dimanche, 30 septembre 2012
Le Goût du Sang [Fanfic Far Cry 3]
Tapi dans les herbes hautes, Stripes s’immobilisa soudainement, repérant enfin sa proie. Posté à seulement quelques mètres de lui, le cerf arrachait une énième touffe de fougères censée lui remplir une bonne fois pour toutes l’estomac, la faim ayant pris le pas pour un temps sur ses sens. Dommage pour lui.
Les muscles tendus, Stripes préparait son attaque, s’apprêtant à bondir. Il n’aurait qu’un seul essai, une tentative unique où les détails décideraient s’il pourrait savourer la fin d’après midi rassasié ou s’il lui faudrait repartir à la chasse le ventre vide. Le faible vent soufflant à travers l’épais couvert de la forêt jouait en sa faveur, lui apportant les effluves de sa future victime sans que celle-ci ne se doute de sa présence. Ses griffes rétractiles raclèrent l’humus sous l’effet de l’excitation, l’instinct du chasseur. Bientôt il accomplirait une fois de plus ce que lui imputait sa seule raison d’être. Tuer.
Le jeune cervidé releva la tête brusquement, sans cesser de ruminer. Ses deux oreilles s’étaient dressées : il était sur le qui-vive. C’était le moment clé : bondir ou ne pas bondir ? Attaquer prématurément ou patienter et risquer de voir la proie détaler. Stripes était jeune, presque autant que l’animal sur lequel il avait jeté son dévolu. Il était un prédateur, certes mais manquant d’expérience. Les années perfectionnerait sa technique s’il survivait jusque là mais il avait encore beaucoup à apprendre, notamment d’où venait cet étrange remugle qui lui agaçait les narines tout comme celles du cerf.
Le projectile jaillit des fourrés en sifflant, heurtant l’artiodactyle en pleine tête, juste au niveau des tempes. L’animal s’écroula sans autre bruit que celui, mat, de sa chute sur le sol boueux, un long filet de sang lui coulant le long des lèvres. Ce qui venait de se passer, Stripes ne l’avait pas compris : la bête devant lui était morte, il le sentait, mais pas à cause d’un de ces bâtons crachant bruyamment le feu que portaient les êtres à deux pattes. C’était quelque chose de différent. La seule chose que son esprit animal avait définitivement intégré, c’était que le cerf n’attendait que lui. La viande. La nourriture. Mais alors qu’il se relevait, une forme fluette émergea des taillis en grondant, lui arrachant un feulement de frayeur.
Cette chose puait. Elle sentait la pourriture. La mort. Bien décidé à s’approprier le cadavre encore chaud du cerf, Stripes gronda, dévoilant sa dentition effrayante en signe de défi. Que cet ennemi accepte son duel et le meilleur gagnerait le droit de vivre. Pour toute réponse, la créature poussa un cri assourdissant, tout en portant sa patte à la hauteur de sa cuisse. L’éclat luisant de l’objet mortel fit baisser la tête à Stripes alors que la morsure ardente de la balle lui frôlait le haut du crâne, brûlant sa chair et sa fourrure. Terrifié face à un pouvoir contre lequel il était inutile d’espérer vaincre, le tigre fit demi-tour la queue entre les jambes, disparaissant dans la végétation épaisse. Cette expérience lui avait au moins appris une chose : la prochaine fois qu’il sentirait cette odeur, il oublierait sa faim pour espérer rester en vie.
Le canon de son 9mm encore fumant, le sauvage regarda le fauve détaler avec un sourire cruel. Rien ne lui résistait, pas même le roi de la jungle. Rien de plus qu’un tas de chair pathétique, tout comme celui qu’il s’apprêtait à éviscérer. Récupérant sa machette solidement encastrée dans la boîte crânienne du cerf, l’homme passa sa main sur le dos de la créature, caressant le pelage doux qui couvrait le cou. A la hauteur de la gorge, il y enfonça la lame de son arme, perçant la chair pour arracher un gros morceau de viande. Portant l’amas gluant à sa bouche, il y mordit avec force, laissant le sang poisseux s’amalgamer aux poils hirsutes de sa barbe alors qu’il mâchait bruyamment. Une goutte lui glissa le long du cou, terminant sa course au niveau du torse là où se trouvait l’œil droit du chevreuil tatoué à même sa poitrine. Sous la représentation de l’animal, quatre lettres noires vaguement stylisées indiquaient son nom. Buck.
Sa vie n’avait pas toujours été facile. En particulier quant son père avait décidé de s’occuper de lui. Personnellement. Une brute, un véritable tyran trouvant plaisant de faire souffrir le fruit de ses propres entrailles. Coups, gifles, punitions dégradantes… Bradley avait tout subi. Combien de fois son géniteur l’avait-il rabaissé plus bas que terre, lui servant à dîner ce qu’il restait d’un rat trouvé mort dans un recoin de la cave. « On est ce qu’on mange.» ricanait-il en savourant son filet de porc, ravi de voir son fils contraint d’avaler ce qu’il daignait lui offrir, afin de ne pas mourir de faim. « Jamais tu ne seras un homme. ; s’empressait-il d’ajouter ; Tu es et resteras un immondice. Une merde de plus dans ce monde.». Un déchet humain auquel il avait eu le déshonneur de donner la vie.
Du haut de ses huit ans, Bradley Simons n’avait pas compris ce que sous entendait l’amabilité feinte de son père le jour où celui-ci lui avait proposé une balade en forêt. Une partie de chasse. La première fois que son père lui adressait la parole en prononçant autre chose qu’une insulte à son égard. Naïf, il avait accepté bien sûr, inconscient des motivations de son géniteur. Et ce même quant il avait repéré le fusil adossé au siège arrière une fois monté dans la voiture. Ils avaient roulé longtemps, jusqu’au plus profond des bois. Ensuite, il lui avait fallu marcher plusieurs heures dans une forêt où chaque arbre ressemblait à son voisin. L’endroit idéal pour se perdre. Ou se débarrasser définitivement de quelque chose.
Son père s’était finalement arrêté, essoufflé, reprenant sa respiration alors qu’avachi contre un arbre. Bradley l’avait regardé sans ciller, les doutes l’ayant assailli de plus en plus violemment au cours de la ‘promenade’. En découvrant son regard, son père avait levé son canon de son arbre, le portant à la hauteur à la tête de son fils. « J’aurais du avoir cette idée depuis longtemps… ; avait-il clamé, le doigt collé à la détente ; Qu’est-ce que j’ai été con de ne pas y avoir pensé… ». Et c’est au moment où il allait presser la gâchette qu’il avait surgi de nulle part.
Le chevreuil l’encorna avec force, probablement dans le but de défendre son territoire. Sous la puissance du choc et alors que les bois acérés du cervidé perçaient sa chair, le père de Bradley avait fait feu avant de lâcher son fusil. Surpris, l’herbivore avait pris la fuite aussi rapidement qu’il était apparu, effrayé par la détonation. Tout en gémissant, la main plaquée contre son flanc blessé, le père de Bradley avait cherché des yeux son arme. Après quelques secondes, il avait levé la tête, la découvrant entre les mains de son fils. Qui continuait à le fixer. La douleur imprimée sur son visage avait subitement fait place à la peur. Une frayeur viscérale face au monstre qu’il avait créé. Il eut beau ouvrir la bouche, le second coup de feu couvrit son hurlement.
Bradley avait observé durant de longues minutes les yeux morts de celui à qui il devait la vie, ses doigts comme rivés au manche du fusil de chasse. Terrassé par ses émotions, il s’était finalement écroulé et avait fondu en larmes. Quant, après quelques heures, la faim avait commencé à le faire souffrir, il avait contemplé les alentours, incapable de savoir comment retrouver son chemin. Paniqué, il avait fini par avouer que même mort, son père finirait par avoir raison de lui. Et c’était justement ce sentiment de désespoir qui avait brutalement tout changé. Oh, il survivrait à ces bois, il le savait. Pour cela, il lui fallait juste devenir un homme.
Le cuissot écorché du cerf sur l’épaule, Buck reprit la direction de sa cabane, habilement dissimulée sur le flanc est de la partie nord de l’archipel. Le sang dégorgé par la viande imbibait sa veste en jean délavé, et ne tarderait pas à agrémenter le remugle immonde qu’il charriait avec lui partout où il allait. Cette odeur de mort, il avait fini par l’apprécier. Elle faisait partie de son être. Une composante à part entière. Après cinq petites minutes de marche, il déboucha sur la clairière où trônait sa case, longée par les piliers à ciel ouvert où pendaient les restes pourrissants de ses précédentes victimes. Chassant d’un coup de pied un jeune komodo alléché par le fumet qu’exhalaient les carcasses en partie décomposées, Buck s’apprêtait à accrocher son gigot au milieu des dépouilles impossible à identifier quant un bruit le fit brusquement se retourner, machette à la main. Derrière lui, il découvrit le visage terrifié de Manuel, l’un des gosses du village de Rajanaki, sous la houlette de Vaas. Lisant la frayeur dans les yeux paniqués de l’émissaire du chef des pirates, Buck se mit à sourire.
La bouteille que présenta le môme déclencha une réaction brutale chez le sauvage, arrachant l’objet des mains du garçon pour en contempler l’étiquette. C’était du vrai. Du vrai alcool. Un bourbon. Venu d’au-delà des îles. Pas une de ces boissons de riz ou de fruits fermentés que produisaient les indigènes : un pur produit de la civilisation, dont le label rédigé en français garantissait la qualité et la provenance. Tendant le cuissot de cerf au gamin, il le regarda hésiter pour s’enfuir ensuite à toutes jambes, terrorisé. Tant mieux… pensa-t-il en regagnant sa demeure. Ainsi, il aurait à boire et à manger.
Deux randonneurs avaient fini par tomber sur lui. La police avait suivi et à chaque fois ces mêmes yeux effarés. Dégoûtés. Ils en auraient presque oublié le meurtre, seul avait compté l’acte. Persuadés qu’il avait basculé, les responsables l’avaient mis sous surveillance psychiatrique ou les questions se suivaient pour sans cesse se répéter. Pourquoi ? Et à chaque fois, Bradley restait muet. Ils n’auraient pas compris. Il avait survécu, et c’était tout ce qui comptait à ses yeux.
En âge de quitter le foyer, il avait erré sans but dans les rues de la petite ville où il avait vu le jour. Les ruelles étaient devenues son antre, son refuge. A la première occasion, il s’était tatoué lui-même le torse. Le dessin, finement réalisé, représentait un chevreuil, le même qui lui avait sauvé la vie. Quant aux quelques lettres griffonnées à même sa chair, elles ne décrivaient pas l’animal mais bien son nouveau nom. Le même que celui de son père. Un premier trophée auquel viendrait s’ajouter bien d’autres.
Portant la bouteille à ses lèvres, Buck en avala une gorgée, l’alcool lui brûlant agréablement la gorge. Son esprit déjà malade affaibli par l’alcool trouva cependant la force de régurgiter une unique question : d’où provenait cette boisson ? Comment Vaas se l’était-il procurée ? Les échanges auxquels se livraient les deux hommes n’étaient qu’un prétexte habile visant à les maintenir alliés. Tous deux étaient dangereux, deux prédateurs destinés à chasser sur le même territoire mais qui avaient trouvé le moyen de s’entendre. D’éviter une compétition fatale. Chacun savait de quoi l’autre était capable et gardait ses distances. Vaas avait raison de le craindre : il l’avait vu à l’œuvre. Sans attendre, il avala une nouvelle gorgée du liquide ambrée avant de succomber au sommeil.
Il avait fini par recommencer. Une seconde fois. Le type lui avait cherché des noises, lui disputant son recoin de crasse au fin fond d’une impasse. Une loque comme lui. Comme les douze autres auxquelles il avait déjà ôté la vie. Les hommes n’étaient pas si différents des porcs, en fait. Même bêtise, même prévisibilité. Même leurs cris se ressemblaient au moment de la mise à mort. Le seul vrai détail qui différait, c’était leur goût. Celui-ci avait été si savoureux. Il avait fait de lui un vrai homme. Après tout, « on est ce qu’on mange »…
Un bruit au loin tira Buck de sa somnolence. Les paupières encore collées, il émergea hors de sa cahute, observant l’horizon à travers les palmiers. Sur la mer d’huile, un gros bateau voguait lentement, se dirigeant de toute évidence vers l’île. Se massant la mâchoire Buck tâcha de conserver son équilibre, glissant sa machette dans on fourreau avant de s’enfiler une énième rasade de bourbon. Il était sur cette île depuis si longtemps. Il avait oublié à quoi cela ressemblait, là-bas. La civilisation. A force de vivre parmi les bêtes, il en était devenu une. Mais il en avait assez de s’en nourrir. Ce yacht lui apportait de nouvelles opportunités. Tout un panel de saveurs et de goûts qu’il était impatient de découvrir…
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Commentaires
cette fic aussi est sympas :p
c'est bien écrit intéressant et imaginatif , mémé si je ne pense pas que Buck soit cannibale :)
Écrit par : tate langdon | mercredi, 03 octobre 2012
en fait je connais pas ce perso julien s'est inspiré des trailers et a imaginé le reste merci pour lui
Écrit par : Greg Armatory | mercredi, 03 octobre 2012
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