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Helpie [Nouvelles/Société]
Helpie
(Titre non définitif)
La conférence était sur le point de commencer. La salle était bondée, les retardataires cherchaient leur place. Pour un évènement c’était un évènement. Mais en parlant ouvertement d’un sujet aussi tabou que le viol le Professeur Claude Salvière n’espérait pas faire parler de lui. Son but était tout autre. Il était venu proposer une solution. Là où la justice et le gouvernement s’enlisaient depuis des décennies, lui avait décidé de jeter un pavé dans la mare, de prendre le problème à bras le corps. Et ses premiers mots dans le micro furent le parfait reflet de son intention :
- J’ai la chance de ne jamais avoir subi de viol. Quand on sait qu’un viol est déclaré toutes les quarante minutes, le mot chance n’est pas exagéré. Mais puisque j’aborde la question des chiffres, autant le faire franchement.
- Selon Amnesty international, 90 % des violeurs ne présentent aucune pathologie mentale et 90 % des condamnés sont issus de classes populaires. Selon les statistiques de la permanence téléphonique nationale Viols Femmes Informations 96 % des auteurs de viol sont des hommes et 91 % des victimes sont des femmes. On ne connait pas le nombre exact d'hommes victimes de viol, on estime à 7-10 % le nombre d’hommes qui ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie en France. La plupart de ces agressions sont commises par d’autres hommes. Les cas les plus fréquents se retrouvent dans la pédophilie ou le viol en prison. 1 femme sur 10 a été violée ou le sera au cours de sa vie.
Dans 80% des cas, l'agresseur est connu de la victime, et un tiers des viols a lieu au sein du couple.
74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime.
25 % des viols sont commis par un membre de la famille.
57 % des viols sont commis sur des personnes mineures, filles et garçons.
51% des viols sont des viols aggravés.
67 % des viols ont lieu au domicile de la victime ou de l'agresseur.
45 % des viols sont commis la journée et non la nuit.*
Le Pr Salvière prit une longue inspiration avant de lâcher le couperet :
- La plupart des gens réunis dans cette salle ont subi ou subiront un viol au cours de leur vie si nous ne faisons rien pour changer cela.
Dire que cette déclaration jeta un froid dans la salle relève de l’euphémisme. Les corps frissonnaient, les têtes se secouaient comme pour chasser le mauvais sort. Les regards fuyaient ou au contraire se mettaient à suspecter les connaissances, les proches. Le Pr Salvière ne sourit pas, cela aurait été beaucoup trop déplacé, mais il put néanmoins se vanter d’avoir obtenu toute l’attention de son auditoire sans aucune exception.
Au moment propice, il poursuivit :
- Je ne peux qu’imaginer ce que l’on peut ressentir sur le moment et après. Mais le fait est que j’ai très souvent essayé de me mettre à la place des victimes. Et qu’à force de voir des documentaires, d’écouter des témoignages, j’ai fini par comprendre combien le viol était un crime sous-estimé. Car l’acte en lui-même, aussi avilissant est-il, n’est qu’une partie du crime. Il y a l’après. Et cet après est une nouvelle torture qui peut durer toute une vie au point que certaines et certains préfèreront y mettre fin par leurs propres moyens.
- Comment espérer condamner un violeur ? En portant plainte juste après le viol pendant que les preuves existent encore. Oui c’est une course contre la montre. Mais aussi et surtout une nouvelle épreuve qui prend forme. Un marathon de la douleur. La victime n’a pas le loisir de se remettre de son traumatisme. Elle doit le raconter, maintes et maintes fois dans ses détails les plus sordides. Autrement dit, elle doit le revivre de nouveau. Si elle veut réparation, elle n’a pas le choix. Om me rétorquera que le temps, elles l’ont. La loi a été améliorée en ce sens. C’est vrai, il faut le reconnaître, les victimes ont beaucoup plus de temps qu’avant pour porter plainte. Pour porter plainte seulement. Mais qu’en est-il des preuves ? Car à quoi bon repousser le délai de prescription jusqu’à 30 ans si la difficulté reste la même à la base ? Pour les quelques accusations mensongères en la matière, qu’il ne faut bien entendu pas négliger, les véritables victimes, et la majorité le sont, font hélas les frais de ce remaniement pour le moins à double tranchant.
- Mais pourquoi la plupart des victimes ne portent-elles pas plainte immédiatement ? Pendant que leurs souvenirs sont frais, les preuves implacables ?
- Cette question, je n’ai cessé de me la poser, encore et encore. Les réponses je vais vous les donner, du moins les plus connues :
- Parce qu’elles ont peur qu’on ne les croit pas, parce qu’elles ont honte, parce qu’elles se sentent coupables, parce qu’elles ont été menacées de mort par leur violeur, parce qu’elles connaissaient bien leur violeur ou plutôt croyaient bien le connaître et parce que les tabous qui perdurent sur le viol les réduisent au silence aussi sûrement que si elles étaient des criminelles.
- Ce sont justes des phrases. C’est dérisoire en comparaison du ressenti réel des victimes. Mais ça donne déjà matière à réfléchir. Il y énormément d’efforts à faire en très peu de temps alors que paradoxalement on ne s’est jamais senti aussi vulnérable. C’est normal de ne pas pouvoir y arriver. Ce serait formidable si les victimes pouvaient toutes porter plainte contre leur violeur aussi facilement que pour un simple vol. Mais il faut voir la réalité en face. C’est extrêmement pénible. Déjà pour un adulte, alors imaginez pour un enfant.
- Cette difficulté a un effet pervers dont personne ne parle. Car elle ne cause pas seulement beaucoup de tort aux victimes, elle profite pleinement aux violeurs. Les violeurs connaissent les statistiques, ils savent qu’ils auront peu de chances d’êtes accusés, encore moins d’être condamnés. Et cette conviction leur donne énormément de pouvoir et renforce leur impunité. Oui je le clame haut et fort :
- L’impuissance de la justice et des autorités encourage le viol.
- Mais revenons aux victimes. A leur difficulté de s’exprimer.
- Prenons un instant pour mesurer combien elles sont seules et désarmées. Qui est capable de les aider dans ces moments-là ? Vers qui peuvent-elles se tourner sans craindre un jugement, sans craindre le doute, la suspicion ? Qui pourra les accueillir avec l’écoute, l’empathie qu’elles espèrent, qu’elles attendent, qu’elles méritent ? Comment susciter la confiance en l’humain qu’elles viennent de perdre, peut-être pour toujours ?
*source : Planetoscope
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Soutien pour injustice : Priscillia
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vendredi, 25 septembre 2015 | Lien permanent
Le harcèlement sexiste dans les transports [Société]
Avec la nouvelle loi sur l'inceste prévue en décembre il semble que les violences sexuelles - principalement sur les femmes - soient enfin reconnues à leur juste gravité. Chacun doit se sentir concerné, car nous sommes tous victimes ou témoins potentiels. Nos réactions face à ces crimes sont déterminantes pour les faire cesser, comme on dit si bien, l'union fait la force. A chacun de donner l'exemple. N'oublions pas que l'indifférence nourrit les peurs autant qu'elle encourage la perversion et renforce l'impunité des pervers.
Mais quand je vois déjà les réactions de certains hommes en réponse à cette campagne, il n'est pas de trop de rappeler également qu'il faut faire la part des choses et garder en tête les limites afin de ne pas céder à la tentation d'une interprétation excessive. Il ne s'agit pas de condamner l'attirance, ni même l'attention qu'on peut avoir envers une femme, mais bien de conserver le respect qui lui est dû dans la forme comme dans le fond. Après tout, seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher ont quelque chose à craindre. Encore faut-il qu'ils aient conscience d'aller trop loin. Mais c'est justement à cela que cette campagne doit servir avec notre soutien au quotidien.
Numéros d'urgence : 17 ou 112, ou SMS au 114 pour alerter discrètement (ou si l'on ne peut pas autrement) et à l'usage bien sûr des sourds et malentendants.
A partir du 7 décembre, le numéro d'alerte de la SNCF (3117) sera également accessible par SMS, ce qui permettra de signaler une situation d'urgence plus discrètement qu'en téléphonant.
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Priscillia: Notre Combat et sa Victoire contre l'inceste
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lundi, 09 novembre 2015 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le viol n'est pas un jeu télévisé ! [Société]
Le viol n'est pas un jeu télévisé
Il est terrifiant de constater à quel point ceux qui ont de l'influence ne savent pas s'en servir et pire l'utilisent à des fins mercantiles, voyeuristes et/ou afin de renforcer leur popularité.
C'est ainsi que le community manager de la série Plus Belle La Vie s'est permis de solliciter l'avis des internautes sur Twitter au sujet d'une scène de viol conjugal en leur demandant si l'héroïne l'avait cherché ?
Et s'il y a bien une chose dont les victimes souffrent en premier lieu c'est justement de cette forme de culpabilité dont on les affuble et qu'elles ressentent elles-mêmes naturellement.
Entre silence lié aux tabous d'un côté et culpabilisation de l'autre, comment ne pas avoir honte alors que paradoxalement on a rien fait. On a jamais eu autant besoin d'aide et presque tout autour de nous nous désigne comme les seules coupables. C'est à ce terrible non sens qu'il faut mettre fin.
Il n'y a pas et il n'y aura jamais aucune bonne raison de commettre un viol et de se faire violer. Le viol est un crime. Un crime, mais pas une fatalité comme le rappelle Priscillia, victime d'inceste, qui au terme de longues démarches est parvenu à faire condamner l'auteur du viol qu'elle a subi. Un reportage sur France 3 Centre a été diffusé mercredi 2 mars (hélas beaucoup trop tard) pour rappeler des chiffres et des situations dramatiques, mais aussi pour rappeler qu'il y a de l'espoir car la loi, même si elle est lente, s'est mise à jour à ce sujet et qu'avec du soutien et de la volonté on peut se reconstruire.
Le combat pour ma vie par OliviaNG
La victoire de Leonardo Dicaprio aux Oscars 2016 est loin d'être le seul évènement notable de cette soirée. Lady Gaga, elle, en a profité pour sensibiliser l'opinion sur les viols qui ont lieu dans les campus américains avec une chanson live (associée au documentaire The Hunting Ground), accompagnée de victimes de viols. Certaines portant au poignet l'inscription : Ce n'est pas ta faute. Oui car il n'y a effectivement qu'un coupable et c'est le violeur. Aucune excuse, aucun motif ne peut justifier un tel acte. Le viol est un crime, une forme de meurtre parfois puisqu'il tue à petits feux, sur le long terme les personnes les plus fragiles, les plus isolées.
Le titre de la chanson ? Jusqu'à ce que ça t'arrive, car tout le monde doit être sensible à la question et s'y confronter en gardant en tête que ça n'arrive pas qu'aux autres. Si vous avez la chance d'y avoir échappé, peut-être certains de vos proches ne l'ont pas eu sans même que vous le sachiez. Il suffit de voir les statistiques pour s'en convaincre.
Heureusement, il y en a qui se servent positivement de leur influence et qui sensibilisent et encouragent au lieu d'alimenter la perversion.
En Lien
De la condition de la femme violée
Le harcèlement sexiste dans les transports
Priscillia: Notre Combat et sa Victoire contre l'inceste
BONUS
Parce que Lady Gaga - qui n'est pas à un paradoxe près - c'est aussi une robe en steak de boeuf que le groupe Die Antwoord (héros du film Chappie) a épinglé de manière très amusante.
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vendredi, 04 mars 2016 | Lien permanent | Commentaires (2)
Priscillia : Notre combat et sa victoire contre l'inceste [Société]
Priscillia
Notre combat et sa victoire contre l'inceste
J'en parlais encore il y a peu dans un article déguisé en nouvelle titré Helpie. Et voilà que dimanche, lors de la première fête médiévale de Tours (promis, je publierai des photos !), par le plus grand des hasards, un flyer au sol attire mon attention. En découvrant son contenu, j'apprends qu'un rassemblement de soutien est prévu lundi 28 septembre 2015 devant le palais de justice de Tours à 13h30 en faveur de Priscillia, victime d'inceste. Avec ce qu'a vécu ma soeur Lado, le témoignage de plus en plus fréquents de personnes sur des traumatismes similaires et donc mon fameux article, ce fut comme une évidence, je devais m'y rendre.
Priscillia comparaissait aujourd'hui pour porter jusqu'au bout son accusation de viol à l'encontre d'un ami pour le moins instable de ses parents qui âgé de 28 ans a vécu une relation avec elle fortement encouragée par ses derniers et à leur domicile (s'il vous plait) alors qu'elle-même n'avait que 14 ans. Encouragée au point qu'un viol s'est produit en toute impunité.
Porter plainte demande déjà énormément de courage alors engager une procédure aussi longue qu'éprouvante en nécessite encore bien plus. Et tout courage pour faire éclater la vérité et la justice demande un soutien à sa mesure.
Du haut de ses 20 ans, du courage, Priscillia n'en manque pas et nul doute que son expérience saura en inspirer plus d'un(e). De la ténacité également, car elle avait déjà été violée par son demi-frère (condamné pour ces faits) et que le report du présent jugement au mois d'avril a été très éprouvant pour elle, on l'imagine.
Mais en plus du soutien qu'elle a reçu de proches, de sympathisants et d'une équipe très engagée de France 3 Tours, Priscillia a eu la chance d'avoir une avocate efficace pour défendre ses intérêts et d'une juge qui a su s'imposer aux bons moment et le fait est que face à l'immaturité du violeur et à la folie caractérisée de ses deux géniteurs (un père faussement amnésique et une mère faussement handicapée), les occasions n'ont pas manqué. Sordide, est le mot qui vient le plus à l'esprit pour caractériser ce véritable théâtre où n'ont cessé les mensonges, les fabulations et les aberrations en tous genres (les accusés cautionnent allègrement un détournement de mineur sous leur toit tout en niant avoir eu connaissance de ce qui se passait chez eux, la génitrice qui demande des dommages et intérêts à sa fille).
Après un long réquisitoire de part et d'autre, la justice a tranché et elle a bien tranché. Pas de peine de prison (en tout cas dans un premier temps, si les accusés se tiennent tranquilles), mais une culpabilité déclarée et une condamnation officielle avec des dommages et intérêts à verser à la victime.
On peut trouver cela très léger en regard de la gravité du crime et pourtant au vu de ce qui se passe habituellement (les faits ne sont pas récents ça complique forcément les choses pour la victime), Priscillia a réellement gagné, son courage et sa ténacité ont payé. On peut quand même trouver incohérent que le suivi thérapeutique ne soit imposé qu'au violeur alors que les géniteurs ont un passif (des attouchements du géniteur, des enfants placés) et un désordre psychologique des plus inquiétants.
Mais le combat de Priscillia, s'il a eu un dénouement heureux, n'est pas terminé. Parce qu'il faut qu'il serve d'exemple à tous, parce que le tabou doit cesser pour que le viol, quel qu'il soit, cesse d'être un crime protégé, sous-estimé. Nous avons tous une responsabilité. La honte doit changer de camp et la sérénité aussi. Aux violeurs passés et potentiels de trembler, la loi et la justice vous ont à l'oeil, vos proies si vous les attaquez se défendront et vous paierez pour vos crimes.
Soutien pour injustice : Priscillia
Priscillia va prochainement rencontrer Mathilde Brasilier qui a choisi elle aussi de briser la loi du silence dans son livre : Il y avait le jour, il y avait la nuit, il y avait l'inceste.
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Nouvel amendement sur l'inceste
Poussée à 14 ans dans le lit d'un trentenaire
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lundi, 28 septembre 2015 | Lien permanent | Commentaires (4)
De la condition de la femme violée [Société]
Mercredi 25 novembre
Journée de lutte contre les violences faites aux femmes
Rien ne peut justifier un viol et penser le contraire est un crime supplémentaire.
La honte doit changer de camp et la justice doit faire peau neuve.
De la condition de la femme violée
Je vous préviens tout de suite, ça va être du billet plombant. Le genre de truc que vous n'avez pas forcément envie de trouver sur un blog, dans un cyber-endroit où vous avez envie de parler de bouquins, de futilités ou de rigoler comme des baleines pour un jeu de mots foireux. Bref, si vous voulez de la légèreté, sur ce coup c'est mal barré.
Après-demain, c'est la journée de lutte contre le viol et la violence faite aux femmes, et je pouvais pas passer à côté.
Au delà du fait qu'un viol est un événement brutal, violent (comme son nom l'indique, tiens) et qui marque à vie, ce qui me rend malade, c'est ce statut de victime qui te pend au nez et la putain de culpabilité qui va avec. Oui, tu es passée par une étape traumatisante. Oui, tu en as vraiment chié. Non, rien ne sera jamais plus comme avant. C'est vrai. Mais le pire, c'est définitivement l'après : le remord, l'envie de vivre contrebalancée par la honte, l'image que la société va te renvoyer, involontairement ou non.
J'ai été violée. Je ne vais pas rentrer dans les détails, le qui, le quoi, le comment, ça me ferait tomber du côté sordide de la force, ce pathos grand public larmoyant que j'ai en horreur. Après ça, j'ai continué à vivre, tant bien que mal. J'en ai chié d'une façon innommable, je n'ai pas tout de suite choisi d'aller de l'avant. Il m'a fallu trois ans pour arrêter de me flageller chaque jour avec ma supposée culpabilité, pour arriver à retrouver une vie sociale acceptable, pour me réaménager un quotidien vivable. J'essaie de prendre du recul du mieux que je peux, au lieu de lécher mes plaies et de les rouvrir toute ma vie. C'est parfois compliqué, mais je ne souhaite plus être une victime, ni me comporter comme telle.
Et vous savez quoi ? Il m'arrive encore malgré moi de me sentir responsable, et j'ai l'impression que les grandes campagnes nationales organisées contre les violences ne font pas tellement évoluer les mentalités à petite échelle. C'est encore un gros tabou que je vis parfois au quotidien, notamment dans ma famille où il est quasiment interdit d'en parler, alors qu'il ne devrait pas être permis de se réduire au silence. On est dans une société qui t'incite à faire tout un tas de paperasse pour foutre des mecs en taule, tout en te faisant comprendre que ce serait moins dérangeant si tu te faisais toute petite. C'est une contradiction qui m'échappe. Ce qui me gêne, c'est que bon nombre de personnes considèrent que si tu t'es laissée faire, c'est que tu devais quand même être un peu consentante, allez hein, on te connaît. De toute façon, tu portes souvent des jupes, et puis tu fais un peu plus que ton âge, et puis t'as bien accepté d'aller chez lui, tu devais bien te douter que ça allait déraper. Peut être même que tu en avais envie. En plus regarde, tu te mets jamais à pleurer, tu dis toujours que tout va bien, c'est que ça doit être vrai. C'est bon, fais pas ta mijaurée, on le sait nous qu'au fond t'as bien aimé. Tu t'es pas assez battue, t'as préféré te soumettre plutôt que de te faire tabasser à en crever. T'as laissé faire, alors que tu aurais pu te défendre, c'est que tu avais bien envie que ça t'arrive.
Je grossis à peine le trait. Et comme une conne, j'ai fini par y croire. Je me suis laissée tellement bouffer par cette dictature du préjugé que je suis devenue l'ombre de moi même. Longtemps, j'ai été bouffée par cette impression profonde que j'aurais du mourir, que j'aurais du savoir résister. Et je me suis détestée, moi. Détestée d'avoir vécu un acte abject, détestée de ne pas avoir préservé ma dignité, détestée de n'avoir pas réagi à temps et de m'être résignée. Et vous connaissez la meilleure ? En réalité, pendant trois ans, je n'ai jamais pensé à ce connard avec rage, haine ou mépris. Il n'y était pour rien,
j'étais coupable, c'était ma faute. C'était moi. Jusqu'au jour où je me suis dit que la victimisation (autant de la part des auteurs de viol que de la part des proches, des amis, des regards extérieurs), ça suffisait bien un moment.
Alors franchement, soyons honnêtes, être considérée comme la pauvre fille qui s'est fait violer, être regardée de travers parce que tu étais simplement là au mauvais moment, te faire conforter dans ton statut de chose fragile et dévastée, ça n'a pas d'importance finalement. Ça ne devrait jamais en avoir. T'en as réchappé, t'es une survivante. T'empêche pas de vivre à cause de ça, putain. T'es toujours là, alors vis, sois fière de toi, de ce que tu es et de la force qu'il t'a fallu pour te relever. Voilà ce qu'on devrait dire à toutes ces femmes qui ont vécu ce traumatisme, pas seulement se donner bonne conscience en placardant des affiches partout une fois dans l'année.
Voilà ce qu'on devrait nous dire, à toutes. En tout cas, moi, j'aurais aimé.
Source : Misery & Arsenic
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mercredi, 25 novembre 2015 | Lien permanent
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