dimanche, 05 août 2012
Le Combat du Papillon - Version Musicale [Musique]
Etant à ce jour très loin d'être en mesure d'écrire l'histoire en intégralité - encore moins de l'adapter en film d'animation - avec une vraie 3D !!! - je vous propose cette version concise un peu mutante, mais qui vous permettra, je l'espère de tout coeur, de comprendre mes intentions en terme d'émotions. Pour une compréhension plus complète de l'univers et des personnages, je vous invite à visiter les liens et/ou à consulter la catégorie Dessins et Nouvelles.
Prologue - La Genèse, l'Age d'Or, le Paradis Perdu. C'est la vision qu'a Sylvain au plus profond de son désespoir : des anges dotés d'ailes de papillon tour à tour survolent et se fondent dans un océan doré : l'Océan Divin. Mais l'océan s'assèche et les anges chutent sur la Terre : leur Enfer !
Par l'intermédiaire de ses rêves, Sylvain accède à la Terre de Beulah, baptisée ainsi par William Blake, un monde peuplé par des anges, les Papillons et qui luttent contre les Démons, des créatures issues des vices et des péchés humains. Il assiste à une bataille lors de laquelle il découvre le charismatique et puissant Monarque, Mentor des Papillons.
Monarque présente les autres Papillons à Sylvain et le guide à travers les merveilles de la Terre de Beulah (cf William Blake), véritable patrie de la poésie, où le coeur et l'esprit règnent en harmonie.
Sphinx, Monarque, Vanesse, Morpho et Saturnie-Atlas
Sylvain affronte le terrifiant Python, sa Bestialité, autrement dit la somme de tous ses Démons : la personnification de ses peurs, de sa colère et de son désespoir. Il doit impérativement le vaincre pour pouvoir devenir à son tour un Papillon, une âme pure et libérée. Alors qu'il est en difficulté, Vanesse, la compagne de Monarque, émue par son sort, tente de s'interposer. Python la terrasse et profitant de l'aveuglement de sa victoire, Sylvain parvient à le détruire au cours d'un duel dantesque.
Monarque porte le corps inanimé de Vanesse sous les yeux des autres Papillons. Il le place dans une colonne de lumière et le regarde s'élever lentement, tandis que ses larmes l'accompagnent et que son coeur crache des roses meurtries.
Sylvain devient le Papillon Apollon et découvre toute l'étendue des pouvoirs de la poétisation : la capacité de modeler son environnement selon son inspiration et d'user de la symbolique du romantisme comme d'une arme sans équivalent pour purifier les âmes corrompues par leur séjour terrestre.
Au cours de l'un de ses voyages, Apollon parvient à retrouver son grand amour perdu, l'une des causes mêmes de son désespoir. La boucle est donc bouclée. Alors qu'elle vient de détruire sa bestialité, il assiste avec émotion à sa transformation en Papillon. Elle répond désormais au nom de Diane.
Bouleversés par leurs retrouvailles, Apollon et Diane profitent de leurs récents pouvoirs pour poétiser à volonté et démontrer ainsi toute la beauté et la force de leurs sentiments.
Les Papillons affrontent un important et puissant groupe de Démons. L'occasion pour eux d'unir leurs pouvoirs comme jamais et de renforcer leur espoir en un avenir plus lumineux.
Au cours d'un combat, Monarque est gravement touché par un Démon. Lui qui n'a jamais eu à vaincre sa Bestialité pour devenir Papillon grâce à la présence de Vanesse, est contraint de mener enfin ce propre combat. Lorsqu'il l'apprend, Apollon tente de l'aider, mais il arrive trop tard et assiste, impuissant, à sa défaite.
Avant de disparaître, Monarque désigne Apollon comme le nouveau Mentor des Papillons. Il lui révèle aussi que Diane et lui sont l'unique clé pouvant ouvrir la Porte d'Ivoire qui sépare l'Humanité d'un nouvel Age d'Or. Et que désormais, plus Rien d'autre ne compte.
Diane et Apollon fusionnent, donnant naissance à Astralis (Cf Henri d'Ofterdingen de Novalis), seul capable de retransformer l'Humanité en Ame-Unité.
Epilogue - Astralis se transporte dans la réalité. Il découvre qu'il peut voir l'âme des hommes à travers leur corps et qu'il peut poétiser physiquement le monde.
Générique de Fin
THE END ?
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
Peu importe, post un com et like la page pour dire que tu existes car ton avis est important pour moi, mais aussi pour le futur de ce blog, un gros merci d’avance !
16:04 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : le combat du papillon, musique, poésie, lyrique, épique, choeur, romantisme, rêves, esprit, spiritualité, âme, immediate music, future world music, two steps from hell, nightwish
mardi, 13 juillet 2010
La Naissance de Sphinx [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
« Mon amour est devenu une flamme qui consume petit à petit
tout ce qui est terrestre en moi. »
Novalis
Dès qu’elle franchit la grille d’entrée, il l’aima.
Lorsqu’elle passa près de lui, il crut qu’on lui envoyait un ange.
Ses blonds cheveux.
Ses yeux bleus.
L’ovale pur de son visage.
Sa peau crémeuse.
Sans parler de son regard.
Une véritable flèche d’amour décochée en plein cœur.
Elle arriva à bon port.
Il se sentit submergé par une vague de douceur.
Elle le remarqua à ce moment là. Et à son tour, elle fut la proie d’une émotion nouvelle et implacable.
Elle disparut au bout de l’allée sans omettre de jeter un dernier coup d’œil à son intention.
Il quitta le banc, tout disposé à la suivre jusqu’au bout du monde. Mais ses parents étaient avec elle. Il sut intuitivement qu’il la reverrait en ces lieux et que l’attente jouerait en leur faveur.
Si c’était bel et bien de l’amour, alors ce n’était que le commencement.
Il rêva d’elle et elle rêva de lui, si bien que lorsqu’ils se revirent, ils crurent qu’ils ne s’étaient jamais quittés. Et qu’ils rêvaient encore.
Elle était toujours accompagnée de ses parents.
Il est vrai qu’elle avait l’air d’être jeune, innocente aussi.
Elle était beaucoup plus jeune que lui. Dix ans les séparaient, peut-être quinze.
Il la dévisagea intensément. Peu importait.
Les parents notèrent son intérêt singulier pour leur fille. Ce qui ne fut pas de leur goût à en juger par leur expression.
Il n’aurait sans doute pas dû, mais il les défia du regard, eux et la bonne morale qu’ils semblaient vouloir incarner à tout prix, même au détriment du plus précieux des sentiments.
Ils s’éloignèrent rapidement, emportant avec eux la grâce et la beauté qu’ils avaient su mettre au monde.
Il sut dès lors que ce ne serait pas simple.
Mais il se jura que ce serait possible.
Le jour suivant, elle ne vint pas dans le parc.
Il comprit rapidement pourquoi.
Sa réaction les avait condamnés tous les deux.
Mais il était confiant.
Il la retrouverait.
Son cœur le lui affirmait.
Il ne la revit pendant plusieurs jours.
Ni dans le parc, ni ailleurs.
Le temps passé à espérer une nouvelle rencontre ne fit qu’attiser sa passion.
Son visage d’ange dansait dans son esprit.
Il décida de le graver comme il le pouvait.
Son art du dessin allié à ses sentiments fit des merveilles.
Il avait saisi l’essence de la jeune fille, immortalisant son âme d’une manière purement intuitive propre aux poètes les plus épris.
Ainsi, même dans l’incapacité de la voir, il lui suffisait de contempler son œuvre pour avoir l’impression d’être près d’elle.
Par hasard, à compter que le hasard eut sa place, il la revit à proximité de chez elle, de sorte qu’il eut la chance de voir où elle vivait précisément.
Toujours escortée des auteurs de ses jours, elle le vit du coin de l’œil et lui glissa un regard complice à la dérobée.
Il l’attendit sagement, à l’ombre d’un arbre, le cœur battant à tout rompre.
Lorsqu’il la vit sortir de la maison pour venir discrètement à sa rencontre, il crut que son cœur allait exploser dans sa poitrine.
Elle se planta devant lui avec une hardiesse propre à l’adolescence, ce qui l’intimida davantage. Ils commencèrent par se toucher des yeux, pudiquement, puis conscients qu’ils avaient peu de temps devant eux et que cette rencontre tenait du miracle, ils s’effleurèrent du bout des doigts. Lorsque leurs mains s’épousèrent, le courant passa parfaitement, cette électricité, cette foudre capable d’unir deux êtres que tout semble vouloir séparer.
Ils se réfugièrent chacun dans cet état de grâce providentiel, inattendu autant qu’espéré.
Lorsqu’il put parler, il lui demanda :
-Tu as quelqu’un ?
La question pouvait paraître absurde, mais sur l’instant elle lui paraissait des plus légitimes. En tous les cas, il avait besoin de la poser et d’avoir une réponse.
Elle sourit avec une candeur désarmante.
- Non, je suis encore jeune. Et toi ?
Il rougit.
- Oui.
Il la vit tressaillir, alors il ajouta rapidement :
- Toi.
Il lui tendit une feuille de papier roulée en cylindre.
- Ca te fera un souvenir de moi lorsque nous ne pourrons pas nous voir.
Elle prit l’objet qu’elle se contenta de caresser nerveusement.
Il sut qu’elle attendrait de retrouver son intimité pour l’ouvrir.
Il demanda :
- Tu as quelque chose à me laisser.
A son tour, elle rougit. Elle contempla ses mains vides, vierges de tout trésor.
Il les regarda avec adoration avant de les prendre à nouveau dans les siennes.
- Alors je vais devoir te ramener toute entière avec moi.
Elle parut réfléchir, hésiter. Puis finalement, elle lui dit :
- J’ai trouvé quelque chose que tu peux garder.
Elle se dressa sur la pointe des pieds et l’embrassa sur la commissure des lèvres.
Il en resta tout penaud.
Ils entendirent sa mère l’appeler au loin, depuis le jardin.
- Je dois y aller.
Sa voix tremblait suite à son geste.
- Comment tu t’appelles ? s’enquit-elle en faisant quelques pas en arrière.
Il lui répondit.
Elle répéta son prénom à voix basse comme pour mieux en savourer la sonorité.
- Et toi ?
Elle lui souffla son prénom à l’oreille avant de disparaître.
Il regarda sa silhouette s’éloigner en imprimant dans son esprit le moindre de ses gestes.
En rentrant chez lui, il répéta son prénom avec religion jusqu’à s’en imprégner totalement, jusqu’à en oublier le sien.
Ils furent dans l’incapacité de se voir pendant plusieurs jours.
Tels des cerbères, ses parents la tenaient sous bonne garde.
Un soir, il rentra chez lui, particulièrement aigri par la situation et son impuissance.
Il regarda sur la table l’alignement de bouteilles et de seringues comme autant de femmes lubriques prêtes à le faire plonger dans les délices pervers de l’anéantissement.
Il tendit une main tremblante vers elles, comme répondant à leur appel. Une soif qui semblait insatiable lui brûlait les entrailles. Il avala une rasade, puis deux, puis davantage. C’était de l’eau de vie, bien mauvais nom pour une telle boisson.
Alors qu’il portait de nouveau le goulot à ses lèvres, un visage angélique désormais familier revint danser dans son esprit comme une lueur au milieu des ténèbres.
Un visage sur lequel il pouvait désormais mettre un nom.
Il le prononça à voix haute comme un sorcier scanderait une formule magique seule capable de le délivrer d’un mauvais sort. L’incantation fonctionna. Il se sentit libéré.
L’innocence qu’elle représentait à ses yeux anéantit sa faim vicieuse et viscérale.
D’un geste violent il chahuta bouteilles et aiguilles qui se fracassèrent sur le sol et contre les murs de la pièce.
Il se laissa tomber sur un sofa miteux.
- J’ai plus besoin de ça, maintenant.
Et tout en s’abandonnant au sommeil, recroquevillé comme un enfant, le visage humide, il se promit d’aller dès le lendemain se mesurer aux cerbères retenant sa princesse en otage, loin de lui.
En Enfer.
Il sonna à la porte d’entrée.
Une femme d’environ quarante ans lui ouvrit.
Pour l’occasion, il s’était relativement bien habillé, sachant que son apparence naturelle jouerait déjà certainement contre lui selon les critères en vigueur chez la famille d’Ornella.
- Bonjour madame. Je connais votre fille.
Il se frottait les mains comme pour faciliter la sortie de chaque mot.
- Je suis tombé amoureux d’elle.
Elle le détailla du regard comme s’il venait de prononcer une grossièreté.
Il ne s’attendait pas à être accueilli à bras ouverts, mais de là à faire l’objet d’un tel mépris…
Elle regarda ses bras nus. Il les dissimula bien vite dans son dos, scandalisé par sa propre négligence.
- Je vous reconnais, dit-elle avec une froideur totalement démaquillée. Vous étiez dans le parc. Je n’ai pas l’honneur de vous connaître et je ne vois pas ce que vous voulez.
Il serra les poings.
- Je voudrais voir votre fille.
Il s’était fait violence pour prononcer le mot voir.
- Elle n’est pas ici.
Il se garda bien de lui dire qu’elle mentait très mal, mais sans doute était-elle déjà au courant. Il comprit alors que c’était un combat et qu’il devait gagner sur son terrain à elle.
- Je suis certain qu’elle souhaiterait me voir aussi. Elle m’aime.
La femme produisit un rictus de mauvais augure.
- Ne dites pas n’importe quoi. Aimer…à son âge ? Et puis, vous, vous vous êtes regardé ? Vous êtes beaucoup trop vieux. Et comment pourrait-elle aimer un…
Elle le toisa avec un dédain décuplé.
- Vous croyez que je n’ai pas vu les marques sur vos bras. Même vos yeux en disent long sur votre mode de vie dépravé.
Il se sentit faiblir sous ses assauts. Mais il ne devait pas craquer, pas ici, pas maintenant. Et surtout pas devant elle.
- J’ai arrêté tout cela, rétorqua-t-il avec plus de véhémence qu’il ne l’eut souhaité. Grâce à votre fille. Elle n’a rien eu à faire. Mon amour pour elle est pur et me guérit de tout.
La femme manifesta clairement son doute à ce sujet.
- Ecoutez, dit-elle avec l’évidente intention d’en finir, rentrez chez vous avant que j’appelle mon mari ou la police. Je ne sais pas ce que vous vous êtes imaginé un soir de beuverie, mais il est hors de question que vous remettiez les pieds ici. Ma fille ne vous connaît pas, ne vous aime pas et ne souhaite pas vous voir. Et il en est de même pour moi. Si vous persistez, je prendrais des dispositions, croyez-moi sur parole.
Elle le défia du regard.
- Je n’ai pas peur de vous, cru-t-elle bon d’ajouter.
Elle commença à fermer la porte.
- Il y a d’autres filles.
La porte se ferma complètement. Il se retrouva seul au monde, comme échoué au milieu de nulle part alors que sa princesse n’était peut-être qu’à quelques mètres de lui.
- Pas pour moi, répondit-il tardivement.
Il rentra chez lui, plus seul qu’il ne l’avait jamais été. Il se sentait anéanti. Rien ne pourrait le consoler. Personne ne serait en mesure de le réconforter, pas même une autre fille.
Rien ? Peut-être pas.
Il prit sa guitare et joua un air pour elle.
La musique n’avait pas de frontières. Cette pensée lui réchauffa le coeur.
Cela ne pouvait finir ainsi. Cela venait juste de commencer.
Ils avaient tant à se donner.
Il y avait forcément un moyen, un chemin. Il devait simplement le trouver.
A la tombée de la nuit, il sortit et marcha jusqu’à chez elle, sans espoir précis. Peut-être pourrait-il sentir sa présence derrière les murs qui la retenaient.
Il vit une fenêtre ouverte.
Il s’approcha à pas de loups.
Un réverbère à proximité éclairait la façade. Il reconnut le pâle ovale d’un visage et la cascade de cheveux blonds qui l’encadraient.
Son cœur s’emballa comme un cheval fou.
Il l’appela une fois, deux fois.
Elle baissa la tête et le vit.
La joie illumina sa figure d’un éclat presque surnaturel.
Elle l’appela à son tour comme pour se convaincre qu’il n’était pas un mirage né de son désir le plus assoiffé.
Sa voix était étranglée par l’émotion.
Il commença à grimper en s’appuyant sur la gouttière.
- Tu vas tomber ! s’exclama-t-elle.
- Non, je ne vais pas te faire ce plaisir. Et puis ton amour me donne des ailes.
Lorsqu’il parvint à la fenêtre, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Une fois relevé, il jeta un rapide regard autour de lui. Il était dans sa chambre et c’était réel.
- C’est mignon, tu…
Elle posa un doigt sur ses lèvres. Il faillit rougir de plaisir.
- Si mes parents savent que tu es ici…
- Je sais ce qu’ils feraient, dit-il en retrouvant une certaine gravité. Tu leur as parlé ?
Elle inclina la tête.
- Après que tu sois venu. C’est eux qui ont commencé à me parler, alors je leur ai tout expliqué à notre sujet.
- Que leur as-tu dit ?
Elle haussa les épaules.
- La vérité.
Il la prit délicatement par les bras.
- Alors ils n’ont pas du apprécier.
Il soupira.
- On va trouver une solution. On va trouver. C’est trop important.
La porte de la chambre s’ouvrit à la volée.
C’était les parents, le père en tête.
- Lâche ma fille immédiatement et écarte toi d’elle !
L’amoureux obéit à regret.
- Je savais bien que j’avais entendu du bruit. Sale ordure, il a fallu que tu reviennes en douce ! De la graine de camé qui veut rien comprendre !
- Je vous avais prévenu, renchérit la mère par-dessus l’épaule de son époux.
Le père était en robe de chambre, une main glissée dans une poche.
- Tu vas sortir d’ici immédiatement en t’estimant heureux que nous en restions là. Il n’y aura pas de troisième fois, tu m’entends !
L’intéressé serra les poings.
- Pourquoi vous n’essayez pas de comprendre ce qui nous arrive ? Si vous ne voulez pas le faire pour moi, faites-le au moins pour votre fille. Vous avez été jeunes, vous aussi…
La jeune fille répliqua à son tour :
- Il ne fait rien de mal, il n’est pas dangereux !
Le père grimaça comme si elle avait dit une sottise.
- Je me méfie des gens qui ne sont pas dangereux.
- Pourquoi ?
- Parce qu’ils peuvent le devenir.
Sur ces mots, le père se fit plus menaçant.
- Je n’ai pas l’intention de négocier quoi que ce soit. Vous ne vous reverrez pas, un point c’est tout. C’est un ordre et vous allez vous y conformer que ça vous plaise ou non.
Il fixa avec haine celui qu’il considérait comme un criminel :
- Sors d’ici ou je te fais arrêter pour violation de domicile !
- Et pour détournement de mineure, s’empressa d’ajouter la mère.
Comme l’intéressé ne semblait pas vouloir obtempérer, le père ajouta :
- J’ai une arme.
Le visage du jeune homme se crispa.
- Moi aussi.
Il glissa une main sous sa veste.
Le père n’hésita pas. Il sortit son revolver et fit feu.
Avec une précision qu’il devait regretter toute sa vie.
La balle atteignit l’amoureux à la tête. Il tomba violemment au sol, sa chute annonçant sa mort plus que l’impact lui-même.
Ornella se jeta sur son corps inerte en poussant un cri déchirant.
- Il n’avait pas d’arme ! Il voulait parlait de son cœur.
Puis elle pleura sans discontinuer.
La mère prit le revolver des mains de son époux. Ils se dévisagèrent, conscients du drame qui venait de se jouer. Cette balle venait de briser leur destin à tous.
Paralysé par son acte, le père regarda sa fille se jeter sur lui et le frapper de ses poings menus jusqu’à être certaine de lui faire mal.
Plusieurs jours passèrent.
Elle resta cloîtrée dans sa chambre, les yeux fixés sur le portrait qu’il avait fait d’elle, tout du moins quand ses larmes le lui permettaient. Des larmes qui n’avaient guère le temps de sécher.
Le monde avait dévoilé sa vraie nature : une abominable supercherie, un monstrueux piège dans lequel elle ne voulait plus mettre un pied.
Elle avait tout perdu, l’impression de mourir avant d’avoir vécu et de sentir son amour périr prématurément comme un infortuné nouveau-né.
Elle en avait mal au ventre.
Un soir, sa mère frappa à la porte. Elle entra après avoir attendu vainement une réponse qu’elle savait d’avance ne pas obtenir.
Elle posa le plateau-repas sur la commode et observa la forme recroquevillée dans le lit.
Elle se sentait si impuissante. Mais elle essayait malgré tout de se convaincre que cela ne durerait pas.
Peut-être un sentiment de culpabilité motivait-il cette pensée.
Elle s’éclaircit discrètement la gorge.
- Je sais que tu ne vas pas bien, que tu as mal. Je ne prétends pas savoir à quel point. Je l’ignore. J’aimerais tellement que tu me parles.
Elle marqua une pause. Comme rien ne bougeait dans le lit, elle reprit :
- Si tu savais combien ton père regrette ce qu’il a fait. Il ne voulait pas aller jusque-là. Il voulait vraiment te protéger. C’est ce que nous voulions tous les deux. Il a eu peur. Mon dieu, tout s’est passé si vite !
Elle commença à sangloter.
- Il est vraiment en difficulté. Te voir lui ferait tant de bien.
Seul un silence entêtant lui fit écho.
Un silence étudié.
La jeune fille ne dormait pas et sa mère ne le savait que trop bien.
Elle quitta la chambre sans un bruit.
Au milieu de la nuit, elle ne dormait toujours pas. Si bien qu’elle entendit clairement la voix l’appeler par son prénom. Une voix qu’elle reconnut immédiatement.
Elle se dressa dans son lit et alluma sa lampe de chevet.
La fenêtre était fermée, la porte aussi.
Ce n’était pas possible. Elle avait dû rêver.
Mais lorsqu’elle vit un rosier fleurir autour du portrait qu’il avait fait pour elle, elle n’eut plus de doute. Elle bondit du lit.
Une silhouette humaine se tenait debout devant elle, son identité protégée par les ombres.
Le cœur de la jeune fille suffit à percer les ténèbres. Elle sauta dans les bras de son amoureux.
- C’est impossible, c’est un rêve !
Dans son étreinte, elle se sentit ressusciter. Et il devait en être de même pour lui. Il émanait de lui une telle douceur, comme si son cœur l’enveloppait et diffusait directement son amour autour de lui. Plus tard, elle comprendrait que c’était précisément ce qui se passait.
- Je ne comprends pas, dit-elle, des larmes plein les yeux, comment peux-tu être ici ? J’étais à l’enterrement. Que t’est-il arrivé ? Dis-moi que je ne suis pas folle et que tout cela est réel !
Il sourit tendrement et s’écarta légèrement. Il avait bien toujours le même visage, mais il était nu, sans sexe apparent, tel un ange. Son corps projetait une lumière opaline. On aurait dit une statue vivante.
- C’est réel, dit-il en cueillant l’une de ses larmes du bout du doigt. La seconde d’après elle se changea en rose qu’il glissa dans l’or de ses cheveux.
- La poésie est le réel absolu.
Elle le regardait, fascinée et hébétée, comme désireuse de croire à cette magie à tout prix tout en redoutant un nouveau coup du sort.
- Mon corps est mort et l’illusion qu’il représentait est morte avec lui. Tu me vois maintenant dans toute ma vérité. Si seulement tes parents avaient pu me voir ainsi. En voyant l’expression d’Ornella changer, il craignit d’avoir ravivé le drame. Il lui prit la main.
- Tu te souviens, mon amour, tu m’as donné des ailes. Des ailes à mon âme.
A ces mots, il baissa la tête et deux ailes géantes de papillon se déployèrent dans son dos comme deux vivants arcs-en-ciel, déversant dans la pièce un somptueux ballet de couleurs et de lumières. Ornella pleurait, mais cette fois la douleur était exempte. Elle pleurait de joie et d’émerveillement.
Il recula alors encore un peu, estompant volontairement la magie qu’il avait fait naître.
- Je dois partir, Ornella.
La nouvelle estomaqua la jeune fille.
- Non, reste. Ne me laisse pas ici, toute seule.
Elle s’efforçait de ne pas crier de peur d’alerter sa mère, sans doute aussi éveillée qu’elle.
- Je n’ai pas le choix, répondit-il avec gravité. Je suis d’ailleurs. Je ne peux plus vivre ici. Cela m’a énormément coûté de venir te voir. Plus que tu ne peux l’imaginer. Mais je te le devais. A présent que c’est fait, je dois m’en retourner.
- Mais où vas-tu ? Emmène-moi avec toi. Je t’en supplie ! Moi non plus je ne peux plus vivre ici !
Il la dévisagea intensément.
- Tu as déjà rêvé de moi ?
- Bien sûr !
- Alors tu sauras me retrouver. Ton âme saura. Je t’aime.
Il prononça une dernière fois son prénom et l’embrassa à la commissure des lèvres.
Quelque chose qui ressemblait à un œil s’ouvrit au milieu de son front et la seconde d’après il n’était plus là.
Terrifiée à l’idée de ne plus jamais le revoir, Ornella ouvrit instinctivement la fenêtre. Elle ne vit rien, bien sûr, mais soudain, une chaleur réconfortante l’envahit. Elle cueillit la fleur dans ses cheveux et contempla le dessin à demi recouvert par les roses.
Oui, elle trouverait.
Elle le retrouva bel et bien.
Rien ne semblait être en mesure de les séparer.
En étant à nouveau si proche de lui, elle ne put retenir un chapelet de larmes qui eurent l’étrange idée de s’envoler.
Elle manifesta sa stupeur et lui son amusement.
- Ici tout est léger et appartient au ciel.
Il la serra dans ses bras et déploya ses ailes pour l’en couvrir comme d’un manteau.
- Bienvenue dans le pays où l’amour est roi. Tu es ici chez toi.
Il lui fit visiter les lieux, des lieux qui avaient l’étrange propriété de se métamorphoser pour peu qu’on y regardât à deux fois.
Ils survolèrent des forêts qui se changèrent en montagnes vertigineuses qui à leur tour se changèrent en vallées verdoyantes. Le cycle était infini.
Tout était sans cesse renouvelé, sans cesse en mouvement, comme si un peintre invisible à l’humeur insatiable retouchait indéfiniment le paysage.
- C’est merveilleux ! dit Ornella, au comble de la joie. Mais qui fait tout ça ?
Son amoureux la tenait près de lui. Ses ailes les maintenaient tous deux en l’air. Ornella pouvait voler, elle aussi, mais elle l’ignorait encore. Il sourit.
- C’est nous.
Elle écarquilla les yeux d’étonnement et ce faisant, elle vit plusieurs nuages éclater dans une pluie de flocons de neige.
- Mais comment… ?
- En ces lieux tout est lié et s’influence constamment. Nos émotions, nos états d’âme génèrent des transformations dans notre environnement qui lui-même génère en nous de nouvelles émotions. Et ainsi de suite. C’est un éternel ballet de couleurs, formes et de sensations. Tout participe à l’harmonie générale.
Tout en expliquant, il désigna un volcan en éveil crachant un nuage de fumée affectant la forme d’un cœur.
Ornella serra plus fort la main de son amoureux.
- C’est magnifique ! Comment s’appelle cet endroit ?
- Le poète William Blake l’appelait La Terre de Beulah. Mais j’imagine qu’elle a bien d’autres noms.
- Je ne veux jamais partir d’ici, reprit Ornella, métamorphosée par son expérience. J’ai l’impression d’être au Paradis. C’est le plus beau rêve que j’aie jamais fait.
Son amoureux la dévisagea avec une étrange solennité :
- Ce n’est pas un rêve, Ornella. C’est ce que nous sommes en train de vivre, toi et moi.
Le visage de la jeune fille se rembrunit, assombrissant du même coup l’horizon.
- Mais si je me réveille, tout ce que nous aurons vécu ensemble en ces lieux ne se résumera pour moi qu’à un rêve, même le plus beau.
Il se crispa comme s’il comprenait la dureté de la réalité. Sa réalité à elle.
- Je peux te jurer qu’il aura la valeur d’un souvenir.
Il l’invita à un ballet aérien improvisé, l’éloignant et la rapprochant alternativement de lui. Elle se prit vite au jeu et fit preuve d’une grâce et d’une imagination qui le comblèrent.
Après avoir longtemps virevolté dans la plus parfaite osmose, ils se posèrent aux abords d’une cascade vertigineuse, les yeux embués de bonheur.
« Faites que je ne me réveille pas ! » se répétait Ornella.
« Faites qu’elle ne se réveille pas ! » se répétait son amoureux tout en étant convaincu qu’il était de son devoir et en son pouvoir d’exaucer ce vœu.
- On pourrait nager un peu pour changer, proposa-t-elle, toute guillerette.
- Bonne idée !
- L’eau est bonne ?
Il sourit.
- Seulement si tu le désires.
La jeune fille demeura bouche bée avant d’éclater de rire.
- Je veux une eau au goût de fraise !
La seconde d’après elle plongea sans retenue du haut de la falaise. Il ne trouva rien de mieux à faire que l’accompagner en hurlant :
- Je suis allergique aux fraises !
Encore une fois, ils jouèrent et s’occupèrent en toute liberté pendant un temps qu’ils furent bien incapables d’évaluer. Et c’était évidemment le moindre de leur souci.
Enfin rassasiés de leurs distractions aquatiques, ils s’enlacèrent et observèrent un couple de dauphins au corps irisé se lancer dans un concours de pirouettes.
Ornella regarda son amoureux. Il avait l’air songeur.
- A quoi penses-tu ?
- Je me disais que tout le monde devrait pouvoir venir ici, au moins de temps en temps. Sur Terre, certaines personnes n’ont aucun refuge. Si l’imagination est un luxe, nous sommes des milliardaires.
- Tu ne devrais pas être triste. Je pense que tout le monde peut venir ici. J’en suis convaincue. Il suffit d’en avoir besoin, non ?
Il secoua la tête et déposa un baiser sur son front.
- Tu ne trouves pas que l’eau a un goût bizarre.
Ornella faisait la grimace.
Il goûta l’eau à son tour et tout son être fut retourné lorsqu’il en reconnut la saveur.
- Non, pas ça !
C’était de l’eau de vie. Et il sut que ça ne pouvait venir d’Ornella. Il avait laissé ses pensées s’égarer vers de lointains souvenirs, l’emporter à nouveau vers ses angoisses existentielles. L’espace d’un instant, il était redevenu le junkie qu’il pensait avoir tué pour toujours. Il comprit que ses démons l’avaient poursuivi jusqu’ici et que rien n’était encore fini. Il avait un dernier combat à mener pour être enfin libre. Il s’alarma.
- Sors de l’eau, Ornella ! Vite !
Elle le regarda, apeurée, avant de lui obéir.
L’eau était devenue sombre. Le ciel aussi. Un orage couvait.
Il regarda la jeune fille s’éloigner et la suivit tout en essayant de contrôler ses pensées. Mais il avait l’impression de ne plus rien contrôler. Ses démons l’envahissaient inexorablement. Il pouvait presque ressentir à nouveau cette faim vicieuse et viscérale qu’il avait dû tant de fois combattre, qui l’avait tant de fois vaincu.
Lorsqu’il entendit Ornella pousser un cri en arrivant sur la berge, il sut que ses démons avaient de nouveau pris corps dans leur Paradis. En un éclair, il fut à ses côtés. Il la souleva dans ses bras en découvrant avec horreur le sol jonché de tessons de verre et de seringues usagées.
- Mais qu’est-ce qui est en train de se passer ? s’enquit la jeune fille. C’est toi qui fais ça ?
Il allait répondre lorsqu’une douleur indicible lui fouetta les entrailles.
Il lâcha brusquement Ornella qui manqua s’empaler sur les bris de verre maintenant aussi hauts que des arbustes. Impuissante, elle regarda son amoureux tomber à genoux en se tenant le ventre.
- Tu as mal ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
Il dressa brusquement la tête. Il n’était plus le même. L’iris et la pupille de ses yeux étaient devenues intégralement noires. Ses oreilles se terminaient en pointe, quant à sa voix…Elle ne la reconnut pas quand il s’adressa à elle :
- Va-t-en, cours ! Ne reste pas près de moi ! Je t’en supplie, Ornella, si tu m’aimes, fais ce que je te dis !
La jeune fille se recula, moins pour lui obéir que pour obéir à sa peur.
- Mais dis-moi ce que tu as ! Je peux sûrement t’aider !
Son corps se mit à tressauter comme si quelque chose d’énorme ou de puissant le possédait et manifestait l’envie de sortir.
- Non, il faut que tu partes. Réveille-toi, s’il le faut, mais ne reste pas ici ! Elle m’envahit. Je ne… contrôle… plus rien.
Il poussa un cri déchirant et tandis qu’il ouvrait démesurément la bouche, une masse sombre, poisseuse et informe jaillit et coula sur le sol en un immonde ruisseau.
Tout en se dressant de façon menaçante, l’entité commença à prendre forme.
- Je ne peux pas t’abandonner ! hurla Ornella. Pas avec cette chose !
Bien que très affaibli, il trouva la force de se redresser un peu et alors il hurla à son tour :
- Tu ne comprends donc pas ! Elle va te tuer, elle n’existe que pour cela ! Elle dévore tout ce qui est innocent pour devenir plus forte encore ! Je ne veux pas te perdre Ornella !
Les mots parurent faire leur effet sur la jeune fille. Elle ferma les yeux et se retournant, courut droit devant elle. Mais il était déjà trop tard.
La Bête avait fini de prendre forme, ce qui dans son cas, ne voulait pas dire grand-chose. L’on ne pouvait lui donner de nom, ni même la décrire tant son aspect repoussait les limites connues de la terreur. A elle seule, elle représentait un nouveau canon dans le domaine de l’horreur.
Sphinx remarqua plus particulièrement les aiguillons recouvrant son épiderme, évidente analogie à l’une de ses dépendances terrestres. Et comme pour rajouter à l’infâme tableau qu’elle constituait à elle seule, l’air était empuanti par son odeur, un mélange insoutenable de remugle et de miasmes alcoolisés.
Cette chose qu’il avait crachée hors de lui était sa part de ténèbres, la somme de toutes ses malédictions, l’addition de ses tourments et de ses vices.
Il devait l’affronter et il devait la vaincre. Pour le salut de son âme et celui de son amour.
L’orage éclata comme pour annoncer le début des hostilités et une pluie diluvienne se mit à tomber. La pluie aussi avait un goût : celui de l’amertume.
La Bête faisait bien trois mètres de haut. Elle paraissait aveugle, du moins elle ne possédait pas d’organes apparents. Elle renifla plusieurs fois avant de se mouvoir en direction d’Ornella, en rampant rapidement tel un serpent affamé.
Cette vision menaçante eut le don de revigorer complètement Sphinx. Il déploya ses ailes et disparut pour réapparaître près de la jeune fille que la Bête poursuivait en écumant de joie. Des gueules s’ouvraient et se refermaient sporadiquement dans son poitrail velu. Les langues boursouflées qu’elle dépliait outrageusement semblaient elles-mêmes animées d’une vie propre. Sphinx se plaça devant Ornella dans une attitude protectrice avant de riposter. De ses deux mains il ouvrit sa poitrine, libérant une aveuglante sphère de lumière qui consuma les ignobles appendices s’aventurant un peu trop près.
- Qu’est-ce que c’est ? hurla Ornella en proie à une frayeur sans nom.
Sphinx scrutait l’entité maléfique comme le reflet impie de lui-même.
- Mes démons, l’incarnation de mes démons.
Ornella était terrorisée. Le rêve avait tourné court. Encore une fois, la réalité reprenait ses droits, même ici. Et pas de la plus belle manière.
- Tu peux la vaincre ?
L’intéressé dévisagea brièvement la jeune fille, mais avec une extrême intensité.
- Avec toi à mes côtés, je peux tout vaincre. Et je suis invincible.
La Bête le savait aussi, naturellement, et c’est justement pourquoi elle chercha à tout prix à les séparer.
Une immonde forêt de tentacules et d’autres appendices innommables s’extraya de son corps pour arracher Ornella de ses bras. Il repoussa tant bien que mal les assauts en générant des sphères de lumière et d’autres symboles de sa pureté. Son amour était un moteur puissant, mais la Bête avait plus d’expérience.
Ses tentacules se rétractèrent subitement et les dards hérissant ce qui lui tenait lieu de dos se projetèrent sur le couple. Sphinx improvisa un bouclier de fleurs qu’il espéra assez puissant, puis tout à coup inspiré, il fit résonner, par-dessus les borborygmes incessants de l’entité, la mélodie qu’il avait créée pour Ornella sur sa guitare, un soir plus triste que les autres, dans son ancienne vie. Il sourit en voyant sa Némésis se tordre de manière significative. La symbolique était sa meilleure arme ici et il compter bien en abuser.
- Tu ne m’auras pas et elle non plus ! Je te détruirai, je le jure !
Mais une vois dans sa tête, sa propre voix, lui promit exactement le contraire.
La fureur de la Bête était sa meilleure arme à elle. Elle y puisait toute sa force. A l’idée d’échouer si près du but, elle sembla grossir davantage. Un aiguillon déchira le bouclier et transperça le front de Sphinx. Il lâcha Ornella malgré lui et après avoir extirpé l’arme, il dût lutter sauvagement contre les effets de la blessure. Une blessure qui menaçait de corrompre ce qu’il y avait de plus beau en lui. Un appendice enleva Ornella sous ses yeux. En dépit de sa volonté de la secourir, Sphinx se sentit impuissant, comme si une partie de la Bête s’était insinuée en lui.
- Ornella !
En voyant la jeune fille terrifiée se rapprocher de l’une des gueules voraces, il retrouva un regain d’énergie. Il se concentra. Les motifs de ses ailes flamboyèrent, dardant sur le monstre un chapelet de rayons purificateurs. Des flammes léchèrent le ventre grouillant d’une vie impie et le tentacule retenant la jeune fille se décomposa. Elle retomba sur un tapis de fleurs imaginé par son protecteur qui s’envola pour la mettre hors de portée de la Bête, dans un endroit que lui seul connaîtrait. Mais ce faisant, il oublia qu’il partageait le même esprit que son ennemi.
Sphinx s’acharna à détourner son attention, la frappant de ses projectiles assassins, l’insultant, la mutilant. La Bête devint furieuse, mais ne changea en rien ses intentions. Sans crier gare, elle laissa tomber toute sa répugnante masse sur lui, l’écrasant et l’immobilisant. Il tenta bien de se téléporter, mais au contact rapproché de la Bête, sa blessure se réveilla et anéantit son effort. Alors elle en profita pour se métamorphoser. Son dos se craquela et deux paires d’ailes noires et huileuses se déplièrent, emportant une partie de l’entité dans les airs à la poursuite d’Ornella, tandis que l’autre se chargeait d’assimiler totalement Sphinx, la partie qui lui manquait pour être entière.
La pensée de perdre son âme-sœur fut l’étincelle qui permit à Sphinx de conserver son identité et son énergie propres. Il banda son cœur et en même temps qu’il poussait un cri terrible, il décocha une véritable bombe qui souleva son bourreau et le pulvérisa.
Sphinx se dressa, victorieux, sous une pluie de cendres. Un hurlement strident d’Ornella le paralysa, lui annonçant une horrible tragédie.
Il déploya ses ailes et se transporta aussitôt auprès de sa bien-aimée.
Du moins à l’endroit précis où elle aurait dû se trouver.
Lorsqu’il découvrit des fleurs éparses jonchant le sol ainsi que des ronces noires et huileuses lovées autour d’elles, il comprit qu’il arrivait trop tard. Le mal était déjà fait. La chevelure d’or finissait de disparaître dans les entrailles putrescentes de la Bête lorsqu’il posa son regard sur elle.
- Ornella !
En poussant son cri de guerre, il s’élança sur le démon qui fit de même. Le choc fut terrible. La terre se fissura et le ciel se brisa comme un miroir, déversant à nouveau des trombes d’eau. Une explosion de lumière absorba le paysage entier avant de le régurgiter dans le plus grand chaos. Une ombre retomba au sol. C’était Sphinx.
Il avait réussi, mais à quel prix. Il avait gagné sa liberté, mais il avait perdu Ornella.
Son cœur était orphelin, son âme mutilée. Et il sut dès lors que rien ne pourrait changer cela.
La blessure sur son front s’anima fugitivement. Ses yeux s’assombrirent un bref instant avant de reprendre un aspect innocent.
La plaie cicatrisa en un instant et demeura sur sa peau tel un insolite tatouage, une marque indélébile, la signature de la Bête siégeant toujours en lui, à son insu. Affaiblie, mais dans l’attente fébrile de pouvoir faire à nouveau surface.
Sphinx posa une main sur sa poitrine.
- Tu es avec moi, Ornella. Nous serons toujours ensemble. Où que tu sois, où que j’aille.
La jeune fille avait exaucé leur voeu commun : elle ne se réveillerait plus jamais.
A cette pensée, il se mit à pleuvoir.
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jeudi, 24 juin 2010
Le Combat du Papillon [Nouvelle Affiche]
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dimanche, 07 février 2010
La Naissance de Morpho [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
« Dieu fit la liberté, l'homme fit l'esclavage. »
M.J.Chenier, Fénelon
« Et quand tes fils sont condamnés aux fers et plongés dans l'obscurité du cachot humide,
ils sauvent la patrie par leur martyre et la gloire de la liberté ouvre l'aile à tous les vents. »
Lord Byron, Le prisonnier de Chillon
« Ce que la lumière est aux yeux
ce que l'air est aux poumons
ce que l'amour est au cœur
la liberté est à l'âme humaine. »
R.G. INGERSOLL, Progrès
J'étais noir.
J'étais esclave.
Et à l'époque, c'est tout ce que j'étais.
Du moins aux yeux de ceux qui nous opprimaient, moi et mes compagnons.
Nous travaillions dans les plantations, sur les voies de chemin fer, dans les carrières, partout où la vigueur de nos bras pouvait accomplir son œuvre.
Lorsque nous n'étions pas assez vigoureux ou assez rapides, ils avaient recours aux menaces. Et si cela ne suffisait pas, il y avait toujours le fouet.
Je connais bien sa morsure. Elle m'a longtemps accompagné.
J'étais parmi les plus assidus au travail, mais cela ne les empêchait pas de me flageller régulièrement. C'était un moyen efficace pour encourager les plus lents à redoubler d'efforts.
Je n'en voulais à personne, en aucun cas à mes compagnons. Je ne gardais aucune rancœur.
C'était une condition et je l'acceptais, résigné. J'espérais, toujours en secret, qu'un jour ou l'autre ma docilité serait récompensée.
D'une manière ou d'une autre.
Mais mon obéissance aveugle finit par se retourner contre moi.
Mes compagnons finirent par voir d'un mauvais œil ce qu'il prenait à tort pour du zèle. Ils ne me faisaient aucun reproche de vive voix, mais leurs regards parlaient pour eux.
Non seulement, je n'étais pas libre, mais très vite, je me sentis plus seul que jamais.
Seul au monde.
C'est à partir de ce moment que naturellement, comme un réflexe de survie, j'ai tourné mon regard vers l'intérieur. Et là, j'ai eu accès à un monde nouveau qui avait toujours été là, mais dont j'avais ignoré l'existence.
Ou plutôt que j'avais oublié.
J'ai commencé à faire des rêves étranges.
Je découvrais des paysages magnifiques, des forêts, des montagnes, des océans.
Je les survolais.
Mon âme était libre et rien ne lui était impossible.
Je goûtais à toutes les joies de la délivrance, des joies que sur terre je n'aurais même pas pu imaginer.
Le réveil était violent. Comme une déchirure.
Je me retrouvais enchaîné, entouré de gens qui me méprisaient.
La douleur était atroce.
Je maudissais le jour et je bénissais la nuit.
Tandis que j'abattais ma part de travail, je songeais aux splendeurs que j'allais pouvoir retrouver dès l'instant où je pourrais fermer les yeux et m'abandonner au sommeil.
Plus d'une fois, j'endurai le mépris de mes frères et le fouet de nos tortionnaires en m'imaginant dans ces contrées, délivré de toute entrave.
La vie me permettait de rêver et le rêve me permettait de vivre.
Mon sort devint dès lors plus supportable. D'autant que je me découvris un don nouveau.
Je pouvais parler aux animaux.
Passant nos journées en pleine nature, il était courant de faire des rencontres avec la faune locale. Je m'aperçus que les petits animaux n'étaient pas effarouchés par ma présence et que la proximité des plus grands ne m'effrayait pas. Bien au contraire.
C'est parmi les bêtes que je me fis mes meilleurs amis. Car contrairement aux hommes, les bêtes, elles, ne vous jugent pas. Elles vous acceptent ou vous rejettent, mais elles ne vous condamnent jamais.
Les liens privilégiés que je nouai avec un certain nombre de rongeurs, de chats et de chiens sauvages et même d'oiseaux commença à attirer l'attention.
Evidemment, je me serais bien passer de me faire remarquer davantage.
On commença à murmurer dans mon dos. Me prenait-on pour une sorte de sorcier ?
Les oppresseurs, nos maîtres, exprimèrent cruellement leur antipathie vis-à-vis de mon empathie.
Un jour, ils exécutèrent froidement et sous mes yeux plusieurs animaux auxquels je m'étais attaché. Ils n'admettaient pas que je puisse trouver une distraction, un exutoire.
Ils voulaient que je souffre et ils voulaient me voir souffrir.
Malgré moi, je leur donnai satisfaction.
Cela parut soulager tout le monde.
Tout redevint comme avant.
Les hommes se remirent à chanter.
Et le fouet à siffler.
Et le sommeil venait me délivrer de mon martyre.
Un autre jour, alors que nous établissions un campement en pleine forêt, un de nos maîtres surprit une ourse en maraude. Je sus intuitivement que c'était une femelle. Craignant pour la vie de ses petits, elle voyait d'un mauvais œil la présence d'hommes - qui plus est armés - à proximité de sa tanière. J'étais, hélas, fait pour la comprendre.
Bien entendu, le maître en question n'avait aucune chance face à la furie de l'animal. Je me réjouissais presque de voir le malheureux mis en pièces, moi qui n'ai pourtant jamais eu aucun goût pour la violence.
Lorsque je vis les fusils se lever pour abattre l'ourse, je réagis sans même y penser.
Je m'approchai de la bête furieuse et sans un mot, lui communiquai mon désir de la voir calmée. Je parvins à la rassurer et comprenant que sa vie et celle de ses petits n'étaient pas menacées, elle retomba sur ses puissantes pattes et fit demi-tour.
Cet exploit aurait dû faire de moi un héros.
Tout du moins, un homme de valeur.
Las. Je devins la bête noire.
On pensa même que c'était moi qui avais attiré l'ourse dans l'intention de semer la panique et permettre ma fuite. Je ne trouvai aucun avocat parmi mes compagnons.
Me mépriser leur faisait du bien car cela ne leur coûtait rien. Aucun coup de fouet à redouter. Alors c'était une raison suffisante pour eux de se comporter ainsi avec moi.
Je devins un homme maudit, banni de son propre clan.
Il ne me restait plus rien pour soulager ma peine. Sans soutien d'aucune sorte, je faiblissais et ne tardai pas à rejoindre les plus lents.
Le sort s'acharnait contre moi.
L'espoir me revint ce fameux jour où l'un de nos plus vieux frères tomba de fatigue.
Les maîtres ne voulurent rien savoir. Nous avions déjà pris du retard sur les travaux à cause de la chaleur.
Le fouet claqua une fois, puis deux.
Il n'y eut pas de troisième fois.
Voyant là l'occasion idéale de reconquérir l'estime de mes compagnons et de sauver la vie de l'un des plus estimés, je méprisai les conséquences d'une telle entreprise et me jetai de tout mon poids sur le tortionnaire.
Il me fit regretter mon geste. Des coups de bâton se mirent à pleuvoir sur moi.
N'eut été l'outil que je représentais à leurs yeux, nul doute qu'ils m'eurent frappé à mort, sans l'once d'un regret.
Je perdis connaissance.
Lorsque j'ouvris les yeux, je demeurai curieusement dans le noir.
A l'écoute des sons environnants, nul doute pourtant que le jour se fut levé.
Je reconnaissais la brûlure familière du soleil sur ma peau.
Mais je ne voyais rien.
Manifestement, ma tête n'était pas encore remise des effets de ma récente bastonnade.
L'obscurité se prolongeant tout autour de moi de manière inquiétante, je songeai avec terreur que mon cerveau avait pu être atteint trop fortement.
J'appelai à l'aide, paniqué par cette éventualité.
Un maître vint.
- Je suis aveugle, dis-je. Je ne vois rien.
J'entendis le maître sourire.
- Je sais. C'est moi qui tenais le charbon ardent.
Cette déclaration me coupa la respiration. Je tombai à genoux.
J'avais perdu la vue. Définitivement. Ils me l'avaient volée.
C'était ma punition. Ma bravoure m'avait coûté le dernier bien qui me restait.
Je crus mourir.
On peut penser que dans mon état, la besogne qui faisait mon quotidien me serait épargnée.
Aucunement.
La réalité se faisait plus terrible encore.
Alors naturellement, mes rêves se faisaient plus beaux.
Et mes réveils plus douloureux.
Et ainsi de suite.
Je ne voyais qu'une solution, qu'une seule issue pour quitter cet enfer.
J'attendis sagement que l'occasion se présente.
Et elle se présenta.
On nous chargea de réparer un pont.
Beaucoup de mes compagnons avaient le vertige.
Pour moi, le problème ne se posait même pas.
Je fus conduit sur la construction.
Je n'avais pas besoin de voir pour accomplir ma tâche. Mes mains étaient mes yeux et elles oeuvrèrent avec habileté.
Tous mes autres sens en alerte, je m'efforçai de repérer le bon moment pour agir.
Un incident survint. Il y eut un craquement. Des voix.
Une planche avait cédé sous le poids d'un homme.
Une aubaine inespérée.
On répara la planche. Mais par bonheur, je trouvai sa sœur jumelle.
Je tus ma découverte, priant pour que mon secret demeure intact.
Le lendemain, je retrouvai l'endroit précis.
Le maître responsable de ma cécité vint me railler sur mon handicap. C'était devenu son nouveau jeu et il y prenait beaucoup de plaisir.
Je me souviens avoir souri avant de lui dire :
- Vous avez peut-être pris mes yeux, mais vous n'aurez jamais mon âme.
Puis j'ai sauté de tout mon poids sur la planche pourrie.
Nous sommes tombés tous les deux.
Une chute mortelle.
Mais je n'ai rien senti.
A l'instant où mon corps a touché le sol, mon âme s'est envolée.
J'ai déserté mon corps, recouvrant la vue et la liberté.
Mes rêves sont devenus mon quotidien.
Plus besoin d'attendre la nuit et le sommeil pour les rejoindre.
J'ai retrouvé mes amis les animaux. J'ai pu de nouveau parler avec eux.
Je me suis aussi découvert un don nouveau.
Je pouvais devenir l'animal que je voulais être.
Cette capacité à me métamorphoser a décidé de mon nom, j'imagine.
A moins que cela ne vint des magnifiques ailes de papillon dont je devins l'heureux acquéreur.
A l'instant où mon corps a touché le sol, mon âme s'est envolée.
Et elle vole toujours.
J'étais noir.
J'étais esclave.
Mais aujourd'hui, cela ne signifie plus rien pour moi.
Car mon âme est libre.
Et l'âme n'a pas de couleur.
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vendredi, 05 février 2010
La Naissance de Monarque [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
« J'ai souvent regretté qu'il n'existât pas des dryades ; c'eut infailliblement été avec elles que j'aurais fixé mon attachement. »
Jean-Jacques Rousseau (Les Confessions)
J'étais un libertin.
Un noceur.
Avec tout ce que cela sous-entend de débordements, d'inconséquences.
Et de dépravations.
Mais j'étais heureux.
Du moins en étais-je convaincu.
Je goûtais à tous les plaisirs.
Sans crainte, sans doute et sans regret.
Je ne connaissais aucun tabou, aucun interdit.
J'obtenais ce que je désirais et je désirais ce que j'obtenais.
Rien ne me freinait.
Et si ma conduite indisposait quelqu'un, cela était rapidement et proprement réglé.
Au pistolet, s'il s'agissait d'un homme.
Au lit, s'il s'agissait d'une femme.
Dans les deux cas, je remportais toujours le duel.
J'étais fin tireur.
Ma réputation se répandit comme une traînée de poudre.
Ma compagnie devint un bien très convoité.
J'avais une certaine fortune et un charme certain.
Ce qui ne gâchait absolument rien.
Les hommes m'enviaient ma table.
Les femmes, mes murs.
Les uns comme les autres ma capacité à les séduire par ma seule présence.
Je n'étais pas roi.
Mais je possédais une cour que le monarque lui-même devait me jalouser.
Plus tard, je lui ravirai même ce titre.
Une nuit, pourtant, toute cette existence bascula.
Je fis un rêve qui devait changer ma vie à jamais.
Ma vie et surtout mon âme.
Dans ce rêve, j'atteignais un endroit d'une beauté sans pareille.
Des arbres immenses et majestueux montaient jusqu'au ciel. Les rivières étaient peuplées d'étoiles, cascadant des nuages et les pétales colorés des fleurs étaient de somptueux papillons qui s'envolaient à mon approche.
C'était comme de marcher dans un vivant poème.
Quelque chose m'avait attiré en ces lieux.
Quelque chose d'important, de vital.
D'inévitable.
L'air était empli de senteurs enivrantes.
Un orchestre invisible jouait une symphonie aux accents enchanteurs accordés à la beauté du paysage dans lequel je m'enfonçais.
A un moment donné, je me suis arrêté au bord d'une rivière, moins pour me désaltérer que pour goûter l'eau dont je devinais la saveur.
Je ne me trompai pas.
Elle était en effet d'une fraîcheur exquise, revigorante. Meilleure en tous points que tous les alcools dont j'avais le loisir d'abuser.
Lorsque je relevai la tête, elle était là, de l'autre côté de la rivière, m'épiant de ses grands yeux dorés. Ses longs cheveux, ainsi que son corps entier, semblaient parfaitement se fondre dans le sous-bois environnant. Seuls ses beaux yeux de biche ressortaient clairement de la nature dans laquelle elle savait si bien se dissimuler.
C'était une nymphe. Une dryade.
Je le sus intuitivement.
Alors mon cœur se mit à battre très fort.
J'eus le sentiment de redevenir un enfant.
Pur, innocent.
Je ne pouvais détacher mon regard de ces yeux, de ce visage.
Ce fut comme une révélation pour moi.
Mon émotion fut si forte qu'elle m'éveilla.
Je me retrouvai dans un lit. Des corps de femmes nues étaient couchés près de moi, figés dans des poses obscènes qui me rappelèrent une longue soirée d'orgies.
Je me levai et quittai cette couche impie, en proie à une panique sans nom.
A cet instant précis, j'eus l'horrible sentiment de retomber en enfer, moi qui avais connu le paradis.
Le choc fut terrible.
Je découvris qui j'étais, quelle vie j'avais menée jusqu'alors.
Une vie sans scrupule, sans morale.
Et cette vérité me terrassa littéralement.
Je connaissais mon âme. Je l'avais rencontrée dans ce rêve. J'avais vu sa beauté. Je ne pouvais plus l'ignorer. Mais j'avais un corps qui la retenait prisonnière et faisait de moi un véritable monstre de perversité.
Pendant des années, je m'étais comporté avec la plus parfaite insouciance, prônant le vice, l'érigeant en éducation.
Je m'étais fait geôlier, puis bourreau de mon âme.
Ma nature profonde enfin révélée, il m'était désormais impossible de me conduire comme avant.
Tout du moins, c'est ce que je crus.
Les habitudes revinrent vite.
Si j'avais pu être seul un certain temps, j'aurais pu sans doute m'absorber dans quelque réflexion salutaire. Mais je ne l'étais jamais. Je n'avais jamais ressenti le besoin de l'être auparavant. Des hommes et des femmes étaient sans cesse à mes côtés.
Pour ne pas dire plus près.
Pris dans le tourbillon de ma vie de débauche, j'oubliai mon âme.
Jusqu'à ce que je m'endorme.
Alors elle reprenait tous ses droits et profitant de l'inertie de mon corps épuisé de ses excès, me conduisait naturellement où était ma place et où m'attendait mon destin.
Car bien heureusement, je la revis. La nymphe.
Elle se baignait dans une rivière, son beau corps nu aux couleurs de la forêt dont elle était gardienne, sa chevelure verte et épaisse comme un doux lit de mousse se déversant dans l'onde pure.
Lorsqu'elle sentit qu'elle n'était plus seule, les pétales vivants des fleurs environnantes s'envolèrent et vinrent la couvrir de leur parure multicolore.
Lorsqu'elle se retourna, seul son visage était visible.
Son visage et ses yeux dont le regard me transperçait le cœur avec la vélocité et la précision d'une flèche.
Et son carquois était rempli.
Mais mon regard n'avait rien à envier au sien, comme je devais l'apprendre plus tard.
Mon cœur battant comme un soufflet de forge, je la vis s'avancer vers moi avec une grâce surnaturelle.
Le vêtement qu'elle portait, vivant et animé, chatoyait par instant lorsque les papillons le composant faisaient battre leurs ailes.
La magie était palpable.
Je fus convaincu de vivre le plus beau moment de ma vie.
Elle était si près de moi lorsqu'elle s'arrêta. J'étais paralysé, enraciné au sol.
Comme un chêne.
Je me demande encore comment j'ai pu trouver la force de parler dans de telles circonstances.
Sans doute craignais-je de ne plus jamais en avoir l'occasion.
- Je voudrais devenir comme toi.
Elle m'étudia longuement, moi ainsi que la déclaration que je venais de lui faire.
- C'est impossible.
Ses lèvres avaient à peine bougé. Sa voix avait la douceur d'une caresse.
Sa réplique, elle, me glaça.
- Pourquoi ?
A mon tour, je l'observai intensément, espérant peut-être influencer sa réponse.
Elle parut horrifiée.
- Parce que, moi, je n'ai jamais été comme toi.
A cette annonce, mon cœur se fendit et je sentis des larmes sourdre de mes yeux. A mon grand étonnement, elles ne coulèrent pas, mais remontèrent vers le ciel.
Elle sembla s'amuser de ma réaction. En ces lieux, ce phénomène était naturel.
Je fermai les poings. J'étais décidé à ne pas renoncer au paradis qui s'offrait à moi.
Dans cette forêt, je me sentais chez moi.
En paix.
- Je veux rester ici, implorai-je comme un enfant. Avec toi. Je ne veux pas retourner d'où je viens. Je préfère mourir plutôt que d'y retourner.
Ces grands yeux d'ambre me dévisagèrent alors gravement.
- C'est ce qu'il te faudra faire si tu souhaites rester ici, avec moi. Il te faudra mourir. Car tant que ton âme sera liée à ton corps, elle sera soumise à la réalité dans laquelle il demeure.
Je soupirai.
- Comment ? Si mon destin est de mourir vieux, je ne pourrais supporter de quitter sans cesse ce royaume pour retomber dans l'autre monde. Je ne pourrais le supporter.
Sa main effleura la mienne.
Mon cœur se mit à chanter malgré la peine qui m'accablait.
- Tu viens de te répondre. Ta souffrance te fera trouver le moyen.
Je serrai sa main comme on se raccroche à la vie.
- J'ai pourtant si peur de ne pas y parvenir. J'ai si peur de perdre mon âme et le chemin qui mène jusqu'à toi.
A son tour, elle me serra la main.
- Alors je vais t'aider à ne pas les oublier.
Elle pencha ma tête vers la sienne et déposa ses lèvres sur les miennes.
L'émotion de ce baiser me traversa de toutes parts.
Lorsque j'ouvris les yeux, elle avait disparu. La forêt aussi.
Je me retrouvai à nouveau dans un lit encombré de corps nus d'amantes lascives.
Un vertige me prit. Et une envie de vomir.
Je trouvai un coin où me blottir et là, repensant à ma nymphe, à notre conversation et à la chaleur de son baiser, je versai toutes les larmes de mon corps.
Et celles-là ne remontèrent pas vers le ciel.
Je perdis rapidement la notion du temps ainsi que le goût de toutes ces bassesses qui jusqu'alors avaient constitué ma vie.
Je redevenais moi, l'essence de moi.
Ce qui ne se faisait pas sans douleur.
Une lutte terrible avait lieu en moi. Celle de mon âme revenue à elle-même et ce corps, cette enveloppe physique sordide, alimentée par le péché, souillée par la perversion, attentive à toute tentation, de l'emprise de laquelle je ne pouvais me défaire qu'en plongeant dans les bras de Morphée, jusque dans son esprit, seul endroit où je savais trouver la paix, la liberté.
Et l'Amour.
Bien souvent, je prétextai une fatigue imaginaire ou un mal qui n'était que chimère pour m'étendre seul et profiter de ces siestes afin de rejoindre mon paradis intérieur.
Las.
Pour mon plus grand malheur, par mes soins passés, j'avais rendu ma cour bien trop fidèle à ma présence pour espérer me voir privé d'elle au-delà de quelques instants.
Mes rêves étaient interrompus, toujours prématurément.
Au réveil, la douleur de la séparation cédait rapidement la place à la plus vive des colères. Bien évidemment, mes sujets ne comprenaient pas mon attitude.
Et ils en auraient été bien incapables.
Cela ne faisait qu'attiser mon ire.
Et dans ces moments de fureur indomptable, seuls les plaisirs les plus vils étaient capables de me rasséréner. Mais c'était une consolation provisoire et néfaste, car une fois contenté, je revenais à moi, épris de remords, la conscience torturée et je maudissais ma faiblesse.
Victime d'un cercle en tous points vicieux, je me sentais proche de la mort sans pourtant jamais l'atteindre.
Il n'existait plus qu'un seul temps pour moi. Celui où je pouvais la voir, la retrouver, même de brefs instants. Le reste n'était qu'une attente douloureuse et impie.
Mais la chance finit par poindre à l'horizon, sous une forme des plus improbables.
Un jeune homme se présenta à moi. Un artisan.
J'avais abusé de son épouse. Il demandait réparation. Par les armes.
Il n'avait pas froid aux yeux car il connaissait ma réputation.
Auparavant, je l'aurais à peine regardé et aurais ordonné à l'un de mes valets de se charger de la formalité. Mais j'entrevis en cet homme en apparence simple, le plus grand espoir, une opportunité que je n'attendais plus.
Sans le savoir, il pouvait me permettre de réaliser mon vœu le plus cher.
Oui, l'occasion était trop bonne pour ne pas la saisir.
La haine que j'inspirais à l'offensé était manifeste. Un sentiment de vengeance évident l'animait. Au moins étais-je en mesure de le comprendre. Si elle me fit trembler au premier abord, sa détermination eut ensuite le don de me conforter dans ma décision.
Je pensai faire d'une pierre deux coups.
J'avais changé. Je n'étais plus le même homme. Ce que j'avais fait subir à cet artisan et à sa femme m'épouvantait au plus haut point. Je le regrettai sincèrement et profondément tant que l'idée me vint naturellement de présenter mes excuses.
Mais en fin de compte, j'allais faire bien mieux que cela.
Le jour convenu du duel, mes fidèles écuyers tentèrent de me dissuader de m'engager pour si peu. Leur rappelant ma légendaire habileté et leur précisant que je voyais en cette rencontre un divertissement digne de moi, ils ne trouvèrent plus aucune raison d'insister.
Ils finirent même par se dire que cela allait m'aider à redevenir le joyeux luron dont je n'étais plus que l'ombre.
A l'heure convenue du duel, nous nous présentâmes, chacun accompagné de nos témoins, à l'orée d'une forêt.
Une forêt. Cela me fit sourire.
Je pensai instinctivement à ma nymphe qui m'attendait dans la sienne.
Bientôt, me dis-je. Bientôt.
Etant l'offensé, l'artisan eut la primeur du premier coup de feu.
Il me manqua.
J'ignorais s'il était exercé. Je l'espérai profondément.
Sa volonté de me châtier jouait assurément en sa faveur.
Je tirai à mon tour. A la surprise de tous, je manquai ma cible.
D'un sourire, je rassurai mes témoins. Ils interprétèrent alors ma maladresse comme une volonté de ma part de prolonger le jeu et ainsi donner de faux espoirs de victoire à mon adversaire.
Nous nous rapprochâmes.
La distance entre nous était encore conséquente, mais je pouvais lire aisément l'expression peinte sur le visage de l'artisan bafoué.
Il voulait ma mort. Ni plus, ni moins.
Il l'ignorait, mais il détenait le pouvoir de se venger autant que celui de me libérer. Il était mon Charon personnel, mon passeur, non pour les enfers - puisqu'il allait me permettre de les quitter - mais bien pour le paradis.
J'entendis le coup de feu. Puis plus rien.
L'artisan avait disparu ainsi que nos témoins respectifs.
Seule la forêt demeurait. Mais elle était métamorphosée. D'une beauté céleste étrangement familière.
Le pistolet n'était plus dans ma main.
Je compris que mon passeur avait fait son office. Nul doute que la joie devait le submerger. Une joie qui ne pouvait avoir d'égale que celle qui me remplissait à l'instant où je me précipitai pour retrouver ma nymphe, ma dryade, ma fée.
Elle m'attendait, rayonnante, comme si elle avait deviné ce qui s'était passé.
Elle me savait libéré.
Nous tombâmes dans les bras l'un de l'autre. La forêt toute entière sembla faire écho à notre bonheur.
Alors ma poitrine s'ouvrit et mon cœur inonda ma nymphe d'une lumière opaline. Lorsqu'elle s'estompa, j'avais devant moi une femme d'une grande beauté aux longs cheveux noirs moirés de vert. Je remarquai aussi que ses paupières étaient fardées et ses lèvres peintes de la même teinte.
C'était bien ma nymphe, mais mon amour pour elle l'avait transfigurée. Elle était devenue un peu moi.
- Comment t'appelles-tu ?
Elle examina son nouveau corps avant de répondre :
- Je m'appelle Vanesse. Reine du Cœur.
Alors sa poitrine s'ouvrit et son cœur m'inonda d'une lumière opaline d'où j'émergeai, transfiguré.
Je me baissai pour examiner mon nouveau corps. J'étais nu, d'une blancheur virginale et dépourvu de sexe. Et tandis que j'admirai mon apparente pureté, tels les pétales d'une fleur, deux ailes de papillon à mes dimensions s'ouvrirent majestueusement dans mon dos.
J'étais devenu un peu elle.
Je m'aperçus, qu'à mon instar, elle arborait elle aussi des ailes de papillon aux couleurs chatoyantes.
Peut-être parce que je la considérais comme ma fée.
Cette vision me fit pleurer et je souris avec elle en voyant mes larmes s'orienter vers la cime des arbres.
- Je m'appelle...Monarque.
Le sourire de Vanesse d'élargit.
- Roi des larmes !
Nous étions désormais fée l'un pour l'autre.
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jeudi, 12 février 2009
La Genèse [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
La Chute de l’Age d’Or
Les sept jours de la création
constituèrent sept phases de l’emprisonnement de l’homme
enchaîné dans un antre,
dans les limites mêmes d’un monde
uniquement perçu par les cinq sens.
William Blake
I. L’Harmonie Primitive
Au commencement était le Paradis
Tout n’était que pensées
Rien n’était dit
Nous étions des anges qui dansaient
Le firmament
Etait notre mer
L’amour était omnipotent
Nul ne pouvait être amer
Nous étions un
Et étions Dieu
Au sein de chacun
S’ouvrait une paire d’yeux
Un cœur d’enfant innocent
Qui demeurait grand ouvert
Pour répandre et recevoir
L’amour tout en vers
Qui remplissait sans se voir
Toutes les âmes tel un sang
Sommet de l’Age d’Or
Où la pureté triomphait
Où l’absence de corps
Donnait vie aux fées
En une sublime geste
Qui sublimait nos gestes
Eden de notre origine
Où la musique était oxygène
La vertu religion
La poésie naissait
De la moindre pensée
Elle était le langage
Le plus précieux des partages
L’imagination nous baignait
Nul ne voulait l’ignorer
Nul ne pouvait le nier
En un océan doré
Symbole vivant
De notre liberté
Qui s’étendait à l’infini
Et sa source d’éternité
Etait reliée à nos esprits.
II. La Chute du Paradis
Le chaos vint pourtant
Le chaos et le Temps
La Nature fut envahie
Par la naissance de nouvelles envies
Des lois rigides s’instaurèrent
Et vinrent ce monde appauvrirent
De mécaniques habitudes
Une croissante lassitude
Naquirent un peu partout
Divisant ce qui constituait le Tout
Nous qui n’étions pas faits alors
Pour mener et gagner une lutte
Nous donnâmes
La mort
A ce fabuleux Age d’Or
Et damnâmes nos âmes
En érigeant sa chute.
III. La Séparation de l’Esprit
Et naquit la discorde
La lyre cassa ses sept cordes
Les hommes raisonnèrent
Les hommes s’emprisonnèrent
Ils perdirent leur unité
Coupèrent le fil de leur infinité
Ils cessèrent d’être devins, divins
Pour devenir sombres humains
Avec une tête, avec des mains
Une cosse matérielle
Détruisant leur essence spirituelle
L’esprit dont ils faisaient partie
Se réduisit, partit
Il se morcela pour venir habiter
Chacune de ces nouvelles entités
Leur conférant une nouvelle identité
Une âme aux maigres proportions
De ce corps
Résultat de leur malédiction
Pauvre et illusoire décor
Pour des être ayant connu l’essor
Ridicules et avilissants haillons
Pour d’anciens papillons
Devenus rampantes chenilles
Ils ne méritaient que des guenilles
Là où des ailes d’arc-en-ciel
Faisaient leur rang
Faisaient leur nom
En eux coula un nouveau sang
Qui n’avait plus rien des merveilles
La marque de démons
Tout prêts à l’éveil
Pour répandre et s’abreuver
De cette rivière vermeille
Dès qu’ils pourraient œuvrer.
IV. La Genèse de l’Enfer
L’Homme nouveau
Ayant revêtu sa peau
Ne pouvait plus faire marche arrière
Et se mit en devoir de créer une terre
Digne de l’accueillir
Digne de le soustraire
A son appartenance céleste
Il créa le Nord, le Sud, l’Ouest et l’Est
Aux limites du temps
Lui qui n’en avait jamais eu avant
Il ajouta la chaîne de l’espace
La raison croissant toujours en lui
Le dévorant comme le ver le fruit
Il sépara l’unité de son espèce
En deux sexes distincts
L’un féminin, l’autre masculin
Ruinant les principes de son origine
Scindant les valeurs de sa nature androgyne
En deux êtres complexes
Qu’il dota chacun d’un sexe
Propre à permettre sa perpétuation
Par leur association
En sept jours
Il se créa sept fardeaux
Si bien conçus qu’ils seraient toujours
Bien trop lourds à porter
Faisant de lui son plus parfait bourreau
Sans se sentir victime
Ignorant totalement la portée
De ces carcans intimes
Toutefois, avant que tout esprit rêveur
En lui ne meurt
L’Homme se forgea un lien avec ferveur
Il noua son âme à l’Océan Divin
Se donnant ainsi le moyen
Par le rêve et par la Mort
Quand il pourrait quitter son corps
De remonter vers les célestes ondes
Pour qu’à nouveau il s’y fonde.
V. L’Eclosion du Mal
L’Homme qui n’était que vertu
Lui dont la sagesse était instinct
Sema en lui les graines de la perversité
Condamnant sa vertu à être perdue
Et son bon sens à être éteint
Dans une future adversité
Il jugea le vice
Comme une nouvelle liberté
Lui qui s’ennuyait de tout
Mais en permettant qu’il s’immisce
Il donna un ennemi à la pureté
Et brûla son ultime atout.
VI. L’Héritage de l’Harmonie
Avant de rejoindre son nouveau monde
Qui avait débuté son évolution
L’Homme employa une dernière seconde
Pour réaliser une précieuse opération
Dans son désir encore ingénu
De pouvoir converser avec les nues
Il produisit en lui
Sept germes comme autant d’armes
Qui s’opposaient
Aux sept chaînes
Auxquelles il s’était assujetti
L’Amour, le Rêve, la Mort
La Religion, l’Art
La Poésie
Et la Magie
Sept sens
Héritage de l’originelle essence
Sept moyens d’agir
Vestiges de l’Harmonie
De la cassure de la lyre
De son absolue symphonie.
VII. La Chute aux Enfers
Dans sa nostalgie de l’Age d’Or
L’homme avait façonné
Un océan comme l’azur
Dans lequel jadis il était né
Fidèle à son idée première
Il décida qu’il renaîtrait en ce monde
En cet Enfer baptisé Terre
Au sein de ses nouvelles ondes.
T’as aimé…ou pas
T’as tout lu, tout vu, tout entendu…ou pas
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lundi, 02 février 2009
Monarque
21:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, romantisme, fantastique, dessin, illustration, le combat du papillon
dimanche, 18 janvier 2009
Le Prologue [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
La poésie est le réel absolu
Novalis
Et si nous avions déjà connu le Paradis.
Et si la Terre était devenue notre Enfer.
Bientôt, l'Humanité devra livrer sa plus grande bataille
contre son plus grand ennemi : elle-même !
20:54 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : romantisme, poésie, anges, âme, dualité, le combat du papillon