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mardi, 30 avril 2013

J'y suis, j'y reste ! [Nouvelles/Humouroïde]

Elle s’est débarrassée de tous ses démons. Sauf d’un.

 

J’y suis, j’y reste !

 

Une comédie sur la possession démoniaque et toutes ces petites tracasseries de l’adolescence.

 

1- L’exorcisme n’est pas une science exacte

 

Mme Zuckerman fit entrer les deux hommes d’église dans le hall.

Après de rapides formules d’usage, le Père Francis trancha dans le vif du sujet :

- Rappelez-moi son nom.

- Zoé, répondit la mère éplorée entre deux sanglots. La pauvre. C’est horrible ce qui lui arrive. Je…

- Quel âge a-t-elle ?

- Dix-sept ans.

Chouette ! songea le jeune Frère Matthieu. Enfin une cliente dans mes âges. Cette fois, je vais enfin peut-être pouvoir me caser.

- Est-ce que c’est grave d’après vous ? s’enquit Mme Zuckerman.

En grand professionnel, le Père Francis la rassura immédiatement :

- Elle est jeune et encore très pure. Que Dieu nous vienne en aide. Elle doit souffrir le martyre.

Et la mère de refondre en larmes.

Le Père Francis songea que c’était le bon moment pour s’atteler à la tâche.

- La chambre, s’il vous plaît ?

La mère leva un index pour indiquer l’étage sans cesser de pleurer.

Le Père Francis allait prendre congé lorsqu’une idée lui traversa l’esprit.

- Qu’a-t-elle mangé à midi ?

La mère se moucha bruyamment dans l’étole du prêtre avant de répondre :

- Du cassoulet.

Le Frère Matthieu interrogea du regard son mentor qui se contenta de dire :

- Vous comprendrez le moment venu.

 

Les deux hommes gravirent l’escalier et empruntèrent le couloir en direction de la chambre. Ils avaient l’air déterminé. Leur expérience et leur foi n’allaient pas être de trop pour sortir victorieux de ce combat avec les forces du mal. Ils dégainèrent chacun un crucifix d’une taille peu orthodoxe présentant ça et là quelques améliorations pratiques telles qu’un silencieux – pour ne pas déranger le voisinage -  un barillet douze coups – pour célébrer la messe de minuit – ainsi qu’une crosse argentée pour bénir avec conviction les créatures de la nuit un poil trop entreprenantes.

Après avoir visité la chambre de Mme Zuckerman, le débarras, la chambre d’amis et les toilettes, les deux soldats de Dieu trouvèrent la bonne porte et armés jusqu’aux Dante, ils pénétrèrent dans la fosse aux lions tels deux gladiateurs des temps modernes en sandales et…soutane.

Comme pour coller au mieux à la métaphore susdite, la jeune Zoé rugissait sur son lit. Frère Francis fut d’autant peiné de la voir si métamorphosée, elle qui paraissait si jolie sur la photo montrée par sa mère. Le visage de l’adolescente était couturé de cicatrices purulentes. Ses cheveux étaient une végétation immonde à l’aspect huileux et son regard n’avait rien à envier à celui d’un requin un jour de disette. Les deux hommes se réfugièrent aussitôt derrière leur crucifix et leur foi inébranlable. Le démon s’en moquait bel et bien.

- Salut les tafioles ! Si c’est pour une partouze, revenez dans une heure, j’inviterai quelques succubes !

Un rire atroce – plus désagréable pour une oreille qu’un ongle incarné pour un doigt de pied – ponctua sa provocation. Les deux hommes campèrent bravement sur leur position :

- Vade retro satanas !

Mais le démon n’était pas né de la dernière pluie acide :

- Ouais c’est ça, va te faire voir chez les grecs !

Comme pour montrer de quel bois il se chauffait, il fit tourner la tête de la jeune Zoé à trois cent soixante degrés. Ce qui évidemment était une chaleur infernale.

- Elle est possédée ! hurla le Père Francis.

C’était totalement inutile, mais le Père Francis était un ecclésiaste qui prenait sa vocation très au sérieux et qui avait surtout le sens du spectacle comme personne.

- Un démon majeur ! ajouta-t-il pour plus d’effet.

Il commença à réciter des psaumes de la bible en se prenant pour David Copperfield…ou Merlin l’Enchanteur, enfin un magicien très renommé.

L’adolescente le fusilla de ses yeux maintenant reptiliens et sa voix grondante se fit entendre :

-Ta mère est une…

Père Francis la musela à temps en croisant ses index sur ses lèvres. Rapidement, il se tourna vers son disciple :

- Donnez-moi le bénitier !

Mais Frère Matthieu n’eut pas le temps de s’exécuter. L’adolescente repoussa le barrage improvisé et se retournant, expulsa un pet d’une violence inouïe sur l’éminent exorciste. La force de l’attaque fut telle que le Père Francis traversa la fenêtre de la chambre dans un déluge de verre. Il voltigea comme une poupée de chiffon avant d’embrasser le tronc de l’arbre le plus proche avec son entrejambe.

Frère Matthieu se pencha par la fenêtre avec un grand sourire :

- Ca y est ! Je viens de comprendre pour le cassoulet !

Ceci fait, il reporta son attention sur la jeune fille qui en avait profité pour grimper au plafond. Elle se prenait maintenant pour une araignée, marchant avec les pieds et les mains en une suite de mouvements hideux, saccadés, la tête complètement retournée.

- Euh, fit Frère Matthieu, tétanisé par cette vision blasphématoire, tu devrais arrêter la gymnastique sans filet. C’est très dangereux, tu sais. Et puis tu vas attraper un torticolis à force de…

A nouveau le démon fit entendre sa voix terrifiante comme sortie d’outre-tombe :

- T’as pas de couilles, cul béni ! Va rejoindre ta copine en robe ou je te saigne comme un mouton à la fin du ramadan !

Mais c’était mal connaître Frère Matthieu. Conscient qu’il était désormais le seul rempart entre cette entité maléfique et la vie de la fragile Zoé, il prit son courage à deux mains et sauta par la fenêtre. Ce qui, vous en conviendrez, demandait énormément de sang-froid étant donné la hauteur.

Frère Matthieu roula d’abord sur le toit de la véranda, ce qui amortit considérablement sa chute. Une fois relevé, il s’épousseta brièvement et récupéra son mentor toujours au sol.

- Père Francis ?

Il y eut un silence inquiétant, puis un gémissement s’éleva.

- Plus maintenant, répondit l’intéressé d’une voix de castrat.

 

Mme Zuckerman regarda la voiture des deux prêtres s’éloigner à vive allure. Sa dernière chance venait de partir en fumée d’échappement. Ses épaules s’affaissèrent.

Voyant les crises d’épilepsie de sa fille s’intensifier de manière inquiétante, et la médecine traditionnelle ne pouvant y remédier, elle s’était tournée vers la religion, en désespoir de cause.

Elle comprit qu’elle devrait elle-même prendre les choses en mains.

Après une grande inspiration, elle monta à l’étage et frappa quelques coups timides à la porte.

- Oui ? fit la voix reconnaissable de Zoé.

Intriguée, la mère poussa la porte et posa prudemment un pied dans la chambre.

Zoé était assise à son bureau. La fenêtre cassée laissait entrer le vent qui soulevait indifféremment les rideaux et les cheveux châtains de la jeune fille absorbée dans la lecture d’un livre.

- Ca va, ma chérie ?

L’intéressée releva le nez et sourit.

- Oui, je finis mes devoirs.

Mme Zuckerman était au comble de la stupeur. On le serait à moins.

- Mais…tout à l’heure…

Zoé haussa les épaules :

- C’était rien, juste une petite crise. Je vais beaucoup mieux, maintenant. L’adolescence, tu sais ce que c’est !

 

2- Voix intérieure

 

- Tu vois, fit le démon, lorsque la mère regagna le rez-de-chaussée, maintenant elle va te foutre une paix royale et faire sans doute tes quatre volontés.

Zoé mordit l’extrémité de son crayon.

- Ouais, mais j’aime pas lui faire ça. C’est…mesquin.

- Mesquin ? Et te priver d’argent de poche parce que t’as foiré un devoir à la con t’appelles ça comment ?

Zoé ne dit rien. Le démon en profita pour renchérir :

- Ta mère utilise les armes qu’elle a, en l’occurrence le chantage, et toi tu utilises les armes que tu as, en l’occurrence…moi !

Il joignit ses mains sous son menton et sourit de toutes ses dents.

- Elle n’a aucune chance !

Il s’esclaffa sans retenue.

Zoé se leva brusquement de sa chaise et contempla sa glace sur pied comme dans l’espoir de visualiser son interlocuteur.

- Mais qu’est-ce que ça te fait d’être à l’intérieur de moi ? Pourquoi t’es si bien ?

Son ton se radoucit. Comme si elle essayait vraiment de le comprendre.

- Qu’est-ce que tu ressens ?

- Ah, coquine, tu veux savoir, hein ? Très bien, je vais te donner une image très parlante pour toi. Tu sais cette sensation de bien-être qui t’envahit le matin quand tu es confortablement installée dans ton lit douillet et que le réveille se met à sonner pour te rappeler qu’il faut que tu ailles au lycée ?

La jeune fille savait très bien de quoi il parlait. Elle ferma les yeux et poussa un gémissement.

- Ouiiiii…

- Multiplie ça par 9 !

Elle ouvrit les yeux :

- A ce point là ?

- Tu sais, c’est un peu comme comparé un orgasme masculin avec un orgasme féminin.

- Toi non plus t’es pas le roi de la métaphore.

- Là c’était une comparaison, chérie. Une métaphore c’est une comparaison sans outil de comparaison. Et c’est toi l’étudiante !

Il poussa un soupir à fendre l’âme.

- Ne fais pas ça ! C’est désagréable.

- Je te rappelle que je ne suis pas ton ange gardien !

- Ca , je suis pas prête de l’oublier.

Zoé s’assit sur son lit et contempla le ciel à travers sa fenêtre.

Qu’avait-elle fait pour mériter un tel sort ? Elle n’était franchement pas la pire adolescente du monde. Elle mentait de temps en temps, faisait gueuler sa stéréo et passait beaucoup trop de temps sur Internet, c’est vrai, mais en dehors de ça, elle était vraiment pas une fille à problèmes. Elle avait arrêté de fumer, elle mangeait moins entre les repas et elle ne piquait plus le maquillage de sa mère. Vu comme ça, elle était même pas loin d’être une adolescente modèle. Alors pourquoi Dieu, dans sa grande miséricorde, aurait-il voulu la punir ainsi ?

Peut-être parce que tout simplement elle ne croyait pas en lui.

- Tu sais, reprit le démon, aussi intime avec ses pensées qu’un escargot avec sa coquille, tu seras sûrement plus heureuse de vivre avec quelqu’un comme moi plutôt qu’avec un de tes semblables. Réfléchis un instant. Je te coûte rien, je prends pas de place, je peux t’aider à faire fuir les connards prétentieux qui te tournent autour et cerise sur le chalumeau, je te comprends comme personne sur cette Terre. Si ça, c’est pas un plan d’enfer !

- Tu prends pas de place ? Mais tu délires ! T’es collé à moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! A côté de toi, un kidnapping c’est des vacances scolaires !

- Pas géniale la métaphore.  Tu aurais vraiment dû prendre la filière scientifique.

- Ta gueule, Lucifer ! T’es pas mon père !

- Dieu m’en préserve.

Le démon sembla méditer un instant.

- Lucifer, c’est prétentieux. Et puis je n’aime pas être associé à une personnalité.

- C’est vrai que je ne t’ai pas encore donné de nom.

- Plaît-il ? Tu me prends pour ton ami imaginaire ou ton animal domestique ?

- Ce serait quand même plus pratique si tu avais un nom bien à toi.

- Pourquoi ? Moi je ne t’appelle jamais par ton prénom.

- Non, tu m’appelles chérie et je déteste ça.

- Alors appelle-moi ton grand fou et on sera quitte !

Il gloussa.

Elle l’ignora.

- Tu m’as jamais dit pourquoi ni comment tu étais entré chez moi.

- Tu veux dire en toi, chérie.

- Arrête ! Je supporte pas cette idée.

- A notre niveau, c’est plus qu’une idée, mais passons, je comprends. Je suis plus ouvert que tu crois.

- Moi aussi visiblement. C’est pas pour autant qu’il fallait entrer.

- Et bien, c’est marrant ce que tu dis, mais c’est précisément comme ça que ça se passe. Nous, les démons, on ronge notre frein comme on peu dans une dimension où y a aucune distraction digne de ce nom. C’est un peu comme attendre des heures dans une salle d’attente, sauf que dans notre cas, c’est souvent une éternité. Et puis, sans crier gare, une porte va s’ouvrir. Certains la verront, d’autre pas. Mais le fait est qu’un seul pourra entrer. Le plus rapide évidemment. Ou le plus déloyal.

Il sourit.

- Moi, j’ai jamais été un pro de la vitesse.

- Tu veux dire que vous savez jamais dans quel corps vous allez atterrir ?

- Et bien, tout dépend de ton statut social. Il y a une hiérarchie très stricte chez les démons. Il y a les VIP et il y a les autres. Moi je serais plutôt SDF. Ce qui fait que je prends ce qu’on me donne, je ne fais pas le difficile. Pouvoir à nouveau épouser une existence terrestre, même à travers un autre corps est déjà une énorme chance en soi. Je mesure très bien ma chance. Et d’être tombé sur toi, chérie, ça tient même carrément du miracle.

- Je sais pas si je dois rire ou pleurer.

- C’est souvent la même chose, au final.

Zoé se retourna vers sa glace, une manière pour elle de signifier qu’elle était très à l’écoute du démon.

- Ce que tu sais, la façon dont tu parles, t’as été un humain avant, c’est obligé !

- On joue au jeu de la vérité, c’est ça ? Ok, je vais tout te balancer, chérie. Accroche-toi à ton string !

- Je porte pas de string.

- Quoi ? Tu veux dire que t’as le cul à l’air ?

- Mais non, j’ai une culotte, espèce d’obsédé !

- Ah, merde, c’est con. Bon comme tu l’as compris, je suis pourri par le vice. Et en fin de compte ça a toujours été le cas, même quand j’étais humain. Ceci explique cela. Mes multiples réincarnations n’ont rien changé. Mon karma est descendu si bas qu’à un moment donné, il a bien fallu statuer sur mon sort. Et t’imagines bien qu’avec un CV comme le mien, j’allais pas squatter chez Saint-Pierre.

 

3- Un vœu peut en cacher un autre

 

Depuis plusieurs heures déjà, Frère Matthieu compulsait un ouvrage aussi important que maudit (sa couverture était réputée en peau de fesse humaine) dont le titre avait tendance à échapper, même aux plus érudits. Ca se terminait par « Con », c’était bien tout ce qu’on arrivait à en retenir et c’était suffisant pour s’en tenir éloigné. Seulement, depuis sa récente confrontation avec le démon, le jeune Frère Matthieu n’avait qu’une seule idée en tête : se taper la petite Zoé sur laquelle il avait…, Frère Matthieu n’avait qu’une seule idée en tête : vaincre cette créature de l’Enfer et libérer la jeune Zoé de son emprise. A tel point qu’il était prêt à braver l’interdit. Tout à sa tâche, il n’entendit pas le visiteur entrer dans la bibliothèque.

- Frère Matthieu, ne touchez pas à ce livre, les pages sont empoisonnées !

- Quoi ?

Le Père Francis se plia en deux. Il était hilare.

- Vous auriez dû voir votre tête !

Amusé plus que contrarié, Frère Matthieu croisa les bras sur sa poitrine d’un air bravache :

- Père Francis ! Je vous trouve très boute-en-train en ce moment, particulièrement depuis notre récente déconvenue.

L’intéressé se rapprocha. La remarque eut le don de soigner son hilarité.

- Oh, ne prenez pas de gants avec moi, mon jeune disciple. Vous pouvez parler d’échec, car c’en était bel et bien un.

Frère Matthieu referma le livre avec précaution – en prenant soin de corner la dernière page consultée – puis il descendit de l’estrade, en haut de laquelle reposait, sur un piédestal serti d’un oreiller de velours rouge sang,  le bouquin à la …Con.

- Soit, mais dans ce cas, je l’assumerais avec vous jusqu’au bout.

Ils se firent la bise, puis une poignée de main secrète qui leur occasionna une foulure au poignet.

- C’est heureux, reprit Père Francis, car je venais justement vous annoncer une entrevue avec Monseigneur Fustigé, notre bien-aimé supérieur.

Le visage de Frère Matthieu se crispa.

- J’imagine qu’il n’est pas très fier de nous.

Il n’attendit pas la réponse et désignant du menton l’entrejambe de son mentor :

- Et votre…blessure ?

Père Francis secoua la tête avec dépit :

- Ah, mon cher frère, je crains de ne plus être en capacité de faire des enfants.

Il s’esclaffa sans retenue avant de reprendre graduellement son sérieux.

- C’est encore un peu douloureux quand j’urine, mais sinon…

- Vous voulez que je vous la tienne ?

Père Francis se figea comme foudroyé :

- Je vous demande pardon ?

Frère Matthieu indiqua la porte face à eux.

- Cela vous plairait-il que je vous tienne la porte, Mon Père ?

- Ah ! Désolé, j’avais espéré, je veux dire, compris autre chose.

Ils s’engagèrent alors dans une longue succession de couloirs interminables qui heureusement étaient décorés avec beaucoup de goût, mais surtout avec beaucoup de symboles et autres références liturgiques.

- J’aime beaucoup cette partie du musée, pas vous, Frère Matthieu ?

Ce dernier fut estomaqué par cette déclaration.

- Mais Mon Père, nous ne sommes pas dans un musée. Nous ne l’avons jamais été. Ceci est notre sainte résidence, la Maison Angélique de la Foi Inquisitrice Absolue. Ne me dites pas que vous avez oublié !

Le Père Francis se frappa le crâne avec vigueur :

- Sacré nom du Père, du Fils et de tout le saint-frusquin ! Ma mémoire me joue encore des tours.

- Ce n’est pas la première fois. Cela m’inquiète quelque peu. N’auriez-vous pas contracté Alzheimer ?

Père Francis fusilla du regard son jeune protégé :

- Je vous en prie, au nom de Marie-Antoinette, Notre Sainte Vierge, ne prononcez pas le nom de ce démon en ces lieux ! Vous risquez tout bonnement l’excommunication majeure !

 

Après quelques échanges insignifiants sur le décorum de leur profession et l’avenir de la soutane trouée faisant fureur en Europe de l’Est, les deux ecclésiastes parvinrent au bureau de Monseigneur Fustigé.

Ce n'est qu'après force embrassades, câlins et séances de pouillage que l’entrevue put seulement commencer. L’Archevêque était un homme sage et son érudition autant que sa capacité à ne pas se pochtronner  le soir pour supporter sa condition d’homme vertueux, faisaient toute l’admiration des membres de l’Eglise regroupés au sein de la MAFIA, enfin de la Maison Angélique de la Foi Inquisitrice Absolue, hum…

Les trois hommes prirent place de part et d’autre du bureau.

Mgr Fustigé craqua ses dix doigts comme il avait coutume de le faire avant de les apposer et d’y appuyer son menton volontaire.

- Messieurs, mes cher Frères, nous voilà réunis aujourd’hui pour définir la date de la prochaine compétition de boules qui aura lieu dans notre enceinte. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que l’année dernière, notre cuisante défaite contre le Monastère du Bois de Cèdre a mis le feu aux poudres, si je puis m’exprimer ainsi. Nous n’avions déjà plus tellement la cote auprès du Pape, mais alors depuis cet évènement, je ne vous cache pas que ses SMS et ses Tweets à mon encontre sont de plus en plus incisifs. Nous devons absolument redorer notre blason. Son estime est vitale pour le maintien de notre budget, vous le savez.

Les deux prêtres se dévisagèrent, visiblement très surpris du contenu de l’entrevue. Le Père Francis crut bon de faire écho à leur perplexité :

- Pardonnez-moi, Monseigneur, j’entends bien votre supplique, mais ne devions-nous pas, dans un premier temps, débriefer sur l’exorcisme disons…contrarié de la jeune Zoé Zuckerman ?

Mgr Fustigé ouvrit la bouche et commença à rougir. Frère Matthieu jugea que c’était là l’occasion idéale de circonscrire son embarras en même temps que de revendiquer une requête toute personnelle :

- Je me porte volontaire pour procéder à nouveau à l’exorcisme de la jeune Zoé Zuckerman. L’échec de notre première tentative n’est imputable qu’à moi et à moi seul, aussi vous me feriez grand honneur d’accepter de m’envoyer seul à cette mission dans laquelle je mettrai tout mon cœur, soyez-en certain.

Mgr Fustigé, ayant retrouvé toute sa contenance, plaça ses deux index sur ses lèvres avant d’annoncer d’un ton cérémonieux :

- Malgré toute votre bonne volonté, Frère Matthieu, qui je dois l’avouer fait grand plaisir à voir, je ne peux décemment pas vous laisser y retourner seul. Le Père Francis étant encore trop incommodé par sa…blessure, je vais donc vous adjoindre le Père Louis qui a lui aussi quelque expérience avec la faune démonique.

Le Frère Matthieu en fut évidemment fort contrit.

- Merde, c’est pas encore cette fois que je vais pouvoir me caser, moi !

- Je vous demande pardon ?

- Toutes mes excuses, Monseigneur. Je croyais sincèrement être en tête à tête avec moi-même.

Le Frère Matthieu, très remonté, s’adressant à l’auteur :

« A l’avenir, je vous serais très reconnaissant d’offrir l’intimité exigée à mes pensées les plus personnelles, ô créateur facétieux, entre les mains duquel nos vies ne sont que de simples écrits. »

« Mais vous le savez mieux que quiconque, Frère Matthieu. Les voies du Seigneur, elles, sont impénétrables », répondit l’auteur avec une ironie plus qu’évidente.

- Un souci ? s’enquit Mgr Fustigé.

- Non, rien, je réglais seulement un léger cas de conscience.

- Bien, alors dans ce cas, passons aux choses sérieuses, voulez-vous. Messieurs, mes cher Frères, nous voilà réunis aujourd’hui pour définir la date de la prochaine compétition de boules qui aura lieu dans notre enceinte. Je ne vous cache pas que l’année dernière…

 à suivre...

 

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