jeudi, 12 février 2009
La Genèse [Nouvelles/Le Combat du Papillon]
La Chute de l’Age d’Or
Les sept jours de la création
constituèrent sept phases de l’emprisonnement de l’homme
enchaîné dans un antre,
dans les limites mêmes d’un monde
uniquement perçu par les cinq sens.
William Blake
I. L’Harmonie Primitive
Au commencement était le Paradis
Tout n’était que pensées
Rien n’était dit
Nous étions des anges qui dansaient
Le firmament
Etait notre mer
L’amour était omnipotent
Nul ne pouvait être amer
Nous étions un
Et étions Dieu
Au sein de chacun
S’ouvrait une paire d’yeux
Un cœur d’enfant innocent
Qui demeurait grand ouvert
Pour répandre et recevoir
L’amour tout en vers
Qui remplissait sans se voir
Toutes les âmes tel un sang
Sommet de l’Age d’Or
Où la pureté triomphait
Où l’absence de corps
Donnait vie aux fées
En une sublime geste
Qui sublimait nos gestes
Eden de notre origine
Où la musique était oxygène
La vertu religion
La poésie naissait
De la moindre pensée
Elle était le langage
Le plus précieux des partages
L’imagination nous baignait
Nul ne voulait l’ignorer
Nul ne pouvait le nier
En un océan doré
Symbole vivant
De notre liberté
Qui s’étendait à l’infini
Et sa source d’éternité
Etait reliée à nos esprits.
II. La Chute du Paradis
Le chaos vint pourtant
Le chaos et le Temps
La Nature fut envahie
Par la naissance de nouvelles envies
Des lois rigides s’instaurèrent
Et vinrent ce monde appauvrirent
De mécaniques habitudes
Une croissante lassitude
Naquirent un peu partout
Divisant ce qui constituait le Tout
Nous qui n’étions pas faits alors
Pour mener et gagner une lutte
Nous donnâmes
La mort
A ce fabuleux Age d’Or
Et damnâmes nos âmes
En érigeant sa chute.
III. La Séparation de l’Esprit
Et naquit la discorde
La lyre cassa ses sept cordes
Les hommes raisonnèrent
Les hommes s’emprisonnèrent
Ils perdirent leur unité
Coupèrent le fil de leur infinité
Ils cessèrent d’être devins, divins
Pour devenir sombres humains
Avec une tête, avec des mains
Une cosse matérielle
Détruisant leur essence spirituelle
L’esprit dont ils faisaient partie
Se réduisit, partit
Il se morcela pour venir habiter
Chacune de ces nouvelles entités
Leur conférant une nouvelle identité
Une âme aux maigres proportions
De ce corps
Résultat de leur malédiction
Pauvre et illusoire décor
Pour des être ayant connu l’essor
Ridicules et avilissants haillons
Pour d’anciens papillons
Devenus rampantes chenilles
Ils ne méritaient que des guenilles
Là où des ailes d’arc-en-ciel
Faisaient leur rang
Faisaient leur nom
En eux coula un nouveau sang
Qui n’avait plus rien des merveilles
La marque de démons
Tout prêts à l’éveil
Pour répandre et s’abreuver
De cette rivière vermeille
Dès qu’ils pourraient œuvrer.
IV. La Genèse de l’Enfer
L’Homme nouveau
Ayant revêtu sa peau
Ne pouvait plus faire marche arrière
Et se mit en devoir de créer une terre
Digne de l’accueillir
Digne de le soustraire
A son appartenance céleste
Il créa le Nord, le Sud, l’Ouest et l’Est
Aux limites du temps
Lui qui n’en avait jamais eu avant
Il ajouta la chaîne de l’espace
La raison croissant toujours en lui
Le dévorant comme le ver le fruit
Il sépara l’unité de son espèce
En deux sexes distincts
L’un féminin, l’autre masculin
Ruinant les principes de son origine
Scindant les valeurs de sa nature androgyne
En deux êtres complexes
Qu’il dota chacun d’un sexe
Propre à permettre sa perpétuation
Par leur association
En sept jours
Il se créa sept fardeaux
Si bien conçus qu’ils seraient toujours
Bien trop lourds à porter
Faisant de lui son plus parfait bourreau
Sans se sentir victime
Ignorant totalement la portée
De ces carcans intimes
Toutefois, avant que tout esprit rêveur
En lui ne meurt
L’Homme se forgea un lien avec ferveur
Il noua son âme à l’Océan Divin
Se donnant ainsi le moyen
Par le rêve et par la Mort
Quand il pourrait quitter son corps
De remonter vers les célestes ondes
Pour qu’à nouveau il s’y fonde.
V. L’Eclosion du Mal
L’Homme qui n’était que vertu
Lui dont la sagesse était instinct
Sema en lui les graines de la perversité
Condamnant sa vertu à être perdue
Et son bon sens à être éteint
Dans une future adversité
Il jugea le vice
Comme une nouvelle liberté
Lui qui s’ennuyait de tout
Mais en permettant qu’il s’immisce
Il donna un ennemi à la pureté
Et brûla son ultime atout.
VI. L’Héritage de l’Harmonie
Avant de rejoindre son nouveau monde
Qui avait débuté son évolution
L’Homme employa une dernière seconde
Pour réaliser une précieuse opération
Dans son désir encore ingénu
De pouvoir converser avec les nues
Il produisit en lui
Sept germes comme autant d’armes
Qui s’opposaient
Aux sept chaînes
Auxquelles il s’était assujetti
L’Amour, le Rêve, la Mort
La Religion, l’Art
La Poésie
Et la Magie
Sept sens
Héritage de l’originelle essence
Sept moyens d’agir
Vestiges de l’Harmonie
De la cassure de la lyre
De son absolue symphonie.
VII. La Chute aux Enfers
Dans sa nostalgie de l’Age d’Or
L’homme avait façonné
Un océan comme l’azur
Dans lequel jadis il était né
Fidèle à son idée première
Il décida qu’il renaîtrait en ce monde
En cet Enfer baptisé Terre
Au sein de ses nouvelles ondes.
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