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samedi, 12 septembre 2015

La Fin [Nouvelles/Drame]

LA FIN

 inspiré par des faits rêvés

 

Je n’arrive plus à me souvenir comment s’est arrivé. Le pourquoi du comment.

Il faut dire que la nature même des évènements me laisse peu de temps pour ça.
Je n’y arrive pas car tout s’est enchaîné je crois en l’espace de quelques jours.
La coupure brutale des télécommunications n’a fait qu’accélérer notre isolement, notre ignorance et par extension notre folie. On s’est alors raccroché à tout ce qu’il restait : les rumeurs, nos espoirs, nos angoisses, ce qui revenait souvent au même. Car quelle que soit notre curiosité, notre crédulité, au final on était pas plus avancé. Les questions continuaient de se bousculer dans notre crâne autant que les habitants dans les rues de la ville.

La peur a monté d’un cran lorsqu’on a compris que sortir de la ville serait compliqué. Des patrouilles aux desseins ambigus circulaient constamment. Des véhicules et des hommes en uniforme ni vraiment tout à fait de la police, ni vraiment tout à fait de l’armée, quelque chose entre les deux. Mais c’est ce quelque chose justement qui avait le don de nous inquiéter.

En dépit de cette peur, moi comme beaucoup d’autres, on a voulu connaître la vérité. Parce que c’est bien connu, rien n’est plus terrifiant que de ne pas savoir.
On a rempli quelques voitures, histoire de se convaincre qu’on pourrait peut-être aller ailleurs, et on est monté à plusieurs pour se donner plus de force. J’ai même ressenti au moment de notre départ une sorte d’ivresse en découvrant une ombre de sourire sur les visages crispés, une ombre de noblesse sur les silhouettes fatiguées. J’ai tenté de m’y accrocher pour que cette sensation ne me quitte pas. Mais la vérité c'est que nous n’étions pas de taille face à ce qui nous attendait. L’ignorance a du bon, au final. Si nous avions su dès le départ, nous aurions sans doute préféré en finir nous-mêmes.

La ville a pris des allures de labyrinthe lorsque nous avons réalisé que les patrouilles étaient partout. Ces blindés noirs ne faisaient parfois que rouler en nous menaçant simplement de leur taille et de leur silence, mais il arrivait qu’ils effectuent des opérations plus précises comme bloquer délibérément des quartiers ou projeter des fumées et des liquides dont on ne se lassait pas de débattre la nature.

A force de circuler, de tourner en rond sans pouvoir trouver une faille dans ce filet, on a fini par se dire que le plus grand danger se trouvait dans la ville elle-même. Nous étions impuissants, enfermés avec ces blindés comme avec des tortionnaires inactifs qui se contenteraient de vous laisser imaginer la pire des tortures. Et l’esprit humain peut vraiment imaginer le pire, j’en suis témoin.

Il est bien arrivé un moment où on a cru pouvoir forcer le passage. Il y avait un espace suffisant entre un blindé et le côté d’une rue pour pouvoir passer. Avec un peu de casse de notre côté, mais c’était faisable. Il se trouve que c’est moi qui tenais le volant. J’ai foncé, encouragé par mes passagers. C’était le moment ou jamais, on avait conscience que la chance ne se reproduirait pas une seconde fois. Alors que j’arrivais à toute vitesse, un homme cagoulé et tout de noir vêtu est apparu sur le toit du blindé en pointant une lance sur nous. J’ai hésité une seconde, puis j’ai serré les dents pour raffermir ma résolution. Un bébé derrière a pleuré. Je crois que c’est ça qui m’a fait renoncer. J’ai croisé le regard de la mère dans le rétroviseur intérieur et j’ai lu sa peur. Qui n’a fait que raviver la mienne. Je me suis arrêté à moins d’un mètre du blindé et j’ai fait demi-tour. Personne ne me l’a reproché. Je crois que c’est ce qui m’a fait le plus mal. Je crois que c’est ce qui m’a fait pleurer.

La voiture nous a lâché quelques heures après. Pourtant après vérifications, tout paraissait en ordre. On avait pas la force de s’éterniser, pas après ce qu’on venait de vivre. On a continué à pied, sans mot dire, tous pliés en deux, chacun portant une part du fardeau de notre échec.

On ne pouvait être plus vulnérable et le destin a voulu qu’elle arrive précisément à ce moment. Elle est arrivée sans crier gare, face à nous, ce qui a fait qu’on a pu en un regard en mesurer toute la monstruosité. Elle a fait fi de la hauteur et de l’épaisseur des immeubles qui auraient pu constituer un rempart entre elle et nous. Elle les a avalé purement et simplement. Mais ce qui a été le plus terrifiant ce n'est ni sa taille, ni sa force, mais le silence avec lequel elle se déplaçait. On a même pas pensé à fuir. C’était trop énorme, trop rapide, trop inéluctable.

C’était LA FIN.

 

J'ai été réveillé conjointement par les cris des enfants de ma voisine et la perceuse de l'étage au-dessus. Pour la première fois de ma vie, j'ai souri en les entendant.

 

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