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vendredi, 25 septembre 2015

Helpie [Nouvelles/Société]

Helpie

(Titre non définitif)

La conférence était sur le point de commencer. La salle était bondée, les retardataires cherchaient leur place. Pour un évènement c’était un évènement. Mais en parlant ouvertement d’un sujet aussi tabou que le viol le Professeur Claude Salvière n’espérait pas faire parler de lui. Son but était tout autre. Il était venu proposer une solution. Là où la justice et le gouvernement s’enlisaient depuis des décennies, lui avait décidé de jeter un pavé dans la mare, de prendre le problème à bras le corps. Et ses premiers mots dans le micro furent le parfait reflet de son intention :

- J’ai la chance de ne jamais avoir subi de viol. Quand on sait qu’un viol est déclaré toutes les quarante minutes,  le mot chance n’est pas exagéré. Mais puisque j’aborde la question des chiffres, autant le faire franchement.
- Selon Amnesty international, 90 % des violeurs ne présentent aucune pathologie mentale et 90 % des condamnés sont issus de classes populaires. Selon les statistiques de la permanence téléphonique nationale Viols Femmes Informations 96 % des auteurs de viol sont des hommes et 91 % des victimes sont des femmes. On ne connait pas le nombre exact d'hommes victimes de viol, on estime à 7-10 % le nombre d’hommes qui ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie en France. La  plupart de ces agressions sont commises par d’autres hommes. Les cas les plus fréquents se retrouvent dans la pédophilie ou le viol en prison. 1 femme sur 10 a été violée ou le sera au cours de sa vie.
Dans 80% des cas, l'agresseur est connu de la victime, et un tiers des viols a lieu au sein du couple.
74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime.
25 % des viols sont commis par un membre de la famille.
57 % des viols sont commis sur des personnes mineures, filles et garçons.
51% des viols sont des viols aggravés.
67 % des viols ont lieu au domicile de la victime ou de l'agresseur.
45 % des viols sont commis la journée et non la nuit.*

Le Pr Salvière prit une longue inspiration avant de lâcher le couperet :

- La plupart des gens réunis dans cette salle ont subi ou subiront un viol au cours de leur vie si nous ne faisons rien pour changer cela.

Dire que cette déclaration jeta un froid dans la salle relève de l’euphémisme. Les corps frissonnaient, les têtes se secouaient comme pour chasser le mauvais sort. Les regards fuyaient ou au contraire se mettaient à suspecter les connaissances, les proches. Le Pr Salvière ne sourit pas, cela aurait été beaucoup trop déplacé, mais il put néanmoins se vanter d’avoir obtenu toute l’attention de son auditoire sans aucune exception.

Au moment propice, il poursuivit :

- Je ne peux qu’imaginer ce que l’on peut ressentir sur le moment et après. Mais le fait est que j’ai très souvent essayé de me mettre à la place des victimes. Et qu’à force de voir des documentaires, d’écouter des témoignages, j’ai fini par comprendre combien le viol était un crime sous-estimé. Car l’acte en lui-même, aussi avilissant est-il, n’est qu’une partie du crime. Il y a l’après. Et cet après est une nouvelle torture qui peut durer toute une vie au point que certaines et certains préfèreront y mettre fin par leurs propres moyens.

- Comment espérer condamner un violeur ? En portant plainte juste après le viol pendant que les preuves existent encore. Oui c’est une course contre la montre. Mais aussi et surtout une nouvelle épreuve qui prend forme. Un marathon de la douleur. La victime n’a pas le loisir de se remettre de son traumatisme. Elle doit le raconter, maintes et maintes fois dans ses détails les plus sordides. Autrement dit, elle doit le revivre de nouveau. Si elle veut réparation, elle n’a pas le choix.  Om me rétorquera que le temps, elles l’ont. La loi a été améliorée en ce sens. C’est vrai, il faut le reconnaître, les victimes ont beaucoup plus de temps qu’avant pour porter plainte. Pour porter plainte seulement. Mais qu’en est-il des preuves ? Car à quoi bon repousser le délai de prescription jusqu’à 30 ans si la difficulté reste la même à la base ? Pour les quelques accusations mensongères en la matière, qu’il ne faut bien entendu pas négliger, les véritables victimes, et la majorité le sont, font hélas les frais de ce remaniement pour le moins à double tranchant.

- Mais pourquoi la plupart des victimes ne portent-elles pas plainte immédiatement ? Pendant que leurs souvenirs sont frais, les preuves implacables ?

- Cette question, je n’ai cessé de me la poser, encore et encore. Les réponses je vais vous les donner, du moins les plus connues :

- Parce qu’elles ont peur qu’on ne les croit pas, parce qu’elles ont honte, parce qu’elles se sentent coupables, parce qu’elles ont été menacées de mort par leur violeur, parce qu’elles connaissaient bien leur violeur ou plutôt croyaient bien le connaître et parce que les tabous qui perdurent sur le viol les réduisent au silence aussi sûrement que si elles étaient des criminelles.

- Ce sont justes des phrases. C’est dérisoire en comparaison du ressenti réel des victimes. Mais ça donne déjà matière à réfléchir. Il y énormément d’efforts à faire en très peu de temps alors que paradoxalement on ne s’est jamais senti aussi vulnérable. C’est normal de ne pas pouvoir y arriver. Ce serait formidable si les victimes pouvaient toutes porter plainte contre leur violeur aussi facilement que pour un simple vol. Mais il faut voir la réalité en face. C’est extrêmement pénible. Déjà pour un adulte, alors imaginez pour un enfant.

- Cette difficulté a un effet pervers dont personne ne parle. Car elle ne cause pas seulement beaucoup de tort aux victimes, elle profite pleinement aux violeurs. Les violeurs connaissent les statistiques, ils savent qu’ils auront peu de chances d’êtes accusés, encore moins d’être condamnés. Et cette conviction leur donne énormément de pouvoir et renforce leur impunité. Oui je le clame haut et fort :

- L’impuissance de la justice et des autorités encourage le viol.

- Mais revenons aux victimes. A leur difficulté de s’exprimer.

- Prenons un instant pour mesurer combien elles sont seules et désarmées. Qui est capable de les aider dans ces moments-là ? Vers qui peuvent-elles se tourner sans craindre un jugement, sans craindre le doute, la suspicion ? Qui pourra les accueillir avec l’écoute, l’empathie qu’elles espèrent, qu’elles attendent, qu’elles méritent ? Comment susciter la confiance en l’humain qu’elles viennent de perdre, peut-être pour toujours ?

 

*source : Planetoscope

 

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Quand les mots me manquent

Soutien pour injustice : Priscillia

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