelques jours, ou quelques semaines, parce qu'ici aussi je me ressource. Mais je ne pourrai pas y vivre toujours. J'ai déjà vécu la sédentarisation. Mais il me semble que ça ne m'a pas réussi, du moins je n'en garde pas de bons souvenirs. Mais je sais aussi que c'est dans les moments difficiles que l'on se construit (le mieux ?), c'est eux aussi qui emportent une partie de nous-mêmes, nous blessant à jamais, nous mutilant à jamais. J'espère que les bons moments et le nomadisme construisent car c'est là que je veux me diriger. J'ai le pressentiment que mon destin ne ressemblera pas à la majorité : pas de maison lotissement, pas d'enfants, pas de CDI, pas de sédentarisation, alors je vis selon ce que je crois être fait pour moi, le nomadisme ayant pour fonction (ou but ?) de partir à la découverte des gens, des cultures, langues, cuisines etc... différents de tout ce que je connais, pour peut-être me trouver. Car le but (ultime ou non) sera de me construire pour pouvoir assumer sereinement le destin qui me privera des joies de la maternité, des habitudes, de ce destin qui risque de m'imposer une solitude difficilement supportable à tous âges, donc difficile dans la vieillesse. Je pensais être née pour apporter mon aide aux autres, activement, mais mon rôle ici est de me construire, d'abord pour vivre jusqu'au bout et si je dois aider les autres, ce ne sera que passivement et au moment où Dieu l'aura choisi. Je dois restée engagée, mais dans mes propres choix, ceux qui dirigent ma vie. Je dois abandonner mes rêves de changer le monde (cette phrase peut paraître prétentieuse, mais je ne comptais pas le changer seule !)
Le monde se change parce que nous changeons. Si je deviens quelqu'un de bien, le monde aura changé d'une personne et c'est tout ce que j'ai à faire. On voit que le monde humain change lentement, c'est ainsi. Je lis le journal d'auteurs tels que Tolstoï, Eberhardt,...et je constate que comme eux je me cherche, que comme des milliers d'autres, d'artistes, de gens tout simplement, je rêve d'un monde meilleur et je voudrais réaliser ce rêve, mais ils ont rêvé des mêmes choses que moi, ils sont morts sans les voir se réaliser, alors ce sera pareil pour moi. Certains sont même morts dans un monde qui est devenu pire qu'au moment de leur naissance. Je pense aux guerres. Alors je dois me construire et ne pas me préoccuper de déplacer des montagnes.
Mais une question se pose : vers quelle construction me diriger ? j'ai pu m'apercevoir de façon désagréable que plus je m'améliorais, plus je m'éloignais des autres, je me marginalisais. Cela augmente cette déjà si grande solitude. Dois-je apprendre à vivre seule (je crois cela au-dessus de mes forces) ou y a-t-il une solution pour toujours s'améliorer, mais vivre simultanément en harmonie avec les autres ? C'est à ce problème que je me bute depuis un petit moment déjà. Peut-être existe-t-il des gens dans le même chemin que moi (que cette phrase est prétentieuse) et que je me sentirais moins seule en les rencontrant. Mais je me sens depuis ma transformation tellement ennuyeuse que je crains de m'ennuyer avec eux. Allez j'ai 28 ans, il y a encore du chemin.
Le 29 mai 2003 Tours
On devine dans A Villequier de Victor Hugo toute la rage et le désespoir qui découle de l'incompréhension qu'il a de cette injustice. Mais aussi cette "soumission" destinée à Dieu. Il lui fait des reproches, mais semble reconnaître que toute chose sur cette terre a une signification et que cette épreuve, ô combien douloureuse, en a une aussi. Il ne se résout pas à ne plus croire, à ne plus prier Dieu. On ressent dans cette douleur qu'il (re)cherche la cause de la mort de sa fille et en cherchant et montrant la certitude de l'existence d'une cause, il donne l'impression de déjà reprendre le dessus.
Le 29 mai 2003 Tours
Que voulez-vous, vous me préférez pécheresse ? J'ai fait mon maximum pour suivre ma destinée et de façon vertueuse, mais pourquoi ça aujourd'hui ? je suis lassée de vos mesquineries, de vos coups tordus. Cela fait trop longtemps que ça dure ! Mon destin ne semblait pas devoir se jouer à Tours. Alors je fais des projets, malgré ce qui m'est tombé dessus brutalement ! (allergies soudure) Et [si] ce sont des projets qui ne se réalisent pas à Tours, je dois tout de même vivre à Tours le temps -imposé- de certaines formalités administratives. Même les tests de stages sont repoussés d'un mois !! Donc un mois obligé à Tours. Je rencontre quelqu'un, mais je prends garde de ne pas perdre de vue mes projets et de rester vertueuse. Eh bien, non, je n'ai même pas le droit de vivre cette prison avec une consolation !! Mais que voulez-vous à la fin, je n'ai fait pas d'erreurs !! Comment voulez-vous que ce mois se passe bien !! Je suis si lasse de si peu de reconnaissance que je vais finir par faire exprès de suivre le chemin opposé de ma destinée !! Pourvu que l'échec vous soit attribué et que vous compreniez ce que ça fait !! Demain je n'appellerai pas l'institution. Je veux que mes choix dans votre sens soient vivables. Et je n'arrêterai pas demain ma rébellion s'il le faut, je tiendrai bon ou je m'en irai.
Le 2 juin 2003 2h00
Je lis encore Journaliers de Isabelle Eberhardt et une de ses réflexions me rappelle l'été 2002.
Je venais de vivre huit mois à Tours. Ce fut huit mois de torture, de souffrances, de combats, où il n'y eut que de rares et courts instants de répit. Les deux seuls bons souvenirs de cette douloureuse période furent mes résultats au DAEU et mon amitié (la construction) avec Patrick. Pendant ces huit mois, Marseille m'avait affreusement manqué : la Méditerranée, le soleil, les gens, l'accent, l'esprit, etc... Je finissais mes examens un mercredi (fin mai) et le jeudi, j'étais dans le train pour Marseille. Après plusieurs galères de logement, je me suis installée au camping Santa Gusta de la Ciotat. J'étais tellement ravie d'être retournée dans le sud, d'être à cinq minutes de la mer que j'ai supporté une à une sans réfléchir les mille tracasseries et épreuves qui m'ont été imposées. Je me souviens encore avec quelle désinvolture j'affrontais les soucis qui se multipliaient et multipliaient. J'avais inscrit en moi, tous ces mois passés sous ce coin méditerranéen et je savourais chaque jour passé en bas. Pareillement, quand je suis redescendue en février 2003, à Marseille, le lendemain de mon arrivée (j'étais arrivée le soir), je levais les yeux au ciel et admirais cet inimitable bleu ciel méditerranéen et je me disais : enfin ! je vais vivre pour toujours sous ce ciel, Inch'Allah !
Certains sont nés dans leur patrie et s'y épanouissent, d'autres doivent la rechercher. Mais quel intense sentiment quand on se sent enfin chez soi ! Pour ma part, je pense qu'il n'y a pas obligatoirement une seule patrie pour un seul être.
Le 3 juin 2003 Tours 21h53
Tout croyant (les bons), tout grand sage nous invite à ne faire que le bien, que de belles actions. Je me réjouis de cette idée. Si tout le monde se pliait à ce "simple" souhait le monde serait meilleur. Mais ce n'est pas le cas, et de trop bien faire, on gagne peut-être sa place au paradis, mais on s'éloigne des autres. Si on ressemble trop à un saint on est gagnant sur sa vie personnelle, mais on est accepté de très peu de monde et il me semble que le rôle d'un sage est aussi d'emmener d'autres personnes sur le chemin de la sagesse. C'est me semble-t-il moins égoïste. Donc certes, on avance moins vite, mais on est plus généreux . Ca doit être une affaire de destin. Ca n'est peut-être pas la tâche/le rôle de tout le monde d'emmener autrui sur le chemin de la sagesse.
Le 03 juin 2003 Tours 22H53
Il s'est excusé, il a présenté ses excuses pour la phrase même qui m'a blessée. Depuis dimanche, je cherchais la bonne attitude, je la voulais juste, mais aussi révélatrice de sa faute. Alors j'ai choisi le silence, tenté d'agir normalement. Puis à force de réflexion, j'en avais conclu qu'il devait s'excuser. Ce geste, me semblait-il, l'aiderait à faire moins de mal à l'avenir et m'aiderait à avancer moins douloureusement. Le simple fait que notre souffrance soit reconnue, ou qu'une faute soit reconnue, aide immensément à la guérison. J'ai accepté ses excuses.
Le 04 juin 2013 Tours 00H29
Je suis encore dans ma lecture de "Les Journaliers" de Isabelle Eberhardt. Elle décrit son compagnon comme le seul être qui pouvait lui correspondre, la comprendre, l'aimer. Il semble être l'être idéal pour sa personnalité à elle. Je me demande donc tout naturellement - et parce que ça m'est arrivé d'être aussi originale et nomade que Isabelle Eberhardt - s'il existe un quelque part un être qui me corresponde et inversement et je m'amuse à imaginer ce qu'il fait (s'il existe) exactement maintenant où je pense à lui en ce jour du 4 juin de l'année 2003 à 1H01 du matin. Est-il éveillé ? S'interroge-t-il lui aussi sur l'existence probable d'une âme-soeur ? Ces quelques mots témoignent de l'effet produit sur mon esprit récalcitrant à l'amour, des paroles de cet auteur que je prends très au sérieux. Peut-être devrais-je prendre en compte l'influence du romantisme sur de nombreux écrivains, cela m'éviterait de des déceptions. Le plaisir, s'il entraîne la souffrance ou la mort d'un être (quel qu'il soit) n'est pas acceptable. C'est pour cela que l'on doit s'abstenir de manger de la viande, de cueillir ou offrir des fleurs etc...La liste est longue.
Le 05 juin 2003 Tours 2H23
Quand on aborde la question du Yin et du Yang, on lui donne souvent la définition d'un juste équilibre entre la quantité de bien et de mal, d'ombre et de lumière, etc...Mais si c'est un équilibre qui se compense à chaque fois, qui s'établit à chaque instant, cela peut paraître effrayant : admettons qu'une personne se bonifie, qu'elle se perfectionne tellement dans le bien qu'on peut la décrire comme un(e) sage, alors pour respecter l'équilibre de l'univers décrit plus haut, au même moment, une personne deviendra de plus en plus vile, mauvaise, ce serait donc perdre tout espoir de voir un jour un monde meilleur.Peut-être qu'il faudrait demander à un érudit la vraie définition.
Le 06 juin 2003 Tours 22H44
Je devrais reprendre le texte de la page F (cf Un Gentil Garçon) et présenter le personnage de façon exagérément innocente, mais suffisamment éloquente pour que le lecteur devine de lui-même qui est réellement cet "innocent".
Il faudrait être doté d'un esprit joueur, taquin et endurant pour pouvoir aborder chaque épreuve de façon exaltée, se dire voici un nouveau défi, je m'en vais le relever vigoureusement. Il faut un certain détachement des choses sûrement renforcé par une sagesse certaine, mais l'humeur humaine est si instable, les épreuves souvent différentes que l'entreprise s'avère coriace. Il semble que les évènements sont moins simples qu'ils ne paraissent l'être, ou serait-ce la jeunesse de mon expérience qui m'empêche de voir la raison de chaque évènement. Apprendre à maîtriser l'esprit, l'apaiser dans les moments difficiles, bien se connaître, la lecture, le recueillement, l'occupation intellectuelle sont jusqu'ici les meilleurs baumes. Je comprends les gens qui prient, mais je n'adhère pas aux textes saints, je ne peux m'épanouir ou me ressourcer dans un acte hypocrite.
Le 29 juin 2003 Tours (1H00 ?)
Je mis le revolver sur la tempe. C'est vrai que le canon est froid, mais peut-être est-ce la température de mon corps qui s'est soudainement élevée. J'ai touché l'arme longuement auparavant. Je l'ai trouvé lourde. Je l'ai caressée, après tout, c'est elle qui allait me délivrer. J'ai cherché aussi le meilleur endroit où tirer. Je voulais que ce soit rapide, efficace et qu'en cas de raté, les conséquences soient supportables, alors je me suis dit que sur la tempe c'était idéal car si la balle ne me tuait pas, elle anéantirait l'origine de ma souffrance, la machine à penser, alors ça reviendrait presque au même. J'ai tiré. J'ai eu quelques secondes d'hésitation, mais j'ai repensé à mon saut à l'élastique : ne pas réfléchir, sauter ! Ne pas réfléchir, tirer ! La déflagration fut assourdissante, je n'imaginais pas une telle explosion sonore. Puis la balle a brûlé l'épiderme, déchiré la chair, douleur effroyable, mais courte. Après plus rien, ouf !
Le 4 juillet 2003 Tours 16H05
Cahier N°2
juillet 2003-février2008
Le 9 juillet 2003
C'est étrange, je commence ce cahier le jour de mon départ de Tours pour Marseille. Je ne l'ai vraiment pas calculé ! Donc, ce jour j'arrive à Marseille. M. est venu m'accueillir à la gare. Nous sommes allés faire un tour au vieux port, on a vu une démonstration de capoeira, puis nous nous sommes rendus dans le quartier de Noailles, où j'ai pu déguster mon éternel quart de pizza -1€- mon thé à la menthe et mon gâteau arabe. J'ai d'ailleurs pu rendre C. verte de jalousie quand je lui ai annoncé ce simple programme. Ce n'était que justice, elle venait de se vanter de son tour de moto à 200 km/h !! La veinarde. Appelé Greg. Reçu appel de S. quand j'étais dans le train. Je suis vraiment ravie qu'il ait entrepris des recherches pour retrouver notre génitrice commune. Cela a permis notre rencontre, et un grand frère de plus, c'est chouette ! Il a l'air posé et entier à la fois.
Le 10 juillet 2003
Levée 10h, recherches de travail. Tel de Pat. C. viendrait le WE prochain. Tel à K.
Travail sur Recueil de Nouvelles : Un gentil garçon
Quel gentil garçon, il ne m'a pas embrassé tout de suite. Il est si réservé. Quand il rigole, il baisse les yeux. Parfois même il rougit. C'est attendrissant. Il me dit oui tout le temps. Quand il m'a demandé en mariage, j'ai dit oui. Je ne pourrai jamais trouver un aussi gentil garçon.
Mes amis m'ont déçue. Ils étaient si jaloux qu'ils ont insinué que c'était pour obtenir les papiers qu'il se mariait avec moi.
Un garçon aussi timide ne peut pas être si malhonnête !
S'il insistait pour qu'on se marie, c'est parce qu'il trouve que je suis une fille bien.
On s'est marié en juillet. Il avait l'air si heureux. Soulagé ?
Il y eut quelques disputes, parce que je lui avais parlé de partage des taches, de menus détails de la vie à deux et il m'a dit oui à tout. Mais il s'est avéré qu'en fait il ne savait pas ce que ça veut dire partage des taches. C'est de ma faute, je sais bien qu'il ne parle pas bien français. J'aurais dû employer des termes plus simples. J'ai voulu me rapprocher de ma famille, mais cela impliquait de changer de ville. Il a dit oui. Quel gentil mari.
Comme il ne sait pas démarcher, je suis montée seule à Dijon. Il est resté à Bordeaux.
Dans l'urgence de la situation, je n'ai trouvé qu'une place au foyer, d'autant qu'il n'y avait que moi qui avais des revenus. Il me rejoignit à Dijon et chercha du travail, mais la ville ne lui plaisait pas. Il déprimait et rester au lit une grande partie de la journée. Ca ne facilite pas la recherche d'emploi.
Il me confia que s'il descendait à Bordeaux, il trouverait plus facilement du travail. Après il remonterait avec un peu d'argent. Bien sûr, je comprends. Tiens, voilà de l'argent pour le billet.
Il resta plusieurs semaines, sa carte de séjour fut disponible à la préfecture de Dijon. Il remonta, le temps d'aller la retirer, puis redescendit aussitôt.
Non, il n'a pas trouvé de travail. Quelques taches, par-ci, par-là. Il vit chez son copain.
Oui, je trouvais cette situation difficile. C'est horrible, j'ai même pensé le quitter. C'est que je devais rester à Dijon, je m'étais inscrite à des cours. Je devais au moins aller jusqu'au bout.
Je trouvais enfin un appartement. Il ne put monter pour le déménagement, ni m'aider financièrement.
Il m'aime quand même, il me l'a dit.
Il remonta quand l'appartement fut dispo et meublé. Une dispute idiote éclata quelques jours après. Il fit sa valise et le lendemain, il était parti.
Je suis un peu difficile à vivre.
L'été arriva. Je lui annonçais que je descendrai à Bordeaux pour l'été car je pourrai trouver facilement du travail auprès de mes anciens employeurs. Il trouva un studio meublé. Il me demanda de partager le loyer. Mais enfin, je paye déjà toute seule le loyer de Dijon !
Lors de nos nombreuses disputes, je le menaçais de divorcer. Il refusait toujours catégoriquement. Après tout, il m'aimait quand même.
Un ami médisant m'informa qu'il fallait au moins 1 an de mariage minimum pour maintenir sa carte de séjour. Mon mari ne fêta pas nos 1 an d'union.
Quel étourdi. Il oubliait systématiquement mon anniversaire aussi. Par contre, il m'apprit qu'il ne remonterait plus à Dijon. Il reste à Bordeaux. J'abordais la question du divorce. Pour la 1ère fois, il accepta. Quel dommage que ce beau mariage n'ait pas marché ! Il dura 1 an.
La main (ou les mains ?) (ajouts) : cette main ne prodiguait jamais, ô grand jamais, de caresses, de câlineries, pour quoi faire ? En revanche, elle s'abattait avec une facilité déconcertante sur le museau de l'animal domestique (qui changeait régulièrement.)
Elle était grosse, rouge, veineuse, ridée, mais ce n'était pas ce physique ingrat qui lui donnait cette dimension étrange...Elle se servait de grands gestes pour accompagner des propos vulgaires, haineux ou insultants. Petite fille, je regardais cette main, ces mains, ses mains et j'étais gagnée par une crainte immense, celle que l'héritage génétique fasse son œuvre. Mais en grandissant, je compris quelque chose : c'est qu'une âme bonne adoucit les traits physiques. Mes mains sont grosses, veineuses, se rident très vite, mais elles (ne) servent (que) de bonnes intentions, pour un bonjour, une caresse, une jolie expression et, je crois, n'effraient aucune petite fille.
Tout ce qu'on peut vivre de l'intérieur a déjà été vécu des milliers de fois auparavant par des générations passées et mille fois narrées aussi, ce qui importe donc, c'est la façon de le rapporter/raconter.
Il faut capter l'attention par un style original, surprenant, inattendu. L'universalité des émotions fera le reste.
Marseille le 11 juillet 2003 1h03
Tours le 14 juillet 2003 00h38
Le saviez-vous ? Nous ne sommes jamais seuls. Quand vous rentrez/vous vous trouvez dans votre appartement désert, vous n'êtes pas seuls. Bien sûr que j'ai des preuves ! Et mes preuves ne sont rien d'autre que vos propres expériences. Ne vous est-il jamais arrivé de chercher quelque chose -qui n'a aucune raison de disparaître du reste- de le chercher frénétiquement sans jamais mettre la main dessus, et de le retrouver beaucoup plus tard, quand vous en avez absolument plus besoin, et, qui plus est, dans un endroit complètement insolite ?
Ne vous est-il jamais arrivé d'exécuter un nombre hallucinant de maladresses en un temps record ? Ah, vous voyez ! Et bien l'explication à tous ces mystères du quotidien est simple : des fonctionnaires de la malchance. Et ils sont doués, les bougres.
Tours le 14 juillet 2003 00h38
Décrire mon monde parfait, avec les mots d'un enfant, d'une femme, d'un homme, d'un occidental, d'un oriental, d'un homme d'une autre période, d'un extra-terrestre, etc....Ou d'une même personne à des âges différents. Le texte se voudrait humoristique.
Tours le 16 juillet 2003 00h49
Que celui qui souffre se réjouisse non seulement d'avoir un cœur, mais aussi le potentiel de devenir meilleur, de devenir grand. Plus grand que celui qui est à l'origine de ses souffrances...A cela on pourrait répondre légitimement que tant pis si l'on est point grand pourvu que l'on ne souffre pas.
16 juillet 2003
Le monde parfait d'Amandine. 10 ans ou 4ans : dans mon monde parfait, on s'habille toujours en princesse même pour aller à l'école. Les repas du monde parfait se composent de nounours guimauve, de fraises tagada, de frites et un peu de... Et puis on aurait le droit de se coucher quand on veut. Je pourrais changer de petite sœur et j'aurais pas de grand frère. Les grands frères ça sait que taper.
A continuer.
Est-ce la faim ? Est-ce un sentiment ? Quelque chose me broie l'estomac. Il y a quelques instants encore, je trouvais cela douloureux, je voulais me jeter sur quelque chose de sucré, mais désormais, c'est presque agréable. Comme si la présence même du sentiment me rassurait. Mon cœur bat, alléluia. Pourquoi suis-je si exaltée de souffrir. J'ai envie de rire. Sombre-je dans la folie ? Non, je sais que je ne suis pas folle, mais cette souffrance là, celle du sentiment, est meilleure à celle du vide, celle où on ne vit rien, même pas une rupture.
Le 16 juillet 2003 22h44
Idée de nouvelle : une personne qui traverse épreuve sur épreuve de l'ordre de l'administratif, financier, sentimental et qui choisit pour y faire face d'avoir toujours le sourire, de saisir la moindre occasion pour rire, s'amuser, mais les galères s'accumulent et cette personne veut poursuivre sa tactique, cela l'entraîne dans l'obsession pour finir dans la folie. Cela devra être écrit et présenté de manière humoristique.
Tours le 20 juillet 2003 17h11
Comme tout un chacun, j'avais bon nombre de démons à combattre, plusieurs me venaient de l'enfance. Et une chose étrange se passa : c'est en cessant de perdre mon temps à les combattre que je les ai vaincus. J'ai tout simplement porté mon attention sur le présent, sur une construction intérieure, et un jour je me suis aperçue que certains démons ne m'obsédaient plus. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils sont terrassés pour de bon, car je suis bien consciente qu'ici-bas, aucune victoire n'est définitive, mais comme pour chaque bonne chose, je profite de l'accalmie.
Tours le 12 août 2003 23h20
Quelle est cette obsession de la liberté qui m'anime depuis si longtemps ? Je ne veux être dépendante de personne, toute chose qui m'engage à long terme me terrifie. Prendre un appart' à mon nom m'a demandé beaucoup de temps. Je ne sais toujours pas signer un CDI l'esprit tranquille. Je ne m'imagine jamais vivre dans la même ville plus de 4 ans. Quant aux projets de couple classique, n'en parlons pas. Il y a une part d'héritage de notre enfance de bohème, mais pourquoi l'image de s'installer s'apparente à d'énormes racines hideuses et étouffantes. En ce qui concerne le travail, l'explication pourrait venir de ma soif d'apprendre, de découverte et rester dans 1 même entreprise pendant des années me semble peu propice à l'apprentissage de nouvelles techniques, nouveaux secteurs d'activité. Comment se fait-il que les gens, que le CDI rassure, acceptent de faire le même travail pour des années, simplement pour avoir un revenu fixe et sûr ? Oui, ça doit être pour cela.
Pareillement pour la ville. J'aimais m'imaginer vivre 4 ans dans une ville et en changer à chaque fois pour aller vivre dans un autre pays même, m'imprégner de l'atmosphère de chaque endroit (pour en revenir au travail, si j'aime tant changer d'entreprise c'est parce que je me lasse vite des choses que l'on exécute à répétition. Comment font les autres ?)
Le 13 août 2003
Voici qu'aujourd'hui je me construis dans le présent, pour l'avenir aussi, mais je ne donne plus le même sens à la vie. Comme avant, je jaugeais mes actes par rapport à l'au-delà, alors que désormais, je me construis au jour le jour, directement pour la vie ici-bas. Mais je sais malgré tout que ce sont de bons actes, du moins ce ne sont pas de mauvais.
C'est peut-être pour cela que c'est plus apaisant. J'ai « l'assurance » d'agir moralement tout en ayant pied dans la vie terrestre. C'est peut-être cela qui n'allait pas. Je tentais de vivre une vie idéale, vision idyllique de l'au-delà, ici-bas.
Tours le 15 août 2003
Par de nombreuses lectures, je commence sérieusement à me faire à l'idée que l'on ne peut faire de ce monde un monde égal ou juste. D'abord parce que la nature elle -même, qui impose ses règles, ses lois, ne fait pas les choses également. C'est d'ailleurs de là que l'on tire cette richesse de détails de différences, peut-être de choix (le choix à partir des choses imposées, c'est amusant.)
Le 16 août 2003
J'adore ces moments extraordinaires qui, il me semble, se multiplient depuis quelques temps.
J'arrive à l'instant même en gare d'Orange où le train s'arrête 2 minutes. J'ai mon livre à la main, La Contrebasse de P. Suskind. Je regarde le paysage, la gare et me perds dans mes pensées car quand on a annoncé la gare d'Orange, je me faisais la réflexion que je voudrais redescendre revivre dans cette région, et avant que le train ne quitte la gare d'Orange, je reprends ma lecture et, extraordinaire, l'auteur parle de la ville d'Orange d'un coup alors que rien ne l'annonçait. Je sais que je ne dois peut-être pas donner de signification mystique à ces situations, parce qu'on en vit des milliers qui sont similaires de celles-ci, mais mon cœur bat à chaque fois, et peu importe l'explication ;de les vivre est amusant, c'est suffisant !
16 h 28 Orange dans le train
Idée d'un scénar : un couple, la quarantaine. Ils ont une fille au moins d'une vingtaine d'années. Le père a une liaison. La mère le comprend petit à petit, mais ne sait faire face. La situation est critique car le père pourrait partir avec sa maîtresse.
La fille commence elle aussi à comprendre la situation. Elle est célibataire, sa vie sentimentale ressemble à un désert aride. Elle décide de s'inventer une maladie grave pour revenir habiter chez ses parents et surtout les rapprocher. Elle poussera très loin son investissement dans ce mensonge pour sauver la plus belle histoire d'amour qu'elle connaisse, celle de ses parents. Cela lui apporte la preuve qu'elle serait capable de tout faire, une vraie histoire. Le fait de sauver (ou tenter de sauver) une histoire d'amour la rend comme amoureuse. Comme si elle vivait cette histoire par procuration.
Le 21 août 2003 Marseille
Cette femme, qui jusqu'ici n'avait pas un physique très avantageux parce qu'elle se laissait aller, avait un regard très peu critique sur le physique des autres. C'était relativement logique. Mais voilà que, après plusieurs efforts certes, son physique s'améliore et elle se met aussitôt à émettre de vives critiques à l'encontre des personnes qui se négligeraient (plus qu'elle.)
Elle a oublié instantanément l'époque où elle se laissait aller, où elle était bien contente de ne pas être jugée trop sévèrement sur son physique ou au contraire les blessures que certaines critiques pouvaient occasionner.
Le 21 août 2003 Marseille 23h10
Idée de faire des chansons avec en fond de toile Marseille, ou comme sujet principal (1 titre : culture claquette. Une parole ; il est trop beau ton kems ! fait tourner !)
Le 24 août 2003 Lyon
Tenter de reprendre le programme d'histoire et de travailler les exposés.
En discutant avec J., j'appris beaucoup de choses, en l'occurrence que tous les sols de l'Afrique les plus riches sont exploités par les pays occidentaux qu'ils louent sous forme de contrats à durée déterminée, et parfois même qu'ils ont acheté. Quand la location d'un sol vient au terme de son contrat, la grande firme qui l'exploite est prête à tout pour faire renouveler le contrat. Elle presse l'état (d'où elle est issue) pour qu'il appuie (par tous les moyens, y compris militaires) sa candidature. Ainsi, parfois quand ici ou là, une dictature est dénoncée, un pouvoir renversé par des rebelles, on peut aisément avancer que se cache derrière cette instabilité politique, des enjeux financiers dont les principaux intéressés sont les entreprises occidentales. D'autre part, j'ai appris que des terrains qui appartenaient à la population locale, et où poussaient naturellement les fruits ou légumes (locaux) avaient été réquisitionnés pour en faire une culture agricole de masse (donc emploi d'engrais, de matériel plus perfectionné, etc...) La première conséquence à cette orientation à but financier fut de priver la population de ses fruits (certains même furent jetés en prison parce qu'ils se servaient directement dans les champs.)
Le 27 août 2003 Tours
Il faut un mental très entraîné pour faire face dignement à la douleur physique, elle est obsédante. Par exemple le mal de dents, impossible de sourire ou rire sans déclencher un tiraillement douloureux. Quoiqu'on fasse, la douleur est présente à chaque instant...comme le sentiment amoureux. Quel chemin doit prendre le mental pour que s'il n'élimine pas la douleur, il puisse se concentrer sur autre chose, cesser l'obnubilation. Une histoire de concentration ?
Le 29 août 2003 Tours
Pour avancer dans la vie semée de bonnes convictions, on dispose de beaucoup de méthodes, si on est un tant soit peu attentif. (expérience personnelle, religion, lecture, conseils...)
Mais ce qui parfois fait défaut c'est l'assimilation de ces « armes ». En effet, on possède la théorie, mais quand vient la pratique, on semble être victime d'une formidable amnésie.
Devant cela, j'ai cherché, sinon le pourquoi, le comment y remédier. La méditation semble être une des solutions (à chaque problématique, il semble qu'il existe plusieurs solutions.)
Cette méditation peut se pratiquer de façon très personnelle. En effet, il s'agit de trouver le moment et l'endroit le plus propice à la réflexion intérieure, quelques exemples : au bord de l'eau, notre regard se concentre sur le mouvement des vagues qui nous apaise et calmement on réfléchit sur soi-même l'attitude à adopter face à des situations du quotidien, une critique objective de soi sans s'enfoncer etc... Faire ceci dans le calme pourrait aider à plus d'efficacité sur le résultat, l'après méditation. Cela peut aussi se faire lors d'une activité sportive, d'autant plus que l'on concentre son attention sur ses pensées, on trouvera moins éprouvant l'épreuve physique. Tenter de se faire un programme de réflexion avant la méditation, cela permet tout simplement, et de gagner du temps, et d'aller à l'essentiel (aujourd'hui : trouver ressources pour, soit continuer de supporter l'attente difficile des matins de labeur, soit se donner une autre orientation et se donner les moyens de la suivre.)
Le 3 septembre 2003 Tours
Les paysans d'Amérique Latine (par exemple) se voient allouer plus de crédits s'ils choisissent une culture d'exportation (ex : fleurs) qu'une culture locale (ex : haricots) mais du coup, ils réduisent la production de denrées alimentaires, indispensables à la population. Moins de production = prix de vente monte en flèche !
Finalement, le footing n'est peut-être pas la meilleure façon de méditer...
Le 5 septembre 2003 Tours
Sublime présence de la pierre, elle, pourtant si froide au toucher, apporte toujours une note chaleureuse au décor. Qu'il soit extérieur ou intérieur du reste. Alors que les couleurs chatoyantes apportent de la gaieté, les tons gris de la pierre sont loin de dégager de l'apathie. Comme une donne rustique, le côté convivial du rustique.
Le 7 octobre 2003 Tours
Sur cette musique sublime de Janis Joplin, je m'en vais coucher en quelques mots modestes l'enseignement qui prenait forme en moi depuis quelques temps et qu'aujourd'hui je puis écrire.
Je confiais il y a quelques mois un déchirement entre deux modes de vie, je ne savais faire un choix. Par la réflexion, la méditation, mais aussi l'écoute du quotidien, des rencontres, l'observation, bref par un vrai travail de construction, j'ai cru comprendre qu'aujourd'hui je dois d'abord me construire en sédentarité, quelle n'est peut-être pas pour la vie, mais que je ne pourrai m'épanouir dans le nomadisme que accomplie et je pense qu'il faut que je construise en sédentaire pour me construire. Je ne sais comment l'expliquer.
Si ! Par exemple, nous avons besoin d'amis, de reconnaissance et tout ça peut se faire en restant en place. Mais alors que faire de mon immense désir de voir le monde, de rencontre avec d'autres cultures, etc...
Eh bien la lecture comblera intelligemment ce désir, ce manque. Un jour, peut-être, je serai suffisamment construite et forte pour pouvoir partir à l'aventure avec tous les éléments intérieurs nécessaires au nomadisme ou même n'en aurai plus le désir.
L'art peut servir à faire partager des expériences. Il peut servir à donner des réponses.
J'ai compris que le rire est une véritable thérapie, mais aussi philosophie. Je crois comprendre mieux pourquoi les moines bouddhistes sont toujours souriants. Je m'emploie à aller dans cette direction.
Le 14 octobre Tours 22h44
J'ai repensé à une histoire que je voulais écrire, mais j'ai trouvé à la raconter de façon humoristique : au départ, c'était l'histoire d'un couple qui après 20 ans de vie commune traverserait une crise. L'homme avait une liaison et sa femme plutôt que de le quitter préféra faire le point et tenter de le récupérer. Elle cessa de se laisser aller physiquement et moralement. Elle le conquit une nouvelle fois. Mais finalement, je vais plutôt démarrer l'histoire sur un quiproquo. A cause de certaines coïncidences, elle soupçonne son mari d'avoir une liaison, donc prend soin d'elle, reprend une activité intellectuelle ou autre pour le reconquérir et son mari - qui n'a pas de liaison - pense qu'elle fait tout ça parce qu'elle a une liaison et à son tour se met aux petits soins pour lui, mais surtout pour elle. Du coup, ce couple fidèle se redonne une nouvelle flamme sans se tromper !
Aujourd'hui, j'ai RANGé ma chambre, c'est la deuxième fois que je fais un grand coup de balai dans cet appart'- très utile du reste. Curieusement, c'est à chaque fois après une rupture, heu...faudrait que j'arrête les ruptures parce qu'il va plus rien rester dans ce T2 !!
Pour de bon, il faudrait que je prenne de bonnes initiatives, même quand je suis maquée !!
Tiens d'ailleurs en rangeant, je suis tombée sur un cahier que je tenais il y a un peu plus de 2 ans et, stupéfaction, je m'interrogeais déjà sur le choix à faire entre sédentarisation et nomadisme, entre normalité et marginalité !!
Aujourd'hui je pense avoir compris le choix à faire (que j'exprime p17&18) Je ne sais pas si à l'époque j'avais tous les éléments pour répondre à cette importante question, mais il semblerait que je suis passée à côté de quelque chose pour avoir mis plus de 2 ans à trouver une réponse !
Le 19 octobre 2003 3h06
En nouvelle, mes après-midi avec Mamie, surtout les parties de scrabble...à mourir de rire !
(comme quand ma générosité se retourne contre moi !)
Le 20 octobre 2003 Tours 16h55
Suite : des mots qui se plient à peine aux règles du scrabble, mais que j'accepte quand même par gentillesse pour mamie, sont systématiquement repérés par cette dernière , alors elle me dit sur un ton de mi-reproche :
- Ah, on a accepté ce mot, tant mieux pour toi !
Et je lui réponds (dès que j'ai retrouvé l'usage de la parole !) :
- Non, tant mieux pour toi, c'est ton mot !
- Ah, bon, dit-elle, radoucie, l'air de rien.
Le 20 octobre 2003
Ce qui m'arrive, ces ruptures répétées, sont faites pour me bonifier, c'est pour mon bien, je le comprends. De le comprendre ne minimise pas la souffrance, mais la rend plus supportable. Je comprends que je dois m'améliorer sur beaucoup de points et, en effet, cela va me faire du bien car je serai quelqu'un de bien.
En fait, j'ai toujours eu un bon fond qui se percevait d'ailleurs moins de très mauvaises habitudes, de très mauvaises manières (héritées d'ailleurs beaucoup de ma génitrice)
Comme ma génitrice, j'étais bordélique, coléreuse et rompait pour un oui ou pour un non. Je n'étais pas raisonnable sur le travail, mais en plus j'étais boulimique. Si je parle de toutes ces tares au passé c'est que, ayant cerné le problème, je compte mener le combat de front. J'ai d'ailleurs déjà commencé, mais il y a tellement de choses à régler qu'il valait peut-être mieux les noter, on ne sait jamais, un défaut de mémoire et on stagne !
Je reviens de loin. Un jour, je serai fière de moi, si je ne régresse pas !
Depuis déjà plusieurs années, ma grand-mère, constatant régulièrement les désagréments qu'impose la vieillesse, me conseille quotidiennement (en gros à chacune de mes visites) de ne pas vieillir. Je crois qu'à force de me le répéter, elle a fini par m'en convaincre, car depuis quelques temps on me rajeunit de 5 à 8 ans. C'est presque systématique. Cela m'amuse souvent, m'agace parfois, mais je finis par m'y faire et par y voir, sinon quelques avantages, une explication : ma mamie.
C'est vrai, je veux bien rester jeune physiquement puisque de toutes façons, je continue à me bonifier, à acquérir une certaine sagesse !
Le 23 octobre 2003 15h40
Si l'envie persiste, écrire le roman d'une vie dans un pays européen ou méditerranéen, de sa naissance jusqu'à sa mort. Le personnage parcoura le pays où nombre de détails afflueront sur la culture dudit pays. Cela me fera faire de nombreuses recherches (peut-être même un voyage ou deux) mais surtout cela rassasiera peut-être cette faim persistante d'aller m'imprégner de la culture, des paysages du voisin. Si le roman est satisfaisant, recommencer avec un autre personnage (ou le même s'il n'est pas mort dans le premier roman) dans un autre pays.
24 octobre 2003 19h38
Je sens que je me construis, que je me bonifie. Je suis consciente que je dois rester attentive pour ne pas stagner ou pire régresser. A côté de cela, j'essaie de vivre au mieux, de faire un maximum d'activités amusantes et qui me correspondent le mieux. Mais de par cette rupture et le doute sur l'avenir, j'ai l'impression d'avoir vraiment vécu et imprimé ce que j'ai vécu le temps de mon couple. Mais que dans le souci de rester digne et d'avancer selon mes principes, j'ai l'impression de ne pas imprimer ce que je vis actuellement tellement concentrée sur mes questionnements. Et peut-être aussi tellement tournée vers (ou tiraillée entre) le passé et l'avenir que le présent est survolé. Je ne m'installe pas dans les évènements d'aujourd'hui parce qu'ils ne sont pas ce que je souhaite. Mais si cela doit durer, je vais un jour me retourner, je ne verrais pas de vide (comme ce que j'ai l'impression de vivre en ce moment) mais une construction. Je ne serais probablement plus tout à fait la même si je reste sur cette voie.
Le 27 octobre 2003 20h37
En vérité, j'ai peur que dans ma mémoire ne s'inscrive que le vide pour toute cette période (qui ressemble à une convalescence). Alors si cette période dure longtemps, je vais avoir l'impression d'avoir perdu mon temps. Mais à bien y réfléchir, finalement non. Je l'occupe comme je peux et plutôt intelligemment ! Non, finalement je fais ce que je peux. C'est peut-être la première fois (en rarefois) que j'élucide quelque chose (une crainte en l'occurrence) par écrit.
Le 27 octobre 2003 20h45
Je vais l'écrire...cette histoire que je rêve de vivre, mais que je ne vivrai jamais. Celle d'une fille, de son chéri et de plusieurs potes qui sont tellement curieux de tout et aimant la découverte et la connaissance de l'autre qu'ils ont choisi une vie de bohême, mais pas de clochardise ! Chacun a son métier. Ils s'installent pour un temps là, puis repartent riches de connaissances, d'expériences, de souvenirs, pour un ailleurs prometteur en surprises.
Ce sera le récit de plusieurs années, je ne sais pas encore si ce sera pour toute une vie.
Le 27 octobre 2003 22h20
C'est la deuxième fois que je ressens ce sentiment (de façon consécutive). Je me sens en situation de rupture et non de célibat. C'est souvent supportable, mais parfois j'ai l'impression sincère que je vais en crever !
J'essaie d'aller vers la position du célibat, qui je crois m'apporterait plus de répit , mais d'un autre côté, je crains de m'y inscrire pour trop longtemps, alors que la situation de rupture me rappelle combien il est bon d'être en couple, mais est parfois très douloureuse. J'ai l'impression d'être en sursis, mais que je ne vais pas tarder à craquer. J'ai l'image d'une soupape.
Je fais tout bien jusqu'au jour où je vais faire n'importe quoi. J'en suis, je crois, encore capable, car parfois, on préfère le « n'importe quoi » plus épicé que le « rien du tout ».
Le 28 octobre 2003 00h57
Quand je vois l'homme et la femme se déchirer et s'aimer avec autant d'intensité, se déchirer et s'ignorer alors qu'ils s'aiment passionnément, je me dis que Dieu nous a crée pour se bidonner. Car les actes des uns et des autres éclatent d'absurdité. C'en est presque drôle !
Tours le 1er décembre 2003 13h27
Je suis en formation depuis une semaine, sélectionnée parmi 53 candidats. Nous sommes 12 apprenants au final. Aujourd'hui, pour un exercice proposé par le formateur, j'ai fait circuler mon livre : « Voyage d'un faux derviche en Asie Centrale » de Armin Vambery (emprunté plus tôt à la bibliothèque). J'étais la seule à posséder un livre. Et bien j'ai eu l'agréable surprise de voir une mes collègues s'être aussitôt renseignée auprès de la bibliothèque sur les conditions d'emprunt. Cela fait plaisir de découvrir des gens aussi réceptifs et réactifs !
Tours le 24 novembre 2003
Pour l'année 2004, je compte garder mon rythme de lecture, mais en plus noter mes impressions (et non des jugements) sur chaque ouvrage. Donc le premier livre que j'ai fini en cette nouvelle année s'intitule « Raymond le Cathare » écrit par Dominique Baudis (maire de Toulouse), une courte biographie sur Raymond VI et son pacifisme et son refus de terroriser les juifs, les musulmans et les hérétiques, malgré l'insistance de l'Eglise (et sa fourberie).
Une lecture que j'ai grandement apprécié puisqu'elle contenait mon sujet préféré : l'Histoire.
Ensuite j'ai lu « Quand j'étais soldate » de Valérie Zenatti, témoignage d'une israélienne accomplissant son devoir : le service militaire long de 2 ans ! Elle a présenté les choses de façon humoristique tout en gardant une certaine clairvoyance sur certaines absurdités.
J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage que j'ai lu très rapidement.
Tours le 10 janvier 2004 19h00
Premier jour en €. J'ai bien regardé les horaires, préparé ma gamelle, ma tenue classe. Bref, je suis prête. Un coup d'œil sur la météo me fait déchanter : il pleut à verse ! Zut, mes jolies chaussures prennent l'eau et mon parapluie est très fatigué ! Tant pis, il faut y aller ! Je suis à temps à mon arrêt de bus...mais pas mon bus ! Du coup, je suis obligée de prendre celui d'après qui est tellement bondé qu'on ne peut plus monter par devant ! En route, mauvaise troupe et vogue la galère ! En effet, puisque le premier bus était en retard, je rate ma correspondance, il ne pouvait en être autrement ! Durée d'attente pour le prochain - dans le froid et le vent - une demi-heure !! J'ai pensé un milliard de fois faire demi-tour !
J'arrive congelée et en retard à mon taf ! Sur ce, j'apprends que je ferai très peu de planning, mais que je devrai me mettre rapidement à la méca, genre aujourd'hui (avec ma tenue classe et mes petites chaussures trempées). De plus, je n'aurai aucun endroit pour me restaurer à la pause de midi, c'est le comble. Je décide intérieurement que je ne reviendrai pas l'AM voire même j'ai envie de partir sur le champ. Curieusement, je ne suis que très peu réceptive à sa conversation sur la motivation, l'investissement personnel ! Et miracle ! Il pense à un aménagement d'horaire : je peux si je le souhaite, venir que l'AM. Alléluia ! Les difficultés s'écroulent au fur et à mesure que je prends conscience de l'énorme bénéfice de ce nouvel emploi du temps. C'est incroyable comme une seule difficulté peut contaminer la meilleure des volontés (enfin ma volonté n'est pas la meilleure !).
Le 12 janvier 2004 23h04
Etant encore partagée entre le fait de rester à Tours ou repartir me réinstaller à Marseille avec Viking, je confie mes interrogations à Greg qui, au bout de quelques minutes de discussion, m'expose la situation sous un angle différent de celui que je lui avais exposé. En effet, je lui montrais les avantages et les inconvénients de l'une et de l'autre ville, et vie, et lui me disais de choisir celle où, au cas où ça se passerait pas aussi bien que je l'espérais, j'aurais le moins de regrets, celle où je serai capable de vivre si la vie est pas très très drôle. Tout est une question de point de vue ! Mais cela fera à coup sûr avancer et enrichir ma réflexion !
29 janvier 2004 Tours 19h41
L'hiver on est fatigué. On sort moins. On se motive moins. Bref, c'est pas bien folichon tout ça ! Raison de plus pour passer voir les gens !
Le 2 février 2004
Il fallait bien un jour que j'en parle, de ce combat. C'est un de mes démons le plus tenace ! La boulimie, sale pathologie ! Et encore j'ai de la chance, car ce démon là ne fait du mal qu'à moi-même ! C'est incroyable cette obsession, j'ai l'impression de mener le même combat qu'un alcoolique. Il faut éliminer l'objet du délit de la maison sinon on craque. Sauf que à la différence d'un alcoolique, je suis obligée de me confronter à la nourriture (et donc à la tentation) trois fois par jour ! Trois fois par jour, je dois me freiner sur la quantité, me raisonner sur la composition du repas, etc...
Quelqu'un qui n'a jamais été boulimique ne peut pas imaginer le combat harassant qu'est cette manie !! Tous les jours, c'est un combat, c'en est presque aliénant. Parfois, c'est à chaque minute que je dois m'empêcher de me précipiter au placard, c'est incroyable ! Si je n'étais pas boulimique, j'aurais trop de mal à croire que la nourriture puisse prendre autant de place dans les pensées -la vie- d'un occidental ! Je pense comprendre pourquoi on présente une pathologie : pour combler un manque, un manque de confiance, un traumatisme, mais pourquoi telle pathologie plutôt qu'une autre...Je pense que la mienne est la boulimie parce que je devais présenter des troubles dès l'enfance et que enfant on a accès qu'à la nourriture. Puis plus tard, c'est-à-dire aujourd'hui, si elle est si obsédante c'est parce que tout simplement j'ai éliminé les autres choix : pas une seule goutte d'alcool, pas de laisser-aller dans la propreté, dans les finances, etc... Mine de rien, je combats beaucoup de démons avec succès, mais comme rien n'est gagné pour toujours, ce sont des combats toujours d'actualité.
Cette attention me prend de l'énergie et m'en enlève peut-être un peu pour ce combat qui, lui, est épuisant ! Comme pour chaque autre combat, une solution existe et je dois puiser dans la richesse de l'existence pour la trouver (Ainsi l'Islam m'a aidé pour combattre certains démons. Ainsi la pauvreté m'a aidé pour d'autres, etc...)
Si on est attentif, on s'aperçoit que le cheminement de la vie est semé de solutions.
Tours le 11 février 2004 3h00
Je viens d'avoir l'idée d'une nouvelle, mais je ne sais pas encore si je vais l'écrire car je crains qu'elle soit blasphématoire. En effet, ce serait une histoire qui aurait la grande prétention d'avancer une théorie sur le sens de la vie et le pourquoi de notre création.
Souvent, j'ai pensé que le but de notre existence sur Terre était de nous faire devenir meilleur, voire immensément pur et la raison en serait de nous préparer à quelque chose après la mort, comme si on avait besoin de nous pour après et qu'on nous préparait sur Terre.
En prolongeant cette idée, je me suis dit finalement que ça se trouve, toutes les différentes personnalités qui composent l'humanité (les mauvais côtés) étaient les propres démons de notre créateur et que pour les combattre, il devait les extérioriser, d'où notre création.
Quand on devient meilleur, Il devient meilleur, c'est pour cela qu'il écrit notre destin et qu'il nous guide : pour nous aider à devenir meilleur. Nous ne sommes pas ses pions, nous sommes lui, c'est pour cela que la spiritualité, les réponses viennent de l'intérieur. Si cette théorie peut être une nouvelle, elle peut aussi être une vraie théorie, mais comme elle suppose Dieu comme quelqu'un qui doit devenir meilleur, elle est extrêmement blasphématoire !! Et je pourrai alors donner l'image de quelqu'un qui ne possède ni le respect, ni la foi, ce qui est évidemment faux !
Tours le 15 février 2004 17h11
On ne peut pas dire que l'existence manque de situations comiques ! Par exemple, nous sommes dans une file d'attente, dans un endroit plutôt confiné et quelqu'un a le bon goût de s'oublier et de parfumer de façon ignominieuse le cagibi qui sert de magasin. L'odeur n'échappe à personne et tout le monde cherche l'auteur du crime, et moi, qui n'ai pourtant rien à me reprocher, je me mets à rougir pensant que tout le monde va s'imaginer que je suis la criminelle. Du coup, comme je rougis, bon nombre le pense !!
Le 22 mai 2004 20h58
J'aime ce regard échangé avec un inconnu, regard soutenu, le temps de se croiser, regard où on se permet de dévorer l'autre des yeux. On ne se retourne surtout pas, car la magie est dans cet instant bref où on se donne et on prend. Regard intense en sensualité, effronté parce que sans danger ou sans suite, regard où l'espace d'un instant on est nous-même avec un inconnu.
Parfois on fait durer la relation dans l'imaginaire. J'imagine qu'il me parle, j'imagine que l'on est un couple. Il me tient la main. Faisons-nous un beau couple ?
A quoi ressemble cet inconnu quand il est en colère, lors d'une dispute de couple par exemple ? Et puis le téléphone sonne, j'oublie.
Le 13 septembre 2004 20h30
Idée d'une nouvelle : c'est l'histoire d'une fille qui écrit une histoire.
Tiens, si j'écrivais une histoire. D'abord, je dois trouver mon personnage. Ce sera un homme, ça va dans le sens de la logique de pratiquement tous les cerveaux. C'est ma première histoire, il faut que je reste dans le crédible, c'est moins dangereux. Alors cet homme sera plutôt beau garçon, comme ça, ça plaira aux lectrices et mes lecteurs pourront s'identifier à lui. Il ne sera pas encore marié, plutôt célibataire (voire plus haut).
Peut-être qu'au début de l'histoire il rencontre une fille (l'amour, élément qui à coup sûr retiendra mon public). Cette fille semblait inaccessible, mais quand même irrésistible (cette fois-ci, la gente féminine s'identifiera et les hommes penseront qu'ils connaissent une fille comme ça). Je décrirai avec force détails la cour effrénée du garçon (des fois que ça donnerait quelques bonnes idées à ces messieurs plutôt fainéants). Etc...
13 septembre 2004
J'aime ce parc où je viens courir, lire, promener mon chien. Par exemple, là je marche dans cette herbe fraîchement coupée. Oh, tiens, de la rosée ! Ca m'éclabousse...de la rosée !
A cette heure-ci ? Il est près de 14h, c'est impossible qu'il en y ait encore, et puis d'ailleurs il n'y en a pas ailleurs. Ah oui ! J'ai vu un chien traîner ici tout à l'heure. En effet, ce n'est pas de la rosée !
Le 14 septembre 2004
Si on vit si mal le célibat, c'est parce que c'est une catastrophe d'être célibataire. Mais non, c'est pas une catastrophe ! C'est parce qu'on nous élève avec l'idée que l'on sera quelqu'un quand on sera 2. Surtout les filles, on raconte des histoires qui ne se finissent que par un mariage et des enfants. Une héroïne dont le sort malheureux tout au long de l'histoire qui est amélioré à partir du moment où le héros arrive. Jamais on présente une femme seule qui se débrouille, est heureuse de son sort. On nous fait croire que l'on sera enfin accomplie à partir du moment où on sera avec l'autre. On nous empêche d'être heureux célibataire.
Le 15 décembre 20004 Tours
Ici, ça s'est passé autrement. Il y a bien des femmes et des hommes, mais ici ce sont les femmes qui dominent, alors bien sûr ici aussi les faibles (les hommes) se battent pour avoir les mêmes droits.
Je remarque que dans les films comme dans les livres, les relations intimes entre les protagonistes se lient avec une rapidité et une aisance déconcertante, me poussant à penser que dans la vie c'est pareil sauf que moi, je ne procède pas ainsi. Je veux bien croire au coup de foudre, mais quand même, ça n'arrive pas toutes les deux secondes ! J'arriverai pas à me laisser entraîner dans un jeu de caresses torrides par un inconnu. Il n'y a pas que moi comme ça. Même si on a un physique qui ôte trop d'exigence sur l'autre, on a, comme tout le monde, des yeux et des oreilles et même si cet inconnu a un physique et un discours charmant, il reste un inconnu avec un passé et un nombre de victimes que j'ignore. Si vous cédez facilement à un homme, vous ne pouvez connaître sa réaction face au refus. Peut-être est-il violent, peut-être l'a-t-il été avec une autre femme que vous. Et puis, je préfère laisser aller mon corps au rythme de mon cœur et mon cœur ne bat pas aux premières secondes.
Le 9 février 2005 Tours
La rencontre d'une gadgi et d'un tsigane, enfants durs qui ne révèleront leur sensibilité qu'à l'autre. Je ne sais pas si ça vaut la peine d'être couché sur le papier, mais une soudaine et étrange envie d'écrire me pousse à la dérive( ?) du moment. Ma grande interrogation de ces derniers jours, semaines...mois : C'est comment envisager le couple de nos jours. Force m'est de constater que le couple traditionnel, un homme (une femme) pour la vie ne connaît pas ses meilleurs jours ! Tous les couples se brisent et, au mieux, on en reforme un pour constituer ce qu'on appelle très romantiquement « une famille recomposée ». Donc on a n'a pas q'un seul amant sans sa vie, soit ! Mais est-ce qu'on résout le problème qui est apparu ans le premier couple (la routine !) en en formant un deuxième sur les mêmes bases ? La logique (et l'observation) conclurait un « non ». Alors faudrait-il ne plus vivre ensemble pour éviter cette fichue routine, pourquoi pas ? Mais comment élève-t-on les enfants que l'on veut avoir ensemble ? Et en plus on met en danger une valeur relativement fondatrice du couple : la fidélité (déjà difficile pour ces messieurs !)
Alors voilà, je n'ai pas de solution et je reste célibataire. Dois-je attendre de bien formuler la théorie pour commencer la pratique. Il se peut aussi que ce soit dans la pratique que l'on trouve la théorie. Ceci dit, ma morale et ma méfiance me limitent à une pratique rare donc bénéfique, mais amenuise la spontanéité. Bon, c'est pas aujourd'hui que je résoudrai l'énigme !
22 avril 2005 22h20
Tours-Marseille en AX via Lyon.
Un voyage commence déjà dans sa préparation. Aujourd'hui, je compose mes compiles pour le trajet qui s'annonce bien long (surtout en AX).
Donc nourriture pour auto-radio s'impose ! Quelques jours auparavant, je traçais le trajet, repérais les nationales et départementales avec lesquelles je partagerai quelques kilomètres (1er mai vers 23h00). Et puis le jour J se rapproche et entre l'appréhension et l'excitation, il y a les questions plus prosaïques du genre « Où vais-je faire le plein ? » Après mon escale à Lyon. Penser à emmener quelque chose pour les petits creux, les petites soifs. Bon, faut que je fasse une liste !
Le 3 mai 2005 vers 23h00
Arrivés à Lyon, nous sommes vendredi 13 mai à 19h40.
Je suis partie de Tours avec Greg à 9h45. On s'est arrêté à Châteauroux chez Thérèse. Là, j'ai déjeuné léger et laissant Greg chez Thérèse. Je suis partie pour Lyon, enrichie d'une entrevue avec notre chère Thérèse et de ses célèbres - en tout cas habituels - paniers pour ne pas avoir faim. Mais déjà, quand on sort de chez notre adorable Thérèse, on a jamais faim !
Passée à Montluçon, tourné un peu pour trouver une nationale qui n'existe plus ?
(N145 = N371) puis par Roanne (enfin contourné) et Lyon. 475 kms. (c'est environ ce que j'avais prévu). J'attends Viking. Il est 22h15. (+ 485 kms jusqu'à la Ciotat par St Remy).
Quelques 250 kms environ à se promener dans les environs, puis retour à Tours via Nîmes et Lyon. Kilométrage d'arrivée : 137 458. Ce qui fait au total 2134 kms pendant mes vacances.
Pas mal pour une AX doublée d'un jeune permis !
Tours fin mai
Il est logique que les pratiquants s'attachent aux écritures. Elles sont censées être leur guide, leur donner réponse à tout. C'est une base et un exemple concret quand ils enseignent à leurs enfants. Bref, ça résout nombre de tracas que peut soulever la moindre spiritualité. Mais quand les écritures nous dérangent, nous semblent trop décalées, mais que l'on souhaite une vie spirituelle, où va-t-on chercher la vérité ? Comment diriger ses choix, quoi enseigner à nos enfants ? Quelle est la différence entre une vie spirituelle et une vie athée si les deux êtres se comportent selon le bien ? Il y a peut-être de la spiritualité dans toute action bonne. La spiritualité n'est peut-être pas un choix ouvert, mais un mode de vie.
Qu'est-ce que qui est écrit, qu'est-ce qui ne l'est pas ? J'ai du mal à imaginer que tout est écrit ou que rien n'est écrit. Mais alors, y a-t-il juste notre jour de naissance et de mort qui sont écrits ou plus ou moins ? Les choses qui nous arrivent sans paraître être du hasard, sont-elles influencées par l'intervention d'un être divin, c'est-à-dire que rien n'est écrit, mais on nous pousse à faire des actes qui sont projetés pour nous. Il y a un programme, des objectifs et on tente de nous laisser sur la bonne voie. Mais qui, « on » ?
On a aucune preuve de l'existence, mais aussi de la non-existence d'un « on ». Nos impressions, nos sentiments, notre foi sont-ils des objectifs pour répondre à cette question ? Un être de chair peut-il accéder à la vérité de son vivant ?
Tours le 26 mai 2005 23h09
Si j'ai tant envie d'écrire, c'est pour changer ou faire évoluer certains esprits étriqués. Seulement (je sais que) ce sont les gens auprès desquels je m'adresse qui ne me liront jamais. Alors je me console en me disant que mes écrits (si un jour ils deviennent dignes d'être lus) serviront de matière à l'argumentation de ceux qui ont la même opinion que moi. Par ce biais, je participerai peut-être à l'ouverture universelle (= formule que je viens d'inventer pour englober les différentes évolutions vers lesquelles on devrait tendre).
Tours le 30 juillet 2005 23h41
La vie vaut-elle d'être vécue quand on est dans une telle détresse ? Quel miracle pourra la faire oublier ? Mais surtout quel prix paiera-t-on ce miracle ? On paye avant ou après ? C'est ¾ ¼ ? On paye bien cher l'illusion de la belle vie !
2 ans de suffocation payer 2 mois de respiration. Finalement, j'sais pas si c'est valable. Ca s'arrête toujours au bout de 2 mois et puis après, le néant pendant 2 ans ! On a des anges gardiens par intérim : un qui se fout pas mal de ta gueule et l'autre qui fait ce qu'il peut. T'as beau de donner à fond, y a pas que toi qui fais changer le cours de ta vie. Si y a pas un coup de pouce ailleurs, tu restes dans la même merde !
Tours le 04 août 2005 00h10
Quand on emménage avec quelqu'un, le logis prend une autre dimension. La maison (ou l'appartement) serait un puzzle et quand l'autre n'est pas là, bien évidemment, il manque une pièce au puzzle. Alors on l'attend. On s'occupe en attendant, mais notre esprit n'est pas tranquille, ni disponible tant que le puzzle n'est pas complet. Et bien c'est de ça que je ne veux pas. Je me délecte de ces merveilleux moments de solitude à la maison avec un livre sans attendre personne. Et le soir suivant, je me délecterai tout autant de la compagnie (de l'autre ou des amis) dans une soirée au restaurant ou ailleurs.
Tours le 03 octobre 2005 00h22
Par le fait même de la ressentir, je m'aperçois qu'il y avait bien longtemps que je ne l'avais pas éprouvé...cette euphorie. Elle vient du fait que l'inconnu ne s'est pas transformé en calvaire. Ma démarche même s'en ressent : ma tête est haute. Surtout pas de dédain, mais des regards droits, directs. Oui, cela faisait longtemps et manquait ! Une mise à l'épreuve franche, régulièrement, pourrait réitérer le bienfait. Il faudrait trouver comment.
Tours le 1er novembre 2005 20h24
Qu'il est bon d'aimer ! Une personne que j'aime beaucoup est souffrante alors pour que notre visite ne la fatigue pas, j'ai décidé de préparer le repas pour qu'elle n'ait rien à faire. Ce repas plus les achats de cadeaux que l'on veut lui faire m'ont occupée tout l'après-midi et la soirée. J'ai renoué avec la cuisine que j'avais relégué à de vieux souvenirs d'il y a deux ans au moins, tout ça pour elle. Ma motivation a été telle que j'ai passé outre la fatigue, mon aversion pour les boutiques - un samedi de surcroît - ma fainéantise de cuisiner, tout ça par amour pour cette personne. C'est un amour « filial », donc toute forme d'amour donne des ailes. J'ai agi sans me poser de questions. Je suis impressionnée par ce pouvoir. Aimer nous rend fort, nous rend meilleur.
Tours le 06 novembre 2005 00h04
Il y a quelques jours, une amie m'a rendu le courrier que je lui avais envoyé il y a de cela plusieurs années (aucune fâcherie n'a motivé son geste heureusement). Je l'ai relu bien entendu et je me suis amusée à redécouvrir mes manies, mes défauts, mes rigolades de l'époque. Ce fut bon de comprendre que je me suis éloignée de la personne égocentrique et surtout geignarde que j'étais. Je me rappelle que je souffrais de solitude à certaines périodes, mais je me rappelais pas que je l'exposais autant ! Mais pourtant j'étais la même, certaines aspirations sont restées les mêmes. Ce qu'il y a d'étonnant aussi, c'est que j'avais confiance en l'avenir. Je me rendais compte de mes défauts et me faisais la réflexion qu'avec l'âge je m'améliorerai et en effet, j'ai progressé. Un être est difficile à cerner. Il s'y trouve tellement de contradictions. J'étais si immature et parfois j'avais de sages réflexions !
La question que je me pose aussi, c'est comment mes amis de l'époque (dont certains sont encore là) pouvaient m'apprécier. Je ne peux pas m'empêcher de me faire la réflexion qu'aujourd'hui moi-même j'aurais du mal à supporter un tel personnage ! Je suis extrêmement proche de la personne qui recevait ces lettres à l'époque et je me demande ce qu'elle me trouvait à ce moment-là. Je ne pourrai pas m'empêcher, je crois, de lui poser la question.
Tours le 08 novembre 23h30
C'était la fête, la musique à fond, les confettis volaient et je regardais cette mère et son enfant. C'était comme dans les films. J'étais hypnotisée par cette scène. La musique était en sourdine, j'étais dans ma bulle. Je me disais que j'étais très différente de cette maman. Notre différence d'âge n'était pas énorme pourtant, mais elle avait plusieurs enfants dont une grande fille. Elle avait dû l'avoir jeune et ce petit ange en face de moi témoignait qu'elle avait réitéré l'aventure de la maternité. Et j'étais là, à me demander ce que cela faisait d'avoir un petit ange, d'être le sujet de ses regards rassurés par notre simple présence, ce petit ange qui nous aime naturellement, cette certitude (enfin rien n'est sûr) de vieillir avec une direction où poser le regard. C'est étrange d'avoir passé trente ans à refuser tout ce que les autres recherchaient : l'amour d'un compagnon, la stabilité au travail, la normalité sociale, la maternité. Ca fait de moi un être étrange, incompréhensible de l'extérieur, pas beaucoup plus clair de l'intérieur. Mes papiers annoncent une femme de trente ans. Mon stade actuel représente une jeune fille qui commence à devenir femme. Mon esprit est dérouté car il a bien vécu trente ans, mais je suis parfois comme une enfant pour laquelle certaines étapes de la vie sont encore trop abstraites pour pouvoir encore les envisager. Allez dire à une enfant de devenir mère, c'est incompréhensible. On sait le mimer avec les poupées, cela ne va pas plus loin. J'avance. Mieux qu'il y a dix ans, mais même à trente ans, on ne peut brûler les étapes.
Tours le 03 janvier 2006 23h58
Je me rappelle avoir lu un jour dans un magazine l'interview de plusieurs baroudeuses chevronnées et à la question : « quel conseil donneriez-vous avant de partir à l'aventure ? » l'une d'elle avait répondu de ne surtout pas se fier au Routard qui portait bien mal son nom, car d'après elle, il n'y avait pas mieux pour se perdre. Je l'ai trouvée bien injuste dans son jugement car quand je suis partie en Italie, certes ce n'était pas la grande aventure : je quittais un pays civilisé, industrialisé, bourré de grandes enseignes pour un pays exactement semblable, juste la langue et la monnaie (et oui la lire à l'époque) permettaient de se dépayser. Pas très risqué comme entreprise, mais tout de même quand je débarquais à la gare de Florence et que le Routard me disait à droite on vous donne une carte gratuite de la ville, à gauche une sandwicherie et à la sortie prendre le bus untel pour arriver à l'auberge de jeunesse, j'étais sidérée par autant d'exactitude vérifiée. Du coup pour mes voyages suivants, même schéma : peu de bagages (un sac à dos), très peu de sous en poche, mais toujours le Routard sous le bras.
Tours le 16 janvier 2006 00h24
Mamie est partie le 16 janvier vers 17h30
Mamie est le point de départ de tous ces changements qui surviennent depuis à peu près trois ans, de ces réussites, de ces miracles, de ma transformation. C'est pour elle que j'ai pris une importante décision fin été 2001 et tout ce qui en a découlé a fini par me sauver de moi-même (rien n'est définitivement gagné, je dois poursuivre le chemin).
Elle fut la première lumière dans ma vie, la première personne qui m'a fait prendre conscience que non seulement j'étais un être humain, mais qui en plus pouvait m'aimer. J'étais sa poupée. Ce fut le seul être de la famille digne, droit (papi est parti trop tôt pour que je puisse en faire un portrait exact ou précis). Elle a affronté les épreuves sans se plaindre, mais surtout sans se perdre dans les questions ou les lamentations : « c'est ainsi, alors je fais avec ».
Mamie était une femme extraordinaire. Elle est un modèle, une direction. Les mots me manquent pour dire combien elle est grande dans le cœur de chacun, dans le mien.
Tours le 18 janvier 2006 02h44
Je comprends pas les mecs qui sortent avec toi après des jours ou des semaines de cour et qui essayent de te changer une fois qu'ils sont avec toi. Mais, bon sang ! Ils voyaient bien comment t'étais pendant leur cour. Si ça leur plaisait pas, ils n'avaient qu'à arrêter et on en parle plus ! Pff ! Aucune force de caractère. Enfin, ne jetons pas la pierre. Mais alors qu'ils ne s'étonnent pas après si ça ne se passe comme ils voudraient.
Tours le 27 mars 2006
On dit souvent les yeux sont le reflet de l'âme, mais on ne précise pas si c'est de notre propre âme ou celle de celui qui se tient en face. Doux.
Tours le 03 mai 2006
Quand on arrive pas à trouver la solution à un problème, qu'on craint de manquer d'objectivité, faisons comme si c'était un ami qui nous exposait ce problème (qui serait son problème). Que lui conseillerait-on ?
Tours le 18 janvier 2007 23h10
Pourquoi fait-on un enfant ?
A-t-on vraiment réfléchi à toutes les conséquences que cela engendre ?
Est-on préparé à toutes les éventualités, même les plus cruelles ?
Parce que si ces dernières devaient se produire, se rappellera-t-on des raisons pour lesquelles on a choisi de faire un enfant ?
Tours le 28 janvier 2007 22h02
Les épreuves que l'on traverse, tout comme les moments de joie, ne doivent pas être vécus pour rien. Alexandre Jollien le confirme : il faut en sortir meilleur, comprendre, ne pas en faire une souffrance stérile. Autre point important que ce même auteur honore sans en parler : il faut partager son expérience, car c'est grâce aux témoignages, aux livres, aux œuvres de tout genre que l'on se construit, que des réponses sont apportées à nos tourments.
La façon dont nous avons franchi une épreuve, un cap, avancé, doit aussi servir aux autres. Sans tous ces témoignages, ces paroles de sagesse, je n'en serai pas là (ça ne fait pas tout évidemment, il faut aussi des rencontres, du soutien, des succès, la volonté, mais ça fait avancer).
Mais il ne faut pas oublier d'où l'on vient. Le fait d'être meilleur ne doit pas nous faire oublier ce qui nous permettra de rester indulgent et de comprendre pourquoi l'autre est si immature. Nous l'avons été avant lui.
Tours le 29 janvier 2007 vers 23h30
Dormir est le refuge des personnes dépressives + pour les personnes dépressives le danger est permanent.
Amygdale - hippocampe - cortex néofrontal (siège de la pensée) activé par l'hippocampe. Pour cesser l'activité de l'amygdale. Le stress active l'amygdale qui éteint le cortex néofrontal (pour l'instinct de survie) mais chez certaines personnes qui se trouvent souvent en état de stress, l'amygdale est trop souvent activée. Elle tue des neurones de l'hippocampe, les rendant inefficaces, réveille le cortex néofrontrale, siège de la pensée, donc on ne pense plus objectivement. Conséquence : dépression.
Le sport crée des neurones (entre autre) qui permettent de réactiver l'hippocampe qui réactive le cortex néofrontal. La méditation renforce le cortex néofrontal (pensées positives + stimule le passage à l'action).
= document infrarouge
Emission du 14 juin 2007 France 2
Jacques Salomé dans Le courage d'être soi attire notre attention sur la différence à faire entre souffrance et blessure. On souffre parce qu'il y a une blessure qui est réactivée. Il faut donc savoir quelle est cette blessure, d'où elle vient et on peut comprendre ainsi pourquoi on réagit excessivement à un évènement qui devait rester anodin.
En faisant cette recherche, j'ai mis le doigt sur une blessure très ancienne que je n'avais pas compris. Ce refus de s'engager avec quelqu'un, mais aussi mon caractère asocial seraient peut-être dus à un rapport étrange de l'enfance où je n'avais pas ma place, peut-être pas d'identité et où mon frère était beaucoup plus important. J'ai dû garder l'impression qu'on préférera quelqu'un d'autre à moi. Je ne cesse d'imaginer qu'une autre personne sera tellement plus intéressante, qu'elle prendra ma place. Cela ne me donne pas confiance dans la relation et la croit perdue de toute façon alors mes réactions ne sont pas appropriées. Je ne dois pas prêter aux nouvelles personnes rencontrées les mêmes intentions que mes « parents ». C'est important, je ne dois pas l'oublier. L'écrire n'est pas tout, je dois déposer cette blessure. L'abandon, l'ignorance est certes une chose vécue et réelle, mais elle fait partie du passé. Elle ne fait plus partie du présent - depuis longtemps - depuis longtemps on ne m'abandonne plus.
J'ai une identité. Et ce qui se passe aujourd'hui n'a rien à voir avec avant, c'est complètement indépendant. Quand on m'ignore, la blessure doit être réveillée, car je douille excessivement, je suffoque. Tout le monde est ignoré à un moment de son activité. Je ne dois plus en faire une affaire douloureuse.
Allez, c'est fini momentanément. Le passé reste au passé.
Tours le même jour
Voilà, je suis revenue dans mon HLM. Les premiers jours je ne voulais défaire aucun carton, je me disais que je n'y resterai pas, c'était un retour en arrière. Mais ce n'est pas exact. Je suis revenue différente, avec de nouveaux bagages, avec la satisfaction d'avoir essayer et de m'être enrichie de cette tentative. J'ai eu mes démons en face. Oh, je ne les ai pas tous terrassés, mais je me suis dépassée. Alors je ne dois pas recommencer ma vie là où je l'ai laissée quand je suis partie d'ici, car je suis une autre ou la même, mais avec un bagage en plus, des exemples à suivre, des évolutions à confirmer, des erreurs à ne pas reproduire.
Je dois continuer d'avancer et je suis plus riche aujourd'hui. C'est comme une rivière. Elle avance coûte que coûte et quand elle rencontre une difficulté (une roche), elle met le temps qu'il faut, mais elle n'abandonne pas et quand enfin elle triomphe, elle en sort enrichie de cette rencontre et elle avance encore.
Tours le 10 septembre 2007
Aussi séduisante et enivrante que peut paraître une relation passionnée, obsessionnelle, elle réduit la personne à cette seule relation, alors qu'être amant(e) n'empêche pas d'être fraternel, ami(e), parent, etc...
Car si nous ne sommes plus qu'amant(e) et que la relation s'arrête, nous ne sommes plus rien, alors que si nous avons continué d'être de bons amis, parents, etc..., une seule de toutes nos facettes est blessée et peut mieux se reconstruire.
Plus on avance dans la spiritualité et plus on se détache des nombreuses pensées futiles de notre quotidien. On est d'ailleurs invité à les quitter toutes. Alors "beaucoup" choisissent la voie de l'engagement spirituel, ils renoncent certes à l'inutile, mais partent du même coup dans des retraites lointaines, non pas seulement géographiques, mais, je trouve, humaines. En effet, si tous ceux qui trouvent la voie de la spiritualité profonde quittent le monde des hommes ordinaires, qui montrera la voie à toutes ces âmes perdues. je serais moi-même tentée, parfois, par un tel engagement, mais j'ai l'impression que notre place est parmi les nôtres, pour s'influencer mutuellement. On parle tellement d'échange, mettons-le en pratique. Je crois au modèle -à donner- et -à suivre-.
Tours le 28 septembre 2007
Aujourd'hui j'ai vécu un moment que j'ai eu l'impression forte d'avoir déjà vécu. Alors ce phénomène n'est certes pas nouveau et arrive à tout le monde. Mais cette fois-ci, ce fut tellement intense que j'ai eu une impression de voyage dans le temps et que le moment que je vivais n'était pas le vrai et que c'était l'autre - le souvenir - qui était le vrai présent, très curieuse sensation qui semblait réelle. Mais si aujourd'hui n'est pas le vrai présent, tout ce que je vis depuis ne l'est pas non plus ? Et quand reviendrais-je au vrai présent ? Heu, j'ai pourtant rien pris comme drogue. Peut-on délirer sous sobriété ? Ou alors je suis dans le vrai présent et c'est avant que j'ai voyagé jusqu'à aujourd'hui, mais je n'ai pas le souvenir d'une sensation de voyage dans le temps pendant ce moment. Et si je voyage dans le futur, c'est à quelle occasion ?
La première de mes pensées tend vers le rêve, il est vrai que je ne m'en souviens jamais, mais c'est peut-être dans mon sommeil que je me transporte et que certaines situations m'apparaissent donc comme déjà vécues. Les déjà-vu sont souvent des situations anodines. Est-ce que donc tout est déjà écrit, même le plus banal évènement ?? Où est-ce comme dans le film Matrix, un bug de la matrice et donc il se passe quelque chose d'important à ce moment là, comme une intervention extérieure ? Aujourd'hui, à ce moment précis, je me suis vraiment sentie dans une autre réalité.
Le 29 septembre 2007
Il est extrêmement important de ne pas céder à la colère, même la plus insignifiante. Déjà parce que celle-ci n'est, pour la majeure partie du temps, pas justifiée. Les petits énervements ne paraissent pas dangereux, pourtant si on cède à ceux-ci, on prend l'habitude de céder à nos mauvaises émotions. La preuve qu'ils sont déjà dangereux puisqu'on les considère comme salvateurs : "Ca soulage !" entend-on souvent. Quand on accepte de se mettre en colère pour les petites choses, la colère devient comme une seconde peau et surgit à chaque contrariété, chaque souffrance et le danger est de dire des choses sous la colère, de prendre des décisions sous la colère, de réagir sous la colère et tout ce qui se fait sous la colère ne nous emmène pas au bon endroit.
Le 7 octobre 2007
Je suis hospitalisée pour une lombosciatique chronique. Pendant quatre semaines, à l'aide de kiné sportive (très sportive) je dois travailler mon dos pour pouvoir faire face aux exigences physiques d'un travail et d'une activité normaux. Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec mon esprit. En effet je traverse une rupture (que je souhaitais moins, beaucoup moins que les autres). Et j'ai l'impression qu'il faut que j'entraîne mon esprit à faire face à tous les aspects de la vie. Je travaille sur les deux fronts. Ca paraît difficile, mais c'est prometteur. Dans les deux disciplines je connais des moments de fort abattement, mais le bienfait que j'entrevois me motive. Ces deux batailles se se ressemblent tellement ! L'esprit comme le corps doit s'entraîner , se forger une force pour ne plus être dans la douleur. Ca ne semble pas être un hasard, ce parallèle. Il est là pour me faire comprendre l'importance d'une discipline effectuée au quotidien et me faire entrevoir un quotidien moins douloureux.
Le 14 octobre 2007
Trois semaines se sont déjà écoulées à une vitesse hallucinante. La troisième semaine fut très difficile sur le plan physique. J'en arrive à la conclusion que mon esprit doit être encore plus fort que je ne le croyais car il doit prendre le dessus sur le physique. Je suis vidée, douloureuse, enrhumée, il me reste une semaine d'hospitalisation. Je dois pousser mon esprit à dominer la situation. Il ne suffit pas d'éliminer la tristesse, il faut faire avancer la machine. Le combat est rude, mais parsemé d'encouragements.
Le 27 octobre 2007
En relisant ces dernières notes, je ressens que je suis dans le vrai. Je suis très amoureuse de ce garçon, mais ces derniers temps, je m'aperçois que si j'ai beaucoup travaillé sur moi-même (parce que c'était nécessaire) lui, n'a pas avancé, il ne fait aucune remise en question sur lui-même. Le résultat est que nous ne pouvons nous entendre (je reconnais aisément qu'il y a aussi de mes torts, je m'abandonne de plus en plus à mon orgueil ou ma suffisance). Pour que cela marche, il faudrait que je me soumette à son humeur changeante, à ses caprices, à ses maltraitements psychiques. J'ai refusé, nous sommes peut-être en rupture et cela avait tendance à entraîner chez moi - non seulement une logique tristesse - mais une espèce de dévalorisation de moi-même, me sentant dans l'incapacité de vivre une histoire d'amour relativement longue. Mais aujourd'hui, j'ai compris que par le refus de me soumettre à de mauvaises habitudes, j'ai fait preuve d'un amour-propre qui me laisse entrevoir l'amour que je peux ressentir, grâce à Dieu, pour moi-même et pour les autres. L'amour étant la raison d'être sur cette terre, je suis sur la bonne voie. Je ressens une certaine fierté à continuer d'entretenir le respect que je me dois et que l'on me doit, même et malgré les sentiments forts que je ressens.
Le 29 janvier 2008
La confiance est le premier pas vers la patience. Il faut accepter d'être imparfait, cesser la course à la perfection. Même les héros ont des moments de découragement, de doute. Nous sommes humains, pas des machines. Seules les machines ne font jamais d'erreurs. Savoir saisir tous les moments d'amitié qui se présentent.
Début février 2008
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samedi, 07 mars 2009
Watchmen [Cinéma/Critiques]
Mercredi 3 mars 2009. 11H00. Sortie du film Watchmen adapté du roman graphique de Alan Moore [auteur] et Dave Gibbons [dessinateur].
La bande-annonce illustrée par la musique de Muse, la noirceur se dégageant des images et de la voix off, l'ambiance mystérieuse, tout cela m'attirait vers cette oeuvre. J'adore les films de super-héros, mais j'aime encore plus lorsqu'ils sont traités comme des êtres humains à la base qui doivent lutter constamment pour rester le meilleur d'eux-mêmes (Merci M. Night Shyamalan pour Incassable !!!)
Cela faisait un moment que le cinéma ne m'avait pas offert ce frisson, cette sensation de plénitude que l'on ressent devant une oeuvre qui s'imprime en vous - faisant écho à vos désirs les plus enfouis - et vous obsède totalement après la projection. Je ne l'attendais plus. Mais je l'espérais toujours un peu, en secret.
Watchmen me l'a donné ce frisson. Parce qu'il m'a donné ce que j'en espérais [un excellent film de super héros] et surtout parce qu'il m'a offert ce que je n'espérais même pas : un film à part entière, inclassable car abordant une multitude de genres, d'ambiances et de thèmes. Un film complet donc, qui parle aussi bien de politique que de métaphysique, qui laisse s'exprimer la poésie autant que la violence la plus nue, qui approfondit la psychologie de chaque personnage. Un film sans compromis, pour le bien de l'oeuvre originale et aussi celui du spectateur. Et c'est un véritable cadeau de pouvoir constater que mener un tel projet à bien est possible (mais encore très long et très compliqué puisqu'il a fallu pas moins d'une vingtaine d'années pour en arriver là).
Réduire Watchmen à un simple film de super héros reviendrait à dire que la vie est simplement l'antithèse de la mort. Ce serait faux, réducteur et ce serait surtout un beau gâchis. Si vous aimez le cinéma, allez voir Watchmen. Si vous aimez les drames, allez voir Watchmen. Si vous aimez les films d'action, allez voir Watchmen. Si vous aimez philosopher, allez-y aussi. Mais vous rirez aussi en allant voir Watchmen et peut-être que vous pleurerez. Une chose est sûre : vous serez surpris et pas qu'un peu. Tout est possible. Surtout le meilleur.
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dimanche, 01 mars 2009
Jeux
Earth 2354 [Jeu de rôle futuriste] Création originale inspirée de Warhammer 40K - Egaré -
Omega [jeu de rôle d'anticipation] Création Originale - En cours de réadaptation -
Dragon Ball [jeu de société] d'après l'oeuvre d'Akira Toriyama - Achevé -
Earth Worm Jim [Jeu de société] d'après le jeu vidéo crée par David Perry et le studio Shiny Enternainment - Achevé-
Dark Millenium [jeu de rôle futuriste] Création Originale inspirée de l'univers de Warhammer 40K - En cours d'élaboration -
Matrix Evolution [jeu de société] d'après l'oeuvre des frères Wachowski - Achevé -
Hollywood panic [jeu de société sur l'univers du cinéma américain] Création originale - Achevé -
Le Combat du Papillon [jeu de cartes] Création originale d'après l'histoire du même nom - Achevé -
The Lost Room [jeu de société] d'après la série télévisée du même nom - Achevé
Le Sang des Etoiles [Jeu de Société] Création Originale d'après l'histoire du même nom - En cours d'élaboration -
NYPD : Protéger et Servir [Jeu de Rôle Policier] Création Originale - En cours d'élaboration -
Kaamelott [Jeu de Société] d'après la série télévisée du même nom - Achevé -
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mercredi, 25 février 2009
Space Squad [Romans/SF]
Chapitre I - BAD DAYZ 4 BAD BOYZ - Mauvaises Journées pour Mauvais Garçons
Part 1 : HIGHWAY TO HELL - Autoroute pour l'Enfer
L'homme écrasa sa cigarette sous le talon de sa botte et releva le col de son imperméable aussi gris que le ciel surplombant New York. Sans doute dans l'espoir de dissimuler une figure aussi menaçante que la ville elle-même. Il vérifia le contenu de sa poche droite en la palpant d'une main, puis se remit en marche.
Il poussa la porte du drugstore en apparence déserté par les clients, puis se dirigea vers le comptoir d'un pas résolu. Le gérant ne l'aurait sans doute pas remarqué - tant il était occupé à détailler une forme postée à la limite de son champs de vision - si le visiteur n'avait brusquement exhibé un pistolet d'un calibre inquiétant.
Le gérant avait dû assister à des centaines d'attaques à mains armées à la télé et il en avait vraisemblablement subi une dizaine, c'est sans doute pourquoi il s'exécuta sans broncher. de toutes façons, les yeux du braqueur parlaient pour lui et son regard savamment étudié remplissait presque entièrement le rôle qu'on réseve d'ordinaire à une arme à feu.
Comme le commerçant finissait de réunir le contenu de la caisse dans un sac en papier et que son destinataire se voyait déjà très loin en possession de sa petite fortune, un déclic caractéristique se fit entendre, brisant le silence et le cheminement de pensées des deux hommes.
Le gangster lorgna du côté d'un présentatoir de magazines à sa droite et eut la surprise de constater qu'ils n'avaient jamais été seuls.
Elle était toute vêtue de noir, des mitaines de cuir aux botillons, en passant par le pantalon très ajusté et le blouson d'aviateur.
Et détail non négligeable : elle pointait vers le criminel le canon d'un pistolet-mitrailleur Punisher dernier modèle. Sa silhouette retenait aussi bien l'attention tant elle était fournie en matière de courbes sensuelles. Avant l'incident, le gérant n'avait d'ailleurs pas manqué s'y intéresser.
Sa chevelure présentait un somptueux dégradé de rouge et lorsqu'elle leva la tête de la revue féminine qu'elle tenait d'une main, elle arbora une paire de lunettes noires métallisées et une paire de lèvres dont elle réduisait à peine la sensualité en mâchant un chewing-gum.
Le criminel ne put cacher longtemps le trouble qu'une telle apparition avait fait naître en lui. Un trouble beaucoup trop grand à son goût. Le gérant, quant à lui, était aux anges, bien qu'il préféra dissimuler cet état de fait. Non seulement il la trouvait terriblement belle, mais en plus de cela, il savait qu'elle venait le sortir de ce mauvais pas. Si jamais ils s'en sortaient vivants, sûr qu'il allait la demander en mariage sans craindre d'essuyer son refus.
L'homme armé se mordillait nerveusement les lèvres et commençait à sentir la sueur perler à son front. Il était en train de perdre un calme qui d'ordinaire faisait sa fierté. Un calme qui lui avait toujours permis de réussir ses coups facilement, en lui épargant les complications. Mais là, c'était différent. Au contraire de lui, la belle restait de marbre.
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samedi, 21 février 2009
Société Aveugle
SOCIETE AVEUGLE
Abrutis par la télé
Les supermarchés
On en oublie de penser
Mais pas de dépenser
La mécanique nous domine
On devient des machines
Dès qu’on se lève le matin
On cesse d’être humain
On bosse dur tous les jours
Pour payer le loyer
Dès fois on pense à l’amour
Mais on veut pas s’y noyer
C’est la marche du progrès
On fait selon son grès
Pourquoi lui résister
Il nous fait exister
C’est notre société
Il faut s’y adapter
Elle a si belle allure
Sans yeux est sa figure
Le temps c’est de l’argent
Et en gagner ça urge
On est intelligent
Comme les moutons de Panurge
Ce qu’ont les autres on le veut
Tant pis si c’est futile
Et après on s’en veut
Quand ça devient fatal
La technologie
Est notre fée du logis
Une fois qu’on y a goûté
On ne peut plus s’en passer
On veut tout posséder
Sans rien avoir à céder
Et pour y arriver
On en oublie de rêver
Ce qui nous rendait beau
S’efface facilement
On devient des robots
Qui marchent docilement
La chasse aux états d’âme
Le cœur n’a plus raison
On se nourrit des drames
Chacun dans sa maison
On sait plus quoi bouffer
De peur de s’étouffer
On mange n’importe quoi
Si c’est prêt à l’emploi
On a plus peur de rien
Mais on se méfie de tout
Aux autres le chagrin
Et le mal est partout
Moi j’ai rempli ma Porsche
Je suis prêt à partir
Si jamais tu t’approches
Je te préviens je tire
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !
00:02 | Lien permanent | Commentaires (9)
Superficielle
SUPERFICIELLE
Elle est si cruche
Il est si con
Elle, si nunuche
Et lui, bidon
Ils sont trop nuls
Ils sont trop bêtes
Top ridicules
Rien dans la tête
T'as vu sa tronche ?
T'as vu ses seins ?
Il est trop moche !
Quelle planche a pain !
Moi j'me maquille
Moi j'm'entretiens
Je suis une fille
Trop belle et vraiment bien
Superficielle
Je suis vraiment une fille
Super
Superficielle (bis)
J'aime tout ce qui brille
Qui étincelle
Je suis vraiment une fille
Superficielle
Superficielle
Et les rumeurs et les ragots
J'en fais mon beurre net d'impôts
Et les cancans et les on dit
J'achète, je vends et sans répit
Et les histoires et les déboires
Des honnêtes gens, des bonnes poires
C'est à manger et c'est à boire
Pour ma grande gueule
J'me sens si seule
Quand je suis pénard
Il me faut des fringues
Dernier cri
Je suis trop dingue
De mes envies
Il faut que j'achète
Dans les boutiques
Sur internet
C'est encore plus pratique
Il faut que je consomme
A tout prix
Que je m'assomme
De tous ces produits
Il faut que je remplisse
Tous mes placards
Pour que je puisse
Me faire valoir
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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vendredi, 20 février 2009
Une Cage Dorée
Une cage dor€€
Entre une série B
et un feuilleton télé
on te dit que t'es pas belle
que t'as pas le bon rimel
On te jure qu t'es trop grosse
mais que tu bouffes pas assez de sauce
que t'as des kilos a perdre
et que t'as une vie de merde
Et comme tu sais plus vraiment
comment penser par toi-même
la chaîne se déchaîne
pour te mettre la sienne
On est né papillons
beaux comme des camions
mais la loi du talion
nous a rendus si cons
qu'on veut la part du lion
Et les autres on les compte
pas
On est des oiseaux
embouteillés dans les eaux
complètement conditionnés
au fil de toutes ces années
à croire qu'on peut nager
a condition d'oublier
Qu'on est fait pour voler
epris de liberté
les nuages sont si blancs
quand on peut passer dedans
et le ciel est si bleu
quand on le voit de ses propres yeux
Mais tu te réveilles
dans cette cage dorée
qu'on t'as appris à aimer
et même à adorer
tu vois même plus les barreaux
tellement tu les trouves beaux
et le plafond est si rond
qu'il te paraît pas faux
On veut que tu vieillisses
sans avoir mûri
et t'es déjà dans l'hospice
quand tu l'as compris
On est des ados
rampant dans un marais
construisons un radeau
histoire de se marrer
Toutes ces idées
qui te rentrent dans le crâne
dont tu n'es pas fièr(e)
et qui te condamnent
Elles ne t'appartiennent pas
ça tu le sais déjà
tu vois enfin la porte
tu sais que t'as la clé
pour pouvoir t'évader
de cette vie si morte
Mais ils sont déjà là
ceux qui t'on fait rentrer
vont pas te laisser faire ça
pour eux il y a danger
T'es la poule aux œufs d'or
dans ta cage dorée
ils préfèrent te voir mort(e)
plutôt que libéré(e)
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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23:51 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les Vertus du Virtuel
Les Vertus du Virtuel
J'appuie sur la gâchette
Une balle dans la tête
Le mort s'écroule dans la foule
Les gens crient à tue-tête
Mais personne ne m'arrête
Je suis le roi des tueurs
Je connais le jeu par cœur
Le temps d'un chargement
Je deviens fou du volant
Quand vient le GAME OVER
Je me remets au vert
Les vertus du virtuel
Me rendent la vie plus belle
J'oublie qu'elle est cruelle
Quand je deviens comme elle
Les vertus du virtuel
Sont devenues mon rituel
Pulsions et impulsions
Deviennent si réelles
Quand je les vois tel quelles
Sur ma télévision
Pirate dans les étoiles
Ou bien voleur de toiles
Assassin silencieux
Ou bien maître des cieux
Je suis celui que je veux
Par écran interposé
Je peux enfin tout oser
Tout m'est permis
Rien ne m'est interdit
La liberté se crie
La liberté s'écrit
Sur un écran je vis
GTAdolescent
Hyper introverti
Je deviens menaçant
Pour public averti
Toutes ces simulations
Stimulent mes émotions
Je sens mon cœur qui bat
Chaque fois que je me bats
J'enchaîne les coups de poings
Et j'encaisse tous les points
L'univers est à moi
C'est moi qui fais les lois
Je suis le noyau, le centre
C'est fou ce que j'en ai
Dans le ventre
Mais je suis qu'un ado
Qu'est pas bien dans sa peau
Je suis amoureux d'une fille
Mais je me trouve pas beau
Assis devant ma télé
Je joue aux contes de fée
Je suis chevalier sans peur
Elle princesse au grand cœur
Puis vengeur masqué
La rage au bout de l'épée
J'oublie tous mes malheurs
Et je fonce à cent à l'heure
Je tue, je vole, je jouis
Je joue donc je suis
Personne pour me juger
Ni pour me condamner
J'oublie les préjugés
Qui rongent ma destinée
Dans la peau d'un héros
Anti ou bien antique
On se sent tellement beau
Oui c'est tellement pratique
Je fais aucun effort
Pour devenir le plus fort
Je fleurte avec la mort
Et à chaque fois je m'en sors
Je suis chasseur de primes
Ca m'évite la déprime
Je suis gangster notoire
Ca me redonne de l'espoir
Quelques combinaisons
De flèches et de boutons
Je suis roi de la baston
J'oublie mes contusions
Dans l'enfer de la guerre
Baroudeur solitaire
Je n'ai besoin de rien
Je suis enfin quelqu'un
Dans une formule un
Ou bien sur un terrain
J'oublie le quotidien
Qui me fait un mal de chien
J'étends mon horizon
Et change ma perception
Ma bonne humeur se joue
Sur un bout de caoutchouc
Retour dans le réel
C'est fou ce qu'elle est belle
Je me sens si fragile
Débranché de mon fil
Elle a trouvé un gars
Qui a su lui parler
Je ressens les dégâts
De mon incapacité
Personne à qui me fier
Personne pour me confier
Pour y remédier
Y a pas trente-six solutions
Pour que j'aille mieux
Pour me rendre heureux
Pour que j'existe
Pour que rien ne me résiste
Il n'y a que la télé
Et ma super station
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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23:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : monde virtuel, jeu vidéo, satire
Comme un Ballon
Comme un Ballon
J’ai l’impression
Que ça tourne pas rond
Que je deviens
Vraiment très con
Et ça je veux pas
Ah non !
Devenir des cons
Le roi
Dès qu’on me voit
Ah non !
Ca je veux pas
Oh non !
Devenir comme ça
Je voudrais devenir
Quelqu’un de bon
Tellement bon
Que ça tournerait rond
Comme un ballon
Ah bon !
Et faire des bonds
Et des rebonds
Comme un ballon
Ah bon !
Devenir bon
Si bon
Que ça tournerait rond
Très rond
Comme un ballon
J’ai l’impression
Que ça tourne rond
Que je deviens
Vraiment très bon
Et ça je veux bien
Ah tiens !
Et ça je veux bien
Très bien !
Et bien c’est bon
Ah bon !
Et des rebonds
Si rond
Comme un ballon
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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23:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il faut que tu expires
Il faut que tu expires
par Tanis et Greg Armatory
Laissez-moi vous conter le récit de cette guerre
Déclenchée par un homme qui se prenait pour Dieu le père
En fait sa religion c’était celle du pognon
Il se foutait des autres y avait que son opinion
Il voulait un pays
Où coulait de l’or noir
Pour ça il haït la couleur de l’espoir
La paix, la liberté
Il les a répudiées
Quand sa maudite armée
S’est remise à marcher
Comment peut-on laisser un seul homme faire tout ça
Un pseudo démocrate qui n’a ni foi ni loi
Un vrai fou faux dévot qui méprise les instances
Qui souhaiterait imposer au monde sa différence
Il est temps que tu expires
Que tu pousses ton dernier soupir
Afin d’éviter le pire
Il faut que tu expires
Bien sûr y en a qui pensent que tout est justifié
Qui vont jusqu’à le prendre pour un vrai justicier
Mais il y a un détail qu’il faut pas oublier
C’est que derrière son bouton il joue bien les planqués
Un jour il décida d’appuyer sur ce bouton
Et nous on était là à regarder comme des cons
Ce panache de fumée, vénéneux champignon
Qui nous a tous brûlés comme des poupées de chiffon
A détruire la planète, y avait rien à gagner
C’est la vie qui s’émiette, c’est l’avenir en danger
Malgré les boucliers de nos télévisions
Nos sorts étaient liés sous le cul d’un avion
Il est temps que tu expires
Que tu pousses ton dernier soupir
Afin d’éviter le pire
Il faut que tu expires
Il faut juste nous unir
Afin de l’empêcher de nuire
Ou on a plus qu’à s’enfuir
Devant ce mal en devenir
Vous tous qui m’entendez
Derrière vos barricades
Et qui appréhendez la prochaine décade
Ne soyez plus surpris
De ne plus être humains
Mais les fruits d’une folie
Qui a fait son chemin
Son âme était damnée
Les nôtres condamnées
La force de sa faiblesse
Nous a privé de liesse
Il était président
Pour certains une idole
Mais son cœur était blanc
Comme un puits de pétrole
Il est temps que tu expires
Que tu pousses ton dernier soupir
Afin d’éviter le pire
Il faut que tu expires
Il faut juste nous unir
Afin de l’empêcher de nuire
Ou on a plus qu’à s’enfuir
Devant ce mal en devenir
Il faut que tu expires
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !
23:47 | Lien permanent | Commentaires (0)