dimanche, 31 mai 2015
Chappie [Cinéma/Critiques]
Le chaînon manquant entre Short Circuit, le Géant de Fer et Robocop
Après la déception Elysium, on ne savait pas trop si Neil Blompkamp allait rebondir ou au contraire s'enliser davantage. Il faut dire que l'auteur de District 9 nous avait donné beaucoup d'espoir sur son devenir de cinéaste avec une maîtrise et des ambitions qui semblaient le porter comme le porte-étendard du renouveau de la SF et du Fantastique tel un digne héritier du cinéma de genre des années 80.
Le moins qu'on puisse dire c'est que le début ne rassure pas du tout : même intro que District 9 sous des allures de documentaire, même portrait de Johannesburg et de sa criminalité galopante, même contexte initial que le reboot de Robocop.
Heureusement cela ne dure que quelques minutes, comme si Blomkamp comprenait qu'il fallait qu'il s'affranchisse enfin de son propre référentiel afin de ne pas s'y enfermer.
Les deux ingénieurs vont se livrer une guerre sans merci. Daeon (Dav Patel/Slumdog Millionnaire) est le créateur des Scouts, des robots tels que Chappie qui soutiennent les forces de police sur le terrain au grand dam de Vincent (Hugh Jackman/Prisoners) condamné à rester dans l'ombre, lui et son projet martial. Daeon voit beaucoup plus loin en terme d'Intelligence Artificielle qu'un simple renfort policier, ce qui ne fera que renforcer la rivalité entre les deux hommes. S'il peut faire rire avec sa coupe mulet des 80's, Vincent se révèle aussi siphonné que son budget. Hugh Jackman avait déjà tâté du robot avec le très enfantin Real Steel. Dans Chappie il en profite pour casser son image de bon samaritain et ça lui va bien aussi. Entre les histoires de robots, de conscience et le look de l'Original (le robot de Vincent rappelle ed209) impossible de ne pas penser à Robocop 1 & 2. On peut d'ailleurs dire que d'un point de vue narratif Chappie est un Robocop inversé. On a compris en tout cas que depuis District 9 Blomkemp est un grand fan de robotique, Chappie était de ce fait presque inévitable.
La manière dont se télescopent le destin et les ambitions des différents protagonistes est bien pensée, relançant constamment l'intérêt de l'intrigue et amenant malicieusement le scénario à son paroxysme.
Parce que Chappie se comporte comme un enfant, la réaction de son entourage va radicalement changer.
Ninja (à gauche) voit en Chappie une recrue de choix pour ses futurs délits. Mais pour parvenir à ses fins, il lui faudra étouffer la moralité inculquée par son créateur et l'affection de sa mère adoptive (ci-dessous).
Yo-Landi, une sorte de croisement entre les personnages de Rosanna Arquette (Jody) et d'Amanda Plummer (Yolanda) dans Pulp Fiction. Yo-Landi va découvrir sa sensibilité maternelle au contact de Chappie, ce qui, bien entendu, ira à l'encontre des ambitions de Ninja. A noter que les deux comédiens forment dans le vie le groupe Die Antwoord sous les mêmes pseudonymes.
A ce titre voir les gangsters faire l'éducation de Chappie se classe sans problème parmi les meilleures séquences. Chacun tentant d'en faire un héritier à son image, révélant son humanité, sa nature, la meilleure comme la pire.
Mais parce qu'il est innocent et qu'il a tout à apprendre, Chappie va finir inévitablement par susciter la convoitise et devenir l'instrument d'une bataille, une véritable poule aux oeuf d'or, chacun projetant sur lui ses fantasmes, ses espoirs.
Comme l'a si bien dit James Dean : "les animaux vous acceptent ou non, mais jamais ils ne vous jugent." Chappie est admirablement mis en scène. Techniquement et visuellement c'est aussi léché et abouti que les deux autres films de Blomkamp. C'est l'acteur Sharlto Copley (Maléfique/héros de District 9, méchant de Elysium et incarnation de Looping dans la version ciné d'Agence Tous Risques) qui a prêté sa gestuelle au robot. Ce n'est pas la traditionnelle motion capture qui a été utilisée. Sharlto était physiquement en présence des autres comédiens sur le tournage, il a été remplacé par la suite par son avatar numérique.
Au départ relativement simple, le film va s'intensifier progressivement en combinant les accents d'une comédie et ceux d'un drame profondément humain.
On ne peut nier une évidente parenté avec District 9, Chappie faisant parfois écho à Wikus dans sa solitude née conjointement de sa nature bâtarde et des enjeux opposés qu'il représente.
Mais malgré cela, le réalisateur parvient à surprendre et à se renouveler brillamment grâce à une dernière partie où émotion et métaphysique subliment les personnages et le récit lui conférant une grande originalité et lui donnant une ouverture insoupçonnée.
Vincent va harceler Michelle Bradley, la patronne des entreprises Tetravaal, afin qu'elle autorise le lancement de son projet et profitera pour ce faire de toutes les opportunités quitte à les provoquer directement. A l'instar de Jodie Foster dans Elysium, on sent que Sigourney Weaver (Avatar) est là surtout pour séduire les producteurs et les cinéphiles. A noter que Blomkamp travaille actuellement sur un Alien 5 (se situant entre Aliens et Alien 3) pour lequel la star se montre déjà très enthousiaste.
On pourra tiquer sur la crédibilité du rebondissement final tout comme on pourra trouver que l'épilogue, à l'instar de District 9, nous laisse sur notre faim, (une suite est très envisageable là aussi), mais au final cette relative frustration est par là même la source d'un égal plaisir. Croisement atypique, mélange étonnant et détonant de genres, de styles et de références, Chappie est un film mutant à découvrir d'urgence pour tout amateur de fantastique et d'anticipation.
Non seulement Blomkemp nous fait totalement oublier la douche froide Elysium, mais il inscrit ce troisième film sur la première marche du podium de sa filmo grâce à la richesse de sa thématique.
Le plus dur sera de poursuivre sur la même voie en ne répétant pas la même erreur que dans le passé. Wait and see !
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16:21 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chappie film, cinéma sf, anticipation, robots, futuriste, cyborgs, androïdes