jeudi, 12 février 2009
Transylvania - Le Roman
I
La voiture roulait dangereusement au cœur de la nuit. Elle pénétra à vive allure dans la forêt regorgeant d’ombres aux origines suspectes.
L’attelage était conduit par deux hommes, chacun armé d’un fusil.
A l’intérieur, siégeait une famille importante. Le père, serein, serrait la main de sa femme tout en dévisageant intensément ses deux filles de sept et douze ans, comme pour leur communiquer sa force tranquille.
- La région n’est pas sûre, hurla le plus jeune des deux domestiques pour couvrir le vacarme de la cavalcade. Pourquoi a-t-il fallu que nous passions par là ?
L’autre ignora son angoisse.
- Parce que c’est le chemin le plus sûr.
Son interlocuteur afficha une mine renfrognée.
- Oui, pour une mort certaine.
Le vétéran brandit son fusil avec véhémence.
- La mort, je peux la donner aussi facilement que cette région. Tu as raison d’avoir peur, mais tu as tort de penser que cela peut suffire à nous arrêter.
Des éclairs déchirèrent la nuit sans un bruit.
Brusquement les chevaux devinrent comme fous. L’aîné s’empara des rênes et usa de toutes ses ressources pour les arrêter afin d’éviter à la voiture de se renverser. L’attelage s’arrêta sous un arbre.
- Les chevaux ne veulent plus avancer. On dirait qu’ils sont paralysés.
- Paralysés par quoi ?
Un éclair illumina la nuit, révélant deux silhouettes menaçantes juchées sur une branche au-dessus des deux hommes.
- Qu’est-ce qui se passe, Papa ? demanda la plus grande des filles. Elle serrait sa petite sœur contre elle avec l’évidente intention de la rassurer.
Le Baron Henri d’Ofdigen demeurait impassible.
- Un contretemps, ma chérie, un simple contretemps. Nous allons bientôt repartir.
Mais la manière dont il serra la main de son épouse trahit sa nervosité. Le regard de celle-ci l’invitant vivement à s’informer de la situation, le baron allait se pencher par la fenêtre lorsque la voiture fut violemment secouée. Des bruits de lutte leur parvinrent, rapidement suivis par les cris reconnaissables des deux conducteurs.
L’aînée des filles plaqua ses mains sur les oreilles de sa sœur sur le point de sangloter.
- Mais papa, qu’est-ce qui se passe ?
Des coups de feu retentirent, puis, plus rien.
Le silence qui succéda fut plus terrible encore.
Prenant une profonde inspiration, le Baron décida de sortir. Mais au moment où il s’exécutait, la porte s’ouvrit à la volée et l’un des agresseurs le repoussa brutalement à l’intérieur. Il était élégamment mis ce qui tranchait nettement avec la rudesse de ses gestes. Son regard était effrayant de sévérité. Et ne cachait rien de la réalité de ses intentions.
L’épouse du Baron se rua sur l’autre porte laquelle fut violemment arrachée, manquant peu la jeter au dehors.
Un deuxième spadassin apparut. Même élégance. Même regard dénué de compassion.
- Pour vous, cette nuit n’aura pas d’issue.
Il découvrit deux canines d’une longueur animale avant de bondir à l’intérieur de la voiture. L’autre l’imita naturellement.
L’attelage fut secoué de spasmes tel un corps moribond avant d’être foudroyé par la mort.
Les corps des deux postillons gisaient dans des postures impies, exsangues, leur visage blanc comme un linge et leur cou portant la marque de crocs avides.
La pluie frappait rageusement le sol.
Les chevaux avaient fui, terrorisés par l’odeur du carnage.
La voiture était renversée.
A une dizaine de mètres de là, les deux tueurs achevaient leur macabre festin.
Marco terminait de boire le cou de la plus grande des filles.
Rodolphe, genoux au sol, laissait le crachin nettoyer son visage ruisselant du sang pris à la mère et à la plus jeune des soeurs.
Il ouvrit démesurément la bouche, savourant encore dans ce geste rituel la fraîcheur de la chair mordue.
Ceci fait, il contempla son reflet dans une flaque d’eau.
- Après tout ce temps, pourquoi cela fait-il toujours autant de bien, mon frère?
L’intéressé se redressa brusquement et après une ultime succion, rejeta le petit corps sans vie telle une vulgaire poupée de chiffon.
- Parce que, mon frère, nous sommes immortels et que notre faim l’est tout autant. Et je ne vois pas qui pourrait changer cela !
II
- Sylvania !
Le Baron Olaf Streggens supervisait la fin de l’aménagement du manoir de Castlered. Et étant donné l’ampleur de la tâche, il lui importait de savoir précisément où chaque objet de sa nouvelle propriété se trouvait et où chaque futur membre de sa demeure était posté. Malgré l’incessant va et vient et le flot continu du personnel mis à sa disposition, il était parvenu à repérer tout et tout le monde. Sauf une personne. Et la personne la plus chère à ses yeux et à son cœur.
- Sylvania !
Son désespoir grandissant de seconde en seconde, le Baron arrêta un vieux palefrenier transportant une volumineuse chaise.
- Cyrius, personne n’a donc vu ma fille ? Nom de nom, où a-t-elle encore bien pu se fourrer ?
Le domestique esquissa un sourire.
- Vous connaissez Sylvania mieux que moi, Monsieur le Baron. Elle n’a jamais pu rester en place et elle a toujours détesté la foule.
Le baron croisa les bras sur sa poitrine et hocha la tête.
- Vous la connaissez sans doute mieux que moi, Cyrius. A la mort de ma femme, c’est principalement à vous qu’elle s’est confiée, plus qu’à moi ou à son frère.
Le visage du palefrenier s’assombrit un instant, puis il redressa la tête en souriant.
- Cherchez du côté de la forêt.
Le Baron soupira bruyamment.
- Elle aurait quand même pu prêter main forte !
Elle tourna brusquement la tête. Elle était certaine d’avoir entendu du bruit. De ses grands yeux noirs, elle fouilla l’endroit suspect. Une rafale de vent glacial anima les branches et fit s’envoler les feuilles mortes jonchant le sol du sous-bois. L’hiver annonçait son arrivée imminente dans la région. Elle resserra ses fines jambes en un geste naturellement gracieux. Elle n’aurait jamais dû s’éloigner de la sorte de sa famille. Elle ne connaissait pas encore suffisamment bien les environs pour s’y aventurer seule de la sorte. Le danger était présent. Son père l’avait déjà mis en garde. Il y avait des prédateurs qui pouvaient ne faire qu’une bouchée d’elle. Mais c’était peut-être et surtout le goût du risque qui l’avait amené jusqu’ici. A son âge, l’innocence était mère de nombreux péchés.
Tapie derrière un bosquet, Sylvania observait la jeune biche. Elle n’avait jamais eu la chance d’en voir une de si près et la tentation était de forte de vouloir se rapprocher. Mais l’animal était aux aguets. A la moindre erreur de sa part, il disparaîtrait sans crier gare pour rejoindre les siens. La jeune femme prit soudain peur. C’était peut-être aussi ce qu’elle devait faire. Son père et son frère devaient se ronger les sangs. Cela faisait combien de temps qu’elle était partie ? Une heure ? Sans doute plus. A moins qu’ils ne soient tous trop occupés à installer le mobilier pour songer une minute à elle. Mais là, elle savait qu’elle se mentait à elle-même.
Elle jeta un dernier regard à la biche figée avant de se retourner.
Et se sentit tout à coup aussi vulnérable qu’elle.
Les cercueils étaient disposés selon une géométrie précise.
Celui de Lord Kelnorth, le Maître, celui qu’on nommait aussi le Comte de Brume, était au centre de la salle. Celle qu’on nommait à juste titre la Salle des Songes.
A sa droite, reposait Marco, son fils aîné, un vampire fier et fougueux, d’une grande ténacité et d’un tempérament ardent.
A la gauche du Maître, Rodolphe, le second fils. Rapidement pris en main par Marco, Il était devenu son égal dans bien des domaines. Et ce qui les séparait encore était toujours pour eux l’occasion de jeux et de défis dans lesquels ils contentaient leur insatiable appétit de victoires.
Autour d’eux, trois cercles concentriques de cercueils contenant les membres privilégiés de la cour - pour ne pas dire les amants – la confrérie des artistes, puis rassemblée dans la périphérie, les domestiques.
Ils se réveillèrent à peu près tous en même temps, leur horloge biologique en parfaite relation avec les mouvements de la lune. Question de survie.
Une longue nuit de fête et d’orgies les attendait et chacun avait hâte d’y prendre part.
L’occasion de goûter à de nouvelles expériences et de savourer à nouveau les plus anciennes...
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22:53 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
J'ai lu le II.
Y a-t-il un lien avec le film d'animation de vampires qui font une fête avec la petite fille
qui fait son premier vol hors du château ?
Bref, je poste un commentaire pour remercier du job.
La création inspire toujours dans le bon sens. :)
Merci.
Écrit par : Aurélie | lundi, 15 juillet 2013
Salut, merci tout d'abord d'avoir lu et laissé un commentaire. Il n'y a aucun lien avec le film d'animation Hôtel Transylvania hormis une partie du titre. Transylvania est une oeuvre personnelle qui date de plusieurs années que j'ambitionnais même d'adapter en comédie musicale. (j'ai écrit plusieurs chansons dans cette optique). Mais l'existence d'une comédie musicale française sur Dracula et le succès des films Twilight m'ont stoppé dans ce projet car je sentais bien que je n'avais plus la primeur du concept alors que paradoxalement mon idée était plus ancienne. Ce n'est pas la première fois et ce ne sera sûrement pas la dernière. La dure loi de la vie d'un artiste qui ne vit pas de son art. Lol
Pour l'anecdote j'ai choisi ce titre aussi pour introduire un jeu de mot : le héros va se transformer à travers (Trans) sa rencontre et son amour avec Sylvania, l'élue de son coeur.
Écrit par : Greg Armatory | mercredi, 17 juillet 2013
Rigolo. :)
L'idée de la comédie musicale est chouette aussi, que ce soit à propos de vampires ou d'autres créatures. C'est courageux et ambitieux. Chouette ! :)
Vivre de son art n'est pas aussi important que de réussir à transmettre et partager ce qu'on a dans le cœur pendant qu'on est là, je pense.
Bukowsky a laché son travail alimentaire à la Poste assez tard par exemple :). Mais je comprends bien cette petite phrase je pense.
Bonne création et bonne continuation.
Écrit par : Aurélie | jeudi, 18 juillet 2013
Tu as tout à fait raison et c'est précisément ce que je pense. Ce blog est donc pour moi très important puisqu'il me permet de faire ce partage et de recevoir en retour. Des commentaires comme les tiens sont justement devenu mon précieux salaire d'artiste ! Et puis je sais qu'en devenant professionnel, j'aurais une pression que j'aurais grand mal à gérer et une liberté moindre. Là je peux écrire un texte très poétique et lumineux, le lendemain un récit très sombre et violent, le jour d'après une histoire légère et délirante. Parfois je n'ai pas d'inspiration ou pas d'envie et personne ne me le reproche. La vraie liberté artistique en somme et je savoure ce confort. Pour finir, je détesterai être enfermé dans un style et un genre, je me plais trop à vagabonder dans des univers très différents !
Merci, au plaisir de te relire.
Écrit par : Greg Armatory | vendredi, 19 juillet 2013
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