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dimanche, 08 février 2009

Confessions d'un Livre Malheureux [Nouvelles/Humour]

Confessions d'un Livre Malheureux

Vous êtes peut-être son dernier espoir....

 


Bonjour, il y a quelqu’un ?

Ah, vous êtes là ! J’espère que je ne vous dérange pas. Oui, c’est idiot. Puisque vous êtes là, c’est que quelque part vous l’avez choisi. Tant mieux, parce que moi aussi, figurez-vous.

Je ne sais pas qui vous êtes, ni de combien de temps vous disposez.

Je ne sais pas non plus si c’est le livre que vous attendiez. Pour ma part, j’ose espérer que vous êtes la personne que j’attendais.

 

Voilà, j’ai besoin de parler à quelqu’un.

Quelqu’un que je ne connais pas.

J’aurais pu m’adresser aux auteurs avec lesquels j’ai collaboré, mais ces idiots pleins d’ego auraient forcément pensé que le texte venait d’eux.

Vous voyez le genre. Dialogue de sourd en perspective et quiproquos à gogo.

Je n’ai vraiment pas besoin de ça et eux non plus d’ailleurs.

Non, là je pense que j’ai fait le bon choix.

Je sais que cette intervention inopinée de ma part peut faire figure d’embuscade, mais je ne voyais pas d’autre solution pour me faire entendre.

Si jamais vous décidez de partir en cours de route, de m’abandonner à mon triste sort, eh bien, je ne vous en voudrais pas. Je le comprendrais même.

Car s’il y a bien une chose que j’ai apprise au cours de toutes ces années d’exercice, c’est bien de me mettre à la place des autres.

Vous pourrez toujours revenir quand le cœur vous en dira. Je ne bougerai pas. Je vous attendrai. C’est ce qu’il y a de bien avec nous, les livres.

N’importe où. N’importe quand. On se retrouve en tête à tête comme s’il ne s’était rien passé entre-temps.

C’est une forme de magie.

Et j’imagine que c’est sans doute cette magie qui m’a permis de supporter ma condition.

Ces petits moments où le contact se renoue naturellement quelque soit ce qui nous a séparé.

On ne se pose pas de questions. On n’éprouve pas de doute, de méfiance.

Les mots reprennent leurs droits. Un point c’est tout.

Nous existons. Vous existez. Et ce n’est sûrement pas pour rien. Ni en vain.

Tout comme ce n’est sûrement pas un hasard si je suis tombé sur vous et si vous êtes tombé sur moi.

 

J’ai porté des tas d’histoires en moi, de tous genres, de tous styles.

 

Des petites.

Des grandes.

Des histoires à dormir debout.

Des histoires drôles.

Des histoires d’un jour, d’un soir.

Des histoires éternelles.

Des histoires avec un grand H.

Des histoires banales.

Certaines ont obtenu ma préférence. J’en ai regretté plusieurs et j’en ai oublié rapidement  d’autres.

On peut dire que j’ai travaillé toute ma vie sous couverture. Littéralement.

 

Aujourd’hui, je suis heureux de pouvoir vous apparaître dans ma plus totale nudité.

Les pages vierges, en quelque sorte.

Car j’ai décidé de ne plus me cacher derrière des histoires qui ne m’appartenaient pas.

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous raconter ma propre histoire.

 

Je pourrais commencer par « Il était une fois » puisque les premières histoires que j’ai abritées ont été des contes de fée.

Ah ! Qu’il est loin le temps de l’innocence, le temps de l’insouciance ! Cette pureté, cette simplicité dans les mots ! Tout cela me manque tellement !

Evidemment ces histoires avaient une nette tendance à se terminer avant que tout ne se gâte. J’en conviens tout à fait. Dans un sens, c’était plutôt plaisant et surtout plein d’espoir. Dans un autre, c’était ni plus, ni moins une manière de se voiler la face.

En tous cas, ce sont de bons souvenirs.

 

Puis vint un temps où j’ai commencé à me couvrir de cases noires et blanches, peut-être par nostalgie de certains échecs. J’ai appris les mots, les chiffres. C’était tellement nouveau, tellement étonnant ! Alors naturellement j’ai joué un peu avec. Je me suis mis à les croiser, à les masquer, à les coder. Plus qu’un jeu, cette gymnastique est vite devenue un vrai sport.

Un sport cérébral.

 

Et puis comme tous les enfants, je me suis lassé de mes jeux. J’ai voulu m’occuper autrement, trouver d’autres divertissements dignes de mon imagination.

Seulement je n’étais absolument plus maître de mon contenu.

J’ai exprimé haut et fort mon envie d’écrire et de vivre mes propres histoires.

En vain. Je n’étais plus libre.

De l’encre noire a coulé sur mes pages immaculées, les souillant, les recouvrant de termes sordides dont le souvenir me fait encore frissonner. Des mains sales m’ont effeuillées.

J’ai reposé dans la poussière d’obscures étagères. Je peux vous assurer que question souffrance j’en connais un rayon.

Et le calvaire n’en finissait pas.

Les mots s’alignaient, mais ce n’était pas les miens.

Des histoires échevelées naissaient de plumes qui me griffaient sans aucune pitié. De tristes mines m’assombrissaient. Ce fut un chapitre terrible de mon histoire. Si j’en suis sorti avec des bleus et des bosses, cela m’a permis aussi de comprendre pas mal de choses sur la vie d’un livre. S’il a des droits, il a aussi des devoirs. Les règles typographiques sont faites depuis longtemps. Je ne pouvais pas tout refaire en un jour. Surtout seul.

 

Par la suite, j’ai donc donné asile à un bon nombre de témoignages, de confessions et d’essais, pas tous réussis, pas tous transformés. Mais je me reconnaissais dans ces doutes, ces interrogations. Je brûlais parfois de les effacer pour pouvoir inscrire mes propres questions, mes propres peurs. Mais j’étais devenu, malgré moi, un livre discipliné. Alors j’ai tu ma révolte et j’ai contenu ma douleur.

Mais difficile de canaliser toute cette émotion qui grondait en moi. Certains débordements ont été inévitables. Je n’ai pas pu empêcher ma pensée de s’inscrire de temps en temps dans celle des autres. Un crime qui m’a valu une bien cruelle condamnation : celle de voir mes pages couvertes de carreaux. Pas des cases ludiques et affables comme celles de ma jeunesse. Non. Ces cases-là étaient froides, dures, humiliantes. Leur sévérité me contraignait tant que je finissais toujours par me retrouver dans la marge où je savais pouvoir retrouver un peu de liberté.

J’étais devenu un livre rebelle. Ma couverture s’ornait désormais d’une étiquette que j’aurais tout le mal du monde à décoller.

 

Heureusement, la page finit par se tourner et la vie se décida à me faire une fleur. Littéralement. C’était une pensée. Tellement belle. Comment l’oublier ? Ses couleurs étaient flamboyantes, son parfum, d’une richesse incroyable. Je ne m’attendais pas à une telle rencontre. Au début, paniqué, je me suis instinctivement fermé. J’avais peur de ce que je ressentais. Peur que mes sentiments me mènent une fois de plus vers les sommets du drame.

Mais elle a su me rassurer. Comment résister à sa douceur ? Je me suis rouvert et je me suis abandonné à l’amour de ce premier marque-page. Pour me marquer, il m’a marqué !

Las. Cette liaison fut de courte durée. J’étais un roman à l’eau de rose à cette époque, nous étions donc en droit d’espérer un peu plus qu’un amour de vacances. Mais c’était sans compter les lois immuables qui régissent le monde de la littérature.

La pensée s’en est allée orner les pages d’un autre livre. Un polar, je crois. En tous cas, un vieux roman de gare. Ma peine a été de courte durée. Si elle m’avait quitté, c’est qu’elle n’était pas digne de figurer dans ma vie. Je l’ai assez vite oubliée. Son parfum, c’est autre chose. Je crois qu’il continue toujours d’imprégner mes pages.

 

J’imagine que tous les livres sont passés par là. On n’en discute pas beaucoup entre nous. C’est un cercle très fermé, vous savez. C’est un peu, chacun pour soi. Il y a un grand esprit de compétition et la rivalité domine.

Pas de place pour la fraternité. La coopération n’est pas trop de mise.

Je ne l’ai jamais vraiment accepté.

 

Vous êtes toujours là ? Merci ! Merci du fond du cœur ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela me fait du bien de me confier de la sorte. Enfin, si, vous devez savoir un peu. Nous ne sommes sûrement pas si différents. Nos vies doivent se rejoindre en bien des points, n’est-ce pas ?

Alors, tout comme moi, vous devez savoir pourquoi les autres livres n’osent pas se confier.

Ils ont peur. Peur d’être jugés. Peur d’être incompris, rejetés.

Etre lu, tout simplement, a fini par leur suffire. Ils se sont résignés. Pourquoi en demander davantage ? Tant de livres existent de par le monde. Etre choisi, manipulé, c’est une forme de reconnaissance que beaucoup ne connaîtront jamais. Etre aimé pour ce que l’on est vraiment, quand on est un livre, c’est peut-être un luxe inutile.

 

Moi-même, j’ai fini par me prendre au jeu. Les mots des autres ont fini par étouffer les miens et je les ai adoptés comme s’ils faisaient partie de moi. Ce qui était vrai d’une certaine façon.

Lutter, c’est éreintant à la longue. La vie ne peut pas toujours être un combat. Sinon, comment l’apprécier ?

 

Cela a été d’autant plus facile de m’éclipser lorsque j’ai été amené à endosser l’empreinte de mes premiers poèmes.

La poésie a fleuri sur mes pages et de ce mariage est né une passion encore plus dévorante pour les mots.




 

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