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lundi, 20 juin 2016

La Chaise [Nouvelles/Fantastique]

 

- Comment vas-tu ? demanda James.

Il tenait Rachel dans ses bras et lui chuchotait à l’oreille comme il avait pris l’habitude de le faire. Il pouvait sentir la douceur de ses longs cheveux flamboyant sous le soleil ainsi que le parfum naturel de sa peau. Il en avait à chaque fois les larmes aux yeux.

- Bien. Mais pourquoi parles-tu toujours si bas? On dirait que tu as peur que quelqu’un t’entende ou nous surprenne. Il n’y a personne dans ce parc, à part nous. Et quand bien même…

James s’essuya discrètement les yeux et sa voix rauque, un peu cassée, se fit à nouveau entendre :

- Excuse-moi, c’est instinctif. Chez moi, je suis un peu à l’étroit. Pas beaucoup d’intimité. Des amis et des voisins peu recommandables et envahissants. C’est un peu l’enfer. Je t’en ai déjà parlé, non ?

Ils étaient assis à même l’herbe. Le jour était encore jeune. Ils pouvaient sentir la rosée sous leurs pieds nus.  Elle se tourna vers lui et caressa les cheveux gris de ses tempes.

- Oui, un peu. Mais j’ai du mal à m'y faire. Pourquoi tu ne déménages pas ?

Il eut un rictus équivoque.

- J’aimerais tellement, si tu savais. Mais j’ai une sorte de… dette vis-à-vis de ces gens-là, une dette qui m’oblige à rester. L’avantage c’est que quand je suis là, avec toi, j’ai un peu l’impression de déménager.

Rachel sourit à son tour. James mesura la chance qu’il avait de pouvoir être en sa compagnie aux heures les plus sombres de sa vie. Mais il ne pouvait se faire à l’idée d’être séparé à nouveau d’elle. Il voulait croire jusqu’au bout à sa rédemption et à ce qu’elle pouvait lui apporter.

Il leva la tête et laissa le soleil baigner son visage creusé par les affres de l’existence.

 

- Tu es encore en retard. Qu’est-ce qui se passe ?

Rachel était déjà assise dans le parc, à leur place habituelle.

James s’installa auprès d’elle. Après quelques secondes d’hésitation, il la serra très fort contre lui.

- Excuse-moi. J’ai beaucoup de mal à trouver le sommeil ces temps-ci et j’ai perdu du temps en chemin. Je suis désolé.

Il l’était manifestement, tant et si bien que Rachel en fut profondément émue.

- Ce n’est pas grave. Tu es là, c’est tout ce qui compte.

Il la dévisagea. Ses yeux étaient embués comme s’il avait retenu des larmes.

- Oui, Rachel. C’est tout ce qui compte.

 

- Pourquoi on ne dormirait pas ensemble ? lui dit-elle un jour.

James observa un autre couple marcher au loin. Il fit glisser ses orteils nus dans l’herbe fraîche et encore humide comme pour se persuader qu’elle était réelle. Les doigts de ses mains faisaient de même sur la peau de Rachel.

- Cela se fera. Un jour. Pour l’instant, c’est impossible.

- Viens habiter chez moi, si tu veux.

- J’aurai encore plus de mal à trouver le sommeil, tu ne crois pas ?

Elle s’amusa de sa réflexion.

- Au moins, nous serions deux à arriver en retard.

Il se racla la gorge pour adoucir une voix qu’il avait toujours jugée trop inhumaine.

- Je t’ai déjà raconté une histoire à propos d’une chaise.

Rachel secoua la tête.

- Non. J’adore les histoires, tu sais.

James se permit de rire.

- Oh, oui. Justement, celle-là va beaucoup te plaire.

Elle se coula davantage contre lui, lui signifiant qu’elle était toute ouïe.

- On raconte que dans le monde des rêves, il existe un objet capable de réunir pour toujours les êtres qui s’aiment d’un amour pur et sincère.

- Le début est très prometteur. Mais c’est quoi cet objet ?

- Une chaise.

- Une chaise ? C’est pas très romantique.

- C’est vrai. Mais c’est une chaise vraiment spéciale.

Il rapprocha ses lèvres de son oreille.

- Elle est magique.

- C’est vrai ? Elle doit être magnifique alors.

Le visage de James produisit un rictus.

- Non, elle est même plutôt hideuse. Mais c’est ce qui fait qu’elle est spéciale. Derrière sa monstrueuse apparence, personne ne peut soupçonner sa véritable nature.

James se dit qu’il en était probablement de même pour lui.

- Excepté les êtres qui s’aiment d’un amour pur et sincère, compléta Rachel avec un enthousiasme évident.

James caressa ses mains.

- Exactement.

Rachel se mit à applaudir.

- Oh, oui, j’adore cette histoire ! Tu avais raison. Vite, vite, la suite !

- La suite, ma douce, c’est à nous de l’écrire.

Elle le dévisagea, perplexe.

- Quoi ?

- Nous devons trouver cette chaise. Ainsi et seulement ainsi, plus rien ne pourra nous séparer.

Elle le scruta comme jamais elle ne l’avait fait. Il fut ravi au plus profond de lui de faire l’objet de tant d’attention.

- Tu es sérieux ? S’enquit-elle.

Il acquiesça.

- Ce n’est pas qu’une histoire. C’est la vérité. Cette chaise existe.

Il vit bien combien Rachel peinait à le croire, malgré la gravité qu’il affichait.

- Mais…où peut-on trouver une telle chaise ? Dans les rêves, tu as dit ?

A nouveau, il acquiesça.

- La bonne nouvelle, c’est que je sais où elle est.

A cette annonce, les yeux de Rachel s’agrandirent comme ceux d’un enfant.

- Où est-elle ?

James appuya un index contre sa tempe.

- Là.

- Qu’est-ce que tu veux dire ?

- Moi seul peux m’y asseoir. Mais cela devrait suffire à lancer le charme et rompre le sortilège qui me tient loin de toi toutes ces heures. Et enfin effacer cette maudite dette qui m’enracine à cet enfer.

- Pourquoi je ne peux pas m’y asseoir ?

Il sourit. Elle avait l’air presque vexé. Au moins, croyait-elle à son histoire. Et c’était tout ce qui lui importait.

- Tu as le cœur trop pur, l’âme trop propre.

- Et toi, non ?

Cette fois, il secoua la tête.

- J’ai fait beaucoup de mal. Je t’ai fait beaucoup de mal, même si tu ne t’en souviens plus, aujourd’hui. J’ai même donné la mort. Et je le paye aujourd’hui.

- Je crois que tout le monde a droit à une seconde chance.

Il l’embrassa.

- Je l’espère, ma douce. Je l’espère de tout mon cœur.

Elle prit son visage entre ses mains.

- Alors, dépêche-toi de trouver cette chaise.

- C’est mon vœu le plus cher. Et il se réalisera. Rien ne peut l’empêcher, désormais.

Il l’embrassa à nouveau, des larmes plein les yeux.

Un claquement métallique le sortit violemment de sa torpeur. Il comprit qu’il était revenu en enfer. Une voix se fit entendre, comme jaillie d’outre-tombe :

- James Stingray. C’est l’heure.

La porte s’ouvrit. Il se leva. Il avait les mains moites. Le corps entier, en fait. Comme s’il s’était roulé nu dans la rosée. L’image le fit sourire avant de lui faire mal.

Il retrouva rapidement une contenance. Il ne devait rien montrer. Il ne leur ferait pas ce plaisir. Il en avait assez bavé comme ça devant leurs yeux. Ils s’étaient repus tant de fois de sa douleur. Il était grand temps de dire adieu à tout cela. Une autre vie l’attendait.

Il quitta la pièce et emprunta l’interminable couloir, escorté par une armée de gardiens. En route vers la chaise. La chaise magique.

 

 

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